Un tableau pour rentrer dedans à vingt et une heures
( Sur L’A 20 entre Cahors et Montauban, entre Lot et Tarn-et-Garonne, 17h)
Tailler la route à nouveau
mes personnages dans les poches
sept mois que j’ai pas chanté
à neuf ça ferait un bébé
j’ai passé l’aire de la Combe du Tréboulou
je file vers le Bois de Dourre
y a un gars tout seul dans un champ à côté de sa caisse portières ouvertes
je le mets dans la poche
le gars qui attend en lousdé pour une affaire pas très nette
un trafic de faux tableaux
c’est un as du pinceau qui te fait basculer le paysage
si t’as le cafard quand on t’a dit que t’avais pas le droit
je file au sud du sud avant la nuit
raconter mes histoires à Mazères et à Pau
là-bas y a pas de couvre-feu
voilà un mot moche, un mot sale
qui débarque en plein spectacle
un mot au parfum d’ornières sanglantes
j’aurais préféré couvre-chef ou couvre-lit
mais c’est pas toi qui choisit
c’est pas une raison pour faire tout ce qu’on te dit
je file sur l’A 20 pour raconter à Mazères
l’histoire d’Abel, de Jacqueline, de Jack, d’Angèle et des autres
je penserai à Sylvie qu’a son grand-père qu’a fait la guerre en Espagne
son grand-père qui vient du même village que Bartoli
je penserai à Sylvie qui a les pinceaux qui chantent quand elle peut pas marcher
à Sylvie qui fait des tableaux pour tenir debout
je penserai à Sylvie quand je raconterai Francisco
le vieux républicain qui en a trop vu
alors y aura Bartoli, y aura Sylvie, y aura le gars tout seul dans son champ
ils nous feront un tableau plein de couleurs
pour rentrer dedans à vingt et une heures.