lundi 26 octobre 2015


L'infirme


Il est monté jusqu’ici d’un pas vif. L’air est frais, la lumière sur Notre Dame de Lagarde est de bon augure. Il est en avance à son rendez vous. Il est toujours en avance, il aime attendre. L’attente lui dévoile parfois quelques trésors. Aujourd’hui, sur les hauteurs de Marseille, il se remémore ce vieil homme infirme rencontré jadis.
Il avait dix sept ans. C’était au bord de l’océan. Déjà, il attendait, souvent, assis au même endroit sur la jetée. Il attendait les vagues, une fille, quelqu’un, la lune. Il n’osait pas aller au devant des autres, alors il attendait que les autres viennent à lui. C’était en été, pieds nus et vêtu d’un long imperméable blanc, il ne pouvait passer inaperçu. Un jour, il s’est approché, le vieil homme sur sa chaise roulante, poussé par un jeune anglais accompagné d’un yorkshire.
Ils ont fait connaissance. Au début il se contentait de répondre par oui où par non, il laissait parler le vieillard, Il l’écoutait, le regardait, curieux. L’anglais veillait.
Pendant un mois, chaque soir, ils se retrouvèrent au même endroit. L’homme lui parlait de la nature humaine, des corps, des relations, du sexe, de la parole, de l’art. Lui  écoutait et de plus en plus se confiait.
Il lui semblait qu’au fil de leurs conversations s’ouvrait un monde nouveau. Il grandissait.
Une après midi, sortant de l’eau après une magnifique session de surf,  il était et reste un surfeur passionné, il se trouva nez à nez avec le vieil homme qui l’observait depuis déjà un long moment, tout en caressant le petit chien. Il ne put s’empêcher  de lui demander ce que celui ci retirait de leurs longs entretiens.
Alors le vieil homme sourit, le désigna de sa main déformée, lui, son corps ruisselant dans la lumière, et dit: ça.

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