samedi 31 mars 2018


J'écoute la pluie


(Maulévrier, Maine-et-Loire, 16 mars)

A l’abri sous l’arbre taillé en cloche, 
j’écoute la pluie.
 Et je vide mes poches.

vendredi 30 mars 2018


Le saule


(Oloron-Sainte-Marie, Pyrénées-Atlantiques, 29 mars)

La truite dit au saule: notre temps est compté. Mais le saule s’accroche, verdit, en avance ou en retard mais verdit encore. Les siens étaient là avant les murs. Quand les murs s’écrouleront, les arbres reprendront leur place.

jeudi 29 mars 2018


Conversation


(Sur la D9 entre Monein et Cardesse, Pyrénées-Atlantiques)

Le héron-garde-boeuf coasse, la vache meugle, le bois craque et le ver se fait discret.

mercredi 28 mars 2018



Un marin qui sait y faire


(Port de Bayonne, 27 mars)

Le ciel est noir, l’Adour est boueux, Rosalie aime un marin polonais au goût de fer.
Un marin qui boite un peu, un marin qui ronronne et rugit, un marin qui sait y faire.
Demain il partira pour l’Argentine.  Il lui a dit: ne m’attends pas, jamais.
Mais Rosalie est une fille qui attend, toujours.
Elle ne dormira pas, elle écoutera les pas dans l’escalier, elle regardera par la fenêtre, elle fumera des cigarettes, des Camels, comme lui.
Elle regardera son téléphone, elle pleurera, elle se caressera en pensant aux mains épaisses qui savent si bien trouver le chemin, elle sera heureuse d’aimer, puis pleurera à nouveau.
Rosalie travaille dans un restaurant sur les berges de l’Adour. Elle essuie les tables avec rage. En face L’Albatross est toujours à quai. L'Albatross, avec deux s, deux corps emboîtés. Son marin est à bord. Il va passer la nuit dans sa cabine. Sans elle. Demain il prendra la mer.
Elle voit le cargo, elle entend son matelot claudiquer sur la passerelle, elle sent son parfum de musc et de fer, elle le veut là, maintenant pour elle seule, et elle frotte frénétiquement le bois des tables.
Il lui a dit: ne m’attends pas. Mais elle attendra. Ce que Rosalie aime par dessus tout, c’est aimer, même si ça brûle. Alors elle attendra, jusqu’à ce que d’un autre cargo descende un autre matelot.
Un philippin au goût de bois, un indien  au goût de safran ou un malais qui sait aussi bien y faire.

mardi 27 mars 2018


Sortie sèche


(Biarritz, 24 mars)

Une connerie, un braquage qui a mal tourné, il a pris quinze ans.
Sa mère est morte , on ne l’a pas laissé sortir, son frère est mort, on ne l’a pas laissé sortir, son père est mort, on ne l’a pas laissé sortir.
Il vient d’être libéré. Douze ans. Sortie sèche. Largué dans la nature, il a pris le premier train qui passait. Sans billet. Le contrôleur l’a débarqué à Biarritz. Il a marché jusqu’à la mer.
Il regarde les vagues se fracasser sur le rocher.

lundi 26 mars 2018


Trains


(Gare de Bordeaux, 17 mars)

Je me souviens du train à vapeur qui passait sous le pont des Trois Pierrots à Saint-Cloud.
Je me souviens des banquettes de skaï, des wagons verts avec un trait jaune, de la gare Saint-Lazare.
Je me souviens de l’odeur, bois et métal, un peu âcre.
Je me souviens du bruit régulier, sec, des roues sur le rail.
Je me souviens de la carte de famille nombreuse de ma mère.
Je me souviens des voyages en « train-auto » de nuit aux vacances d’été avec mes parents et mes trois sœurs.
je me souviens de la première fois où j’ai pris le train tout seul pour aller à Paris voir un film interdit aux moins de treize ans.
je me souviens des derniers trains que l’on attrape de justesse à une heure du matin.
Je me souviens avoir dormi dans des gares en Italie.
Je me souviens avoir attendu mon amoureuse le coeur battant.
Je me souviens d’une vieille mendiante qui se trainait sur ses mains, les genoux repliés et protégés de cuir, le long de la voie ferrée en Yougoslavie. Le train était à l’arrêt, des voyageurs lançaient des pièces, une nuée d’enfants les ramassait pour les donner à la vieille.
Je me souviens de ce train bondé entre Belgrade et Zagreb. J’étais assis sur mon sac à dos dans le couloir, coincé entre une mère, ses trois enfants  et leurs bagages. Ils m’avaient offert un morceau de fromage.
Je me souviens du goût du riz au lait à la cannelle d'un vendeur ambulant d’un train du Péloponnèse.
Je me souviens m’être endormi sur une banquette de bois dans un train italien. Je venais de passer un mois à la belle étoile et ce bois en était presque moelleux.
je me souviens de mon premier voyage en wagon-lit en compagnie d’un vieux comédien qui sentait l’ail.
Je me souviens du régisseur en gare de Hambourg qui nous attendait à la descente du train avec une valise pleine de billets pour nos donner nos défraiements.
Je me souviens des appelés qui  gueulait: la quille! dans les trains du sud-ouest.
Je me souviens avoir embrassé une inconnue une nuit en revenant de Suisse sur les banquettes dépliées. Je l’ai revue quelques années plus tard totalement par hasard.
Je me souviens avoir dit à une fille que c’était fini Gare du Nord à Bruxelles tandis qu’une bande de jeunes gens éméchés chahutait sur le quai.
Je me souviens des bonnes soeurs à cornette dans le train de nuit pour Lourdes, et des brancards sur le quai au petit matin.
Je me souviens des grincements des trains la nuit, lorsque je dormais chez Sophie rue du Charolais, à deux pas de la gare de Lyon.
Je me souviens avoir écrit une lettre d’amour au buffet de la gare de Lyon.
Je me souviens d’un skinhead frappant un camarade et lui fauchant son parapluie dans une gare à Londres.
Je me souviens de la gare de Limoges.
Je me souviens m’être souvent contorsionné pour me rhabiller sur des couchettes de seconde.
Je me souviens avoir été soudain réveillé par le silence du train à l’arrêt et avoir soulevé le rideau pour lire le nom de la gare déserte.
Je me souviens de mon train électrique. Il y avait une locomotive noire et trois wagons de marchandises.
Je me souviens d’une bande son:  des cris de chouette, puis un  train qui part, un train à vapeur qui démarre, siffle, accélère petit à petit. C’était dans le premier spectacle auquel je participais, « Prends bien garde aux Zeppelins ».

dimanche 25 mars 2018



Miniatures éphémères


(Navarrenx, Pyrénées-Atlantiques, 20 mars)

Le printemps est en retard.

samedi 24 mars 2018


"Voir dans l'ombre"
(Exposition « Voir dans l’ombre », Zigor, Casino Bellevue, Biarritz)


Dès l’entrée l’émotion me saisit. C’est une grande salle où sont exposées sur leur piédestal les sculptures de bois de Zigor, sculpteur, peintre, photographe et poète basque. Est-ce le bois travaillé au cœur, la sensualité des formes, la douceur de la matière face au poids de la sculpture?
Mon cœur se serre.
Il y a dans ces sculptures autant d’appels à la contemplation qu’à l’action. Le désir de se frotter, de se heurter à la matière avec amour. Le geste de l’artiste est là dans toute son humilité et son humanité face aux éléments. Il soulève l’arbre pour nous en offrir l’âme. Il saisit le rocher pour en caresser le cœur. Il appelle à toucher, puis regarder plus loin, plus profond. Il a fallu tronçonner,
frapper, tailler puis polir, polir tendrement. Douceur et puissance, accepter ce qui est, inéluctablement.


« Lorsque l’homme regarde l’arbre,
il voit l’espace et il rejoint le temps »

« Déplacer une petite pierre
et vous verrez les larmes des arbres,
la colère des nuages,
l’affolement de la rivière,
et avec le cri des bêtes,
le changement du poids du monde. » 

                                          Zigor


vendredi 23 mars 2018


Une porte 


(Hendaye, 6h30)

La beauté me fait parfois envisager toute fin comme une porte qui s'ouvre.

jeudi 22 mars 2018



C'est pas juste!


(Magesq, Landes)

Nicolas dit que l’arbre est bleu a cause des larmes des enfants punis qu’on a collés au tronc.
Nicolas dit que les murs sont bleus a causes des larmes des enfants punis qu’on a enfermés.
Nicolas sait pourquoi le ciel est bleu, pourquoi la mer est bleue. Il sait pourquoi les murs de la chambre de Grand-père sont bleus.
Nicolas dit qu’il fera disparaitre sa mère, son père, sa maîtresse et le docteur. Il dit qu’il laissera sortir Grand-père et qu’il se mariera avec l’infirmière qui a une blouse verte.

mercredi 21 mars 2018



Paysage


(Entre Mauléon et Saint-Palais, Pyrénnées-Atlantiques)

Il me  faut ces espaces pour supporter la brutalité des hommes.

mardi 20 mars 2018



Sale temps à Lagor


(Lagor, Pyrénées-Atlantiques)

Sale temps ce matin à Lagor. Hector n’ira pas au jardin. Il tombe de la neige fondue. À Noirmoutier, les patates ont gelé. Le cousin Léon a planté son Audi dans la neige à Biarritz. Hector n’ira pas au jardin, encore une fois. Il ira au bistrot. Ils parleront du temps qu’il fait, du réchauffement climatique et de la soeur de Léon qui n’en fait qu’à sa tête. Ils boiront des bières. Tant qu’il tombera de la neige fondue, ils boiront des bières.
Hector est opérateur de production à l’Usine chimique Arkéma à Lacq. Du temps de son père on disait ouvrier spécialisé. Il fait les trois huit. Quand il est de nuit, il se lève à midi, puis va au jardin, comme le faisait son père. À quatre heures et demi il va chercher son fils à l’école. Le gamin est content quand c’est papa qui vient.
Hector va au jardin quand il fait beau. Et encore… Il y va de moins en moins. C’est sûr que le ciel se détraque, mais il n’ y a pas que le ciel. Sa volonté s’écaille comme la peinture des volets. Un de ces quatre il faudra donner un coup de pinceau. Quand il fera beau.
Hector est fatigué. Pourtant il n’a que trente quatre ans. Il gagne bien sa vie, il a un beau garçon et une jolie femme. Bon, avec les trois huit c’est pas simple, Nadine en a marre.
C’est peut-être ce qu’il respire à l’usine qui le fatigue, ou les horaires décalés, il ne sait pas trop. Le médecin du travail dit que tout va bien.
Hector va de moins en moins au jardin. Il boit de plus en plus de bière. Nadine lui a dit. Il a répondu que c’était à cause de la météo.
Il fait vraiment un sale temps aujourd’hui à Lagor. A quatre heures et demi Hector est encore au bistrot. Il a oublié son gosse. C’est la première fois.

lundi 19 mars 2018


Art moderne


(Palais des Doges, Venise, installation de Pino Pascali: Cinque bachi da setola e un bozzolo, 23 janvier)

Tout est gris ce lundi à Navarrenx. Une pluie froide tombe depuis ce matin. Un misérable bananier pourrit devant la porte de mon gîte. Il me faut de la couleur. Ce sera Sophie qui s’inscrivait parfaitement dans cette installation ce jour de janvier à Venise. Nous avions beaucoup ri.

samedi 17 mars 2018



Gérald


Le cousin Gérald, l’ami Gérald s’est fait la malle la semaine dernière, fauché par un AVC. 60 ans. Ce n’est pas juste me dit ma mère qui, à 93 ans, est en pleine forme.
 Nous étions des gamins, nous nous voyions à Hendaye, nos grands parents y avaient des maisons. Gérald dessinait beaucoup. Il me montrait  le Blueberry de Jean Giraud en disant: c’est ça que je veux faire plus tard. Je lui disais: moi, je veux faire du théâtre. Nous rêvions d’aventure. Il est devenu dessinateur et enseignant, je devenais comédien. Nous avons longtemps cheminé sans nous voir. Nous nous sommes revus à Hendaye il y a une dizaine d’années. J’ai découvert son travail, ses bandes dessinées, sa passion pour le Vietnam. Professeur de bande dessinée à l’EESI d’Angoulème, il avait initié un master de bande dessinée à Hanoï où il se rendait souvent.
C’était l’un de nos principaux sujets de conversation. Il me parlait du Vietnam, je lui parlais de la Guyane. Nous nous retrouvions chaque été avec nos compagnes. Je me disais, lui c’est un vrai aventurier. Je me demande s’il ne se disait pas la même chose à mon sujet, moi qui ne suis qu’un cow-boy de papier. Dans l’un de ses ouvrages apparaissait mon grand-père qui avait vécu au Vietnam. Nous parlions beaucoup de la famille. Je ne sais plus qui disait que l’on passe la moitié de sa vie à s’éloigner de sa famille et l’autre à s’en rapprocher.
Depuis une semaine je parcours les routes des Deux-Sèvres, Vendée et Maine-et-Loire en jouant dans les écoles. Je parcours les routes sous des cieux tourmentés magnifiques quand perce le soleil. Mercredi, je n’ai pas joué. Nous avons célébré la mémoire de Gérald à Angoulème. les émouvants témoignages de ses collègues et élèves  disaient à quel point il était apprécié.
Le lendemain je repartais sous la pluie.
Et puis vendredi, après le dernier spectacle dans la région, je découvre ce parc oriental à Maulévrier, à deux pas de l’école où je viens de jouer. Je m’y promène seul. Aux averses je me réfugie sous les arbres taillés à la japonaise. Comment ne pas voir Gérald, lui qui aimait tant l’Asie, le voir dans la forme des arbres, dans les lions de pierre, dans les roches posées, dans les mousses et lichens, dans le temple khmer et le pont rouge.
Peu avant la fermeture il tombait de fines gouttes de pluie en même temps qu’apparaissait le soleil. Des gouttes qui piquetaient  l’étang. L’eau et la lumière, en même temps. La pointe d’un pinceau, l’aquarelle, pour me parler du Vietnam. Salut l’artiste.



(Maulévrier, Maine-et-Loire, 16 mars)

vendredi 16 mars 2018



Giboulée


Jeudi, à La Folie-Poisson, le ciel s’est ouvert, il est tombé des trombes d’eau, les essuie-glaces se sont affolés. Je me suis arrêté. La pluie a cessé d’un coup. Un âne a traversé la route suivi de près par un homme avec un haut-parleur sur le dos, un homme avec un chapeau noir qui ruisselait. À nouveau le ciel s’est ouvert libérant les flots. La pluie battait, les arbres étaient noirs, les maisons étaient noires. La pluie a effacé l’homme et l’âne puis elle s’est arrêtée. Le ciel est devenu blanc. Une femme en robe de mariée a traversé la route  à son tour, elle courait tenant le bas de sa robe, elle courait après l’homme et l’âne, elle courait dans les champs gorgés d’eau. Le ciel est redevenu noir puis s’est ouvert une troisième fois. La femme a disparu sous la pluie battante.
Enfin le ciel s’est tari. Les  maisons sont redevenues blanches, l’herbe verte et le panneau « La Folie-Poisson » rouge et blanc. Quelque part on entendait un âne braire.


(Le Pin-en-Mauges, Maine-et-Loire)

jeudi 15 mars 2018



Cheveux


 (Poitiers, Vienne, 14 mars)

Quand j’étais enfant, ma mère m’emmenait chez un coiffeur à Suresnes, un petit coiffeur pour homme uniquement. Il y avait trois marches devant l’entrée. Je me souviens de la publicité Pétrole Hahn que je fixais sans rien dire tandis que l’on me coupait les cheveux en brosse, une brosse très courte.  Je détestais ça, je voulais des cheveux de fille, des cheveux qui tournent, des cheveux que l’on rejette d’un mouvement de tête, des cheveux qui caressent les épaules, des cheveux qui s’étalent sur l’oreiller, des cheveux qui coulent, bouclent, et s’emmêlent, des cheveux de soie, des cheveux que l’on voit de loin.
À treize ans je troquais les culottes courtes et pantalons gris qui grattent pour des jeans, les polos moulants pour des chemises portées toujours ouvertes au col. Je refusais désormais d’aller chez le coiffeur. Mes cheveux ont poussé, noirs, bouclés, des cheveux de sauvageon dont je prenais grand soin.
Je me sentais plus grand, plus fort. Un de mes oncles, chaque fois qu’il me voyait me disait: quand vas tu chez le coiffeur? je ne répondais pas, je me contentais de le regarder avec un grand sourire.
Nous étions en 1968.

mercredi 14 mars 2018


La pierre


(Pougne-Hérisson, les Brosses, Deux-Sèvres, 7 mars)

La pierre peut-elle se transformer en nuage, le nuage en arbre, l’arbre en pierre?

mardi 13 mars 2018


Empreintes


(Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Vendée)

Suivre les traces
 de côté
d’autres traces alors
que d’autres suivront
de côté
d’autres traces encore
et toujours
une silhouette solitaire

lundi 12 mars 2018


Le Rosier des chiens


(Sur la N149 entre Poitiers et Parthenay, 7 mars)

Un, le Bouleau verruqueux, deux l’Aubépine à deux styles, trois, le Cornouiller mâle, quatre, le Peuplier tremble, cinq, la Bruyère à balais, six, le Cerisier de Sainte-Lucie…
Marin lisait des livres, Marin était curieux, Marin cherchait à comprendre, Marin n’était pas d’accord. Un jour, on a forcé sa porte, on a fouillé sa maison, déchiré ses livres. On lui a mis des fers aux pieds,
Sept, la Callune commune, huit, le Fusain d’Europe, neuf, le Chêne Rouvre, dix, le Fragon piquant,
onze, le Saule pourpre, douze, la Viorne lantane…
Marin a vidé ses poches. On lui a pris sa montre, son couteau et ses crayons. On lui a ôté sa ceinture et ses lacets. On ne lui a rien dit. On l’a enfermé. Quatre murs de pierre, une porte de fer, un soupirail.
Treize, le Daphné garou, quatorze, l’Épine noire, quinze, le Pommier sauvage …
Marin a retiré un clou à sa chaussure. Chaque jour avec le clou, il creuse la pierre. Un trait, chaque jour. Marin gratte la pierre. A chaque trait un arbre, un arbuste. Marin raconte.
Seize, Le Rosier des chiens… Marin dit l’épine brune qui égratigne le marcheur, les folioles dentelées qui vont par cinq ou sept, la fleur blanc-rosé à cinq pétales qui attire l’abeille, les cynorhodons rouges vif qui irritent la peau, Marin dit, tache de ne rien oublier.
Seize jours déjà. Quand il aura dit les arbres et les arbustes, il dira les insectes, puis les oiseaux, puis les  bêtes à poils. Il dira les fermes, les chemins, les villages. Il dira les hommes… il grattera la pierre, il dira les hommes, les femmes, il grattera la pierre, il dira les noms, il dira son pays, tout son pays, jusqu’à ce qu’il sorte.

dimanche 11 mars 2018



Miniatures éphémères


Chevauchée fantastique dans un monde qui s'effrite

samedi 10 mars 2018


Monsieur Loiseau


(Pougne-Hérisson, Deux-Sèvres, 7 mars)

Le nez en l’air sur les sentiers de la Gâtine Poitevine, je pense à monsieur Loiseau, le professeur principal de notre fils lorsque celui ci était en CAP ébénisterie qui disait aux parents inquiets qu’il était tout aussi important de regarder les nuages que d’étudier. Ses élèves l’aimaient beaucoup.

vendredi 9 mars 2018



Monument aux morts


(Le Busseau, Deux-Sèvres)

Un soldat vert et une voiture bleue.
Un soldat de plastique vert qu’une pichenette fait voler dans les airs. 
Une voiture de plastique bleue que l’enfant lance en imitant le crissement des pneus.

jeudi 8 mars 2018


Aigle Noir


(Pougne-Hérisson, les Brosses, Deux-Sèvres)

J’avais huit ou neuf ans. Nous n’avions pas encore la télévision. De temps en temps j’allais en fin d’après-midi chez les voisins voir le feuilleton Aigle Noir. Aigle Noir, le chef cheyenne. C’est lui que je m’attends à voir surgir ce matin de derrière le rocher de granit, un rocher sans âge couvert de lichen. Je regarde se lever le soleil entre la pierre et l’arbre à histoires, avec la même joie que lorsque je sonnais à la porte des voisins.

mercredi 7 mars 2018



L'arbre à histoires


(Pougne-Hérisson, les Brosses, Deux-Sèvres)

Ce soir je dormirai dans une petite maison de pierre au pied de cet arbre dans un pays de chaos granitiques et de pierres branlantes. Cet arbre vrillé dans la terre n’est pas tout à fait mort. Quelques branches bourgeonnantes partent à mi hauteur du tronc. Ce pourrait être un arbre à pendu ou un arbre à histoires. Les chirons qui parsèment les prés, les haies, les troncs bas et massifs des arbres taillés courts depuis plusieurs générations, tout cela m’enchante. Et puis nous sommes à quelques kilomètres du Nombril du Monde, Hérisson, hauts lieux des contes. Alors ce sera un arbre à histoires.
L’histoire d’un arbre qui, dans le temps où l’on pendaient  avec rage le moindre malfaiteur, se tournait en craquant chaque fois que l’on tentait d’y attacher une corde. On renonçait alors et on libérait le condamné. L’arbre avait parlé.
L’histoire d’un prisonnier qui, en fuyant  laissa ses rêves accrochés aux barbelés avec une goutte de sang. De cette goutte de sang naquit un arbre sans feuilles, ni fleurs, un arbre qui, devant les bannis se tournait pour leur indiquer le chemin vers des lieux plus accueillants.
L’histoire d’un ivrogne mort de froid par une terrible nuit d’hiver. En cet endroit a poussé un arbre  facétieux qui parle et danse.
L’histoire de deux amoureux qui les nuits de pleine lune se couraient après autour d’un arbre. Tant et si bien que celui-ci en avait le tournis, perdait ses feuilles qu’aussitôt nos amoureux ramassaient pour s’en faire une couche.
L’histoire d’un homme qui se dit qu’il faudrait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, mais n’a jamais été capable de s’y tenir.
L’ histoire d’un homme qui, en traversant le ruisseau, a laissé une chaussure dans la boue. Il a juré, un arbre s’est retourné.
L’histoire du cyclope échevelé, l’histoire de la pierre qui roule, l’histoire de l’oiseau noir, l’histoire de la vache maigre, l’histoire d’hier soir et celle de demain.

mardi 6 mars 2018


L'histoire de l'homme qui marche avec un chien


(Sur la D332 entre Tartas et Mugron, Landes, 2 février)

C’est un homme qui marche avec son chien, 
 un homme qui marche et ne pense à rien.

lundi 5 mars 2018


Sur la terre


(Hendaye, 30 janvier)

Vendredi, une assistante maternelle, après m’avoir entendu raconter l’histoire de l’oiseau qui s’envole à l’instant où s’éteint son créateur, me dit les yeux brillants combien elle aimerait avoir d’aussi grandes ailes pour s’envoler, loin d’ici.
Ce matin, à la station Auber, une dizaine d’hommes dorment, allongés sur des cartons, la tête recouverte  de leurs blousons, tandis qu’une foule indifférente s’engage sur un trottoir roulant. Une femme trébuche, le trottoir roule, elle se relève seule, rentre dans le rang.
Cet après-midi une femme de cent ans me dit en me regardant droit dans les yeux: quand vous arrêterez de vous faire la guerre, ça ira peut-être un peu mieux.
Jeudi, la lune était pleine, le ciel clair. Ce soir, je ne la vois pas, mais c’est bon de regarder le ciel.

dimanche 4 mars 2018



Miniatures éphémères
Mimosa


(Hendaye, 27 février)

Certains parfums entêtants nous font se blottir en un instant dans l’enfance.

samedi 3 mars 2018



C'est mon pays


(Sur la D245, Lot-et-Garonne, 1er mars)

Ce matin j’ai vu un homme tirer un bois comme une charrette,
j’ai vu la mer là où elle ne devrait pas être.
L’homme m’a dit c’est mon pays, je cherche un coin pour dormir.

vendredi 2 mars 2018



Un fusil pour ses douze ans


(Luzignan-Petit, Lot-et-Garonne)

On lui a offert un fusil pour ses douze ans
il a pris la lune pour un oiseau
il a tiré
soudain il a fait nuit noire

jeudi 1 mars 2018


La forme des nuages


(Au croisement de la D13 et de la D118, Lot-et-Garonne)

Qu’ils portent pluie, neige, grenouilles, ou rien qui ne nous tombe sur la tête, il y a toujours quelque chose de réjouissant dans la forme des nuages.