dimanche 19 octobre 2025

 

Miniatures éphémères

(Parc écologique de Plaiaundi, Irun, Gipuzkoa, 5 septembre, 9h 25)

Putain de vie

samedi 18 octobre 2025

 

Louis

(Lac de Saint-Aignan, Nièvre, 16 octobre, 17h)

C’est son coin, ma bordure comme il dit, c’est là qu’il pêche, c’est là qu’il pense, quand il n’y a qu’un léger clapotis, à peine audible, quelques oiseaux et de temps en temps le blop d’un poisson qui remonte pour faire un rond. Il s’en fout si ça mord pas, ce qui compte c’est d’être là sur sa bordure, à regarder les reflets floutés par les risées, à se demander d’où il vient vraiment. On pourrait dire qu’il est d’ici, il fait la gueule comme les gens du coin, il esquisse un bonjour dans sa barbe, il connait le bois comme sa poche et raffole du Crâpiau morvandiau. Sa mère en cuisinait un au lard à tomber. Enfin, sa mère… C’est bien là le problème, à soixante dix balais, avant de s’en aller, elle lui a avoué qu’elle n’était pas sa mère et pareil pour le père qui s’est  encastré dans un platane une nuit de janvier. Elle lui a fait cet aveu dans un éclat de lucidité, alors que sa mémoire partait en vrille. Il avait été adopté, point. À quatre ans. Un joli môme qu’avait la parlote. C’est tout ce qu’elle a dit. Alors  sur sa bordure, il cherche, il fouille, archéologue de moi-même qu’il dit. Depuis que sa mère est morte, il a retrouvé des bouts, une corde de chanvre pour le chien peut-être, un chien noir sur le toit, une vieille traction derrière la maison, une maison basse, un carreau cassé, fait froid, les mouches sur le rebord de la fenêtre, des centaines, une vache qui rue dans la cour… Il fouille, il recolle, faut de la patience, un puzzle ses premières années. Aujourd’hui c’est tranquille, y a pas un môme pour gueuler en équilibre sur l’arbre mort, y a pas un abruti pour lui demander si ça mord, la lumière est belle, le soleil chauffe encore un peu. Il a posé son pliant, lancé sa canne et s’est lancé en mode mineur de fond les yeux rivés sur les feuilles mortes flottant sur l’eau. Et ça vient d’un coup, comme un courant d’air, une image, lui sur un arbre, un pommier, et une femme en bas en blouse à carreaux bleus qui gueule Louis! Louis… alors ça serait son nom d’avant, Louis avant Paul…

Ça lui fait comme si maintenant il avait un modèle pour son puzzle, et il est sacrément content. Il a assez pêché pour aujourd’hui, il reviendra demain.

vendredi 17 octobre 2025

 

L'histoire

(Le Saut-de-Gouloux, Nièvre, 16 octobre, 15h 50)

Au Saut-de-Gouloux  la végétation explose sous les lumières d’automne. Nous grimpons entre pierres et racines au dessus de la cascade, nous grimpons allègrement tandis que Franck me raconte sa longue marche, plus de 300 km, camera sur une épaule, Kalachnikov sur l’autre, dans la jungle du Nicaragua pendant la révolution.

Hier nous avons visité le musé de la résistance à Saint-Brisson. On y voit des tracts de propagande pétainiste,  des discours que l’on entend à nouveau. Il y a aussi ce témoignage de Lucile Pichot sur le massacre de Dun-les-Places en juin 1944. Elle raconte comment les allemands sont arrivés, ont fusillé les hommes du village et brulé les maisons, et il y a ce passage:

« il est environ 22h 20. Les armes se taisent complètement, les soudards qui grouillent dans le village envahissent les maisons du bourg. À coup de crosse, ils ouvrent les portes, fracassent les vitres, poussent des cris de joie. Ils pénètrent violemment dans la maison, réclament des bougies et du pétrole. J’ai bien de la peine à conserver ma chambre pour les enfants, la jeune fille qui est à la maison et moi-même. Les allemands s’allongent partout, ils occupent les lits, même celui de mon bébé de trois mois, mais surtout le sol. La salle à manger est réservée à cinq gradés, quatre sont très à l’aise, fument le cigare et rient, le cinquième baisse la tête. »

Tous les hommes du village viennent d’être abattus… et «  le cinquième baisse la tête ».

Dans ces bois en compagnie de Franck et Sophie, dans ces bois parcourus par les maquisards pendant les années de guerre, je pense au cadavre du mari de Lucile Pichot déchiqueté par les balles de mitrailleuse et à ce soldat allemand, le cinquième. Je pense à tout ça tout en m’émerveillant des couleurs et des parfums d’automne sur le sentier abrupt qui mène à la cascade, le Saut-de-Gouloux, je pense au titre du spectacle sur le quel d’autres amis sont en train de travailler  : Notre histoire se répète.

jeudi 16 octobre 2025


En rythme

(Saint-Brisson, Nièvre, 10h 45)

Sur la passerelle

Au dessus de la tourbière

Le son de nos pas sur le bois

En rythme 

mercredi 15 octobre 2025

 

En Scène

(« En Scène », Daniel Jaugey, Saint-Brisson, Nièvre, 23h 30)

Le poêle ronfle, il fait bon, la nuit est claire, après un bon repas, nous buvons un verre de rhum chez nos amis Florence et Franck, au cœur du Morvan. Depuis le début de la soirée je suis attiré par ce petit tableau posé devant le disjoncteur sur l’armoire électrique. Je l’ai posé là pour cacher le disjoncteur me dit Florence, ce sont deux comédiens qui attendent avant leur entrée en scène, c’est un tableau de mon père. 

Plus je regarde le tableau, plus ces visages me touchent. J’y perçois une grande disponibilité. Les visages se font lisses et naïfs avant leur entrée en scène, lisses et naïfs mais aussi curieux de ce qui se passe là, devant eux, dans ce confortable salon rougi par la lueur du poêle. Ils vont se joindre à nous, partager le rhum vieux et réveiller les souvenirs, avant de rejoindre leurs camarades, ces silhouettes floues  qui s’agitent sur le plateau. Ont-ils juste besoin de s’approcher, de nous sentir, de nous toucher, de nous écouter avant de retourner ainsi chargés dans leur histoire?

Vont-ils frapper à la porte? Nous ouvrirons, nous nous verrons alors tels que nous étions à vingt ans partageant nos rêves d’acteurs au cours de longues marches nocturnes sur les quais de Seine. Nous nous reconnaitrons, nous trinquerons et nous nous souhaiterons bon voyage!

mardi 14 octobre 2025

 

Le héron et le cormoran

(Marnes-la-Coquette, 11 octobre, 16h 30)

-Dégage, j’étais là avant toi!

-Non, c’est mon arbre, j’y étais hier et avant hier!

-Hé bien j’y suis maintenant et j’ai un long bec.

-Hé bien j’y suis aussi et j’ai des palmes.

-Attention je pique.

-Et moi je plonge.

-Noir comme un tunnel!

-Sinistre comme le contenu d’une urne!

-Les pharaons me vénéraient!

-Hé bien j’emmerde les pharaons.

-Et si nous cohabitions…?


-On est pas bien là…?




lundi 13 octobre 2025

 

Un rond dans l'eau

(Étang de Saint-Cucufa, 19 septembre,19h20)

Un rond dans l’eau

Il y a quelqu’un là dessous

dimanche 12 octobre 2025

 

Miniatures éphémères

(Saint-Trimoël, Côtes-d’Armor, 30 septembre, 9h10)

Sur le fil

samedi 11 octobre 2025

 

Un nouveau jour

(Vaucresson, 11h 35)

Pour la première fois

Ce rouge sur le buisson

En bas du jardin

Comme on découvre quelqu’un

Sous un nouveau jour

vendredi 10 octobre 2025

 

Les vieux indiens VII*

(Marne-la-Coquette, 7 octobre, 16h 05)

La barque n’est plus là, les vieux indiens se sont fait la malle. Ils ont sorti la  barque de l’eau, calfaté la coque, réparé le banc et l’ont remise à flot  un jour de beau temps, un jour de clarté, un de ces jours où on se dit qu’il est temps de rompre avec ses habitudes, un de ces jours où l’on découvre soudain comment accommoder ses peurs, où l’on ne doute plus d’avec qui tailler la route vers l’absolu. Une rame chacun, quelques provisions, un manteau pour l’hiver, Vol-au-Vent et Genoux-Écorchés ont regardé leur forêt une dernière fois et la barque a glissé sur l’eau dans le bleu du ciel jusqu’à ce qu’on ne les voit plus.


** I, II, III, IV, V,VI, billets du 27/11/2020, du 11/02/2021, du 16/10/2021, du 26/10/2022, du 13/01/2024, et du 28/10/24

jeudi 9 octobre 2025

 

Au Xoldokogaina

(Sur les pentes du Xoldokogaina, Pays Basque, 8 mai, 16h 20)

Au Xoldokogaina

L’arbre et le rocher résonnent

On entend dans le lointain

Les txalapartaris frapper leurs planches


mercredi 8 octobre 2025

 

Pleine lune

(Vaucresson, 7 octobre, 20h 10)

La lune est  pleine, grosse au dessus du cimetière. Seb attend de l’autre côté de la rue, en face de l’entrée. Le portail a grincé, le gravier a crissé et sa mère a disparue dans l’obscurité. Il n’entend plus qu’un grillon échappé de l’été dans la nuit claire. Il ne bouge pas. Il hésite à suivre sa mère derrière le portail de fer, entre les tombes, sur les allées de gravier. Après le baiser du soir, il ne s’est pas endormi. il est resté étendu dans son lit les yeux grand ouvert vers la porte  de la chambre éclairée par un rayon de lune filtrant entre les volets. Il entendait sa mère aller et venir dans la maison. C’était ainsi chaque soir depuis la mort du père, depuis l’accident lui avait-on dit sans d’avantage de détails, son père policier qui était le plus fort du monde, qui lui racontait des histoires à faire frissonner, des histoires de loup-garous à la fin des quelles il y avait toujours un policier pour sauver la veuve et l’orphelin, des histoires de morts vivants qui errent les nuits de pleine lune. Seb adorait ces histoires qu’il écoutait blotti dans les bras musclés de papa. Papa n’était plus là et sa mère tournait en rond dans la maison. D’habitude cela durait une petite demi heure, puis Seb entendait l’eau couler dans la salle  de bain, en tendant l’oreille il entendait même la brosse dans les cheveux de maman, et puis plus rien. Il savait alors qu’elle s’était couchée et il s’endormait. Ce soir il n’a pas entendu l’eau couler, il n’a pas entendu la brosse dans les cheveux. Sa mère a entrouvert la porte de sa chambre, il a fait semblant de dormir, puis il l’a entendue tourner encore un peu d’une pièce à l’autre et sortir. La porte d’entrée a fait ce petit claquement immédiatement reconnaissable. Il s’est levé, a enfilé son blouson et ses chaussures à toute allure, et s’est précipité à la poursuite de sa mère. Déjà, elle avait quitté le jardin et marchait d’un pas vif dans la rue déserte. Seb l’a aperçue juste avant qu’elle ne tourne à gauche dans la rue du cimetière, et il l’a suivie jusqu’ici. Il hésite. Il a peur autant qu’il a envie d’aller voir. Là bas, dans le noir, il y sa mère, mais aussi son père, la tombe de son père. Et la lune est pleine.

mardi 7 octobre 2025

 

Hormis dans la nuit profonde

(Parc écologique de Plaiaundi, Irun, Gipuzkoa, 5 septembre, 9h 20)

Hormis dans la nuit profonde

Il restera toujours quelque chose à regarder

lundi 6 octobre 2025

 

Les arbres

(Forêt de Rambouillet, 5 octobre, 16h 50)

Je voudrais qu’on invite à mon enterrement tous les arbres que j’ai rencontré.

dimanche 5 octobre 2025

 

Miniatures éphémères

(Saint-Trimoël, Côtes-d’Armor, 30septembre,9h 10)

La rosée

samedi 4 octobre 2025

 

SNSM

(Cap Frehel, Côtes-d’Armor, 29 septembre, 13h 15)

Dans la porte de l’ancien phare du cap Frehel il y a un tronc pour recueillir les dons aux sauveteurs en mer. Une coque de métal comme un vieux jouet que l’on poussait sur le ruisseau à l’aide d’un bâton. Sur le ruisseau, ou sur les flaques laissée par la mer à marée basse sur la plage de mon enfance, les flaques dans lesquelles notre petit fils saute avec joie, sur la plage d’Hendaye à huit cents kilomètres de là, la plage au large de laquelle j’ai lancé, il y a quelques années, l’urne contenant les cendres de mon père. C’est à bord d’une vedette orange de la SNSM (Société National de Sauvetage en Mer) que nous sommes allés en famille à quelques trois cent mètres du littoral pour ce dernier hommage.

vendredi 3 octobre 2025

 

La boite à rêves

(Saint-Trimoël, Côtes-d’Armor, 30 septembre, 8h 50)

Il y a une petite chaise de camping dans la serre de Félicie. Après avoir biné, planté, taillé, cueilli, Félicie s’assoie sur la chaise de toile, dans la moiteur de la serre, sa boite à rêves. Elle s’assoie et elle parle à ses tomates et ses poivrons, elle leur dit ce qu’elle n’a jamais osé dire, ce qu’elle n’a jamais osé faire. Il lui semble qu’ainsi, ses tomates et ses poivrons murissent bien plus vite.

jeudi 2 octobre 2025

 

Les Lacs Bleus

(Erquy, Côtes-d’Armor, 29 septembre, 15h 20)

Les lacs bleus, au dessus du port d’Erquy. 

Sur la falaise, d’anciennes carrières de grès rose. 

Des trous d’eau, qui prennent le ciel, les pierres et les arbres. 

On y vient s’aimer en cachette. 

Les mots tendres raisonnent et se multiplient. 

On n’entend ni la mer ni la ville.

Le parfum nauséabond de la criée ne parvient pas jusqu’ici.

L’entomologiste solitaire y fait de drôles de rêves.





mercredi 1 octobre 2025

 

Une cabane à mouton

(Parc écologique de Plaiaundi, Irun, Gipuzkoa, 5 septembre, 9h 05)

Une cabane à mouton, un toit, un peu de paille. Il pourra y dormir tranquille. L’arbre qui se dresse à l’entrée lui fera signe en cas de danger, il en est sûr, il a une confiance absolue dans les arbres.