Noël
(Travaillan, Vaucluse, 28 décembre)
La dernière fois que Basile a regardé par la fenêtre, c’était il y a trois jours. Martine, l’aide à domicile, venait de partir en congé pour les fêtes. Il faisait beau. La lumière ourlait de blanc le bois des vignes, les cyprès se tenaient droit, les nuages s’attardaient. Sur les lignes à haute tension, les balises brillaient.
Basile tourne le dos à la fenêtre, il regarde sa vieille épouse affalée sur le canapé devant la télé. Dans la pièce sombre aucune guirlande, pas de sapin, rien; un feu dans la cheminée, le canapé et la télé, éteinte.
Il remet une bûche dans le feu, il s’assoit aux côtés de Blanche.
Sur le vieux buffet il y a quelques santons sur du papier de soie, un Jésus sans tête, le bétail et les rois mages couchés dans une boite de carton. Depuis une semaine, plusieurs fois par jour Blanche range la crèche pour la réinstaller quelques instants plus tard. Elle ne sait plus trop où elle en est, qui va venir, s’il faut préparer quelque chose. Basile a renoncé à lui répéter que personne ne viendra, que Noël était hier, qu’on est en 2017, bientôt en 2018 et que le frigo est plein des plats préparés par Martine. Il a renoncé à tant d’autres choses.
Basile prend la main de Blanche. Elle chantonne, des chants de Noël. C’est tout ce qui surnage dans sa mémoire recouverte par les sables, des chants, toutes sortes de chants.
Basile ferme les yeux en se demandant jusqu’à quand il aura la force de regarder vieillir sa Blanche.