mercredi 5 juillet 2017


Les Personnes d'Expérience 8

Fleurs et herbes d’une saison, olivier centenaire, ainsi se clôt cette série de portraits de résidents de l’EPHAD Marcelle Devaux. Aujourd’hui, l’Algérie et la Bretagne avec Andrée et Mauricette.
Chaque fois que nous venions, la séance terminée, Andrée s’empressait d’aller préparer les tables pour le diner. Il ne fallait surtout pas l’aider, c’était  sa  responsabilité, une tâche qui contribuait à la tenir debout. Mauricette qui était en fauteuil roulant attendait qu’on veuille bien l’emmener. Parfois les aides soignantes débordées tardaient et Mauricette se retrouvait seule en ma compagnie tandis que je rangeais mes cahiers. Cela faisait durer un peu plus le moment. Michel nous quittait après nous avoir chaleureusement serré la main le regard brillant. Annick était partie avant la fin de la séance, c’était son habitude, partir discrètement comme si elle avait un rendez vous important. René s’en allait à la recherche de sa femme, durant le dernier quart d’heure, son attention se relâchait, seule sa femme le préoccupait. Josiane et Jacqueline  sortaient fumer une cigarette. Solange avant de se lever demandait si on avait bien pensé à prendre sa chemise de nuit. Josette accompagnait Solange tout en soliloquant et Denyse s’en allait à petits pas, le sourire aux lèvres.


(11avril, Tivoli, Italie)

- Il y a Andrée, bien droite dans ses bottes, Andrée née à Alger, rue Amam, dans Bab el Oued. Andrée élevée chez les soeurs à cornette. Andrée qui aimait un père qu’elle ne connaissait pas. Andrée qui s’est mariée en tailleur avec un chapeau noir et une voilette au consulat. Lui, c’était un bel homme,  gérant de café. Un jour qu’elle était de repos, il a offert sa tournée, ils se sont mariés. Andrée qui ne gaspille pas ses mots, comme l’eau dans les pays chauds. Andrée qui aime les gâteaux au miel  et le soleil. Andrée qui est fière de son fils qui travaille à Casino. Andrée qui, à Dijon avait deux caniches et dix perruches dans sa maison pour ne pas oublier l’Algérie.

- Il y a Mauricette, Mauricette la bretonne ronde et joyeuse. Mauricette qui se souvient avec gourmandise. Qui se souvient de sa grand mère qui nouait les gerbes de blé, qui se souvient de son grand père qui la faisait sauter sur ses genoux en chantant une comptine bretonne ( oni gausse gausse gausse oni gausse), qui se souvient des chevaux dans les champs, des tranchées que l’on creusait pour s’asseoir devant les nappes posées à même le sol lors des grandes fêtes, des cimetières où les trois quart des tombes portaient le même nom, Mauricette qui se souvient des lutins dans les champs à trois coins, de la rivière de Kergroas et du canal de Nantes à Brest, Mauricette qui se souvient avec appétit, pour continuer, encore.

(23 mai 2014, Argelès-sur-Mer, Pyrénées orientales)

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