mardi 28 février 2023


Dernières nouvelles

(Vaucresson, 9h 30)

Au dernier éclat une ogive en plein cœur

papiers volants emportés par le vent

le feux court sur la table de chevet

de l’homme à l’oreille cassée

un bouquet de fleurs fanées

cueillies sur un champ  de ruines

ce sont les dernières nouvelles

une symphonie de printemps

des nuées d’étourneaux murmurent

au dessus des étendues de colza

et la soie des écharpes se plaquent

sur les visages offerts au dehors

ce sont les dernières nouvelles

un bouquet de fleurs fanées 

qui illumine la table de chevet

de l’homme à l’oreille cassée 

lundi 27 février 2023


La vie

 (Étang de Saint-Cucufa, Hauts-de-Seine, 6 février, 17h 15)

Aujourd’hui j’ai entendu Denise, 102 ans,  parler de son amant de 80 ans.

J’ai lu dans un livre l’expression Cheveux effrayés pour dire ébouriffés.

J’ai vu la photo d’un canard à l’envol dont le cou tendu disait un immense appétit de vie.

J’ai dit à Sophie qu’elle penchait toujours la tête lorsqu’elle souriait, c’est pour ça que je suis tombé amoureux. Alors elle a penché la tête et pour la nième fois je suis tombé.

J’ai senti le vent du nord sur mon visage et le soleil dans le dos.

Et j’ai entendu Denise dire aussi: Si tu aimes la vie, la vie t’aime. 

dimanche 26 février 2023


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 10h 05)

Petite fleur

(Sidney Bechet) 

samedi 25 février 2023


Au pied des escalators

(La Défense, 16h 50)

Au pied des escalators

dans les coins de béton sale

combien d’hommes

sous les amas de carton

là sous un tas de couvertures crasseuses

Y a-t-il quelqu’un

Et là, un peu loin, dans un vieux sac de couchage

Y a-t-il quelqu’un

Et là, sous les papiers gras d’où coule une flaque de pisse et de vin

Y a-t-il quelqu’un

Y a-t-il quelqu’un

sous cet amoncellement de valises éventrées

combien d’hommes 

dans les coins de béton sale

ont oublié le bleu du ciel 

vendredi 24 février 2023


Avant la fin de l'éternité

(Hendaye, 6 novembre 2022, 17h 35)

Dans le ciel qui fuse

je les vois passer en trombe

les amis qui sont partis

ils filent, ils se dépêchent

pour se retrouver 

avant la fin de l’éternité 

jeudi 23 février 2023


Là-bas

(Paris, Porte d’Orléans, 9h 55)

J’attends la marée basse pour mettre les bouts. C’est un jour pour. Un soleil qui sèche les flaques, les jupes qui remontent un peu et les oiseaux qui se montrent. Faudrait que le courant emporte les bagnoles dans une baïne. Combien je peux marcher encore? Vingt, trente, je ne sais pas. Plus, s’il y a Giselle. Oh, elle va venir, c’est sûr. Quand je lui ai parlé des pélicans, ses yeux ont fait clic clac. Je bois mon café, je mange mon croissant et la voilà. On reprendra un croissant pour manger à deux, il nous faudra des forces pour aller là bas.

mercredi 22 février 2023


Palais Bourbon

(Groupe de Gazés, ou Piérides de l’Aubépine, Aporia crataegi, Blayac, Aveyron, 8 juin 2018,15h 30)

À l’assemblée des papillons on ne hurle pas. Tout au plus entend-on quelques froissements d’ailes. 

mardi 21 février 2023


Petite Ceinture

(Petite Ceinture, Paris 14ième, 16h 10)

Un saxophoniste échappé d’un manga invente des trains qui file vers le mont Fuji, des jeunes gens refont le monde entre deux tunnels et dans l’ombre à l’abri de la pluie et des regards un homme  voudrait juste dormir.

lundi 20 février 2023


Réincarnation

(Vaucresson, 3 mars 2021, 12h 20)

Une vieille amie au téléphone.

Nous ne nous étions pas parlé depuis longtemps.

Tant de choses à nous dire.

Une amie commune s’en est allée.

Nous parlons du temps qu’il nous reste, de l’après, cet inconnu qui peut au delà de la peur exciter notre curiosité.

Et cet éclat de rire.

Si on se réincarnait en escargot, tu imagines tous les deux en escargot. On se rencontrerait, les cornes tendues l’un vers l’autre, nous nous exclamerions : Ah, c’est toi, toi aussi, en escargot, ça alors! Et les cornes se frottent de plus belle, et passe un camion qui nous réduit en bouillie.

C’est un autre ami commun, un ami à l’humour ravageur,  qui lui a raconté cela.Et je nous vois tous en escargot, cornes tendues, et je ris de plus belle, que nous finissions en bouillie ou baignant dans l’ail, le beurre et le persil. 

dimanche 19 février 2023


Miniatures éphémères


(Forêt de Rambouillet, 13 février, 17h 30)

Énigmes 

samedi 18 février 2023


Poupée magique

(Poupée de Simone Le Carré-Galimard, exposition de la collection de La Fabulouserie à la Halle-Saint-Pierre, Paris 18ième, 14h 40)


Poupée magique

Poupée chantante

Grigri pour conjurer la noirceur

Ce qui a été négligé abandonné jeté

Collé cousu noué pour une danse

Pour l’enfance.

Et ces mots de l’artiste:

« Tout à coup, tout ce qui m’avait manqué dans mon enfance, j’ai pu l’accumuler. Je me suis vengée en réunissant tous les objets que je n’avais pas eus. Tous les rêves d’enfance sont ressortis. J’ai collé, assemblé, et au fond j’ai pu recréer un monde qui vivait en moi et que je n’avais pas pu exploiter jusqu’alors. »

Et son mari, Maurice, admiratif, qui fabrique les cadres et les boites.

Et la maison envahi de la cave au grenier.

Quelle vie, quelle beauté!

La Fabulouserie à la Halle-Saint-Pierre jusqu’au 25 août 2023 


vendredi 17 février 2023


Or



(Hendaye, 8 novembre 2022, 8h)


J’avais mis de côté cette photo aux couleurs si peu naturelles, pourtant sans aucune retouche.

J’y trouve ce soir le geste délicat du doreur qui ce jour là s’était attelé à une immense tâche, dorer le ciel où s’en était allée sa chère et tendre amie.

jeudi 16 février 2023


Une maison à trois pattes

(Route de Tursan, Cazères-sur-l’Adour, Landes, 25 janvier, 15h 50)

Une maison à trois pattes, qui tient encore debout, sa voisine, habitable près des grands arbres,

sur l’étang les oiseaux au repos, l’hiver est calme, juste un peu gris.

Et Gaspard se dit qu’il est temps de faire tomber la vieille bâtisse, avant qu’elle ne s’écroule sur un vagabond. Faire tomber la vieille bâtisse et laisser sa porte ouverte. Ici la terre ne tremble pas, elle boit.

mercredi 15 février 2023


Le parc

(Marnes-la-Coquette, 17h)

Le parc  figé dans un ordre ancien et immuable

Soudain le cri des enfants qui jouent à la balle 

mardi 14 février 2023



(Forêt de Rambouillet, 13 février, 16h 30)

Loin de la rumeur 

lundi 13 février 2023


Repères

(Forêt de Rambouillet, Yvelines, 15h 55)

En forêt, les dessins sur les arbres ou les pierres sont mes repères. Parfois ce ne sont que des ombres éphémères, alors je me perds.

dimanche 12 février 2023


Miniatures éphémères

(Hendaye, 21 janvier, 15h 05)

Toucher du bois 

samedi 11 février 2023


Mr. Flysch

(Hendaye, 22 janvier, 11h 55)

il faut marcher prudemment à marée basse pour ne pas glisser sur la roche. La falaise étale sa jupe jusqu’à la mer. Le flysch, c’est le nom géologique donné à ces formations faites de couches successives de marnes et de grès. Je répète plusieurs fois ce mot. Le flysch, je ne trouve pas que soit un très beau mot associé à ces empilements  rocheux. Par contre, pour l’homme très ancien qui se cache dans le trou noir, qui dessine sur les parois ce qui s’en va, qui a vu les libellules géantes, qui invente ses mots, qui demain inventera le feu, qui apprend à sourire, qui ne sait pas encore dire je t’aime, mais qui sent battre son cœur, alors pour cet homme, Flysch, c’est un joli nom. Mr. Flysch.

vendredi 10 février 2023


Créature

(Pontmain, Mayenne, 9 février, 7h 35)

Ce matin là, à la Villa des Roses, en ouvrant les volets, je fus happé par le regard d’une créature sortie tout droit d’un roman de H.P. Lovecraft.

Je n’ai pas osé sortir. J’ai attendu que le jour se lève. Ces créatures n’aiment pas la lumière. 

jeudi 9 février 2023


C'est l'heure d'aller danser

(Sur la D 290 entre Pontmain et Saint-Mars-sur-la-Futaie, Mayenne, 8h)

C’est l’heure d’aller danser

retirer le filtre posé sur la nuit froide

oublier la toux qui fait sursauter les rêves

là bas la plaine s’éveille à peine

aux premières lueurs on parle

de la terre qui tremble et des bombes qui tombent

et même si après avoir vu danser les arbres

j’y vois se balancer un pendu

je crache ce qui m’encombre

il faut éclaircir la voix

c’est l’heure d’aller chanter

comme le chien qui sort de la fange

le ciel s’ébroue

je le salue de mes doigts gourds

c’est l’heure d’aller danser 

mercredi 8 février 2023


Où les noms me mènent

(Basilique Notre-Dame-de-Pontmain, Mayenne, 17h)

Je n’aime pas toujours ce qui se dit dans les églises, mais j’aime comme s’y promènent la  lumière et le silence.

Ici, à Pontmain, le 17 janvier 1871, Eugène et Joseph Bardedette, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé,  quatre enfants, ont vu dans un halo de lumière une belle dame vêtue de bleue et couronnée d’or.

Les adultes n’ont rien vu, ils ont prié et inventé la suite.

Le 2 juillet 1872, après enquête et procès canonique, l’évêque de Laval déclare: Nous jugeons que l’immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, a véritablement apparu le 17 janvier 1871 à Eugène Bardedette, Joseph Bardedette, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé dans le hameau de Pontmain.

On a construit une basilique, on accueille les pèlerins, on vend des souvenirs.

J’aime cette idée que les enfants voient des choses que nous ne voyons pas, mais je n’aime pas toujours ce qu’en font les adultes.

Ce soir je dors à la Villa des Roses, une maison construite par le même architecte que la  basilique. 

Je ne connaissais rien de Pontmain. Je travaille demain à quelques kilomètres. J’ai choisis cette Chambre d’Hôtes pour le nom, la Villa des Roses.

J’aime où les noms me mènent. 

mardi 7 février 2023


L'ombre

(Arboretum de Chèvreloup, Rocquencourt, Yvelines, 11h 20)

C’est parfois l’ombre qui indique le chemin. 

lundi 6 février 2023


Promener

(Vaucresson, 17h 40)

L’enfant dit: A peur.

Le chien ne bouge pas. Un grand chien blanc.

Le chien penche la tête, regarde l’enfant.

L’enfant se tait, tend la main.

Le chien ne bouge toujours pas.

L’enfant s’approche.

L’enfant dit: Est doux.

Le chien tourne la tête vers le sous bois.

L’enfant monte sur le dos du chien.

Ses petites mains s’accrochent aux poils.

L’enfant dit: Promener.

Le chien aboie.

Et ils filent à l’assaut des Rocheuses 

Sur les traces de Jack London. 

dimanche 5 février 2023


Miniatures éphémères 

(Hendaye, 21 janvier, 14h)

Pause

samedi 4 février 2023


Un dimanche au bord du lac de Clarens 

(Lac de Clarens, Casteljaloux, Lot-et-Garonne, 29 janvier, 15h 10)

Un dimanche au bord du lac de Clarens.

Je cherche des mots qui réchauffent, qui apaisent la faim, la soif et la colère, des mots qui embrassent, qui dénouent, qui bercent, qui calment le nouveau né qui fait ses dents et la femme qui panse ses plaies.

Mais je ne sais dire que ce que je vois. 

Un homme qui joue dans le sable avec son fils, une femme qui ajuste un plaid sur les épaules d’un vieillard en fauteuil roulant, une jeune fille qui coure après son chien, toute une famille qui se promène en échangeant les dernières nouvelles, plus loin, seul sur un banc, un homme un peu ivre qui réajuste sa prothèse de jambe.

Et le ciel dans l’eau.


vendredi 3 février 2023


Victor Hugo

(Juillan, Hautes-pyrénées, 2 février, 8h 30)

Victor Hugo. 

C’était écrit sur la porte, en haut d’une volée de marches de métal.

Escalier de cargo, de paquebot, ou d’usine, d’un pont à l’autre, d’un atelier à l’autre, d’une machine à l’autre, et les pas pressés des hommes.

Je suis monté, j’ai frappé. Personne n’a répondu.

J’ai collé mon oreille à la porte. J’ai entendu le crissement d’une plume qui coure sur le papier sans jamais s’arrêter.

J’ai glissé un mot sous la porte avec mon numéro de téléphone et je suis descendu en prenant garde à ne pas faire sonner les marches. 

jeudi 2 février 2023


Le Voyage

Arthur et le Vieux 

(Aire des Pyrénées, A 64, Ger, Pyrénées-Atlantiques, 8h 50)


Il y a une barrière métallique puis une route, une route toute droite qui s’en va vers les montagnes.

Arthur et le Vieux regardent à travers le grillage.

Colle ton oeil à la clôture pour l’oublier dit le Vieux.

Le soleil se lève, les montagnes se chauffent le dos.

Un jour, dit le Vieux, je suis parti. Oh je n’étais pas bien grand. Je voulais goûter la mer, goûter la neige, goûter la terre. Je voulais suivre les traces des bêtes, je voulais entendre leurs langues, et celles des hommes aussi. Je voulais savoir ce qu’était un monde plein d’arbres où les chemins se perdent dans le vert, ce qu’était un monde sans arbres où les chemins se perdent dans les pierres. Je voulais savoir ce que fait au corps trop de pluie ou trop de soleil. Je voulais savoir ce qu’il y avait derrière la maison, plus loin sur la route, après les bois, au delà des montagnes. 

J’ai fait mon sac, un gros pull, un pyjama, un pique-nique, une gourde d’eau et un couteau, j’ai mis quelques cailloux dans ma poche, des cailloux blancs à semer pour ne pas me perdre comme le Petit Poucet.

Je suis parti au printemps, un matin, à l’heure des oiseaux, vers le soleil levant.

Au début je déposais un cailloux à chaque carrefour, puis tous les dix kilomètres environ, quand mes petites jambes fatiguaient. 

Le troisième soir il ne me resta qu’un cailloux, le plus beau, en forme d’homme, noir veiné de blanc d’un côté, blanc veiné de noir de l’autre. Je décidai de le garder.

J’ai marché  des jours et des jours. J’ai su pour la mer, pour la terre, pour la neige, pour la pluie et le soleil. J’ai entendu parler les uns et les autres, je les ai imité, pour partager leurs histoires.

J’ai marché des mois et des mois, toujours tout droit, droit devant.

J’ai marché des années, j’ai grandi, j’ai vieilli. J’ai marché toujours tout droit. J’ai vu des milliers de levers de soleil et autant de couchers. J’ai fait connaissance avec la lune. J’ai dormi dans des trous, des châteaux, des arbres, des fermes, des commissariats même, dans les bras de ta grand-mère aussi.

Et un jour, il n’y a pas si longtemps je suis arrivé à la maison. J’avais fait le tour de la terre.

Tiens, je l’ai encore ce cailloux, prends le, il est pour toi.

Alors Arthur prends le petit cailloux en forme d’homme et le serre fort dans son poing en collant son œil au grillage.

mercredi 1 février 2023


Le divin

(Hendaye, 22 janvier, 17h 50)

Je ne sais pas d’où vient cette lueur, ces rayons qui se tendent vers les hauteurs. Le nuage effrayé se couche, face à ce qu’il prend pour une divinité. Le divin serait-il terrestre? terrestre et humain, simplement.