lundi 31 janvier 2022


Incertitudes

(Hendaye, 19 janvier, 8h 30)

Il va tête basse 

et ne laisse aucune trace 

sur le sable humide.

Aucune, et cela lui convient.

Assailli d’incertitudes,

il s’absente. 

dimanche 30 janvier 2022


Miniatures éphémères



(Hendaye, 15h)

Marin d’eau douce 

samedi 29 janvier 2022

 


(Hendaye, 9h 20)

Tenir sa ligne, aussi fragile soit-elle.

vendredi 28 janvier 2022


La fille du téléphérique

(Hendaye, 17h 45)

Deux représentations aujourd’hui.

Un enfant m’a dit qu’il fallait un éléphant pour faire la pluie.

Un autre m’a dit qu’il fallait mettre partout des clôtures électriques pour protéger les arbres.

Une institutrice m’a reconnu. Elle a vu le spectacle quand elle était petite. Il y a quarante trois ans.

Elle est sûre que c’était moi….

Je me sens vulnérable… 

Je n’ai rien d’autre à faire ce soir que de me taire et regarder le soleil se coucher.

Je m’assois sur un banc face à la baie de  Txingudi. Un homme est assis là.

Nous regardons passer les gens, en silence. Le soleil descend.

Une femme passe. Elle marche vite. Le soleil effleure son épaule, un reflet rouge.

L’homme se lève, brusquement, court derrière la femme. Il la rattrape et pose sa main sur son épaule. La femme se retourne, l’homme retire vivement sa main en s’excusant et revient , penaud, s’assoir sur le banc.

Ce n’est pas elle, me dit-il. Pourtant, j’ai bien cru….La fille du téléphérique. C’était il y a quarante trois ans, elle m’a embrassé, puis elle a disparu. Nous montions au Pic du Midi.

Vous êtes fidèle, lui dis-je.

Oui… 

jeudi 27 janvier 2022


La laisse de mer 

(Bidart, Pyrénées-Atlantiques, 11h)

La laisse de mer

Construire un château pour la journée

Jouer à Robinson, à l’île aux trésor

Écouter le bois mort

Planter dans le sable des totems

Chercher des visages


Et soudain entre deux branches

Une chaussure, une chaussure d’enfant

mercredi 26 janvier 2022


Miniatures éphémères

(Hendaye, 16h 55)

Une certaine idée de la solitude 

mardi 25 janvier 2022


À Lagleyre....

Paysage 

(Lagleyre, Landes, 7h 50)

Ah Dieu! Que Lagleyre est joli…

Un jeu de mots idiot et dérisoire

tandis qu’au levant 

je vois passer sur la terre gelée

un hippocampe et un mille-pattes.

lundi 24 janvier 2022


En fermant les volets

(Argelouse, Landes, 18h 25)

La dernière image en fermant les volets

Un camion qui s’en va dans la nuit

Il emporte le mauvais temps 

dimanche 23 janvier 2022


Miniatures éphémères

(Hendaye, 22 janvier, 15h 50)

Divinité 

samedi 22 janvier 2022


Dans la grange

(Paunat, Dordogne, 12 janvier, 10h 45)

Dans la grange, un peu de paille, une vieille machine et quelques secrets.

Le château des enfants, l'étreinte des amants, et, à l’abri des regards sous une bâche poussiéreuse, la dernière portée de la chatte de ces lieux. 

vendredi 21 janvier 2022


Poisson rouge

(Mimizan, Landes, 13h 30)

Sur la plage de Mimizan,

le vent du nord pique le nez et brouille les traces.

Un homme avec de très grands pieds marche face au vent.

De très grands pieds et un anorak rouge.

Il marche face au vent, puis il s’envole.

En battant des pieds, loin de Mimizan. 

jeudi 20 janvier 2022


Un jour sans douceur

(Hendaye, 18h 05)

C’est un jour sans douceur.

La pluie est froide, la mer est sale.

Au dessus c’est un ciel de condamné.

On sent poindre de funestes penchants,

le désir de mordre, de tenir dans sa paume

le manche d’un couteau.

Alors on l’écrit,

afin que ça ne soit qu’une histoire. 

mercredi 19 janvier 2022

 

(Hendaye, 8h 35)

Tout est calme…

(8h 45)

mardi 18 janvier 2022


Le jour où l'eau des poules a gelé

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 14 janvier, 9h)

Comme chaque matin, Clémence aide son mari à se lever. Elle en a encore la force.

Elle l’assoit dans son fauteuil face à la fenêtre. De là, on aperçoit les hameaux alentour, la Verrerie et la Bouzonnie. Le vieil homme ne dit rien, ne bouge pas. Il regarde. Il attend que la pierre des maisons, là-bas, attrape le soleil.

Elle reste un peu avec lui. C’est le regard de son homme, ce regard vif, qui cherche, qui boit l’aube, qui scrute l’horizon, c’est ce regard qui lui donne encore la force.

Elle le recoiffe avec une infinie douceur, puis elle va ouvrir le poulailler avant de faire le café.

Dehors l’herbe est blanche, les arbres sont blancs. Il faut dégeler l’eau des poules. Un peu d’eau chaude fera l’affaire. 

Contre le mur, près de la porte il y a la canne de l’homme, une canne de bois clair au pommeau patiné, qui ne bouge plus depuis longtemps. Si le bois reprenait vie, elle aurait des rameaux.


Clémence! 

Oui?

Quel jour on est?

Vendredi, le 14 janvier.

Ah… Vendredi tu dis, en janvier…

Oui, le 14.

C’est ça, vendredi 14……Janvier tu dis….

Oui, tu vois le froid dehors.

Oui, oui….Je le vois….Le froid. Tu peux apporter le carnet s’il te plait.


Elle lui apporte un carnet relié de cuir noir aux pages tournées et retournées, et un crayon de bois qu’elle taille avec soin avant de lui donner.

D’une main tremblante il note: Vendredi 14 janvier, le jour où sont passé les oiseaux, une nuée.


Clémence, tu les a vus les oiseaux?

Non, je m’occupais des poules. Elles sont magnifiques dans leurs plumes d’hiver.


Alors elle note à son tour, à la suite des quelques mots à peine lisibles de son mari: Le jour où l’eau des poules a gelé.

Elle relit à voix haute.


Vendredi 14 janvier, le jour où sont passés les oiseaux, une nuée, le jour où l’eau des poules a gelé.


Le vieil homme acquiesce, elle referme le carnet et le remet à  sa place , sur la cheminée, à côté du calendrier de la poste.

 

lundi 17 janvier 2022


Actualités

(Sur la D 64 entre Labastide-d’Armagnac et Lannemaignan, Gers, 16 janvier, 14h 30)

Ferdinand a son arbre, son cheval et son chien.

Il ne veut pas qu’on l’emmerde.

C’est tout. 

dimanche 16 janvier 2022


Miniatures éphémères

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne,13 janvier, 13h 30)

Et le vent l’emportera 

samedi 15 janvier 2022


Quand fume la rivière

(Limeuil, Dordogne, 14 janvier, 10h 15)

Dans les rues pentues de Limeuil, un homme souffle les feuilles, sa machine sur le dos, un casque antibruit sur les oreilles. Il est bougon. Il souffle trois feuilles dans une rue déserte, cheminées éteintes, maisons muettes aux volets clos.

Il a commencé en haut du village. Il est à mi chemin. Il descend vers l’ancien port de Limeuil, au confluent de la Vézère et de la Dordogne.

La souffleuse ne s’arrête plus. Il n’y a plus de feuilles à souffler, mais il y a des voix, des voix qui montent de la rivière quand elle fume en hiver, quand les cristaux de givre enrobent chaque feuille, chaque branche, les voix des gabariers qui se sont noyés là où les cours d’eau se rejoignent. Elles hurlent au secours et aucune main pour saisir celle qui va disparaître dans les remous.

L’homme les entend depuis si longtemps. Personne ne le sait. C’est son tourment et son secret.

Les voix qui montent quand la rivière fume en hiver. Et s’y mêlent les craquements du bois de la barque contre les piles du pont, les cris des riverains impuissants, le bouillonnement de la rivière en crue.

« Gare, gare, gabarier. Tu as la mort sous les pieds. mais elle te suit par derrière. » chantaient autrefois les enfants au passage des gabariers. L’homme a toujours entendu ce refrain qui ponctuait les récits de son grand-père.

L’homme fait comme il peut, en hiver quand fume la rivière, quand il faut nettoyer le village jusqu’au port. C’est son boulot, il ne sait pas faire grand chose d’autre, mais il l’aime bien ce boulot, sauf en hiver quand il n y a plus personne, et que fume la rivière.

Alors l’homme souffle les voix jusqu’à ce que le soleil soit suffisamment haut, et que disparaisse la brume là où les eaux se rejoignent. 

vendredi 14 janvier 2022


Une trainée de charbon, un chien qui aboie, un désir de théâtre 

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 18h)

Ce matin la campagne était blanche.

Je ne suis pas allé travailler. Covid, enfants malades, spectacle annulé.

Je suis allé à la grotte du sorcier. Pour quelques incantations.

Puis je suis revenu à mon refuge du moment. À Lestole. Attendre la nuit.

Ce soir les chiens aboient dans la vallée. Dans le ciel, une trainée de charbon.

C’est à Bareille, en Ariège, dans un « château » face aux montagnes où les chiens aboyaient chaque nuit, que j’ai eu pour la première fois le désir de théâtre.

Un vieux pyjama, un bouchon brûlé pour me salir la figure, je jouais un vagabond qui prenait ses aises sur un banc où papotaient deux bourgeoises. J’avais dix ans, l’une de mes sœurs et une amie jouaient les bourgeoises, le public se composait du reste de la famille qui applaudissait poliment.

jeudi 13 janvier 2022


Haïku de janvier

(Saint-Alvère, Dordogne, 13h 10)

En bonne compagnie

Je creuse le chemin

La campagne scintille 

mercredi 12 janvier 2022


Un liseré de carmin

(Paunat, Dordogne, 12h 25)

Il a le cœur léger celui qui va sur le chemin fardé d'un liseré de carmin.

 

mardi 11 janvier 2022


Ciel du soir

Image d'Épinal

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 18h 30)

Un homme, le corps en parenthèse, surveille un feu de feuilles mortes.

Une femme, la main posée sur une hanche douloureuse, rentre ses poules.

La nuit vient. Le ciel est coupant. Demain la terre sera dure.

Le feu s’est éteint. Le poulailler est fermé. L’homme et la femme sont immobiles.

Alors le soleil s’échappe  derrière la ligne de crête. Aucun arbre ne peut le retenir.

Une chouette crie, une autre lui répond. L’homme et la femme rentrent à la maison.

Déjà, les poules dorment. 

lundi 10 janvier 2022


Le goût rossignol


(Sur la D 2 entre Goûts-Rossignol et L’Étang-des-Faures, Dordogne, 17h 30)


J’ai traversé le village Goût-Rossignol.

Le nom chante, en boucle dans ma tête.

Je m’arrête à quelques kilomètres.

Le paysage ne dit pas grand chose,

si ce n’est un vieux panneau,

percé de plombs de chasse.

Goût-Rossignol.

Le premier baiser a le goût rossignol,

le premier baiser du matin,

le dernier de la journée, aussi,

celui du soir.

Le sourire de notre petit fils,

a le goût rossignol,

et son regard, et son babillement.

Le vin partagé avec les amis, 

les verres entrechoqués,

les mots lancés pour trinquer,

ont le goût rossignol.

Et puis le soleil qui se lève,

le lapin qui coure dans les phares,

les cloches de six heures,

le café avant le départ,

la chaleur d’une main,

un geste d’au revoir,

le parfum du Freesia,

ont le goût rossignol.

Et tant d’autres choses,

grandes ou petites,

minuscules parfois,

une goutte sur un fil,

un cil sur une joue,

une coccinelle sur la vitre.

dimanche 9 janvier 2022


Miniatures éphémères

(Dans les bois entre Fromental et Arnac, Haute-Vienne, 5 janvier, 11h 45)

Dans les plis du bois 

samedi 8 janvier 2022


Sur les mains

(Ceinturat, Haute-Vienne, 5 janvier,10h)

Je connais un homme qui marche sur les mains pour éviter que les idées noires ne lui descendent au cœur.

vendredi 7 janvier 2022


Sous la Chapelle du Bois du Rat 

(La Chapelle du bois du Rat, Haute-Vienne, 5 janvier, 10h 20)

Sous la Chapelle du bois du rat

Le champ descend en entonnoir

En bas la terre détrempée

Garde tout ce qui passe

Dans la pente à mi chemin

Un arbre mort est étendu

Carcasse d’un grand mammifère

Les côtes ouvertes

Exposées au soleil d’hiver


Sur cette terre blonde

Je m’en vais en arrière

Irrésistiblement

Loin, très loin

jeudi 6 janvier 2022


Quelqu'un va venir

(Étang du Brudoux, Fromental, Haute-Vienne, 5 janvier, 11h 15)

Au bord de l’étang du Brudoux

Hypnotisé par un trou de lumière

Dans une  toile de Jackson Pollock


Quelqu’un va venir



mercredi 5 janvier 2022


La bête

(Ceinturat, Haute-Vienne, 14h 10)

Je venais de voir le menhir de Ceinturat, une pierre de vingt tonnes s’élevant à plus de cinq mètres au dessus du sol. Pour déplacer et lever ce bloc de granit il fallut au moins deux cents hommes.

Puis j’allais voir la « Pierre à sacrifice » du Chiroudi. Au sommet du rocher on croit deviner dans les creux l’emprunte d’un corps humain.

Dans la Guerre des Gaules, Jules César parle de sacrifices humains chez les celtes.

Sur le chemin du retour, j’étais un celte avide de sang qui croit aux fées et aux démons.

J’ai vu soudain émerger des fougères un cerf immense, un cerf préhistorique. Ses bois avaient la taille d’un arbre. Herbes et fougères faisaient des vagues dans la clairière tandis que  la masse animale écartait la terre.

La bête s’est dressée, me surplombant d’une dizaine de mètres.  Aussi puissante que paisible, elle m’a dévisagé puis s’en est allée vers la lisière, m’ignorant totalement.

Je n’étais qu’un homme… 

mardi 4 janvier 2022


Dénuement

(Cieux, Haute-Vienne, 8h 30)

Je décharge mon décor devant la salle des fêtes de Cieux, en haut du village.

Un homme s’approche. 

Je l’avais vu quelques minutes plus tôt en arrivant. Il montait lentement sur la route mouillée. 

Ses vêtements sont élimés, la visière de sa casquette est noire là où la main la saisit pour saluer.

Il a de tout petits yeux, brillants comme des braises. Je ne saurais lui donner d’âge.


-Bonjour…

-Bonjour…

-Vous travaillez ici, aujourd’hui?

-Oui, je viens faire un spectacle pour les enfants de l’école.

-Ah… Alors, il va faire beau….


Il se mouche dans un grand mouchoir à carreaux, puis il continue son chemin, sans se presser.

Je regarde le ciel s’éclaircir au levant. Il y a cet arbre, à contre jour.

Les arbres sont comme les hommes, si beaux dans leur dénuement. 

lundi 3 janvier 2022


Docteur Labuze

(Nouic, Haute-Vienne, 17h 20)

8 place du docteur Justin Labuze, à Nouic.

C’est là que je dors ce soir.

Justin n’était qu’un petit député débonnaire, médecin, sous secrétaire d’état aux finances, de 1882 à 1885.

Après son échec aux élections de 1885, il devint Trésorier-payeur-général à Bourges.

Il portait la barbe longue et une houppe frisée sur la tête.

À quoi pensait-il quand il alignait des chiffres dans un bureau au parfum de bois ciré?

À quel destin rêvait-il quand enfant il courait la campagne  autour de Nouic.

Enfant de janvier, quand le pays est gris, quand les arbres ont les doigts crochus et la chouette  chante des airs d’épouvante.

Et si cette houppe fantasque n’était qu’un masque de carnaval dissimulant une seconde vie secrète et noire où le crime est roi.

Docteur Mabuse.




       

dimanche 2 janvier 2022


Miniatures éphémères

(Travaillan, 29 décembre 2021, 11h 40)

La voie de l’escargot 

samedi 1 janvier 2022


L'année de l'escargot


(Travaillan, 29 décembre 2021, 12h 05)

0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13….

La suite de Fibonacci. 

Chaque terme est la somme des deux précédents.

Elle dessine des spirales.

Dans les coquilles des escargots, au cœur des tournesols, sur la trompe repliée des éléphants…

2022 ne fait pas partie de cette suite.

Ce nombre a pourtant un air d’escargot. Dans son dessin (dessein..).

Et si la nouvelle année était l’année de l’escargot.