L'été au cœur de l'hiver
Le souffle des cordes
(Travaillan, 12 juillet 2022, 20h)
Samedi dernier nous étions à Marciac. Un ciel bas, un froid suffisamment vif pour transpercer le pantalon, mais pas assez pour durcir la boue qui colle aux semelles. Chez les amis, bananiers et palmiers faisaient la gueule. Nous restions près du poêle, le cul au chaud, tardant à nous découvrir.
Nous étions venu voir nos amis et assister à un concert, à la Strada, Renaud Garcia-Fons.
Le Souffle des cordes, contrebasse, kemence, qanûn, guitare, alto, violoncelle et deux violons.
Et soudain ce fut l’été au cœur de l’hiver. Jamais concert ne m’avait donné une telle joie. Pendant une heure trente je me balançais comme les blé murs au vent d’autan. La musique de Renaud Garcia-Fons a l’élégance d’une herbe folle. On y voit les abeilles qui partent à l’assaut d’un champ de fleurs, les hirondelles qui tracent dans le bleu du ciel, les foulards qui volent, les visages ouverts, ça tourne, ça court, ça s’envole, ça reste en suspension, ça repart de plus belle, ce sont des champs à perte de vue, des collines arrondies, des chemins les sillonnent et des voix jaillissent de l’une à l’autre. Nous sommes au sud. Dans les villes les rues sont étroites et les enfants sont dehors, dans les champs on travaille à l’unisson. Et le kemence qui sonne parfois comme une voix humaine, celle du muezzin, ou celle de la mère qui appelle sur le pas de sa porte. Chaque instrument affirme sa personnalité, c’est une famille nombreuse, on peut ne pas être d’accord, mais à l’heure du repas on est unis.
Il y a tant de joyeuse humanité dans cette musique, on devrait la diffuser au conseil des ministres, ils nous pondraient d’autres lois…