Un petit pied nu
(Villeneuve-les-Avignon, Gard, 3 juillet)
Michel reprenait doucement goût aux petites choses du quotidien. Se faire à manger, ce que l’on veut, des haricots, un crottin, du Serrano, un verre de Mouton Cadet, ce que l’on veut et rien d’autre. Laver l’assiette, le verre, le couteau, un couteau aiguisé, un couteau qui tranche sans hésitation, balayer les miettes, secouer la nappe, par la fenêtre grande ouverte, tandis que crient les martinets. Michel prenait ses marques dans ce petit appartement que lui avait trouvé l’APCARS, association de réinsertion. Il y avait des fleurs sur la nappe, un cadre au mur avec un homme à cheval sur une tortue, une horloge qui sonnait à chaque heure avec un chant d’oiseau. À minuit c’était une chouette. La première nuit, il n’avait pas dormi, tellement surpris d’être sorti de prison et de se retrouver là, dans un grand lit, avec des draps de couleur.
Quand il s’était penché à la fenêtre la première fois pour secouer la nappe, il faillit basculer d’émotion en apercevant le pied nu de l’enfant Jésus; sur le pignon de pierre du bâtiment voisin était sculptée une magnifique vierge à l’enfant.
Quand la police était venu l’arrêter, Sandrine lui avait dit adieu en tenant leur petite Mathilde d’à peine quelques jours, de la même façon que cette sculpture. Il avait pris dans sa main rude le petit pied nu, l’avait serré légèrement avant de l’embrasser. Il se rendait soudain compte que durant ces années d’enfermement, ce petit pied nu était ce qui lui avait le plus manqué.
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