vendredi 2 octobre 2015

Le vétéran


Juste là à coté, hors champ Joe Balducci , assis sur un banc, frotte nerveusement son ongle contre le bois de l’accoudoir. Joe a vingt neuf ans, il est né à Chicago. Depuis son retour d’Irak, il ne tient pas en place. Il est d’abord descendu à Atlanta, voir son grand père. Ils ont toujours eu de longues conversations. On s’assoit sous le porche et on parle , de tout et de rien. Ce n’est pas comme avec son père, mutique et bagarreur. Le grand père lui a donné l’adresse de cousins à Rome. Joe est reparti. Il s’est  arrêté à Paris. Il a été au Moulin Rouge. C’est Bill qui lui en avait parlé, Bill est le premier de sa section qui est tombé. Ensuite, Rome. Il est là depuis une semaine.
Ce matin, l’oncle Ernesto l’a emmené visiter les ruines d’Ostie. Le ciel était gris. A midi Ernesto l’a laissé pour aller travailler, il est gardien à Cineccità. Joe a poussé jusqu’a la plage du Lido. Et maintenant il est là, sur ce banc, dans ce petit parc d’attraction à une centaine de mètres de la plage. Le parc est désert, les enfants sont à l’école. Le ciel est de plus en plus chargé. 
Avant qu’il ne parte, son grand père lui a raconté son premier voyage, lorsque, âgé de quatre ans , maintenant il en a quatre vingt douze et reste vif, il tenait la main de son père à l’ombre de l’immense cheminée rouge du paquebot qui les conduisait en Amérique. La cheminée crachait une fumée noire. 
Sous l’ongle de Joe, le bois se creuse de plus en plus. Joe repense au vieillard et à ses voyages. Il se dit que lui, Joe, il va repartir. Vers le sud, toujours plus au sud…

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