No deal
Une aventure de Rick Delaveine, batteur de jazz de renommée internationale et surfeur.
(Exposition Motion Auto Art Architecture, musée Guggenheim Bilbao, 24 mai 2022, 11h 40)
Le ciel a craché toute la journée.
Une pluie sale, une pluie sans illusions.
Rick est allé au cinoche. Mission Impossible. Pour ne pas penser, pour se faire mener par le bout du nez.
2h 40 c’est long quand tu as la prostate gonflée. Le rythme était assez trépidant pour qu’il tienne.
Il s’est étonné de ne jamais voir Tom Cruise pisser. Pourtant il commence à faire son âge. Ça donne une nouvelle saveur au film. Peut-être bien que Rick a pensé un peu malgré tout.
En sortant il avait la musique tonitruante du générique qui tournait dans la tête.
Il s’est précipité aux toilettes. Il pissait par à coup, avec la musique.
De retour il n’ y avait que le tempo et la voix de Mélanie de Biasio pour lui ôter cet air des méninges, et de la vessie.
Il a écouté en boucle l’album No Deal jusqu’à ce qu’il tombe de sommeil.
Il s’est couché avec un violent désir de couleurs et l’espoir de retrouver la chanteuse dans sa nuit.
Elle a ce geste léger de la main, un geste hypnotique qui donne la mesure, le geste qu’il faut à Rick pour s’abstraire de la violence du monde.
Mais à peine endormi, c’est le générique de Mission Impossible qui est revenu.
Une blonde armée d’un sabre le poursuivait. Le sabre étincelait. Il ne savait plus dans quel film il était. Kill Bill ou Mission impossible?
Il cavalait dans les ruelles étroites de Bilbao. La fille ne le quittait pas d’une semelle.
Il courait en levant haut les genoux, balançant ses bras repliés comme le héros, Ethan Hunt.
Une course mécanique, renversant tout sur son passage, sautant par dessus les tables des terrasses, il devenait coureur du cent mètres haies dans un stade olympique, on l’applaudissait. la fille était toujours à ses trousses, le sabre flambait toujours plus près.
Soudain il trébuche sur la laisse tendu d’un caniche blanc vêtu d’un ciré jaune. À l’autre bout de la laisse la reine d’Angleterre, ou Brigitte Macron, ou Margaret Tatcher, il ne sait plus, elle change de visage à chaque seconde.
Il roule sur le bitume.
Dans un crissement de pneus, une Pegaso Z 102 Cùpula freine à quelques centimètres de son crâne en surchauffe.
Trois coup de feu claque dans la nuit.
Le caniche, Tatcher, la Blonde au sabre explosent dans des gerbes de sang écarlate.
Je croyais Tatcher morte depuis longtemps se dit-il.
Il est là, étendu sur l’asphalte, à deux pas de la voiture jaune. Les pneus rouges et noirs fument.
Il voit descendre de longues jambes, une femme. C’est Mélanie.
Elle se penche sur lui, sourit et dit, d’une voix si douce:
No deal….
Il se réveille avec une nouvelle envie de pisser.