lundi 31 décembre 2018


Au nouvel an


(Travaillan, Vaucluse, 28 décembre)

Au nouvel an
je ferai allégeance
au panache des hautes herbes
au panache du Manakin doré
au panache des mouchoirs agités
sur les quais, dans les ports, dans les gares
au panache des derniers 
qui ne savent que danser 
dans le vent violent

dimanche 30 décembre 2018


Miniatures éphémères


(Travaillan, 28 décembre)

Anne ma sœur Anne, ne vois tu rien venir…

samedi 29 décembre 2018



Boucles et déliés


(Travaillan, 28 décembre)

Boucles et déliés,
souvenir de l’encrier au coin de la table.
Combien de temps a-t-il fallu pour que viennent les mots?
Combien de temps encore pour atteindre la légèreté des herbes?

vendredi 28 décembre 2018


À l'ami qui aime le vin


(Travaillan, Vaucluse)

À l’ami qui aime le vin,
aux pieds de jeunes bouleaux,
ces lignes de vigne au repos
et là-bas la montagne, lointaine promesse
d’ivresse.

jeudi 27 décembre 2018


Par quoi faut-il commencer?


(Travaillan, Vaucluse)

La chaudière est en panne. Depuis quelques jours Célestin a le droit de ne pas se laver et de dormir tout habillé. Il ne quitte ni l’écharpe, ni le bonnet que lui a tricotés sa grand-mère.
Il se sent invulnérable dans son armure de laine.
 Alors quand ce matin il entend son père dire quatre fois merde en ouvrant le courrier, quand il voit son père et sa mère se serrer très fort l’un contre l’autre et ne plus bouger pendant un temps qui lui  semble interminable, il empoigne son épée de bois et s'élance dans les herbes saisies par le givre, décidé à changer le monde.
Arrivé au bout du champ où coule un large ruisseau aux eaux glacées bordées de roseaux, il s’arrête net. Par quoi faut-il commencer?

mercredi 26 décembre 2018


À l'arbre de la mémoire


(Plage de Cenitz, Guethary, 14 novembre)

Les cailloux du Petit Poucet
pierres polies
roches ébréchées
grains de sable
éclats de gemmes
à l’arbre
de la mémoire

mardi 25 décembre 2018


Un coin de bibliothèque


(Vaucresson)

Ce matin, je me suis posé sur un coin de bibliothèque,
comme un oiseau sur sa branche.

lundi 24 décembre 2018



Un passage


 (Arboretum de Chèvreloup, Rocquencourt, Yvelines, 23 octobre)

Il a posé son sac au pied d’une arche de lierre,
il a ôté ses godillots comme on fait en rentrant
pour ne pas réveiller ceux qui dorment
et il est passé de l’autre côté.

dimanche 23 décembre 2018



Miniatures éphémères


(Saint-Bertrand-de-Comminges, Haute-Garonne, 20 mars)

Exploration

samedi 22 décembre 2018


À l'hôtel des rêves brisés


(Landévénnec, Finistère, 3 septembre)

À l’hôtel des rêves brisés un homme est passé. Il ne laisse pas de trace, sa peau est sans couleur, il vient sans forcer où n’entre que le vent. Il se repose avant de reprendre la route, il ne sait pas où il va, il cherche une place.


(Hendaye, 17 décembre)

vendredi 21 décembre 2018


Un mauvais pressentiment


(Paris, 13ième, Bd de l’Hopital, 20 décembre)

Thierno aurait presque chaud dans la doudoune que lui a donnée un bénévole à Bayonne. L’air est doux à Paris. Il en rêvait depuis si longtemps. Paris. Il est parti  il y a six mois. Il a passé la frontière à Hendaye. La première fois fut la bonne. Certains pourtant s’étaient faits refouler plusieurs fois. Il a traversé la Bidassoa sur le pont Saint-Jacques. Les noms des rivières et des ponts restent gravés dans sa mémoire. Il faisait nuit, un fort vent de sud soufflait, il étaient cinq, surpris de passer aussi facilement. 
À Bayonne il a pris un Ouibus pour la capital. Le premier livre qu’il avait lu en français lorsqu’il était enfant s’intitulait Oui Oui décroche la lune, un livre rose tout usé.
Il est descendu à Montparnasse-Bienvenue.
Un ami déjà à Paris lui avait dit qu’il le trouverait à la station de métro Saint-Marcel alors il est parti à pied, d’un pas vif.
À Saint-Marcel il n’a trouvé qu’un hôpital et des tentes le long d’un mur tagué. Il a questionné ceux qui semblaient habiter sous ces toiles sommaires, personne ne connaissait son ami Boubakar. Il s'est dit que dès qu’il trouverait un endroit où recharger son téléphone, il tenterait de le joindre.
Il hésitait entre aller vers la Tour Eiffel ou la place de la République. On parlait beaucoup de la place de la République, ce devait être un lieu important.
Et le voilà qui marche vers République.
En passant devant le Jardin des Plantes, il aperçoit de grandes structures de couleurs vives. Il s’approche, ce sont des dinosaures. Tyrannosaure, vélociraptor, diplodocus, spinosaure, tricératops, bleu, jaune, vert, rouge, violet, ce parc est magique. Ah, Paris!
Thierno retrouve son âme d’enfant, l’enfant qui lisait Oui Oui, son âme d’enfant qu’il croyait avoir perdue en traversant les mers et les déserts.
Il s’approche d’un tyrannosaure bleu.
La bête se révèle fragile, une sorte de papier toilé sur un squelette de métal léger. Sur son dos la toile a craqué. Thierno fixe la déchirure, les fibres dans le vent. Soudain un doute l’étreint, une mélancolie profonde, un mauvais pressentiment.


(Paris, 5ième, Jardin des Plantes, 20 décembre)

jeudi 20 décembre 2018

mercredi 19 décembre 2018




Cultiver le sourire


(Hendaye, 18 décembre, 8h )

Mardi matin il y eut dans le ciel ce doigt sur un bouton de rose, puis la montagne qui s’embrase.
Mardi soir il y eut à la radio le rire de Christian Bobin et cette phrase: « C’est le sourire qui fait le lien entre les vivants et les absents. »
Ce matin, encore à la radio, le rire de Calypso Rose, le rire d’une femme debout.
Alors oui, il faut cultiver le sourire, et ces levers de soleil qui ne cessent de m’émerveiller en sont l’une de ses eaux les plus pures.
Et l’écrire en prolonge le dessin.



(8h15)

mardi 18 décembre 2018



Une évidence


(Hendaye, 8h30)

L’homme et l’oiseau vont ensemble,
la houle est tombée, soufflée par un vent de terre,
le contour des falaises au levant impose une évidence,
celle d’un amour qui ne craint ni le grain, ni le temps.

lundi 17 décembre 2018



Haïku du surfeur


(Hendaye, 16 décembre)

L’averse là-bas
et pourtant ce calme
au sortir de l’eau

dimanche 16 décembre 2018


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 28 octobre)

« Mon père m’a donné un mari,
Mon dieu quel homme, quel petit homme!
Mon père m’a donné un mari
Mon dieu, quel homme, qu’il est petit!
… »

samedi 15 décembre 2018



Une boite en galuchat


(D100 entre Saint-Denis-lès-Martel et les Quatre-Routes-du-Lot, Lot, 13 décembre)

Il allait à pied le long des voies, le vague à l’âme en bandoulière. Il cherchait dans ses souvenirs
pourquoi cette boite en galuchat qu’il serrait contre son cœur lui faisait tourner la tête. Il n’avait plus rien, il n’avait qu’une boite, et il marchait dans le brouillard.
Il était né il y a longtemps  dans un train entre deux gares, c’est ce qu’on lui avait dit, alors il était parti le long des voies pour savoir où.
Il était parti avec sa boite en galuchat, pour savoir quoi, pour savoir qui. Il n’y avait dans la boite que quelques grains de poudre et un parfum de femme. Il n’y avait dans sa tête blanche plus rien qui tienne, il y avait dans ses jambes frêles la force d’un mot qui jaillit après s’être dérobé sur le bout de la langue.

vendredi 14 décembre 2018



Nuit agitée


(Saint-Denis-Lès-Martel, lot, 13 décembre)

C’est un petit chef de gare au visage d’adolescent, une grande casquette lui tombe sur les yeux, il transpire à grosses gouttes. Le mode d’emploi du poste d’aiguillage est en chinois, la sirène municipale joue la Walkyrie, les alarmes se déchaînent, un train jaune file à toute allure, les manettes vont et viennent, les Beattles traversent la voie. Le chef de gare fait la girouette, un contrôleur lui demande ses papiers. Ses poches sont vides, il n’a plus ses mains, sa casquette lui tient chaud, il ne peut plus l’enlever, ni saluer la maréchaussée qui défile au pas de l’oie. Il appelle Brigitte, elle est avec Nicolas, ils boivent le thé au zoo de Vincennes. La neige tombe, il tremble, son nez coule et se glace, la banquise craque sous ses pas. Un ours blanc fait la manche, il lui donne les horaires des trains, l’ours ouvre grand sa gueule, lui balance un coup de patte. Il atterrit au centre d’un rond point, on lui pique sa casquette, on se la lance, on se moque, il n’a plus de cheveux, il n’a plus de dents.
Emmanuel crie, s’agite et tombe du lit.

jeudi 13 décembre 2018


Une fille que j'aime


(D 32 entre Saint-Denis-Lès-Martel et les Quatre-Routes-du-Lot, lot,  8h 30)

Une cabane de guingois,
une bouteille de Knockando,
single malt douze ans d’âge,
un cheval bai et trois oranges,
une fille qui chante dans la paille,
on s’aime encore, ça fait un bail,
j’suis son cowboy, c’est ma raison,
j’sais faire que ça, l’aimer encore
le 13 ça porte bonheur,
c’est son anniversaire,
il y a de l’eau dans l’ciel,
du ciel dans l’eau,
et une fille que j’aime.

mercredi 12 décembre 2018



Quand ça cloche


(Lac de Bournazel, Seilhac, Corrèze, 11 décembre)

17h, temps frais et clair, pas le moindre frémissement ni sur l’eau, ni dans les herbes.
Un souvenir, un souvenir de tempête, de pantalon mouillé, de course, du craquement des joncs arrachés.
Marc est rentré plus tôt que d’habitude. Il n’a rien dit, il n’a pas ôté ses chaussures de sécurité, ni sa veste à bandes réfléchissantes. Il a posé la lettre de licenciement sur la table, il a regardé Martine et il est ressorti.
Elle l’a trouvé au bord du lac, près de l’arbre mort, un bon coin pour pêcher, c’est là qu’il vient quand ça cloche.
Marc ne bouge pas. Il mâchonne une brindille, les mains dans les poches, les poings serrés. Il fixe l’eau dormante, si lisse, si bleue. Il pense un bref instant à la galerie des glaces du château de Versailles, ils y ont été l’année dernière avec Martine, un voyage organisé par le comité d’entreprise. C’était beau, après il y a eu les grandes eaux, ils ont mangé des gaufres, un chouette voyage.
Martine s’approche sans un mot. De sa main chaude, elle ébouriffe la tignasse rêche de son homme.
Le même geste, exactement le même geste que faisait sa mère quand il rentrait de l’école la tête baissée, les cheveux en bataille, ses deux petits poings tachés d’encre serrés au fond des poches.
Marc fixe les reflets dans les eaux bleues. Il retient ses larmes.

mardi 11 décembre 2018


Au bord du ciel


(Lac de Bournazel, Seilhac, Corrèze)

Ici, au bord du ciel, rien ne pourra enflammer ce bouquet d’herbes sèches,
si ce n’est l’amour qui me porte, toujours plus vif à l’heure des biches.

lundi 10 décembre 2018




(Vaucresson, 9 décembre)

Et toujours cette fascination du brasier...

dimanche 9 décembre 2018


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 9 novembre)

Le salut de l'hibiscus

samedi 8 décembre 2018


Rick se fait tortue


(D142, Monpezat, Pyrénées-Atlantiques, 15 novembre)

Après avoir bu un verre de Madiran, 
Rick s’endort sous une demi lune. 
Il a laissé ses chaussures et sa voiture 
aux poules et aux fourmis. 
Pourquoi la haine court plus vite que l’amour? 
Rick se fait tortue, il y a de la place sous sa carapace.

vendredi 7 décembre 2018


Un rêve naïf


(Paris, les Halles)

Le commerce se porte bien, la foule va et vient.
Son visage se détache des fourmis noires. La jeune femme flotte. Elle ignore que dans quelques instants elle rencontrera l’homme qui va, dans le carré de lumière au fond de l’image. Ce sera au rayon des écrivains voyageurs de la Fnac. Ils se cogneront à quatre pattes voulant chacun saisir un livre tout en bas des étagères. Aventures en Guyane de Raymond Maufrais, un seul exemplaire, ils le feuilletteront ensemble. Quelques années plus tard, le projet Montagne d’or aura été abandonné, les forages pétroliers aussi, les vagues de suicide chez les jeunes amérindiens auront cessé, nos deux jeunes gens s’aimeront sur les bords du  haut Maroni dans une tribu Wayana.
Voilà le rêve naïf que je fais en prenant cette photo, j’aurai voulu voir apparaître une toile du Douanier Rousseau, l’homme et la femme sur le dos d’un tigre, heliconia, passiflore, fleur cacao sur  variations de verts.
Je m’engouffre dans le métro, me disant que décidément nous ne sommes pas prêts de changer de mode de vie.
Demain, j’irai marcher pour le climat.

jeudi 6 décembre 2018


Tête de veau sauce gribiche


(Camaret-sur-Mer, Finistère, 18 septembre)

Tête de veau sauce gribiche, crème caramel, c’est le plat du jour. Jean s’est régalé. La patronne est de bonne humeur, aujourd’hui il a de quoi payer. On est le 5. Il va peut-être même acheter des leds pour décorer son fauteuil roulant, c’est bientôt Noël. Pourquoi pas le peindre en bleu, comme le bateau en chantier là bas, bleu outremer, pour rêver un peu, naviguer à quai? Ou en jaune, ça claque à côté du bleu, c’est plus concret, non?

mercredi 5 décembre 2018



Prendre l'air


(Feucherolles, Yvelines)

Lâcher les infos, sortir, prendre l’air, marcher dans la boue, s’émouvoir de la douceur de la terre, des feuilles qui résistent au gris, de l’envol d’un corbeau.

« Rien ne vit longtemps
Que la terre
Et les montagnes »
                           
                ( Chant de mort de l’antilope blanche, Partition rouge, Poèmes et chants des indiens d’Amérique du Nord, édition Points)

mardi 4 décembre 2018


Le Grand Capitaine


(Arborétum de Chèvreloup, Rocquencourt, Yvelines, 23 octobre)

Il y a un monstre au fond du jardin, un arbre mort. Le grand capitaine, c’est comme ça qu’on l’appelle. Il dévore les enfants pas sages. C’est ce qu’on dit. J’ai cinq ans et j’ai pas peur. Je fais comme grand père, je met un gilet jaune celui que maman me met quand elle m’emmène à vélo,  et je lui tire la langue. Je m’appelle Aurélien, je ne crains ni le loup, ni le grand capitaine.

lundi 3 décembre 2018



Décembre en poésie


(Vaucresson, 30 novembre)

Éléonore perd le nord, 15° en décembre, des lacrymos pour des nèfles, elle s’accroche au branche, elle se déhanche. 
Gédéon tourne en rond, y a plus de saison, que des citrons, il marche au pas, il en peut plus, faut changer d’boulot, sans casque et sans bâton.
Anatole se console, il vend des gilets, ça marche fort, y a du bénef.
Cyprien n’y est pour rien, l’a perdu la main, voulait juste en être, lui en reste une, c’est pour demain.
Nathalie reste dans son lit, Mouton Rothshild, madame est servie, faut faire passer.
Aldebert y va pépère, l’a rien à perdre, l’en a vu d’autres, y a plus d’oseille, que des groseilles.
Micheline dégouline, sans parapluie, elle y est allée, pour pas pleurer au fond d’ la piscine.
Emmanuel n’a plus d’cervelle, l’a trop tiré sur la ficelle, faut changer d’ritournelle pour pas couler une bielle.

dimanche 2 décembre 2018

samedi 1 décembre 2018



Sous la couette


 (Vaucresson, 29 novembre)

La pluie tape aux carreaux.
Elle fixe le bouquet de fleurs, se noie dans la couleur, comme on s’enfouit sous la couette.