Braconnage
(Petit-Saut, Guyane, 21 mai, 14h 20)
La coque claque sur le clapot, l’étrave éclate le lac en gerbes blanches, le moteur à fond, les flics au cul, Nestor file à l’aveugle de l’eau plein la gueule. Au fond de la pirogue du gibier à foison, cabiai, daguet, tatou, paresseux, capucin, toucans, Nestor a braconné toute la nuit, nuit claire, lune pleine, il a eu ce qu’il faut pour les mômes, pour la mère, pour la vieille et le vieux, pour les voisins aussi, histoire de se faire un peu de blé, pour voir venir, pour le carburant, les cartouches et le rhum.
Manque de pot, il y avait les flics en embuscade, la police de l’environnement, il les connait, s’est déjà fait chopé une fois. Il aurait du se méfier, la pleine lune c’est tout bon ou tout foireux, superstition à la carte, c’est toi qui est tout bon ou tout foireux quand tu as la lune en pleine face.
Alors il trace, peut pas faire mieux, vu ce qu’il a chopé sur la réserve on ne lui fera pas de cadeau.
Soudain il pense à la blonde, la flic au regard qui cisaille, frisée, châtain plutôt, avec des mèches blondes, celle qui dit rien mais te fixe des ses yeux lasers et sourit comme si tu étais son petit.
Si c’est elle qui est derrière, il veut bien se faire arrêter, faire plus ample connaissance, il lui racontera sa vie depuis le jour où il est tombé d’entre les jambes de la mère sur la terre rouge, il lui racontera la flopée de frères et sœur qu’il faut nourrir quand le paternel s’est évaporé, il lui racontera sa foi, ses rêves d’honnête homme chamboulés par les premières nécessités, il lui dira son idée sur la lune pleine, comment il remercie chaque proie après l’avoir descendue, même s’il sait bien qu’il en fait un peu trop, il lui racontera son amour pour la terre nourricière, ça finira par un timide faut bien en baissant les yeux, il demandera pardon, je ne recommencerai plus, un gosse pris en flagrant délit, le petit de la blonde aux yeux verts.
Nestor n’a pas vu qui était dans la pirogue des flics, la fille peut y être ou pas.
Il hésite, ralentit, regarde derrière, ils arrivent, la pluie se met à tomber, une averse qui frappe, brouille et trempe, il ne voit pas mieux, elle est là ou pas.
Nestor se dit que si la pluie s’arrête aussi vite qu’elle est venue, la fille est là .
La pluie s’arrête. Nestor sait bien que c’est comme pour la lune, c’est toi qui est tout bon ou tout foireux quand tu te dis un truc comme ça.
Mais quand il pense à la fille il sait qu’il est tout bon, alors il coupe les gaz…
There seems to be a strange desperation to this. Oddly enough as I typed those last few words, a helicopter flew over our house at a very low altitude. Very unusual, and very strange.
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