vendredi 20 octobre 2017



Un Parfum


Ils avaient bu et dansé toute la nuit, puis s’étaient endormis à même le plancher, filles et garçons mêlés les uns contre les autres sous les couvertures. Ils avaient à peine dix huit ans, et ce printemps là tout était permis. Ils s’enivraient d’alcool, de marijuana, et des riffs de guitare de Jimi Hendrix. André et son ami Jean s’étaient effondrés tout habillés aux cotés d’une fille au parfum langoureux. Au petit matin, elle les avait caressés, tous les deux, en même temps. André avait joui très vite, la fille n’avait rien dit, elle avait ri, puis s’en était allée, laissant un foulard  de soie bleue imprégné de son parfum.
André avait gardé le carré de tissu jusqu’à ce que les fragrances disparaissent.
André a vieilli.  Il s’isole de plus en plus, l’hypocrisie, le cynisme et le puritanisme galopant ne sont pas à son goût. Ce matin il flâne dans le potager du roi, à Versailles, quand le parfum d’une jeune japonaise, à quelques pas de lui, le saisit. C’est ce parfum. Il se souvient de la ville, c’était à Aulnay-sous-Bois, il se souvient du retour en métro, le pantalon humide et taché, il se souvient du foulard, la couleur, les dessins, il se souvient de la silhouette de la fille, plutôt grande et forte, de son rire, mais ni de son nom, ni de son visage. Il se souvient de la fulgurance de sa jouissance ce matin là.
André sourit, la jeune femme le salut et lui demande s’il peut la prendre en photo devant le parterre fleuri. Elle lui montre comment actionner l’appareil, elle est très près. André ému photographie la jeune touriste en tremblant. Quand il rend l’appareil à la jeune fille, c’est lui qui la remercie mille fois. Il se souviendra de son visage.

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