jeudi 19 septembre 2024


Cuvée 2024

(Travaillan,18h 50)

Promenade le long de l’Aygues, la lumière est douce, le Ventoux est  dans la brume, les raisins sont murs, les vendangeurs se pressent à l’embauche. Comment sera la cuvée 2024? La météo a été capricieuse cet année, les vignes n’apprécient guère. Par contre, les vignes qui entourent la maison, la Martelière, de Françoise et Claude donneront un vin chargé de souvenirs, le vin d’une vie à regarder chaque matin le Mont Ventoux par la fenêtre. Claude est parti le premier, il avait 96 ans, Françoise  l’a suivi six mois plus tard à 95 ans. Dimanche nous quittons la maison avec un camion plein, la maison va être vendue, nous ne reviendrons pas de sitôt marcher le long de l’Aygues. Quand le vin sera tiré nous trinquerons à la Martelière qui a marqué le cœur de nos enfants.

mercredi 18 septembre 2024


Firmine et la lune 

(Vaucresson,5h 55)

Sur le quai de la gare de  Vaucresson, Firmine attend le train de six heures, le train des trimards qui rabiotent quelques minutes de sommeil dodelinant de la tête le temps du trajet. Firmine regarde la lune pleine entre les arbres de l’autre côté des voies. Sacré lune, Firmine n’a pas fermé l’œil de la nuit, c’est chaque fois pareil, la lune l’asticote, la fait se tourner et retourner dans son lit, jusqu’à ce qu’elle se lève pour la regarder par la fenêtre. Firmine et la lune, c’est une vieille histoire, Firmine est née un jour de pleine lune dans une salle de bain carrelée de jaune. La lune prenait toute la place dans la lucarne au dessus de la baignoire. Quand elle était gamine, elle se levait quand la lune était suffisamment grosse pour éclairer tout le minuscule appartement. Elle défiait l’astre. Tu t’en ira la première, lançait-elle à la lune, et elle restait debout jusqu’à ce que la lune disparaisse, fière d’avoir tenu tête à la planète. Maintenant c’est elle qui doit quitter le face à face, faut bosser, il y a des horaires strictes, elle ne peut plus attendre comme ça que la lune s’échappe. Le train ne va pas tarder. Firmine fixe la lune prise dans le feuillage. Elle aperçoit un petit homme assis dans l’arbre, un petit homme qui regarde descendre la lune.  Restera-t-il sur sa branche jusqu’à ce que la lune s’en aille? Il faut qu’elle voit ça, quitte à laisser passer le train…

mardi 17 septembre 2024


Comment ça va?

(Vaucresson, 15 septembre, 12h 15)

Dans le jardin, je pose des pierres, j’assemble quelques totems, grigris ou épouvantails, ce sont quelques compagnons qui prennent soin de nous comme nous prenons soin d’eux.

lundi 16 septembre 2024


Anxiété

(Saint-Cloud, Hauts-de-Seine, 16h 10)

Elle est seule dans la salle d’attente du cabinet médical. Un bas de porte chuinte sur le parquet, des voix parlent bas, la maladie se fait discrète. C’est autre chose dans sa tête. Elle y prend trop de place, plus qu’elle n’en devrait. Qu’elle calme son anxiété, et elle ira déjà un peu mieux. Elle le sait, mais l’anxiété ça s’invite sans prévenir,  parfois c’est tenace, parfois ça s’en va aussi vite que c’est venu, on ne sait pas trop pourquoi. Le médecin tarde, c’est signe qu’il prend son temps avec le patient précédent, plutôt un bon signe. Elle a déjà feuilleté toutes les revues posées sur la table. Elle n’a regardé que les images, impossible de se concentrer sur la lecture des articles. Elle cherche un point où fixer son regard, le tableau, le porte-manteau, les rideaux… Soudain elle revoit son grand-père qui les matins d’automne allait aux champignons dans les sous-bois derrière chez lui. Elle le voit légèrement vouté fouiller les feuilles de la pointe de sa canne, elle voit la côte qui mêne au bois derrière la maison, des parfums reviennent, les feux de jardin, l’humus et surtout l’odeur de tabac froid collée à ses vêtements défraichis et à sa moustache jaunie, le parfum de son grand-père si prégnant quand il s’approchait pour lui montrer le champignon qu’il venait de trouver, un champignon délicieux disait-il en lui ébouriffant les cheveux. Et là, devant la silhouette de son grand-père, elle va déjà mieux.

dimanche 15 septembre 2024


Miniatures éphémères

(Les Hauts-de-Loye, Morogues, Cher, 6 septembre,11h 55)

Petite folie

Rendez vous sur le Ratibida columnifera 

samedi 14 septembre 2024


Dans les reflets de l'étang

(Étang de Saint-Cucufa, 18h 45)

Dans les reflets de l’étang

Une carpe au bois dormant

(Ne la cherchez pas, elle vient de disparaître) 




vendredi 13 septembre 2024


Au bord des routes

(D 20, Champseru, Eure-et-Loir, 23 juin, 17h 40)

Souvent je m’arrête au bord des routes, j’attends qu’il se passe quelque chose. Parfois il ne se passe rien, alors je repars.

jeudi 12 septembre 2024


Une forêt pétrifiée

(Forêt de Rambouillet, 18 janvier, 14h 10)

Il rêvait d’une forêt pétrifiée, perles de glace aux branches, feuilles qui cassent et craquent sous les pas, quand le froid l’a réveillé. Le jour se lève à peine. Il remonte jusqu’aux épaules la couverture qui est à ses pieds, il se recroqueville dans le lit comme une bête qui se love et s’enfouit sous la paille. Il garde les yeux ouverts. Il doit être six heures, la lumière n’est franche qu’à sept heures trente, nous sommes début septembre, cette fraicheur est précoce. Il écoute la rue, les premières voitures, les éboueurs ne devraient pas tarder. Les oiseaux se taisent, moins nombreux à la fin de l’été. Il se tasse un peu plus, une main entre les cuisses l’autre sous l’oreiller. Il n’a plus sommeil mais il ne se lève pas, il commence tout juste à se réchauffer. Il n’a pas besoin de se lever, personne ne l’attend ce matin, ni demain, ni après demain. On lui a pourtant souhaité une bonne rentrée, mais comment répondre qu’on ne travaille plus, qu’on ne fait plus qu’inventer des projets qui ne verront jamais le jour. Alors il ferme les yeux, quelques bribes du rêve reviennent, il veut retourner dans cette forêt, reprendre son rêve, s’endormir à nouveaux, fouler les feuilles de verre entre les troncs noirs, il y a quelque chose à découvrir dans le sous bois, il en est sûr, quoi, il ne sait pas, si ce n’est que c’est important, vital même. Il fait chaud maintenant sous la couverture, il se détend. À l’instant où il se rendort, il se dit que c’est pas mal comme projet, explorer cette forêt pétrifiée.

mercredi 11 septembre 2024


Malpolon monpessulanus

(Couleuvre de Montpellier, Malpolon monspessulanus, Travaillan, 31 août, 19h 10)

Au fond d’une piscine abandonnée, une couleuvre de Montpellier digère. Les hommes s’en vont, immédiatement les bêtes reviennent. Son dessin la rend aimable.

mardi 10 septembre 2024


Où vont les escargots

(Travaillan, 31 août, 9h 25)

Je tourne en rond et ça pique un peu. Il faut peut-être cesser d’écrire, ou repartir? N’empêche que j’aime toujours voir où vont les escargots.

lundi 9 septembre 2024


L'inspecteur

(Saint-Pantaléon-de-Lapleau, Corrèze, 11 août, 8h 10)

C’est son premier jour sans contrainte. Après vingt cinq ans de ménage elle a droit à la retraite. Vingt cinq ans d’aubes blafardes, de trajets silencieux où l’on se regarde sans se voir, où les corps somnolents s’abandonnent au rythme des trains et des bus, vingt cinq ans dans des bureaux vides, balai et chiffon en main, à veiller à ce que tout soit nickel pour ceux qui se lèvent plus tard. Vingt cinq ans pour oublier à force de frotter dans les étages des tours désertes ce qui l’a fait quitter définitivement sa maison, son village, son pays.

Elle avait autrefois un mari violent, un mari beau comme Delon mais violent comme l’ orage, un mari qui claquait et hurlait au moindre faux pas, un mari sans humour à la susceptibilité électrique, un mari qu’elle avait aimé à la folie. Un jour d’été, alors que le vent et la pluie s’acharnaient sur la maison, volets battant, carreaux ruisselant, elle avait planté une paire de ciseaux dans le cœur de l’homme grimaçant. Elle avait trainé le corps dans la boue sous l’averse acérée jusqu’à la porcherie, là elle avait abandonné dans la fange le corps sanguinolent. En quelques jours les porcs en avait avalé les trois quarts. Le reste avait fini au fond de la rivière dans la gueule des écrevisses. Elle avait porté deux brouettes de lambeaux du mari mêlés au purin jusqu’au débarcadère. 

Les autorités avait mis plusieurs mois avant de s’intéresser à la disparition de l’homme dont on ne retrouva jamais la moindre portion de corps. Un inspecteur l’avait longuement interrogé. Plusieurs fois, alors qu’elle pensait qu’ils avaient renoncé à élucider cette disparition, il était revenu la voir. Elle était convaincue qu’il se doutait de quelque chose. Puis un jour on en parla plus. Elle attendit un an de plus et quitta le pays.

Longtemps, le simple contact du tissu mouillé sur la peau  faisait surgir cette nuit d’orage. Puis à force de trimer aux aurores, l’horreur s’était éclipsée.

Son premier jour sans contrainte. Elle s’est levée tard. Elle a pris le train, pas en direction du centre ville cette fois ci, dans l’autre direction vers la banlieue, vers les bois où l’on peut jouir des dernières senteurs d’été,  jusqu’à la dernière station. Au moment de descendre du train, un homme devant elle ouvre la porte, un homme grand, sa veste est sale, de la poussière sur l’épaule. D’un geste machinal elle balaie de la main la poussière accrochée au tissu. L’homme se retourne. Il a les cheveux blancs, le front ridé, rides de perplexité, mais ses yeux, ses yeux qui s’accrochent, elle les reconnait immédiatement, l’inspecteur!

dimanche 8 septembre 2024


Miniatures éphémères

(Route de Balleray, Forêt de Guérigny, Niévre, 5 septembre, 14h 05)

À la campagne

Les vacances du fakir 

samedi 7 septembre 2024


Monnaie du pape 

(Escolles, Verzé, Saône-et-Loire, 3 septembre, 8h 15)

La monnaie du pape

Des tambours et des visages

Magie d’un matin

Où l’on se voit riche comme Crésus

À regarder son jardin

Au soleil levant

vendredi 6 septembre 2024


Créations

(Les Hauts-de-Loye, Morogues, Cher, 5 septembre, 18h50)

Ce soir je joue Le Pas de la Tortue  chez Nathalie dans une belle demeure au sommet d’une colline boisée à Morogues. Je suis arrivé hier en fin d’après midi. J’ai  trouvé dans le sous bois une flaque de lumière pour y réveiller mes personnages. Je les ai regardés s’ébattre en me demandant qui avait pu m’inventer moi.

jeudi 5 septembre 2024


Une bonne place

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 4 septembre,10h 15)

C’est une bonne place pour lire. La lumière affleure, on perçoit dans le dos la présence paisible et rassurante des vaches de l’autre côté de la route étroite. De temps en temps passent une voiture ou un tracteur. Alors on fait une pause, on quitte le livre, on se demande qui passe, va-t-il s’arrêter, nous saluer, demander des nouvelles, on reste en suspend, quelques secondes, l’oreille tendue, le regard dans le vide, jusqu’à ce que le silence retrouve sa place. Puis on reprend la lecture, on va plus loin dans le livre, on s’enfonce, comme on va en forêt, attentif au moindre bruissement, on disparait.

mercredi 4 septembre 2024


Une ligne

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 8h 30)

Les paysages sont toujours plus vastes le matin de bonne heure. 

mardi 3 septembre 2024

 

Le silence

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 19h 55)

On a coupé le son

Le silence fouille

Un chien passe

Un boiteux

Sans un regard

Le silence fouille

Je laisse faire

Soudain les corneilles

Qui s’écharpent

Sur les pierres

lundi 2 septembre 2024


L'œil du grand-père

(Travaillan, 31 août, 9h 30)

Il y avait les deux yeux du père, secs comme une trique  et puis il y avait  l’œil du grand-père, doux comme la lune, le grand-père qui avait perdu l’autre œil dans un combat pas très réglo avec des fachos. C’était dans l’œil du grand-père qu’il avait trouvé force, courage et confiance, ce petit gars des champs pas très à l’aise avec le monde, ce rêveur qui  fuyait la lumière pour mieux voir les étoiles, c’était le regard du vieux qui l’avait fait sortir du bois. Il en avait parcouru du chemin, et maintenant il était bloqué dans une station spatiale. La navette de retour était défectueuse, il fallait attendre deux ou trois mois la prochaine mission. Il n’avait aucune inquiétude, il patienterait en regardant la terre de là-haut douce et ronde comme l’œil du grand-père.

dimanche 1 septembre 2024


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 19 août, 17h 55)

Petite conversation sur la Verge d’or 

samedi 31 août 2024


Une Zygène sur une page qui se tourne 

(Zygène de la badasse, Travaillan, Vaucluse, 9h 35)

De retour dans le sud-est. Nous finissons de vider la maison des parents de Sophie. Une page se tourne. Certaines sont plus difficiles à tourner, humides, elles collent aux doigts. Dehors tout est sec. J’aperçois dans la prairie une Zygène de la badasse,  un lépidoptère au nom débonnaire, qui offre encore quelques couleurs aux herbes sèches, tandis que de la maison parvient le rire des deux sœurs qui retrouvent de vieilles photos de leur enfance.

vendredi 30 août 2024


Miniatures éphémères

(Hendaye, 22 août, 15h 40)

Père et fille

Sans un mot 

jeudi 29 août 2024


Le nageur

(Hendaye, 9h 55)

L’orage a chassé les vacanciers et cloué le bec à l’océan. Ne reste qu’un nageur solitaire prêt à étirer son corps au fil de l’eau entre deux averses. Lancer les bras, tendre les jambes, le battement régulier des pieds, la pointe qui frappe l’eau, l’homme devient poisson et si le ciel s’ouvre à nouveau lâchant des trombes d’eau, le nageur sentira les piques de la pluie sur les parcelles de peau émergées, il verra le relief de la houle, aussi faible soit-elle, se révéler et il deviendra poisson sur les collines, un long long poisson sur de douces collines pointillées.

mercredi 28 août 2024


Une banale scène de plage

(Hendaye, 22 août, 20h)

C’est une banale scène de plage. Une petite fille ouvre un paquet de churros encore chauds, un paquet pour elle toute seule, un paquet de six, pour elle toute seule, à s’en écœurer, c’est si bon. Elle sort du paquet un churros couvert de sucre craquant sous la dent. Un peu plus loin un petit garçon sans goûter la regarde avec envie. La fillette brandit le churros, pas pour lui offrir, non, pour le faire bisquer. Soudain, une mouette plonge et s’empare d’un coup de bec de la pâtisserie convoitée. La fillette gardera à vie la détestation des oiseaux.

mardi 27 août 2024

Au même endroit 

(Hendaye, 22 août, 19h 55)

Quelques silhouettes 

Au bord de l’eau

L’eau qui va et vient

Au gré des vagues

Une femme debout

Pense à sa grand-mère

Les pieds dans l’eau

Au même endroit


Un enfant assis

Mains à plats

Sur le sable qui se creuse

Quand l’eau se retire

Se dit quand je serai grand

Au même endroit


Un homme tête baissée

Ne pense rien

Regarde juste l’eau qui va

Au même endroit

lundi 26 août 2024


Tombé du lit

(Hendaye, 7h 30)


Elle dormait en diagonale sous la couette

Je suis tombé du lit

Je rêvais à l'instant même que j’étais une mouette 

dimanche 25 août 2024

samedi 24 août 2024


Une boule de flipper

(Hendaye, 7h 40)

Le soleil comme une boule de flipper incandescente 

La vie comme un flipper géant, joyeuse et brutale. 

vendredi 23 août 2024


Frontière

(Hendaye, 22 août, 20h 25)


On se presse sur la jetée côté plage, tandis que sur le port le promeneur se fait rare. Ici on n’entend plus le bruit des vagues, on y vient rêver de lointains sous les palmiers en écoutant le vent dans les haubans. En face c’est l’Espagne, on aperçoit sur la colline l’imposant Parador de Fontarrabie. Et sur cette rive de la baie de Chingoudy, de nombreux jeunes gens, d’Afrique pour la plus part, qui ne dormiront pas au Parador, dont on ne peut imaginer ce qu’ils ont traversé pour venir jusqu’ici, se demandent encore une fois comment ils vont passer cette nouvelle frontière.

jeudi 22 août 2024


Sonorités pour adoucir le souci 

(Hendaye, 20h 55)

Face à la mer après une belle journée de surf, je prononce ce titre d’un recueil de poésie traditionnelle de l’archipel malais: Sonorités pour adoucir le souci*.


*Traduit du malais par Georges Voisset, Gallimard, Connaissance de l’Orient, collection UNESCO d’œuvres représentatives.

mercredi 21 août 2024


Capra lilabex unicornis volans

Quand le Lilas bruisse 

(Vaucresson, 19 août, 18h 15)

Il y a des petites bêtes, insectes, batraciens qui se déguisent en feuille mais il y a aussi des feuilles, ici une feuille de Lilas, qui se déguisent en petite bête. Voici un bouquetin volant des lilas, Capra lilabex unicornis volans, capable de vol stationnaire, il broute les toiles d’araignées ainsi que tout ce qui s’y trouve, araignée comprise. Son cri est un bêlement aïgu d’environ19000 HZ audible par les plus jeunes. Il se reproduit à l’automne, juste avant la chute des feuilles, queue à queue, comme les papillons. Il est totalement inoffensif, même capable de reproduire le chant des nouveaux nés et de converser avec eux. Il suffit d’un bébé à l’ombre du Lilas pour que le Lilas bruisse.