Le Petit Bruit de Georges
Georges était facteur. Sa mobylette était une Motobécane jaune avec des sacoches en cuir qu’il prenait bien soin de graisser avant chaque hiver. La mécanique par contre ce n’était pas son truc. Au dépôt, il y avait Jean Pierre pour l’entretien et les réparations. La mobylette de Georges avait toujours fait un petit bruit métallique, un léger cliquetis derrière le ronron du moteur. Jean-Pierre n’en avait jamais trouvé l’origine et du moment que ça marchait comme ça, ce n’était pas grave. C’est le petit bruit de Georges, se disait-il. Jean-Pierre aimait bien Georges, surtout sa moustache noire et drue et ses épaules carrées. Georges n’était pas très grand, mais tout en muscles. Chaque matin il serrait fermement la main de Jean Pierre. Son bonjour était chaud et grave.
La tournée de Georges partait de Saint Girons pour monter vers les hauteurs par de petites routes en lacets: Montgauch, la Craste, Bareille, Cazavet…. Dans les fermes, quand les nouvelles étaient bonnes, ou si elles étaient si catastrophiques qu’il ne resta d’autre solution que de boire, on lui offrait un verre. Georges se délectait alors des sous entendus qui se glissaient parfois dans la conversation avec ces dames (sa conscience professionnelle lui interdisant tout écart)….Par contre, aux factures il n’avait droit qu’à des bougonnements en patois.
L’été, dans la descente, Georges déboutonnait sa vareuse et sa chemise , se mettait debout sur les pédales du vélomoteur et, le poitrail au vent et le sexe dur, il chantait à tue tête. Parfois son excitation était si pressante qu’il s’arrêtait derrière une haie pour se soulager.
Un jour, une très chaude journée d’août, une journée où il n’y eut ni mauvaise nouvelle ni facture, où à la dernière ferme de sa tournée Georges fut accueilli par une parisienne en vacances légèrement vêtue, il revint au dépôt tel un faune aviné.
Jean Pierre en fut bouleversé, il ne put résister à ce torse musclé. Il ne restait qu’eux deux dans le garage. Alors Jean Pierre s’approcha de Georges, posa sa main sur sa poitrine en le regardant droit dans les yeux. À son grand étonnement Georges se laissa faire. Il eut juste l’air surpris, l’air ébahi de quelqu’un que la nouveauté n’effraie pas, mais intrigue au plus haut point.
Il firent l’amour là, sur le sol graisseux, entre les mobylettes jaunes. Georges poussait de petits gémissements soudain aigües et Jean-Pierre, au comble du ravissement, se dit alors combien il aimait le petit bruit de Georges…