dimanche 30 septembre 2018


Miniatures éphémères


Faire connaissance


(Nezara viridula, punaises vertes ponctuées, Vaucresson, 29 septembre)


samedi 29 septembre 2018


La Funambule


( Tatiana-Mosio Bongonga, Pantin, Seine -Saint-Denis, 28 septembre)

Elle semble être là depuis toujours, lovée atour du fil, un cocon sur une brindille oscillant sous le vent. Le corps sombre se déplie lentement. Main ouverte. Toucher, toucher le ciel, l’air, avant même de regarder. Premier geste. Par la peau.
En bas, une jeune femme regarde, bouleversée, elle ne quitte pas des yeux le câble tendu comme une prise de décision.

vendredi 28 septembre 2018



Promesse


(Roscanvel, Finistère, 19 septembre)

Il l’avait juré. Il traverserait l’Atlantique, il danserait avec les baleines dans la baie du Saint-Laurent, il gravirait les marches du Machu-Pichu, il galoperait sur les hauts plateaux de Patagonie.
Il l’avait écrit sur une feuille à petits carreaux qu’il avait ensuite plié en quatre et glissé entre les pierres de la tombe de son grand-père, redoutable marin devant l’éternel. Il avait juré, craché, croix de bois, croix de fer, la main sur la pierre moussue.
Puis tant de petites choses l’avaient intrigué, il avait glissé sous l’écorce, s’était faufilé sous les herbes, il avait plongé dans la terre, sombré avec volupté dans l’humus.
Le papier plié n’était pas oublié, il était juste jaune et racorni. Il y avait tant à découvrir sur ce petit bout de terre.

jeudi 27 septembre 2018


Le Chant


(Oinville-sur-Montcient, Yvelines)

Dans l’ombre des chemins creux, il y a toujours un arbre ou une pierre
pour me rappeler que l’homme chante depuis la nuit des temps.

mercredi 26 septembre 2018


Bonne Nouvelle


(Paris, 10ième)

Dans le métro, le haut parleur annonce: Bonne nouvelle! Seule une femme réagit. Elle sourit. C’est une petite femme au nez mutin, toute ridée, des rides qui font sur ses joues, de la commissure des lèvres aux coins des yeux, des vagues pareilles aux ondes sur l’eau après la chute d’une feuille. Une deuxième fois le haut parleur lance: Bonne nouvelle! La femme sourit à nouveau au milieu des visages absents, feuille d’automne sur l’eau grise.

mardi 25 septembre 2018


Au cimetière des navires de Landévénnec


(Landévénec, 14 septembre)

Après avoir marché allègrement sur l’étroit sentier longeant l’Aulne en bordure de falaise, là où mousses et lichens prennent possession des pierres, où le vent et la forte pente donnent aux arbres formes étranges et préhistoriques, nous sommes immobiles sur une mince corniche, adossés au rocher sombre, face aux navires de guerres remisés, abandonnés à la rouille, aux oiseaux et aux fantômes.
Je suis en compagnie d’Isabelle, et du jeune frère Florent. La conversation est grave et légère, laissant une large place au silence. Un cormoran plonge dans l’eau calme, dessinant un rond parfait. Longtemps nous le cherchons avant de le voir réapparaître bien plus loin.
Aux questions qui affleurent devant les bateaux gris, frère Florent cite de mémoire un extrait de Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke.
Le soir même, au dîner, Florent m’apporte une petite feuille jaune sur laquelle il a recopié d’une écriture légèrement penchée et heurtée l’exacte citation de Rilke avec dans la marge le numéro de la page: 43

« Je voudrais vous prier, autant que je sais le faire, d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur. Efforcez vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement un jour dans les réponses. »

Cher frère Florent.

lundi 24 septembre 2018


Quelques trésors


(Vaucresson, 18h45)

De retour au jardin,
 accueilli par le soleil d’automne,
je dépose quelques trésors:
le poème d’un moine breton,
les confidences d’un scaphandrier béarnais,
le rire d’un enfant aux facéties du corbeau,
la fraternelle étreinte d’un paysan très grand et très maigre,
la caresse d’une plume dans le cou,
une danse au milieu des ruines.

dimanche 23 septembre 2018


Miniatures éphémères


(Mousseaux-sur-Seine, Yvelines, 25 août)

Cidre sauvage

samedi 22 septembre 2018




(Huelgoat, Finistère, 20 septembre)

Ce chêne, si petit,
accroché à la pierre,
premier arbre,
ferme espérance.

vendredi 21 septembre 2018




(Landévénnec, Finistère, 13 septembre)

Une goutte de rosée s’attarde
Patience du désir

jeudi 20 septembre 2018


Où l'âme de toute chose est palpable


(Huelgoat, Finistère) 

Sous l’amas de rochers granitiques, ronds et sensuels, la grotte du diable. Au fond le chahut de l’eau, en levant la tête une trouée vers le ciel. Je me perds dans les ombres courbes, les franges de verdure; la pierre est douce et puissante en son cœur.
Ce n’est qu’en regardant quelques heures plus tard l’image prise de cet instant, que je découvre, dessiné par la lumière, ce cheval préhistorique, monture fantastique aux couleurs des arbres et du ciel, prête à me porter loin, hors du temps, où l’âme de toute chose est palpable, après que j’aie plongé au plus noir du chaos.
Comment ne pas penser au livre de Maylis de Kerangal, Un Monde à Portée de Main, dont la beauté m’a ému aux larmes. Il est question d’apprentissage, de création. Connaissance et expérience au service de l’illusion qui dès lors porte le vrai. Le chemin d’une jeune femme élève dans une école de trompe-l’œil, qui se termine en compagnie des œuvres de la grotte de Lascaux. Il y a dans certains passages la fulgurance, la grâce d’un marbre rare ou d’un bois précieux dont l’héroïne s’acharne à reproduire le mystère. C’est elle l’héroïne qui peint le roman, au delà de la précision du maître.

mercredi 19 septembre 2018


Au bar de la Marine


(Camaret-sur-Mer, Finistère, 17 septembre)

Au bar de la Marine, face aux épaves abandonnées, la bière ambrée hausse les voix. Un jeune homme au visage grélé, embué de quelques pintes, dit ses rêves d’Afrique, son amour pour la générosité de la femme noire, et son désir de paternité; une jeune femme aux yeux de chat égrène la liste de ses amants, de Norvège, d’Espagne ou d’Amérique.
Ce que dit le ton trop haut, ce sont les rêves clos dans leur chrysalide desséchée, l’inconsolable solitude, l’incapacité de se défaire des liens de la terre natale.


(Camaret-sur-Mer, 18 septembre)

mardi 18 septembre 2018




(Pointe de Pen-Hir, vue de la pointe de Dinan, Finistère, 17 septembre)

La pierre me manque, dit un marin perdu au milieu de l’océan.

lundi 17 septembre 2018


Landévénnec fin


(Landévénnec, 10h30)

Comme on tarde à quitter 
l’être aimé,
on fait trois pas, on se retourne,
on pose un dernier regard
puis on prend la route,
le paysage
inscrit 
au cœur.

dimanche 16 septembre 2018


Landévénnec 14


(Landévénnec, 8h)

Tu m’as rejoint.
Je tourne le dos à l’île d’Arun,
au paysage doux et ferme,
à l’inclinaison du ciel,
qui sans cesse
me mène en ton cœur,
à l’Aulne lissée
d’espérance.
Les brebis échappées 
de l'enclos
grêlent
l’aube
de leurs sonnailles.
L’atelier des moines
s’abandonne 
au silence dominical,
la rose veille, 
la vitre garde un peu 
du lointain.
Tu m’as rejoint,
je peux refermer 
ce carnet de
solitude
écrit sur la colline de Landévénnec.


Miniatures éphémères


(Landévénnec, 14 septembre)

Tentation

samedi 15 septembre 2018


Landévénnec 13


(Landévénnec, 7h45)

Terre et ciel froids,
bleu clair marqué au couteau,
un léger voile adoucit les blessures.
Je suis le chevreuil,
aux aguets.

vendredi 14 septembre 2018


Landévénnec 12


(Landévénnec, 7h50)

D’une nuit trop brève
je glisse le long de la pente
pour rouler le soleil 
entre mes doigts gourds,
modeler le ciel
à la tendresse de mon amour,
éclaircir la voix
à ton approche.
Je suis si petit.

jeudi 13 septembre 2018



Landévénnec 11


(Landévénnec, 7h55)

Dans l’aube grise
le pêcheur descend la colline,
indifférent à la menace des corbeaux.
Il fait confiance aux vents 
qui déjà partent à l’assaut du ciel,
il s’en remet 
à la générosité de la mer.
À la lisière des ombres,
la caresse infime 
d’un doigt amoureux,
le lien inaltérable
de ce que nous sommes.
Ce soir on reçoit,
on fait bombance,
nappes blanches sur tables de pierres,
ils viendront en nombre.
Il en est sûr,
la pêche sera miraculeuse.

mercredi 12 septembre 2018



Jardin d'enfants


(Landévénnec, Finistère, ancienne abbaye, 9 septembre)

Il y a quelque temps lors d’un « atelier théâtre », c’est le nom officiel, avec des personnes âgées, l’une d’entre elles, nouvelle venue, ne voyant dans ces échanges informels rien de ce qu’elle entend par théâtre me pose cette question: comment ça s’appelle ce que vous êtes en train de faire? Incapable de répondre précisément, je me tourne vers les autres. L’une, une femme très cultivée qui manifestait un fort désir de théâtre, répond: ça s’appelle art et essai, mais il manque quelque chose, oui, poésie, on pourrait appeler ça art essai et poésie. Une autre, une ancienne fleuriste, répond: Enfance, ça s’appelle enfance! 
Depuis dix jours je suis au monastère de Landévénnec pour les répétitions d’un spectacle qui sera joué dans les ruines de l’ancien monastère. Chaque matin je regarde se lever le soleil du même endroit avec une joie profonde. Un jour je croise un moine remontant du verger en chantant, sautillant et battant des bras. Un autre jour le regard brillant d’un autre moine qui sert contre lui le paquet de fraises Tagada qu’on vient de lui offrir, me réjouit. Un autre jour encore, à table, nous parlons des jeux de billes de notre enfance, des billes de verres, des billes de terres, des agates, des calots, nous sommes des gamins qui sortent de leurs poches des poignées de billes et comparent leurs splendeurs. Un soir, sur un banc face à une prairie qui doucement descend vers l’Aulne, c’est un inextinguible fou-rire lors d’une italienne avec ma partenaire de jeu.
Dans le potager une main a inscrit en grosses lettres naïves sur l’épaisse écorce d’une courge le mot amour. Un matin, les moines ramassant les pommes mûres tombées de l’arbre nous font de grands signes de salut, tandis que nous descendons vers les lieux du spectacle. Beaucoup de sourires croisés, de rires échangés, et le désir de bêtises là où prône la rigueur.
Et chaque soir nous répétons au milieux des vieilles pierres, nourris de leur puissance et de leur mémoire, sous le ciel étoilé, à l’heure où le vent est tombé. Nous jouons, nous questionnons, graves et joyeux, nous sommes des enfants barbus et dégarnis, des enfants qui ont vécus mille vies. 
Ici, le jardin d’enfants!




Landévénnec 10


(Landévénnec, 8h)

Ce matin
le soleil rechigne,
cendre et bruine.
En bas
la barque elle-même
n’est plus là.
Je me confierai à l’arbre.

mardi 11 septembre 2018


Landévénnec 9
Rendez-vous


(Landévénnec, 8h30)

Chaque jour entre sept heures et huit  heures
du haut de la colline
je regarde se lever le soleil sur l’île d’Arun.
Ce matin je me lève trop tard.
Le soleil a-t-il été impatient?
pourtant je sais qu’il est là, quelque part,
comme je sais que tu es là, mon amour.

lundi 10 septembre 2018


Landévénnec 8


(Landévénnec, 8h)

À l'est, pas la moindre lueur,
la marée est haute,
l’île d’Arun est inaccessible, triste.
Il faut déplacer le regard plus au nord,
une barque y repose,
elle attend.
Dans la prairie humide
un chevreuil immobile m’observe.
Quel est cet homme,
Que va-t-il faire?
Se demande-t-il.

dimanche 9 septembre 2018


Landévénnec 7


(Landévénnec, 7h50)

Tourterelles, goélands, pinsons, pics
s’en donnent à cœur joie.
Au septième jour,
ouvrir le regard au ciel
pour mieux appréhender la terre.

Landévénnec 6 bis


(Landévénnec, 8 septembre, 7h30)

La lourde brume ne parvient pas à effacer l’île d’Arun.
Tant d’années à tenter de dire,
puis l’évidence du silence.

Miniatures éphémères


(Landévénnec, Finistère, 7 septembre)

Légende bretonne

samedi 8 septembre 2018



Landévénnec 6
L'acteur


(Landévénnec, 8h)

Tapi sous d’obscures frondaisons
le fauve attend son heure.
Sur scène la perspective d’une île
où l’âme se dévoile
sans entraves.

vendredi 7 septembre 2018


Landévénnec 5


(Landévénnec, 7h15)

La voix a le grain du ciel
la chauve-souris s’attarde
seul l’amour ne doute pas

jeudi 6 septembre 2018


Landévénnec 4


(Landévénnec, 7h50)

là-bas, au delà de la poudrière, 
la rumeur d’un monde qui tremble.
Ici, la chute d’une pomme,
un froissement d’ailes,
la patience du limon,
puis l’envol.

mercredi 5 septembre 2018


Landévénnec 3


(Landévénnec, 7h30)

Le ciel peine à s’ouvrir
pourtant cette chaleur
mon doux, mon tendre amour

mardi 4 septembre 2018



Landévénnec 2



(Landévénnec, Finistère, 8h)

Brumes
croassements
parfum de pommes pourries
le soleil en embuscade

lundi 3 septembre 2018


Landévénnec 1


(Landévénnec, Finistère, 7h30)

Le ciel peut peser de tout son poids,
ici, terre et eau réunis ont une telle force
que jamais ne s’éteint le sourire.

dimanche 2 septembre 2018


Miniatures éphémères
Cosmologie du sous-bois


(Vaucresson, 23 août)

Cosmologie du sous bois
astrologie de la canopée
sous la voute de l’érable
le natif du cancer
attend son heure

samedi 1 septembre 2018


Dans les brumes de la fontaine


(Paris, Les Halles)

Un père regarde sa fille jouer dans les brumes de la fontaine. Il songe au mystère de ce qu’elle est, de ce qu’elle deviendra.