dimanche 22 novembre 2015


 L'Andalou



C’est un hangar sur le port d’Amsterdam. Derrière la porte,  sur les murs des taches de couleurs, sur le sol des tubes d’acrylique écrasés, des châssis sans toiles, une chaise sans paille et un vieux parapluie de berger, un grand parapluie de toile bleue, délavée. Des toiles aussi, représentant des paysages urbains envahis par la végétation, ou, sur de petits formats, des détails d’habits de lumières. Et debout devant son chevalet, Manolo, l’andalou.
Il était banderillero. Un jour il s’est fait prendre par un taureau, un Miura à la robe brune. Grièvement blessé, il s’était juré de retourner dans l’arène. Quelques mois plus tard, hué par deux mille personnes, il fuyait  devant un autre Miura avant même d’avoir pu planter ses banderilles . Alors il est parti, loin, au nord, avec juste une valise et le parapluie de son père. Il ne pouvait croiser ses compatriotes sans appréhension. Il cherchait des emplois solitaires, de nuit, loin de la terre et des bêtes. A Paris, il a fait le ménage dans une tour de la Défense, seul, le soir dans ces dédales de bureaux déserts. Il vidait les corbeilles sans penser à rien. A Hambourg, il a été vigile sur les docks. C’était plus difficile, ils était deux. Il fallait parler un peu pendant les pauses entre les rondes.  Heureusement, son collègue était un polonais peu bavard. Un soir, ils ont surpris un jeune homme qui taguait les murs et les conteneurs aux pieds des grues. Le jeune homme peignait d’immenses coquelicots rouges vif. C’était si beau qu’ils l’ont laissé faire. Le lendemain, ils ont été virés.
Depuis ce jour Manolo peint et dessine, chaque jour. Au début c’était d’étranges visages, au feutre noir. Puis sont venues les couleurs, au pastel puis à l’acrylique. Des couleurs ternes, des murs, des autos, des visages pâles, des rues désertes. Et les rues ont commencé à se peupler, les couleurs à s’aviver.
Manolo à repris sa route. Il a trouvé un poste de gardien de nuit dans un parking à Amsterdam  et surtout cet atelier dans un hangar, sur les anciens docks.
Et Manolo est là, debout devant son chevalet, cambré, les jambes légèrement écartées. le geste suspendu, le pinceau dans sa main droite visant la toile.
Il sourit. Les couleurs  explosent sur la toile…

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