Vers l'Espagne
Nathalie se tient là, immobile , hors champ, à distance. Elle ne peut détacher son regard du guitariste. Elle vacille.
Il y a un mois, cet homme jouait à Avignon, place de l’Horloge. Nathalie était au milieu de la foule.
La musique racontait l’Espagne, les chemins jaunes, les talons qui frappent, les robes à volants et les chapeaux noirs, le sang du vin et le sang du taureau, un goût âpre et puissant. C’était un soir, tard, elle est restée sans bouger jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne et que l’homme ait rangé sa guitare.
Puis elle est rentrée. Elle s’est allongée sur son lit, sans se déshabiller, ni même enlever ses chaussures. Elle n’a pas dormi.
Au matin, elle a changé l’eau des fleurs, puis rangé son petit appartement, parfaitement. Elle a glissé sa trousse de toilette et une chemise de nuit dans un sac, elle a posé les clefs du salon de coiffure et de son appartement sur la table, puis elle est partie en laissant la porte ouverte.
Elle a marché jusqu’à la gare. Le premier train allait à Narbonne, alors elle est allée à Narbonne.
Puis elle a marché encore, longtemps, le long du canal du midi. Suivre l’eau et les platanes. Jusqu’à Toulouse. Tourner deux jours dans la ville rose écrasée par la chaleur. Chercher les rues où elle a vécue enfant, ne rien reconnaitre, reprendre un train vers l’océan. Elle est descendue à Hendaye, au terminus, puis a continué sa route à pied vers l’Espagne.
Et là, à Bilbao, à nouveau cet homme blond et sa guitare. Elle ignore tout de lui et pourtant cette musique, si familière…