Le moral dans les chaussettes
(Étangs de la Marche, Marnes-la-Coquette, 1er octobre, 17h 45)
C’est là qu’il pêche, aux étangs de la Marche, où venaient pêcher son père et son grand-père.
Une habitude, plus qu’un rituel. Lancer la ligne, s’asseoir sur le pliant, et attendre avec une provision de bière et de clopes.
Le bouchon est immobile. Il regarde les roseaux. Il regarde ses chaussettes qui plissent.
À quoi bon les remonter, elles redescendront.
Dans les roseaux sauvages, le brouillon de ma vie, pense-t-il. Oh là là, me voilà poète maintenant, manquait plus que ça, le poète aux chaussettes plissées…
Et voilà que ça tire sur le bouchon, c’est l’eau qui plisse maintenant, ça accroche, ça mort, ça tire fort, il sort de sa torpeur, tient la canne à pleines mains, il mouline, c’est du gros, ça s’agite, voilà, voilà, vient mon joli, gardon, brème, non, c’est une carpe, une magnifique carpe miroir qui maintenant s’agite sur la berge humide, sursauts de lumière, éclats d’une victoire sur une morne après midi.
Avant de rentrer chez lui le poisson dans sa besace, il remonte ses chaussettes.