lundi 28 février 2022


Aimé par le lierre 

(Marnes-la-Coquette, 27 février, 17h)

Nous marchons. Elle me dit: 

Regarde cet arbre, comme il a été aimé par le lierre.

Je lui demande de me le dire encore une fois.

Et puis une autre…



dimanche 27 février 2022


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 24 février, 12h 40)

En équilibre 

samedi 26 février 2022


Il faudra...

(Vaucresson, 25 février, 12h)

Je ne suis pas un guerrier.

Je voudrais ne m’occuper que de fleurs et d’amour.

Pourtant combien d’histoires de guerres ai-je écrites?

Aurais-je la même attirance pour les champs de bataille que pour les champs de fleurs?

Je regarde faner les tulipes, j’admire leurs formes et leur texture.

Sur une terre ébranlée par les bombes, les pétales seraient déjà tombés.

Il faudra un jour ne plus se contenter de raconter des histoires. 

vendredi 25 février 2022


S'étonner d'exister

(Vaucresson, 24 février, 11h 15)

S’étonner d’exister

si seulement

cela pouvait nous suffire 

jeudi 24 février 2022


Un pas de deux

(Vaucresson, 11h 10)

Un pas de deux sur la table du salon

Juste avant que les pétales ne tombent 

mercredi 23 février 2022


Peupliers siamois

(Versailles, Yvelines, 17h 05)

Peupliers siamois

Ailes géantes fichées dans le sol

Coléoptère enfoui défiant l’imagination

Les grands arbres ont résisté aux tempêtes

Le promeneur à proximité allège son pas


Et se tait


mardi 22 février 2022


Deux poules

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 14 janvier, 9h 40)

Deux poules caquettent et l’enfance me chatouille, loin des bruits de bottes. 

lundi 21 février 2022


Rue Molière à Ivry-sur-Seine

(Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne, 19 février, 22h 40)

À l’instant où le feu passe au rouge

Johnny Cash chante à la radio

La nuit change de couleur

Une Pontiac bleue passe au ralenti

L’Eldorado est au bout de la rue

Et c’est une vie entière

Avant que le feu ne passe au vert 

dimanche 20 février 2022


Miniatures éphémères

(La Bouzonnie, Dordogne, 13 janvier, 14h 05)

L’homme à la valise

ou

L’histoire sans fin 

samedi 19 février 2022


Confession

(Quelque part en Brenne, Indre, 31 janvier 2021, 16h40)

J’écris ces lignes à quatre heures du matin.

Un rêve étrange m’empêche de dormir.

Je viens de tuer un homme. Nous étions dans une barque, au centre d’un étang profond. Le ciel était bas. Une légère brise ridait la surface de l’eau. J’ai poussé l’homme. J’ignore qui c’était. Je l’ai regardé se noyer, sans aucun état d’âme, avec pour seul témoin un canard à col vert. À l’instant où l’homme a sombré, un timide rayon de soleil s’est posé sur la tête moirée du canard.

J’écris cela sur mon blog, toujours sans remords, toujours dans mon rêve. Au moment où je m’apprête à le publier, je me dis que ce n’est pas une bonne idée. Personne ne sait que je suis un assassin. Puis je me dis qu’on croira que ce n’est qu’une histoire de plus. Alors en un clic je publie ma confession.

C’est à cet instant que je me suis  réveillé, perplexe... 

vendredi 18 février 2022


J'ai laissé mon enfance à Lestole

(Lestole, Saint Alvère, Dordogne, 11 janvier, 17h 35)

C’était en janvier. 

Je suis resté une semaine dans cette maison, à Lestole sur la commune de Saint-Alvère, une vieille maison de pierre sur une colline en bordure de forêt. 

Ce fut une semaine de ciels clairs, de splendides couchers de soleil. Je me sentais bien dans ce paysage, dans cette maison qui me parlait une langue familière.

Il y avait dans la prairie face à la maison, une balançoire accrochée à une grosse branche d’un arbre solitaire. 

Et chaque soir, à l’heure où le soleil disparaissait derrière les crêtes boisées, la balançoire oscillait,

elle oscillait sans qu’il n’y ait le moindre souffle de vent, elle oscillait au même rythme jusqu’à la nuit. Et chaque matin, la terre au dessous semblait avoir été fraichement remuée, comme si quelqu’un avait toute la nuit poussé sur ses pieds.

La troisième nuit je restais à la porte fixant l’arbre, hypnotisé par ce balancier silencieux, jusqu’à ce que le sommeil me gagne. Je ne vis personne, jamais.

Le quatrième jour, à midi, j’allais m’assoir sur la planche de bois. Je saisis une corde dans chaque main et poussai sur mes jambes.

Après à peine un aller et retour, je fus assailli par un étrange souvenir.

C’était dans un bar miteux d’Oiapoque au Brésil. J’étais en compagnie d’un vieux forestier à qui il manquait trois doigts. Un néon blafard grésillait. Nous venions de finir une bouteille de rhum. Il était tard. Une sono éraillée jouait Born to Be Blue de Chet Baker. De temps en temps une main claquait sur un moustique. Nous avions parlé des heures,  des heures de confidences qu’on ne fait qu’à un étranger qu’on ne reverra plus. 

Je me souviens de son regard. Dans les yeux, une forêt au couchant.

Et surtout je me souviens de sa dernière phrase avant qu’il s’effondre sur le bar:

J’ai laissé mon enfance à Lestole….



jeudi 17 février 2022


Un toit

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 14 janvier, 8h 35)

Une bousculade sur un vieux rafiot, elle passe par dessus bord, l’eau est glacée, elle coule….

Hana se réveille en sursaut, le souffle court. Elle a froid. Toujours ce même cauchemar au petit matin. Mais cette fois il lui a semblé plus court, et surtout elle savait au fond de l’eau qu’elle rêvait, qu’il était temps de se réveiller.

Elle se lève, enfile de gros chaussons de laine, bien trop grands pour elle, couvre ses épaules du dessus de lit en patchwork, et va à la fenêtre.

Du plat de la main, lentement elle essuie la buée, lentement, comme on prend le temps d’ouvrir un cadeau tant attendu.

Le paysage se dévoile, tellement blanc. Tout est blanc de givre, sauf les oiseaux.

Et Hana sourit au soleil levant, heureuse d’avoir enfin trouvé un toit. 

mercredi 16 février 2022


Qu'est-ce que je dois faire?

(Vue du Pont Louis Philippe, Paris  5ième, 16h 10)

Il fait gris. Je marche dans Paris.

Sur le pont Louis Philippe, au dessus d’une Seine maussade, j’aperçois une silhouette voutée assise sur un banc de pierre à la pointe de l’île Saint-Louis.

Que sa tristesse est belle, me dis-je, allant d’un pas vif. J’échafaude toutes sortes d’histoires sur ce quai où les amoureux ont si souvent été photographiés.

Je fais demi tour pour photographier cet homme. Un léger crachin se met à tomber. J’aime cette mélancolie qui sourd des murs envasés.

En zoomant sur l’homme en noir, je réalise qu’il regarde simplement son portable.

Alors je préfère rester sur un plan large et l’illusion d’un homme au prise avec ses combats intérieurs, un homme qui dit aux pierres et à la rivière ce qu’on ne peut dire à d’autres hommes, un homme dont le dos se courbe comme un point d’interrogation: Qu’est ce que je dois faire? 

mardi 15 février 2022


Le regard d'une anémone fanée

(Vaucresson, 16h)

À l’heure où la chouette hulule

Je cherche une image, une phrase

Pour écrire un joli poème

Je ne trouve que le regard

D’une anémone fanée 

lundi 14 février 2022


À Sophie

(Vaucresson, 9 février, 18h 45)

Sur la table du salon

un bouquet de fleurs fanées

anémones et mimosa 

des fleurs qui se laissent aller

un livre, À la ligne,

Feuillets d’usine

de Joseph Ponthus

J’attends que la rue se taise

qu’ils soient passés

ceux qui rentrent du travail

j’attends que s’effacent les ombres

et les pas, plus forts dans le noir

j’attends que la nuit se taise

pour lui dire combien je l’aime 

dimanche 13 février 2022

samedi 12 février 2022


Torpeur

(Vaucresson, 18h 30)

Rick n’est pas sorti de la journée

Dans la tête du vent, de la poussière et un cheval

Il monte sur le toit

Et c’est à coups de griffes dans le ciel

Qu’il sort de sa torpeur 

vendredi 11 février 2022


Quelque chose vient


(Hendaye, 2 février,18h45)


Un léger flou,

Entre chien et loup.

Un roquet aboie,

Plus fort que les vagues.

Quelque chose vient,

Avec la marée, avec la nuit.

Il peut aboyer, le petit chien.


jeudi 10 février 2022


Le Grand et le Petit

(Auxerre, Yonne, 17h 25)

Il a la soif du bout du monde

et le grand lui dit que si l’amour rend fou

c’est bien que la terre est ronde

Il a le cœur en éventail

et le grand lui dit que si sa vue déraille

c’est bien qu’on ne sait pas tout


Le grand et le petit s’en vont à l’unisson

au bout du bout du monde 

mercredi 9 février 2022


L'Épouvantail

(Argelouse, Landes, 24 janvier, 18h 15)

Je venais d’arriver chez mes hôtes du jour, en lisière de forêt. Je faisais quelque pas avant la nuit, à l’heure où sortent les bêtes. Il y avait sur le bord de la route deux arbres, un conifère et un feuillu, seuls, l’un près de l’autre, comme deux compagnons, deux vieux compagnons qui attendent, sur le bord de la route.

Immédiatement je pensais à la première scène de L’Épouvantail de Jerry Schatzberg, Max et Lion (immenses Gene Hackman et Al pacino) sur le bord d’une route attendant qu’une voiture daigne les prendre. La route, les clôtures, l’herbe jaune, les poteaux électriques, l’Amérique.

Le froid était vif, la lumière tombait et l’Amérique était juste là de l’autre coté du fossé.

Et je me disais en regardant la route filer à l’est que c’est pas demain que je me rangerai des voitures. 

mardi 8 février 2022


Estrémadure

(Lagleyre, Landes, 25 janvier, 8h)

Il se tient droit sur la terre gelée, les mains dans les poches, le béret vissé sur le crâne.

Il attend que se lève le soleil. À chaque respiration s’échappe de sa bouche un nuage qu’il suit avec attention jusqu’à sa disparition. Il est là chaque matin que dieu fait, il fait partie du paysage, il fait corps avec cette terre au parfum de sable et de résine.

Pourtant cette terre n’est pas la sienne. Il vient d’ailleurs, plus au sud, chassé par les forces franquistes après avoir vu sa famille exterminée à Badajoz, en Estrémadure.

Estrémadure, un mot qu’il aime par-dessus tout, un mot qu’il étire avec délice quand il raconte son pays d’avant à ses enfants et ses petits enfants, un mot qu’il fait sonner comme  la rumeur d’un village à flanc de colline, comme un volet qui claque sur la pierre sèche. Il dit de son pays que c’est une fleur à épines. L’Estrémadure, la terre des conquistadors Fransisco Pizarro  et Hernán Cortés.

C’est ici à Lagleyre que la guerre l’a mené, un village comme un pied de nez. Il y a planté de nouvelles racines, en compagnie des pins. Il sait qu’elles ne sont pas profondes, alors il se tient droit, les jambes légèrement écartées pour résister aux mauvais vents.

Il se tient droit sous le ciel clair. La lune est encore là, le soleil arrive. 

Où que tu sois sur terre, le soleil est le même. La maison où il a grandi en Estrémadure regardait à l’est.

Alors il regarde à l’est le soleil qui vient. 

lundi 7 février 2022


Chez Jeanine

(Dals Rostock, Suède, 13 juillet 2016)

Quand Rick a le cerveau en capilotade,

le doute qui s’accroche comme la bardane,

et le désir qui s’effiloche,

il va chez Jeanine l’herboriste au grand cœur.

Sa boutique est comme un bouquin américain,

rien qu’au parfum on se tire aux confins,

il y a des volcans dans les tiroirs,

des crocodiles aux fenêtres,

et des girafes sous la table.

 

dimanche 6 février 2022

samedi 5 février 2022


La femme au balcon

(Manoir de Saint-Pol-Roux, Camaret-sur-Mer, Finistère, 18 septembre 2018)

La mer avait pris son fils.

Un jour de tempête, un jour où ce qui ne devrait jamais arriver arrive.

Du matin au soir, elle chantait sur son balcon.

Elle chantait dos à la mer, elle chantait pour les hommes à terre.

Ce n’était pas une plainte, son chant avait la splendeur de l’adolescence.

On venait de partout l’écouter,

Et sa voix couvrait le bruit des vagues

Et sa voix chassait les nuages.

Puis il furent de moins en moins nombreux au pied du balcon.

Hommes et femmes semblaient disparaître,

Happés par d’étranges maux venus de la terre,

Elle chantait sans faillir pour une terre désolée,

Elle chantait pour les pierres, les herbes et les arbres.

Puis les arbres se flétrirent, l’herbe jaunit, les murs s’effondrèrent.

Elle chantait toujours, seule au balcon, pour un monde en ruine.

Puis elle même disparut, rongée par le vent et les embruns,

Elle redevint poussière portée vers les montagnes au delà des frontières.


C’était il y a longtemps.

Quand on vient sur la falaise, au dessus de l'anse de Pen Hat

Là où reste les traces de cet ancien monde,

On entend encore son chant mêlé aux vagues et aux oiseaux,

Et ce chant est un appel, un fervent appel 

À prendre la mer, à prendre la route, à se retrousser les manches. 

vendredi 4 février 2022


Les arbres d'en haut

(Bidart, 27 janvier, 12h)

Elle gravit la pente courbée sous le vent violent.

Elle vient du ruisseau qui murmure dans le creux.

Elle porte dans un seau l’eau qu’il faut aux arbres d’en haut.

C’est une vieille femme obstinée qui sait ce qu’elle doit aux arbres. 

jeudi 3 février 2022


Le marchand de ciels

(Hendaye, 18h 10)

Au grand bazar d’Istanbul

Il y a un marchand de tissus

qui vend des ciels de tous les horizons.

On peut caresser l’étoffe,

la rouler sur le bout des doigts.

Ses ciels n’ont pas de prix,

il ne demande qu’une histoire en échange,

des histoires de tous les horizons.

mercredi 2 février 2022


Un cil

(Hendaye, 18h 10)

Elle a les yeux qui papillonnent

Et parfois, elle laisse un cil dans le paysage 

mardi 1 février 2022


Par la fenêtre 

(Hendaye, 8h30)

La montagne est discrète

Le soleil flambe sous les nuages

L’amour est là, tapi dans le paysage

Il faut prendre son élan

Et courir, courir, courir vers l’est