lundi 29 février 2016


Chapeaux


On va lui ouvrir la tête comme un oeuf à la coq. Un méningiome a dit le médecin. C’est un grand spécialiste. Elle n’a pas tout compris mais il avait l’air gentil, alors elle essaie de ne pas trop s’inquiéter. La première chose qu’elle ait faite c’est d’aller chez Ernesto le marchand de chapeaux.
Il lui faut le plus beau, un chapeau que tu ne mets que pour le grand prix d’Amérique où le mariage du prince William. Un chapeau pour flâner dans la roseraie de Bagatelle au bras de son amant vêtu de lin blanc…

dimanche 28 février 2016


 La Sieste


Dans leur petite maison Séraphine et Balthazar font la sieste. Il fait trop chaud pour se coller, alors il sont simplement étendus côte à côte, leurs mains tapotant par moment avec délicatesse le corps de l’autre pour s’assurer de sa présence. Leurs onze enfants sont partis depuis longtemps. L’un est en Suède, un autre en Italie, trois à Paris, dont un qui fait l’acteur, ils l’ont vu en gendarme sur TF1 et un autre militaire, pour de vrai, deux en Espagne, une en Allemagne mariée avec un ingénieur, une à Cayenne, elle travaille à l’hôpital, un dixième mort sur la route, et le dernier dont il n’ont plus jamais eu de nouvelles.
Eux ils ont fuit le Surinam avant d’atterrir ici sur les bords de l’Acarouany. Là, ils ont élevé leurs enfants. Ça n’a pas toujours été facile, mais toujours joyeux.
Alors c’est là qu’ils mourront.
Les mains tapotent et de temps en temps ils se regardent. leurs rides sont profondes et leurs sourires généreux…

samedi 27 février 2016



"...."


La courbe de cette feuille , au pied de ce géant de bois, c’est celle du corps de cette femme inconsciente dans les bras de son mari. L’homme court sur une plage, il appelle à l’aide, personne ne répond…

vendredi 26 février 2016



Partie de pêche


Il y a quelques  instants, ils étaient immobiles, guettant le moindre frémissement de leur cannes.
Un poisson, un poisson jaune, a mordu et maintenant ils semblent danser dans le crépuscule. Ils paraissent si paisibles ces jeunes gens à l’avenir incertain...

jeudi 25 février 2016


Sous-bois


                                                      Quand la lumière trouve une voie
                                                               Au coeur de la forêt
                                                           C’est pour me parler de toi
                                                                   Ma bien aimée

mercredi 24 février 2016


Vaudou


Il y a quelques années,à Kourou, je surprenais dans un terrain vague derrière la salle de spectacle où je venais de jouer, trois adolescentes criant autour d’un objet au sol. Elle le regardaient, effarées, sans oser le toucher, répétant: c’est vaudou, c’est vaudou!
Quand elle m’ont vu elles ont détalé, criant de plus belle. L’objet était une noix de coco taillée laissant apparaitre un visage avec deux boutons de couleurs différentes en guise d’yeux. Cette tête était fixée sur une longue tige de bois.  Cet  « épouvantail » ressemblait étrangement à la marionnette que je manipulais au cours de mon spectacle. Il me fixait, étendu dans les mauvaises herbes. Il est maintenant debout dans mon jardin, à Vaucresson, à plus de 7000km de Kourou.
Ai-je bien fait de l’emporter dans mes bagages? Et celui ci, bien plus lourd, est-il vaudou?

mardi 23 février 2016


Cayenne- Miami


« Un nouvel Airbus pour assurer la liaison Miami-Cayenne ». C’était à la page trois de France-Guyane ce matin. Ça n’a pas échappé à Josiane Lepoivre. C’est sûr, un jour elle partira aux States. Miami, New-York, Hollywood. Elle sera la partenaire de Léonardo dans le remake des aventures du bagnard Papillon.
Pour l’instant elle est dans sa chambre, allongée sur son lit, au dessus de la boutique de ses parents, elle tapote sur son portable. Elle envoie à ses copines toutes les photos prises au Zéphyr pour l’élection de la reine du carnaval 2016.
Parfois elle se lève, esquisse un pas de danse,  ou s’essaie à de nouvelles expressions devant son miroir. Son prochain objectif, c’est Miss Guyane…

lundi 22 février 2016


Partir


Un fort coup de vent est annoncé pour ce soir. L’Esperanza restera amarré cette nuit. les marins sont au repos. Là bas l’enfant en bleu regarde le bateau avec envie tandis que sa mère le regarde  tendrement. Un jour, il partira, pense t-elle, c’est comme ça…

dimanche 21 février 2016


Retrouvailles...



Ils ont vécu ensemble pendant vingt cinq ans. Et puis un jour, il est parti, disparu, envolé, évaporé.
Certes la vie n’était pas facile, les dettes, la pression au travail, le décès de son frère, dernier survivant de sa famille, mais l’amour les tenait, ils se sentaient invincibles; du moins le croyait-elle.
Il est parti sans un mot, sans bagages, un jour d’hiver.
Pendant des années elle l’a cherché. Rien. Chaque jour elle lui écrivait et à défaut d’adresse jetait la lettre dans une poubelle.
Et puis un jour, une de ses amies partie enseigner à Cayenne lui assura l’avoir vu. Chaque soir il venait s’assoir sur ce banc, à la Pointe des Amandiers.
Alors elle a pris le premier avion, et maintenant elle est là, derrière lui, hors champ. Le coeur battant, la démarche vacillante, lentement elle s’approche…

samedi 20 février 2016


La Pensée


« La pensée n’arrête pas - non de chercher ou de comprendre, mais de se balancer sur une corde comme un enfant dans un verger. »
                                                               (J.M. Kerwish)

vendredi 19 février 2016


Altitude


Une mignonnette de rhum, un quart de Bordeaux, et me voilà divaguant, du coton dans les oreilles, a 9848 m d'altitude en compagnie de Mozart.
Et il y a cet étrange trou noir au centre de l'image, comme une rupture de l'espace temps, un concentré de tout ce que l'on a pas fait et qu'on aurait aimé faire, la somme de ce qui nous est inconnu et qu'il nous reste à découvrir...

jeudi 18 février 2016



Paris-Cayenne



18 février, 8h45, Orly Ouest. Temps gris. Température 2°. Poids des bagages 22kg4. Décollage pour Cayenne à 10h45.
Il y avait une fois un homme qui était parti à l’aventure abandonnant femme et enfants. Il avait juré qu’il reviendrait après avoir découvert l’Eldorado.
Pour tenir, loin des siens, il comptait. Paris-Cayenne : 7086 km, ou 35430000 des ces rubans pourpres avec lesquels elle nouait ses cheveux le dimanche. Egrener le temps, compter les jours, cocher l’écorce, la barre des comptes comme tuteur, combien de feuilles, combien d’insectes, combien de gouttes, combien de paillettes,  combien de larmes, combien de gestes répétés sur l’ouvrage….

mercredi 17 février 2016


Java-Eiland 2030


Ceux qui habitent ici ont le visage lisse et des vêtements infroissables. Ils parlent peu et partent chaque matin travailler sans un bruit sur leur vélo après avoir avalé un repas conditionné. Ils savent les moments où il faut sourire et ceux où il faut exprimer son chagrin. Leurs expressions sont standardisées et les temps qui leur sont impartis décomptés.
Il n’y a pas d’enfants qui jouent dans les cours, pas de chiens errants, ni de linge aux fenêtres.
Parfois apparait derrière un carreau une figure immobile qui regarde droit devant, longtemps, très longtemps…

mardi 16 février 2016


L'Ecole


Hors champ, à gauche, de l’autre coté de la rue, il y a l’école où j’allais enfant. Le mobilier urbain est flambant neuf, les immeubles ont remplacé maisons et jardins, la couleur des trottoirs a changé, la gare du Val d’Or  a été entièrement refaite, mais l’école, elle, est toujours la même.
je me souviens de ces heures caché sous la table avec mon ami Roger. Nous feuilletions le dictionnaire en quête de mots amusants. Je  me souviens de ce fou rire devant le mot Saltoposuchus, un crocodylomorphe sphnénosuchien. Les planches illustrées sur la préhistoire étaient une mine. Il y avaient aussi  les planches avec les drapeaux qui nous faisaient voyager.
Je me souviens des trousses pleines de billes et des soldats Mokarex. Je me souviens des images et des bons points; sur les images, souvent, une bergère et quelques moutons sur des collines verdoyantes; sur  les bons points, des arabesques dorées.  Je me souviens des derniers jours avant l’été où la récréation durait toute la journée.
Dans la cour, nous tournions en nous tenant par l’épaule, criant: « Qui est ce qui veut jouer avec moi? ». Le rang grossissait au fur  et à mesure, jusqu’à ce que nous fussions assez nombreux pour jouer à la balle au prisonnier. Je me souviens des filles qui jouaient à l’élastique dans la cour d’à coté, les jupes volant à chaque saut. Je me souviens de ma maitresse de 10ième  à qui je vouais une secrète admiration.
Je me souviens surtout que l’école était un formidable terrain de jeu…

dimanche 14 février 2016


 Miniatures Ephémères



 
 Ce matin, comme chaque dimanche, je suis allé chercher quelques fleurs au marché. Ils étaient déjà là, les Anges du Printemps. Au coeur des tulipes, ils attendent avant de prendre leur envol.


                                                        Pensées au bord des Orchidées.
                                                                                             (Pour Thérèse)

samedi 13 février 2016



Les Saisons


 Thérèse est montée tout en haut du dôme pour voir un film, Les Saisons de Jacques Perrin.
La salle était quasiment vide. Elle a posé son manteau noir sur le siège d’à coté puis elle s’est laissée aller. Des boeufs musqués dans le blizzard, des chevaux sauvages poursuivis par des loups, des cerfs qui brament, et des arbres, des arbres à perte de vue. Elle a soupiré, souri, elle a eu chaud, puis froid, elle a eu peur, été émue, elle a frissonné, elle s’est rappelée  avoir fait l’amour sur les flancs du pic du midi derrière un rocher, elle s’est souvenue de la force des vagues, de la brulure des orties et du goût des myrtilles. A la fin du film elle a applaudi, réveillant l’un des rares spectateurs qui s’était endormi deux rangs plus loin. Puis elle s’est levée, a remis son manteau noir, bien fermé et, les mains dans les poches, elle est redescendue, tout en bas, avec cet air renfrogné qui ne la quitte plus depuis qu’elle a été expropriée de sa petite maison rue du bois à Nanterre…

vendredi 12 février 2016



Haute Solitude


Aujourd’hui, j’ai marché des heures sur ces dalles de béton battues par les vents. Tous les êtres humains se tenaient à peu près à une égale distance de celle qui me sépare de l’homme en jaune , et qui sépare l’homme en jaune des deux silhouettes au fond de l’image. Une centaine de mètres.
Mais pourquoi cet homme en jaune un dimanche? Est ce un balayeur, un éboueur, un agent de sécurité? Ou alors un aventurier en combinaison de survie qui explore ces zones de haute solitude…

jeudi 11 février 2016



 le Sac à Dos


Elle a le coeur fragile et la tête prise. Son médecin  lui a dit de ne jamais cesser de marcher. Alors elle marche, sur les trottoirs, sur les sentiers, sur les plages, elle marche avec son petit sac sur le dos. Dans son sac, il y a ses papiers, ses clefs, son téléphone, ses médicaments, son agenda,  un mouchoir, une petite bouteille d’eau et une boite de cachous Lajaunie. Il y a aussi, dans une poche intérieure, un livre écrit par sa fille, un petit Bouddha en ronce de noyer sculpté par son fils et la première lettre de son mari, au cas où…

mercredi 10 février 2016


Aréva


Aréva, c’est le nom de cette tour noire. Ce pourrait être le nom d’une déesse grecque, fille cachée d’Héphaïstos, dieu difforme du Feu, des Forges et des Volcans, et de Ananké, déesse de L’inévitable, de la Compulsion et de la Nécessité. Aréva, une déesse mise au monde avec notre aide, une déesse qui se drape dans son ombre pour mieux séduire Thanatos…

mardi 9 février 2016


Mauvaise Passe


La pierre est lisse, le bois est moussu, l’oiseau penche la tête et l’homme a les pieds dans la vase…

lundi 8 février 2016


 Les Larmes de Victor



Victor Langlois, directeur de la Schomsky Pétroleum Company regarde par la fenêtre de son bureau au trente deuxième étage de la tour Franklin. Il est là, planté, les deux mains dans les poches, le regard infiniment perplexe. Derrière lui son bureau est dans un désordre indescriptible.
Il pense à cette histoire que lui racontait son père avant de s’endormir quand il était petit. Sa préférée, il pouvait l’entendre jusqu’à cinq fois de suite.
« Victor était un petit bonhomme très, très curieux. Il voulait tout savoir sur le monde.
Pour vérifier si la terre est ronde, il faut monter haut, très haut dans le ciel.
En ce temps là, les avions n'existaient pas encore.
Alors Victor marchait, interrogeait les passants, et parfois s'arrêtait et pleurait en regardant le ciel.
Comment monter là haut?
Et chaque fois quelqu'un le consolait, lui laissant un mouchoir pour essuyer ses larmes.
Jusqu'au jour où il eut tant de mouchoirs à faire sécher qu’il les noua au dessus d’un feu et en fit une montgolfière… »
Son père a été enterré il y a quelques jours. Tant de choses lui reviennent en mémoire.
Oh oui, il a été un enfant très curieux, très tôt il s’est envolé, et a gravi sans état d’âme les échelons qui mènent à un bureau luxueux au sommet d’une tour de verre.
Peux de temps avant de mourir, son père lui a à nouveau raconté l’histoire de Victor, tout bas, à l’oreille, comme s’il voulait s’assurer que son fils ne l’oublierait jamais.
Aujourd’hui devant sa fenêtre, Victor en cherche encore le sens, mais une intuition lui dit qu’il est encore temps de redescendre et  de prendre une tout autre route…

dimanche 7 février 2016


 La Défense




Un dimanche à La Défense. Les hommes en noir ont disparus. L’esplanade est calme. Un léger vent du nord siffle entre les tours. Tout semble figé.
Je me souviens avoir rêvé devant des bateaux à voile exposés au CNIT.
Je me souviens avoir distribué du courrier étage par étage dans une de ces tours en compagnie du fils d’un roi africain. Il ne supportait pas cette tâche insultante pour son rang.
Je me souviens avoir passé des nuits entières au troisième sous sol de la tour Mobil. J’y massicotais et déliassais des kilomètres de papiers. L’entrée était sécurisée, les ordinateurs étaient des armoires, les machines bruyantes et mon collègue tenait à la cocaïne. J’embauchais à vingt deux heures, je débauchais à six heures. Parfois j’étais seul, je travaillais vite, et le reste du temps je lisais une fois les machines arrêtées, je lisais des livres de science fiction et je disparaissais bien en deçà du troisième sous sol.
Je me souviens de ces aubes fraiches où sur l’esplanade déserte j’imaginais qu’un jour la végétation s’infiltrerait partout entres les dalles, dans la moindre fissure de béton, jusqu’à reconquérir son territoire…

samedi 6 février 2016



Premier amour


Divonne -Les- Bains. C’est la première fois que je viens ici. Je flâne, l’air est frais, la lumière est belle. Je m’arrête devant la vitrine de cet antiquaire. Un sourire, d’abord, puis le coeur qui se serre. Sans doute ces objets de l’enfance me chatouillent-ils la mémoire. Pourtant tout est trop bien ordonné dans cette vitrine, rien de la fantaisie enfantine. Et puis, chez nous le téléphone était noir, et je n’ai jamais eu de cheval à bascule. Alors peut être est ce cette carte identique à celles qui étaient accrochées au fond de la classe? Mais, franchement, le bassin de Paris, ce n’est pas ce qui fait le plus rêver le petit banlieusard que je suis.
Plus je regarde, plus la mélancolie me gagne. Je ne comprends pas.
Et soudain je la vois. A la fenêtre qui se reflète juste au dessus du cheval rouge. Anne. Elle est là, derrière les voilages. Elle me fait un signe, c’est un geste de flamenco, une douce arabesque ponctuée d’un coup de talon.
Nous habitions un immeuble des années 60, du même style que celui ci, derrière moi. Anne était ma voisine du dessus. La p’tite du d’ssus, comme je dirais plus tard. Nous avions le même âge, elle était brune et plutôt grande. A sept ans déjà j’étais amoureux. Parfois nous nous disions: « On s’les montre? », puis nous allions dans un couloir qui menait aux caves nous déculotter et en tout innocence examiner nos différences. J’habitais au troisième étage, elle au quatrième. Mais il y avait aussi Jean François au quatrième, la porte en face. Parfois nous  nous retrouvions tous les trois dans l’ascenseur, il fallait alors qu’elle dise lequel de nous deux elle préférait. Elle riait, ne répondait pas et nous embrassait, un baiser léger sur la bouche.
Quelques années plus tard, je devais avoir quatorze ans, mes parents s’étant absentés pour un week-end, nous avions improvisé une petite boum avec ma soeur ainée. Anne était descendue.
Nous nous sommes regardés toute la soirée, sans nous toucher, nous n’osions pas.
Elle est partie la dernière. Je l’ai raccompagnée, et là sur le palier, enfin nous nous sommes embrassés, à pleine bouche, un baiser de grands, les corps ignorants qui se frottent, qui se cherchent, brulants, le tissu des vêtements devenant si mince.
Je n’oublierais jamais ce baiser, le premier, cette sensation nouvelle de pleine existence dans la volupté de cet instant.
Anne faisait de la danse espagnole . Elle est morte à vingt ans d’un coma diabétique…

vendredi 5 février 2016


Miniatures 3 et 4
Chevauchées



                                       Pierre, coquillages, raphia, nylon, verre,  plomb et bois.
                                   Origines: Côtes basque et Normande, berges de la Bidassoa,
                                               Avenue de l'Opéra, Tiroir de ma fille.


jeudi 4 février 2016


Miniatures 2
Les Heures


                                                        Le galet vient de la baie de Loya
                                                        Le bois vient de la plage de Kourou
                                                        La figurine vient du Petit train Bleu

Miniatures 1
Fado


                                                    Le clou vient des berges du Tage,
                                                    Le pavé de l’Alfama,
                       La minuscule silhouette blonde , 
du Petit Train Bleu, rue de Charenton à Paris...

mercredi 3 février 2016


Aux Buttes Chaumont


Un homme va et vient sur la passerelle. Sa canne frappe les traverses à contre temps. Rythme de boiteux. Il est vêtu d’un manteaux noir à col d’astrakan. Il parle tout seul. Italien.
Un autre court sur les graviers, en dessous. Il en est à son troisième tour. Baskets vertes fluo, leggings moulant noirs, lunettes de soleil, casque audio sur les oreilles. Il chante. En anglais.
Un troisième assis sur un banc lit Moby Dick. Il lit à voix haute. En français.
L’homme qui court passe devant l’homme qui lit en écoutant le pas de l’homme qui boite.
Un manège, la mécanique du mercredi après midi aux Buttes Chaumont. Jamais leur regards ne se croisent et pourtant leurs places et trajectoires semblent parfaitement chorégraphiées.
Le plus étrange c’est que chacun de ces hommes  a dans sa poche un billet d’avion à destination de Cayenne pour le 18 février à 10h45…

mardi 2 février 2016


Forêt


                                                                       Faire corps...

lundi 1 février 2016



Misemono-goya


A la Halle Saint Pierre, je reste longtemps devant cette tenture, une bannière de Misemono-goya, des freak shows japonais. Je me souviens des bandes dessinées que je lisais enfant, de mes panoplies de cowboy, de policier, d’indien ou de Thierry La fronde. Je me souviens des arcs ou fusils en bois bricolés avec amour. Je me souviens de ma première, et unique, carabine à plomb.
Je me souviens de cet entresort à la fête foraine de Saint Girons où une femme sans corps, une tête vivante, était posée sur un lit de coton. J’avais douze ans, et le soir même je goûtai ma première ivresse après avoir bu la bouteille de cidre d’un panier garni gagné au tir aux pigeons.
Je suis immobile devant cette image, quand je remarque un petit garçon lui aussi immobile devant la bannière. Il se tient légèrement en retrait, curant son nez avec volupté.
Et je me demande à quel âge, lui, si ce n’est pas déjà fait, se rendra- t-il compte qu’il y a des gens qui meurent, des gens qui mentent et des gens qui perdent la raison, pour de vrai…?