jeudi 30 septembre 2021


Sur la Semois


(Vers la Roche Brulée, Azy, Belgique, 26 septembre, 12h 25)


Premiers reflets d’automne

aux arbres qui se penchent

et caressent le temps qui passe 




mercredi 29 septembre 2021


Une obsession

(Azy, Belgique, 26 septembre, 11h)

Bernadette avait trouvé l’homme, un éleveur de chiens, aux mains grandes comme deux fois les siennes, au regard doux comme l’eau de la fontaine Mathilde.

Bernadette n’envisageait pas une vie sans enfant.

Sentir s’arrondir son ventre devenait une obsession. 

Son homme n’était pas avare de caresses, leurs étreintes étaient sans fin, et pourtant leur union restait stérile.

Bernadette allait chaque jour demander assistance à la vierge sous l’arbre. 

Elle eut un jour une terrifiante vision. Elle vit l’arbre accoucher d’un gars énorme, aux yeux grands comme deux fois les siens, aux mains grandes comme quatre fois les siennes, deux fois celles de son homme, à la peau rugueuse comme l’écorce. Elle vit les eaux emporter la vierge, les fleurs et autres offrandes, elle vit apparaitre un crâne comme un globe terrestre, elle vit se dilater la niche au pied de l’arbre, elle entendit craquer le bois, elle vit trembler les branches, elle vit un géant maladroit se dresser sur l’humus, elle entendit un cri tel le brame d’un grand cerf, elle vit les pieds du nouveau né, d’une taille inconcevable, elle vit l’enfant s’en aller droit devant écrasant tout sur son passage, sans même un regard pour l’arbre qui l’avait mis au monde.

De retour chez elle, elle resta muette plusieurs jours, refusant les avances de son homme.

Celui-ci respectait son silence. Il posait parfois ses grandes mains sur son épaule, sur sa tête, ou sur son ventre et ne bougeait plus. Il pouvait rester des heures ainsi immobile.

La chaleur de ses mains ranimèrent le regard et la parole de Bernadette, puis quelques semaines plus tard, le désir réapparut.

Un désir de plus en plus fou, libéré de toute obsession… 

mardi 28 septembre 2021


Cela dépendra de notre regard

(Puteaux, Hauts-de-Seine, 10h 30)

Sur la ligne L, SNCF, vers Paris Saint-Lazare.

Je sors du bois, sans mode d’emploi.

Il n’y a que des yeux, des yeux, des sons et des couleurs.

Attention à la marche en descendant du train.


Au salon de l’estampe, Place Saint-Sulpice.

Un livre, gravure et poésie, de Catherine Pomper.


Fusion


" Je suis cet arbre de biais

           l’air au dessus du pré

  Je suis la cime de ces futaies

           là-bas ces reflets bleutés

              de ce monde

                                      absente

                inversée    ardente

  je suis cet arbre de biais "


De l’arbre au cœur, du cœur à l’arbre

le vent, le ciel, l’espace, libre,

la place du corps et de l’émotion.

Le livre s’appelle Si près du monde.


Fraternité des arbres et des mots.


Je sors du bois.

Il n’y a pas des mondes, il y a un monde.

À l’instant où je vois cet homme, masqué et casqué,

son œil,

c’est une fête.

J’ai alors l’intime conviction que tout peut cohabiter.

Cela dépendra de notre regard. 

lundi 27 septembre 2021


Danser ou écrire 

(Vers la Roche brulée, Azy, Belgique, 26 septembre, 11h 40)

Danser ou écrire

j’hésite

comme un arbre

dimanche 26 septembre 2021


Miniatures éphémères


(Forêt de Rambouillet, Yvelines, 8 septembre, 16h)

Écharde 

samedi 25 septembre 2021


Pigeon vole

(Chassepierre, Belgique, 18h 05)

Cygne vole, bourdon vole, ballon vole, samare vole, canard vole, armoire vole….

Il était imbattable à ce jeu, pigeon vole, aussi l’avait-on surnommé Pigeon vole.

Et son Annette qu’il avait connue à l’école, qu’à tant jouer avec elle il avait épousée dès qu’ils en eurent l’âge, son Annette s’en est allée avant lui.

Et chaque soir, après avoir arrosé les fleurs, il referme la grille du cimetière, fait une dernière révérence, murmurant, Annette vole… 

vendredi 24 septembre 2021


Grandir, puis vieillir...

(Cirque de Gavarnie, Hautes-Pyrénées, 12 mai 2012, 14h 05)

Cheminer vers les hauteurs.

Un enfant te tient par la main.

Peut-être est-ce toi qui le tiens par la main.

Cet enfant, il a tes yeux, plus ouverts. 

Il a tous ses cheveux, en bataille.

Cet enfant, c’est toi, tout simplement.

Quand il te tire par le bras

pour aller voir, avec son regard d’enfant,

tu te laisses faire, tu le suis.

Quand tu le tires par le bras

pour aller voir, avec ton regard d’adulte,

il se laisse faire, il te suis.

Est-ce cela grandir, puis vieillir, 

cheminer ainsi vers les hauteurs? 

jeudi 23 septembre 2021


Haïku de routier

(Sur la N 10,entre Bonneval et Bois de Feugères, Eure-et-Loir, 18h 20)

Au bord de la route

En train de pisser

surpris par mon ombre 

mercredi 22 septembre 2021

Abandon de poste

(Hendaye, 17 septembre, 20h 40)

Rouler nuit et jour. Les dimanches sur les aires d’autoroute. Télés, cafetières, machines à laver

il ne sait plus ce qu’il transporte. Il a fait un détour pour voir la mer. Un urgent besoin de quitter le tracé. Le trente huit tonnes est bloqué dans une rue étroite qui va vers la plage. Abandon de poste, il court vers la mer. Le camion reste là, warnings allumés. Derrière on s’impatiente, on klaxonne. Lui est déjà loin, au bout de la plage, les pieds dans l’eau. Il regarde le ciel. Des traces de pneus, dans le ciel. Freinage brutal. C’est ici que je vais vivre, la route s’arrête là. Changer de nom, disparaître, les pieds dans l’eau. Plus de nouvelles, personne ne sait ce qu’il est devenu. Son patron a envoyé un autre chauffeur pour rapatrier le poids lourd. Il a fallu deux jours pour le dégager. Impossible d’avancer ni de reculer. On l’a vidé. On a fait venir un hélicoptère pour les lourdes charges. La photo du véhicule dans les airs a fait la une du Sud-Ouest. 

J’ai croisé le chauffeur au bout de la plage. Barbu, cheveux décolorés par le sel, peau tannée. Il avait une vieille planche de surf, une Barland rouge et blanche rafistolée de partout. C’est lui qui m’a raconté son histoire. Ricardo Lopez, c’est son nom maintenant. Je me suis souvenu du camion abandonné , de la rue bloquée. De la photo dans le journal qui circulait entre toutes les mains au Bar de la plage. On en en a parlé pendant des semaines. Il y avait ceux qui avait vu, ceux  qui avait lu, et ceux à qui on avait dit.

C’est là, au Bar de la plage qu’il vient chaque matin boire son café. Personne d’autre que moi ne sait qui il était.

Quand on reparle du camion, des années après, il éclate de rire. 

 

mardi 21 septembre 2021


Les géants du dessous

(Au pied du Jaiskibel entre Fontarrabie et Pasajes,  Espagne, 25 août, 8h 55)

C’est une crique à histoires, une crique au pied du Jaiskibel, un chaos de rochers, l’océan qui cogne par gros temps. Tout au fond une bambouseraie et un ruisseau qui coule sur un lit de sable surplombé de roches sombres. L’océan pour les histoires de guerre et de tumulte, pour la course au large, le mystère des abysses, les naufrages, les sirènes et les poulpes géants, le capitaine Némo et L’Île mystérieuse, les grandes traversées et les nouveaux rivages. Le ruisseau pour les histoires d’amour, le chant des mères, le sommeil des enfants, pour la patience, pour les histoires de ceux qui attendent, pour les souvenirs, pour les naissances, pour les histoires de paix et les amitiés improbables.

C’est un jour de beau temps, de mer calme, une mer qui murmure aux oreilles des pierres, à peine un léger clapot. Arthur et le Vieux sont partis aux aurores avant que le soleil ne soit trop fort, ils sont partis sur le sentier des douaniers, celui qui longe l’océan, qui monte et descend d’une crique à l’autre.

Le Vieux avait dit à Arthur, demain je te conduis au ruisseau qui parle de tes arrières et arrières arrières grand parents, il faudra se lever tôt. À six heures Arthur, habillé et chaussé, attendait à la porte de la chambre du Vieux que celui-ci se réveille.

Un rapide petit déjeuner, flocons d’avoine et café au lait, Arthur n’aimait pas trop les flocons d’avoine mais quand il était avec le Vieux, il faisait tout comme lui, sauf pour le vin rouge,  donc flocons d’avoine et café au lait et les voilà partis sur le sentier, Arthur avec son petit sac sur le dos et son bâton taillé par le Vieux, et le Vieux avec sa besace et son makila.

Il fait encore frais quand ils arrivent à la crique aux histoires, le soleil n’est pas encore passé au dessus de la montagne. Ils sont tous les deux fatigués, mais il ne faut pas le montrer, le Vieux trop orgueilleux pour ne pas dissimuler son essoufflement, et Arthur prêt à tout pour marcher comme un grand.

Au fond de la crique,  ils ôtent leurs chaussures et plongent leurs pieds dans le ruisseau. L’eau  est fraiche et douce, elle fait de minuscules vagues parfaitement lisses sur leurs chevilles.

-Ce sont les mains de ceux qui reposent ici qui font connaissance, leur caresse leur dit qui tu es. 

-Ben, c’est pas compliqué, je suis Arthur, c’est tout!

-Oui, mais tu es fait de beaucoup de choses, de ces bambous d’Asie qui frissonnent dans le vent

par exemple.

-Ça va pas pas la tête, je ne suis pas en bambou, je suis un petit gars, un vrai de vrai et je m’appelle Arthur.

Arthur est vexé, il voit bien que quelque chose lui échappe, il ne comprend pas toujours le Vieux.

Il remet ses chaussures et s’en va tout au bout des rochers, jusqu’à la mer.

En se retournant pour voir si le Vieux le suit, il aperçoit un visage sculpté sur une pierre par l’érosion.

-Hé, le Vieux, ça, c’est la tête de mon arrière grand-père ou de mon arrière arrière grand-père?

-Oh, Arthur, bien plus ancien vois tu. Sous tes pieds, au centre de la terre, il y a des géants qui dorment, des géants de pierre, ils dorment depuis des siècles et des siècles, pour des siècles et des siècles. Quand ils bougent un peu dans leur sommeil, la terre tremble. Si jamais ils se retournent alors…. C’est ce qui est arrivé ici il y a 40 millions d’années. Ils dormaient profondément, emboités les uns dans les autres. L’un d’eux à fait un cauchemar, un petit homme ridicule forait la terre avec une machine bizarre à la recherche de je ne sais quoi. Un long, un interminable tube de métal venait d’en haut  en vrillant et crissant. Le géant s’est réveillé, il s’est  retourné en sursaut, bousculant les autres, soulevant la terre, éjectant les plus faibles qui se sont figés dans la lumière du jour. Ainsi est née la montagne. Ce visage est sans doute celui d’un géant du dessous.

-Ah bon, un géant du dessous…

Sur le chemin du retour, à la moindre occasion Arthur frappe le sol avec ses pieds, avec son bâton, il frappe, il frappe, rien ne se passe. 

-Un géant du dessous, tu parles!


 

lundi 20 septembre 2021


Couleurs du grain 

(Hendaye, 18h 25)

Couleurs du grain

jade

encre de chine

noire et bleue sur vélin

Pourquoi dit-on mauvais temps?

dimanche 19 septembre 2021


Miniatures éphémères

(Arboretum de Chèvreloup, Rocquencourt, Yvelines, 1er avril, 15h 35)

Le dernier 

samedi 18 septembre 2021


Au  bout de la plage

(Hendaye, 19h 35)

Au bout de la plage les ganivelles protègent la végétation du piétinement.

Au couchant elles prennent la lumière et dessinent des lignes de fuite vers la mer.

Après le bout de la plage, il y a la Bidassoa, puis l’Espagne. Trois cents mètres entre la France et l’Espagne.

Au dessus du bout de la plage, il y a le couloir de migration qui traverse la France du nord-est au 

sud-ouest.

Une vingtaine d’oies sauvages viennent de passer. Un V parfait. Elles descendent vers le sud.

Certaines vont jusqu’en Afrique du nord. Elles ignorent les frontières. 

Autrefois il y avait des chasseurs au bout de la plage.

De l’autre côté de la frontière, des hommes, des femmes, des enfants attendent leur moment pour passer clandestinement. Beaucoup de jeunes hommes, ils viennent d’Afrique pour la plupart. Ils viennent de loin. Ils vont vers le nord. Les contrôles ont été renforcés. 

Ils sont aussi de plus en plus nombreux à aider les exilés.

Au bout de la plage il y a l’épave d’une barque échouée.  Ce qu’il reste de peinture est bleu.

Au bout de la plage il y a des amoureux qui viennent la nuit, loin des lumières électriques.

Au bout de la plage le sable est fin, et froid le soir à la fin de l’été. 

Des mouettes se posent sur le sable, des moineaux se posent sur les ganivelles. Sur les herbes des milliers d’escargots des dunes attendent leur heure pour sortir de leur coquille. 

À marée basse, l’océan se fait plus sourd. 

vendredi 17 septembre 2021


L'effet que ça fait

(Hendaye, 20h 10)

Aux derniers jours de l’été, le ciel ébouriffé

L’effet que ça fait

quand elle passe sa main dans mes cheveux trop bien coiffés 

jeudi 16 septembre 2021


Écume de mer

(Hendaye, 19h 25)

Écume de mer

Je ne comprenais pas d’où venait cette écume dont on fait les pipes.

Pipes à tête de diable, de pirate ou de gitan, pipe de voyageur.

Quelle écume pouvait on saisir et sculpter, si ce n’est dans les rêves d’un surfeur?

Un vieil homme me l’a dit, elle vient des plaines d’Eskisehir en Turquie, entre Istanbul et Ankara.

On creuse des puits pour aller la chercher sous terre, dans les alluvions.

Elle donne au tabac le goût de la mer, des nuages, des hautes plaines, et des histoires anciennes.

L’homme était assis sur le muret, là où je me tiens les jours sans vagues.

J’avais dix huit ans, je sortais de l’eau, il me regardait en tirant sur sa pipe.

Aucune tête sculptée, le fourneau était lisse, blanc avec quelques éclats.

Il me l’a donnée. Quand tu ne pourra plus surfer, quand tes articulations rouillées ne te permettront plus de te dresser sur ta planche, où que tu sois, tu en apprécieras le goût, m’a-t-il dit, tu vieilliras en paix.

Ce soir j’ai des courbatures et une terrible envie de fumer. 

mercredi 15 septembre 2021


Chien jaune

(Hendaye, 19h 44)

J’avais des histoires dans un sac

un chien jaune l’a volé

il a couru dans les flaques

le sac éclaboussé les histoires mouillées

le chien a aboyé la pluie est tombée

et le sac dans les flaques

les histoires sur l’eau bateaux papiers

il était une fois un homme dans un trou

une pierre qui tombe une femme qui pleure

un oiseau qui plonge un chat qui attend

une croix en haut de la montagne

des pas sur le sable un ballon qui roule

un homme qui boite une chemise ouverte

un chien qui vole une toupie qui tourne

un tiroir plein de toupies des toupies qui ne tournent plus

des toupies qui attendent un enfant qui ouvre le tiroir

un enfant qui a le fou rire un cercueil ouvert 

un chien qui sort de la toupie qui tourne

un chien jaune un sac dans la gueule

un cheval qui sort de la toupie qui tourne

un cheval blanc monté par un spahi

la poussière qui s’élève la poussière qui devient nuage

la poussière qui devient chien jaune avec un sac dans la gueule

le chien qui regarde le chien nuage

le chien qui aboie le ciel qui tonne la pluie qui tombe

encore

le spahi qui tombe le sac ouvert les histoires trempées

l’encre dissoute la pluie qui chante la nuit

 


(19h 45)


mardi 14 septembre 2021


L'homme qui danse

(Hendaye, 20h 20)

Demain, il y aura des vagues… 

lundi 13 septembre 2021


Les mères


(Pisaure admirable, Pisaura mirabilis, sur Fraisier des Indes, Duchesnea indica, Vaucresson, 5 juin, 17h 45)


Dans le silence du jardin,

il y a l’admirable Pisaure qui court sur les feuilles sans lâcher son cocon.

Ce cocon parfaitement rond, qui contient ses œufs, qu’elle déposera peu avant l‘éclosion dans une toile en forme de dôme tissée dans un écrin de verdure.

Il y a la fausse fraise des bois, la fraise d’Inde,  tout aussi désirable mais légèrement toxique.

Il y a Mathilde assise sous la glycine qui donne le sein à son fils. Il a huit mois, les joues rouges et porte tout à sa bouche.

Il y  a un père qui regarde sa fille Mathilde, sa compagne Sophie, sa mère Jacqueline, l’araignée Pisaura, les fraises Duchesnea, et qui se dit combien les mères sont admirables.



dimanche 12 septembre 2021


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 7 septembre, 16h 50)

Plein soleil 

samedi 11 septembre 2021


Musicien

(Villers-devant-Orval, 29 juillet, 17h 45)

Do, do dièse, deux  coups frappés l’un après l’autre sur la citerne. 

Jules recommence, do, do dièse, encore, la résonance dans la citerne vide ajoute un demi ton au deuxième coup.

Do, do dièse, encore une fois, la citerne est bien vide. Le bétail va manquer d’eau. Il faut prévenir le père. Le père n’en peux plus de cette eau qu’il faut aller chercher là où il y en a encore, il va gueuler, encore. 

L’eau ne vient plus jusque chez eux, c’est comme ça, c’est venu petit à petit. Les pierres sont sèches et ternes dans le ruisseau, pas même un reflet. Il faut aller chercher l’eau, avec le tracteur, de plus en plus loin. Et le père crie de plus en plus fort.

Un jour un homme est venu chanter à la source tarie. On le disait sorcier, on disait de sa voix qu’elle pouvait faire rejaillir les sources, qu’elle pouvait ranimer la fécondité des femmes et hommes stériles, qu’elle pouvait réveiller les mémoires éteintes.

On l’a bien payé, ça n’a pas marché. L’homme avait pourtant prévenu, il faut écouter et croire. Seul Jules avait cru, confiant, envouté par le chant. Les autres non. Ça n’a pas marché, l’homme a du fuir.  C’est lui qui avait enseigné les notes à Jules. Quand la citerne est vide, c’est un do.

Jules tape encore et encore, do do dièse silence do do dièse silence do do dièse silence…. 

Jules retarde le moment où il faudra parler au père, do do dièse…. C’est cela qu’il veut faire quand il sera grand, musicien, pas paysan….

vendredi 10 septembre 2021


Punaise

(Vaucresson, 17h 10)

Punaise diabolique sur gousse de glycine hautement toxique

la nature est si belle… 

jeudi 9 septembre 2021


Au pied l'arbre

(Forêt de Rambouillet, 8 septembre, 17h 55)

Pierres, pommes de pin, écorce, brindilles, tentative d’ordonnancement, naïf dessin, ici quelqu’un a passé du temps.

Peut-être y a-t-il une histoire dans l’alignement maladroit des pierres, peut-être y a-t-il un animal enterré dans le sable sous l’écorce, peut-être y a-t-il là un vœux écrit de ce qui parsème le chemin, peut-être est-ce un repère pour être sûr de ne pas se perdre, ou peut-être un enfant a-t-il fait du land art comme dans les livres des grands tandis que ses parents attendaient, soit admiratifs, soit terriblement impatients, peut-être est-ce une déclaration d’amour, un message codé, une offrande à une divinité sylvestre, peut-être est-ce un calendrier ou bien quelqu’un n’avait-il rien d’autre à faire que passer du temps, ramasser ce qui peut se ramasser, ce qui peut se collectionner, peut-être est-ce tout cela à la fois, un rêve, un désir, un poème, un costume, une ville, une carte, une généalogie?

Ici quelqu’un a passé du temps, a laissé un peu de lui au pied d’un arbre qui va chercher haut la lumière.

mercredi 8 septembre 2021


En forêt


(Forêt de Rambouillet, Yvelines, 15h 35)


(17h 05)

(16h 30)

Je reviens sur les sentiers parcourus cet hiver. Les fougères et genêts sont à hauteur d’homme, il faut parfois se frayer un chemin. Bras et jambes griffés, je nage au cœur de la forêt.

Entouré de dizaines de papillons, autant de regards sur leurs ailes, je prends des nouvelles des arbres. Peu d’oiseau. Une buse haut dans le ciel, son cri, un écho des paysages d’enfance.

Le petit étang sur le bord du chemin n’a  pas changé, il retient toujours autant de ciel.

Il y a des traces dans le sable, chevreuil sans doute. Ce sont les heures les plus chaudes, les bêtes sont tapies à l’ombre, au fond des bois.

Mouches et grillons sont discrets, le silence est parfait.

Je suis immobile, mon pouls ralenti, un peu de sueur coule sur mon front, je saisis les parfums.

On n’est jamais seul en forêt.


mardi 7 septembre 2021


Hélianthe

Vieillir 

(Vaucresson, 16h 30)

L’Héliante renait à l’automne, parfois un peu plus tôt, c’est la fleur de septembre, haute sur patte,

à hauteur de regard, la fleur de la rentrée, la trace de l’été.

Marin à quai, de retour au jardin, je la  salue. Chaque année elle a droit à une photo et quelques mots.

Cette après-midi, je suis face à l’une des premières fleurs du massif à s’ouvrir, saisissant le soleil avec autant de vigueur que les années passées. Voit-elle que j’ai vieilli elle qui est réapparue comme par enchantement?

Il est 16h 30, c’était l’heure du retour de l’école lorsque j’étais enfant, l’heure du goûter, l’heure des tartines de confiture chez mon ami Bertrand, l’heure des courses effrénées sur cet immense terrain de jeu qu’était notre banlieue. Chaque jour, à peine franchi la porte de l’appartement, la même phrase: J’ai pas de devoir, je peux aller jouer dehors? Ma mère avait à peine le temps de répondre que je dévalais déjà les escaliers.

Ai-je vraiment vieilli?

lundi 6 septembre 2021


Les marionnettes

(Bois de Clamart, Hauts-de-Seine, 17h 35)

Elles sont venues aux aurores, avant les chiens que l’on promène, qui courent après ce qu’on leur lance. 

Une troupe de marionnettes de bois aux vêtements mités, aux articulations grinçantes, une troupe de marionnettes en procession portant le corps décharné de leur maître.

Elles sont venues aux aurores  enterrer au fond du bois de Clamart celui qui, dans l’impossibilité d’exercer son art, s’était éteint dans leur bras de bois et de tissu.

Elles ont joué une dernière scène, tournant et dansant autour du corps, se poursuivant et se frappant de bâtons trop grand pour elles, des bâtons qui finiront en croix fichée dans la terre.

Elles ont joué une dernière scène, une scène muette, sans un cri, sans un rire, une scène sans voix. 

dimanche 5 septembre 2021


Miniatures éphémères

(Pougne-Herisson, Deux-Sèvres, 22 mai, 15h 35)

Vaisseau nuptial 

samedi 4 septembre 2021


À confesse

(Saint-Étienne-de-Baïgorry, Pyrénées -Atlantiques, 10 août, 17h 45)

Anna aimait bien ce jeune prêtre. Anna aimait écouter des histoires autant qu’elle aimait en raconter. Le père Luc lisait la Bible comme un conte et l’église ne désemplissait pas. Sa voix faisait danser le christ sur sa croix.

Jusqu’à ce que les guerres et la pandémie ébranlent la foi et la ferveur du curé. Celui-ci, trop sensible devant tant de misère sombra dans une lente dépression. Ses lectures à l’office devinrent d’une tristesse sans fond rythmée par les gémissements des martyrs.

Anna prit les choses en main. Il fallait faire quelque chose pour ce jeune homme, et pour la paroisse.

Elle vint à confesse plusieurs fois par semaine. Elle qui était irréprochable, s’inventait toutes sortes de péchés aptes à dérider le curé. Péchés de gourmandises, d’envie ou de luxure, il fallait de la légèreté, de la fantaisie, de la joie. Dans ses histoires les pâtisseries étaient des oiseaux, les sexes riaient aux éclats, les culs étaient joyeux, l’innocence était de mise, l’insensé était le fruit du hasard. On ne pouvait que s’étonner et sourire avant de pardonner.

Sans relâche, elle vint à confesse l’imagination de plus en plus débridée. Ainsi elle raconta comment elle se retrouva coincée au sommet d’un figuier, à cheval sur une branche, les mains tendus vers deux beaux fruits murs, le sexe trempé à trop se frotter au bois. Elle raconta sa surprise, interrogea l’homme d’église sur la conscience des plantes, elle lui dit combien le parfum du Céanothe évoquait l’amour, elle dit les nuits de printemps qui la désorientait complètement, elle lui dit son trouble devant un chien à qui elle offrait sa jambe pour qu’il s’y branle allègrement, elle lui dit les gâteaux volés à l’étal fondant dans la poche jusqu’à sucrer la peau.

Elle posa cette question à l’homme de foi: Est-il plus fort de vivre  la chose, ou de la raconter?

Elle n’eut pas de réponse, mais devina le sourire du prêtre à travers le treillis de bois du confessionnal.

Alors elle revint, inlassablement, jusqu’à ce qu’à ce que le christ danse à nouveau  sur sa croix. 

vendredi 3 septembre 2021


Dans le port de Pasajes

(Pasajes, Espagne, 25 août, 22h 30)

Dans le port de Pasajes, il y a un marin qui dort

Il a posé son sac sur un grumier

Ça sent le poisson, la résine et le gasoil

Sa couchette est étroite, ses rêves sont larges et insolents


Dans le port de Pasajes, il y a une fille à sa fenêtre

Elle cherche sa voie dans l’eau noire

C’est une fille de rien, elle a la langue nouée par une sale histoire

Son lit est défait, sa chemise est tachée


Dans le port de Pasajes, il y a une vieille qui attend

Elle ne compte plus les jours, elle a fait son temps

C’est la marée haute, ça clapote sous son crâne

La chaise est usée, la lumière éteinte, ça ne vaut plus la peine


Dans le port de Pasajes, il y a un chien qui veille

Le menton sur les pattes, le regard amoureux

C’est un chien de bateau, un chien de matelot, un chien des tempêtes

Un chien sans laisse, son maître n’est pas très loin


Dans le port de Pasajes,  il y a un enfant qui prie

Il tient le drap serré contre sa poitrine

C’est un enfant qui veut juste devenir grand, plus grand que son père

Son cœur bat trop vite, ses yeux sont immenses


Et puis il y a la nuit, dans le port de Pasajes

La nuit qui étreint, chacun en son cœur, la nuit qui retourne et retrouve

La nuit qui caresse les corps et les navires

Et à fleur d’eau, lents dans la nuit, il y a les poissons chats qui nous regardent 

jeudi 2 septembre 2021


Papier de soie

(Hendaye, 23 août, 7h 40)

Un ciel comme du papier de soie

le pays de l’enfance est fragile


mercredi 1 septembre 2021


Moaï

(Sur le Xoldokogaina, Biriatou, 27 août,16h 45)

Sur la montagne, la terre a brûlé il y a quelques mois.

Déjà herbes et fougères ont reverdi la pente.

Troncs calcinés, rochers noircis, quelques arbres ont résisté.

Qu’a-t-il de si précieux celui-ci si bien protégé par quelques moaï?

C’est un arbre, tout simplement.