Amazonia
(Exposition Amazonia, Sebastião Salgado, Philharmonie de paris, 14h 20)
S’en aller dans la photo sous le regard du gardien.
Je me souviens avoir participé à un travail avec le réalisateur Raoul Ruiz et le metteur en scène André Engel (Salut en passant à Arnaud qui était de la partie et qui fait souvent des photos dans les expositions) au cours duquel nous les acteurs en chair et en os nous nous enfuyions dans le film auquel nous assistions. Nous passions sous l’écran tandis que notre image filmée apparaissait.
Je voudrais m’en aller dans chacune des photos de cette remarquable exposition.
Certaines images de la forêt sous la pluie sont si saisissantes qu’on en ouvrirait son parapluie.
Les ciels sont d’une intensité rare.
C’est notre première exposition visitée depuis bien longtemps. Une ode à l’Amazonie et à ceux qui y vivent.
Les photos, de très grand format, sont en suspension créant d’étonnantes perspectives.
Une composition de Jean-Michel Jarre incluant des sons de la forêt et des voix indiennes accentue la sensation d’immersion.
À celui qui a été marqué au cœur par la jungle amazonienne, il ne manque que l’entêtant parfum de la forêt, cette moiteur qui saisit dès la descente d’avion.
Le noir et blanc des photos de Salgado sied si bien aux mystères de la jungle tropicale.
Et puis il y eut cette jeune femme qui allait lentement d’une image à l’autre poussant un landau dans lequel un bébé de trois ou quatre mois attentif au moindre son écarquillait grand ses yeux.
J’écoutais, je regardais l’enfant, puis les images et sans cesse revenait au regard de l’enfant, un regard qui dit l’intense désir de comprendre.
Et ce visage résonnait avec ceux des Suruwhá, des Asháninka, des Yawanawhá, des Yanomani, des Korubo, des Zo’é, des Marubo, des Macuxi, ces peuples que le photographe a côtoyés, à qui il dédie ce travail, les gardiens de la forêt qui l’ont accueilli.
Le visage de cet enfant, son attention, me bouleversait autant que les photos. Il me disait à quel point nous devions nous défaire de ce qui nous encombre afin de nous unir d’un bout à l’autre du monde pour préserver l’essentiel.