mercredi 18 juin 2025

 

La course

(Courbevoie, Hauts-de-Seine, 21h 40)

Entre 21h et 22h, il court, chaque soir, il tourne autour du stade, il mouline, il se réinitialise. Il court à côté de la piste, sur la terre, la vraie, c’est plus tendre, les mises à jour passent mieux. iI tient la cadence, une heure, il pourrait courir les yeux fermés. Au bout de plusieurs tours, c’est comme s’il décollait avec le stade, il tient les commandes, une soucoupe volante au dessus de la ville laminée.

mardi 17 juin 2025

 

Ministère de la solitude

(Hautes-Pyrénées, 30 mai 2012, 14h30)

J’ai appris aujourd’hui qu’au Japon et en Angleterre il existait un ministère de la solitude.

lundi 16 juin 2025

 

L'éphémère

(Éphémère, Avignon, 12h 40)

Place Pie, à Avignon, une minuscule éphémère coincée sous une corbeille à pain résiste au mistral. Ces insectes, apparus au Carbonifère, entre 350 et 295 millions d’années ne vivent que quelques heures après avoir quitté l’état larvaire qui peut durer plusieurs années. Quelques heures pour se reproduire. Elles ne se nourrissent même pas, elles n’ont ni bouche ni tube digestif. Midi, c’est le coup de feu, serveurs et serveuses courent d’une table à l’autre. l’éphémère s’est décroché de la corbeille et a atterri sur la table d’à côté. J’arrête la main du serveur au moment où il allait balayer la table d’un coup d’éponge. Nous attendons ainsi quelques instants, ma main sur son poignet, que l’insecte s’envole.  Nous sommes peu de choses, me dit-il.

dimanche 15 juin 2025

samedi 14 juin 2025

 

Avec les hirondelles

(Avignon, 20h 40)

De passage pour des repérages

Va jouer là tout l’été

Rick est monté sur le toit pour voir la mer

Y a pas la mer mais y a le ciel

Et les hirondelles

Ça ouvre les hirondelles

T’as le cœur comme un calendrier de l’avent

Y a les oiseaux qui tracent

Qui ouvrent toutes les fenêtres de carton

T’as le palpitant qui déborde

Et le groove qui monte

T’es tout seul tout plein d’amour

Avec les hirondelles

vendredi 13 juin 2025

jeudi 12 juin 2025

 

(Vaucresson, 10h 35)

Par le trou de la serrure

Iris et Coquelourde

Sous le Noisetier


mercredi 11 juin 2025

 

Billet pour arachnophobes

(Misumène variable, dite aussi Thomise variable, araignée crabe ou araignée citron, Vaucresson, 18h 10)

Une araignée charnue en embuscade sur la  rose. 

En une année les araignées du monde entier consomment entre quatre cent millions et huit cent millions de tonnes de proies, soit une à deux fois la masse de l’humanité*.


* Source: L’éthologue Raphaël Jeanson dans La Terre au Carré sur France Inter ce jour.




mardi 10 juin 2025

 

Avec sa chaise sur le dos

(Paris 18ième, 11h 45)

Raul a traversé la frontière avec sa chaise sur le dos. La chaise du père, et avant, celle du grand-père. Celle qui va en bout de table, celle qu’on sort le soir sur le pas de porte pour fumer la pipe, regarder la lune et refaire le monde pour le lendemain. Pour le vieux, fallait une bonne paire de chaussures, un bon lit et une chaise confortable, alors il avait mis les moyens, torsades et velours pour la chaise du chef de famille. Raul a fui en 1939 après que les nationalistes aient cramé son village. Il a sauvé la chaise, rien que la chaise, sa famille a été décimée et la maison détruite. Il a parcouru la campagne à feu et a sang sa chaise sur le dos, il a franchi les montagnes sa chaise sur le dos, il a débarqué au camp de réfugiés d’Argeles-sur-Mer avec sa chaise. On lui a laissée, t’enlève pas sa carapace à une tortue. Raul maniait le rasoir comme pas deux. Aux baraquements, il s’est fait barbier. Il installait ses premiers clients sur sa chaise. Il rasait de près  en racontant que c’était grâce à son coup de rasoir qu’il s’en était sorti. Ça marchait bien. Il est monté à paris à vélo sa chaise dans une remorque, la chaise, son costume du dimanche, ses rasoirs et ses serviettes. Il a ouvert une petite boutique rue Lamarck, Raul, le barbier républicain. Il y avait une enseigne avec deux rasoirs croisés comme des épées. Il a rencontré Suzanne qui vendait du poisson rue Damrémont. Elle l’a aimé d’emblée. Elle a laissé le poisson pour la barbe et les cheveux. Quand on sait ouvrir, vider, et écailler d’un coup de lame, y a pas long à apprendre à raser et couper, et ça sent meilleur. Souvent elle sortait la chaise et s’asseyait là comme une reine dans sa robe à fleurs devant la boutique. Ça attirait le client. Raul et Suzanne ont ajouté la coiffure et le shampoing à leurs prestations. Suzanne massait le cuir chevelu des hommes de telle sorte que ceux  ci devenaient de fidèles clients. Ils ont eu un fils. Lui aussi a appris le maniement des lames et la considération du poil. Suzanne est morte à soixante dix sept ans d’un coup, d’une crise cardiaque sur un manège à la foire du trône, un manège qui pourtant ne tournait pas bien vite. Elle chevauchait un éléphant de bois, Raul était derrière sur un tigre et criait à tue tête, je t’aurais, je t’aurais. Finalement c’est la camarde qui l’a eu. Raul a cessé de travailler, trop de chagrin. C’est Miguel, le fils qui a pris la relève. Raul restait devant la boutique sur sa chaise, il racontait aux passants et clients les tribulations de cette chaise à l’assise élimée. Raul est mort un jeudi de juin, deux jours après son anniversaire, tranquillement dans son lit, son fils assis sur la fameuse chaise à ses côtés. Voilà. La boutique existe toujours. La ville a changé, on ne s’assoit plus devant les pas de porte pour tailler le bout de gras. Miguel a finit par bazarder la chaise mangée par les vers.

lundi 9 juin 2025

 

Coquelourde des jardins

(Coquelourde des jardins, Silene coronaria, Vaucresson, 12h 20)

Les fleurs essaiment et se promènent. En février ce sont les Perce-neiges, en mars les Crocus, en avril les Jacinthes des bois et les Primevères, toutes se répandent chaque année dans des coins différents du jardin tandis que les Jonquilles et le Muguet fleurissent toujours au même endroit. Enfin début juin ce sont les Coquelourdes qui explosent à vingt mètres de là où a été planté le premier plant il y a quelques années. Elles sont allées du Lilas au Noisetier. Quelques unes se sont arrêtées au milieu de la prairie, la tondeuse les contourne. Les autres rayonnent au bord de l’ombre de l’arbre. C’est la Foire du Trône, le 14 juillet, c’est l’enfance et la liberté.

dimanche 8 juin 2025

 

Miniatures éphémères

(Buxerolles, Vienne, 31 mai, 18h 35)

Peinard sur le pin pleureur

samedi 7 juin 2025

 

Foot

(Hendaye, 5 juin, 22h)

Il est tard, ne reste que le sable piétiné et les rêves des mômes accrochés aux filets.

Au lendemain de la victoire du PSG ils étaient des dizaines à taper dans le ballon. Tous aux cages de foot, personne aux filets de volley.

vendredi 6 juin 2025

 

Renverser la table


(Hendaye, 5 juin, 21h 45)


Prendre un sac, le strict nécessaire, claquer la porte, courir vers la mer, la foulée de quelqu’un qui n’est pas près de revenir, un coup d’oeil derrière, s’assurer de ne pas être suivie, effacer ses traces sur la plage, comme dans les films, essoufflée, s’asseoir au pied d’un poteau sur le sable encore chaud de cette journée pourtant ensoleillée, encore tremblante d’avoir renversé la table, décider de passer la nuit ici. Ici, au pied du poteau, sur la plage quasi déserte à cette heure, entre chien et loup, là où celui qui vient ne pourra pas ne pas la voir.

jeudi 5 juin 2025

 

Les feux de la rampe

(Hendaye, 22h)

Il m'arrive de raconter mes  histoires à l’océan. Il y a toujours un moment où ça applaudit. Faut parfois attendre longtemps mais ça finit par venir, ça fait des vagues.

mercredi 4 juin 2025

 

À marée basse

(Hendaye, 8h 05)

À marée basse il y a toujours un gars qui marche, tout seul avec le ciel qui va avec, ça se bouscule dans sa tête, faut pas  lâcher le regard, ça fait clapet.

mardi 3 juin 2025

 

Coma

(Forêt de Moulière, Vienne,  30 mai,11h 50)

Un peu d’eau, des herbes folles et de la lumière, les arbres veillent autour de la marre, comme veille la famille et les amis au chevet du malade inconscient.

Lui, il se voit s’accroupir, rester immobile, insensible aux moustiques. Melitées et Demoiselles volettent  en silence. Il sent le souffle chaud du chevreuil qui vient boire à ses côté. L’animal lui parle à l’oreille. Il ne comprend pas bien.  Est-ce bonjour ou au revoir?

lundi 2 juin 2025


(Melitées des centaurées sur fleur de ronce, Forêt de Moulière, Vienne, 30 mai, 12h 15)

Face à face 

dimanche 1 juin 2025

 

Miniatures éphémères

(Buxerolles, Vienne, 29 mai, 14h 45)

L’archiviste

samedi 31 mai 2025


Au bord de la marre 

(Forêt de Moulière,  Vienne, 30 mai, 12h 15)

Une branche morte ancrée dans la vase m’invite à faire halte au bord de la marre. Un fin reptile dressé au dessus du ciel pris dans les herbes d’eaux. J’y verrai voler tout ce qu’il y a de visible, et d’invisible. Il y a du monde.

vendredi 30 mai 2025

 

Demoiselle

(Forêt de Moulière, Vienne, 12h 45)

Son cœur battait pour ces merveilles qui peuplent marres et sous-bois, aussi ne se souciait-il guère des fines ratures rouges qui couvraient ses copies d’écolier, il lui suffisait d’imaginer un vol de demoiselles au dessus de ses erreurs.

jeudi 29 mai 2025

 

Le Titanic à la  rambarde

(Buxerolles, Vienne, 15h 50)

C’est là qu’on vient quand on en a  gros

Quand les darons se foutent sur la gueule

Quand y a tout qui dit qu’il faut pas rester

On se rancarde à coups de SMS

À la porte jaune derrière le gymnase

On rejoue leTitanic à la rambarde

On regarde des vidéos sur les portables

Pour voir où c’est qu’on va se faire la belle

mercredi 28 mai 2025

 

Se parler

(  Pic-du-midi-de-Bigorre, Hautes-Pyrénées, 4 juin 2015, 16h 55)

Sur le sentier étroit,

on marche l’un derrière l’autre

à bonne distance 

on tourne sa langue dans sa bouche

sept fois et plus

on se parlera au sommet

mardi 27 mai 2025

 

Dans sa tête

(Les Trois Couronnes vues du Xoldokogaïna, Pays -Basque, 8 mai, 16h 15)

Dans Un petit frère, le beau film de Léonor Serraille, une mère dit à ses deux garçons de ne jamais pleurer. Le plus petit répond: On peut pleurer dans sa tête.

Je ne sais pas si la petite dame en face de moi, immobile sur son fauteuil roulant, pleure dans sa tête, mais ce que je sais c’est qu’elle serre les dents pour que tout ce qui s’y trouve, la mer, les montagnes, les arbres, les prairies, sa famille, ses amis, ne se dissolve pas dans l’atmosphère aseptisée de l’hôpital.

lundi 26 mai 2025

 

Montagnes

(Xoldokogaïna, Pays-Basque, 8 mai,15h)

S’il a la voix qui porte et parait plus grand qu’il n’est

C’est parce qu’il a ses montagnes accrochées aux pieds

dimanche 25 mai 2025

 

Miniatures éphémères

(Feucherolles, Yvelines, 6 avril, 15h20)

Le gardien des ténèbres

samedi 24 mai 2025

 

Un ami

(Feucherolles, Yvelines,  6 avril, 15h 25)

Bart était un enfant solitaire avec la bouche de travers. Incapable de parler aux humains et aux bêtes, il ne parlait qu’aux arbres.

Jim était un vieillard timide amoureux des bêtes et des gens. Sa peau était tannée et ridée comme un vieux tronc. Il avait pour habitude de se couvrir de lierre, de s’assoir immobile sur une pierre à une croisée de chemins, et d’observer ainsi en toute discrétion ce qui passait par là, hommes où bêtes.

Un jour, sur un chemin de terre marqué d’empreintes de loups, Bart s’arrêta devant une souche couverte de lierre, une souche avec deux grands yeux ronds. C’était Jim.

Jim devint le premier ami de Bart.

vendredi 23 mai 2025

 

Papillon de chevet

(Crique Organabo, Guyane, 27 mai 2023, 10h 10)

De retour d’une journée de travail

Juste besoin d’un papillon de chevet


Je n’ai pas trouvé le nom de ce papillon, si quelqu’un l’a….

jeudi 22 mai 2025

 

Expérience de Mort Imminente

(Vaucresson, 6 juillet 2023, 20h 25)

Une douleur fulgurante, ses jambes qui s’effacent, sa vue qui déraille, il cale comme une bagnole en haut d’une côte, il tombe, il se voit mourrir, silence. Il voit son corps au pied du faux jasmin, la plante est en fleurs. Il n’a pas  l’air malheureux, mort aux pieds de la plante volubile. Il sent les tiges qui s’enroulent autour de son âme, qui se lancent, s’enroulent et le retiennent. Un battement de cils, un frémissement sous sa chemise, il revient. L’herbe est humide.




mercredi 21 mai 2025


Une volée de moineaux 

(Noisy-le-Sec, Seine-Saint-Denis, 29 avril, 19h 30)

La cloche a sonné, ils ont garé leurs vélos, leurs tricycles et leurs  trottinettes, bien rangés contre le mur, puis ils ont décollé comme une volée de moineaux. On les a vus filer en formation dans le ciel bleu et puis plus rien.

mardi 20 mai 2025

 

Trouver sa place

(Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, 3 juin 2023,17h 35)

Il a débarqué à Saint-Laurent sur une tapouille.  Il venait du Brésil, là non plus il n’avait pas trouvé sa place, nulle part, depuis qu’il avait quitté sa banlieue cossue des bords de Seine. Le tour du monde en se déhanchant comme Elvis, à chanter dans des bars à deux balles, à faire des déclarations d’amour à côté de la plaque. Et puis il y a des endroits qui te collent à la peau.  Tu pose un pied, tu es envasé. Tu n’as pas vraiment envie de t’extirper, juste continuer à bouger les hanches, remonter tranquille à la surface comme un serpent. Il a trouvé une baraque posée sur le fleuve, ça balance ce qu’il faut, il y a sa vie qui se reflète et clapote sous le ponton. C’est là sa place, au bord de l’eau, adossé à la forêt avec la pluie qui ravine.