Bonjour
(Avignon, 13 juillet, 8h 55)
Il marche vite, trop vite. Après un réveil brutal, après avoir renversé la moitié de sa tasse de café, après avoir déchiré la poche de sa veste en s’accrochant à la poignée de la porte, après s’être cogné à la poubelle qui était resté sur le seuil, il court vers son nouveau bureau. C’est ainsi chaque matin depuis deux mois, fraichement embauché comme manager dans l’entreprise de climatiseurs Dufourneau, il se fait un honneur d’arriver avant ses collaborateurs. La pression est grande, c’est son premier poste avec autant de responsabilités. Il faut être vif, efficace, et sans états d’âme.
Le mistral souffle fort, il fait presque frais ce matin. Soudain une bourrasque emporte son chapeau, un panama tout neuf. Dans cette ville du sud, le port du chapeau est indispensable, leurs tailles et leurs formes en disent long sur la position des uns et des autres. II fait demi tour et pique un sprint pour rattraper son chapeau. Il le saisit juste avant qu’une voiture ne l’écrase. Il reprend son souffle, se recoiffe. C’est bien la première fois qu’il fait une pause sur son trajet quotidien. Il remarque alors une madone au premier étage d’une maison de maître, sur une corniche près d’une fenêtre entrouverte. Il ne l’avait jamais vue, pourtant il passe par là tous les jours depuis deux mois. Un peu plus loin il aperçoit un fleuriste qui expose des bonsaïs tous plus beaux les uns que les autres, il ne l’avait jamais vu non plus, et la fontaine avec sa gueule d’ange qui crache et son petit écriteau « eau non potable », jamais vu non plus. Il se dit alors qu’il serait peu-être bon de prendre son temps et de changer ses méthodes de management. Quand il arrive au bureau, tout le monde est déjà là, il y a une légère tension dans l’air, il ôte son chapeau en disant un bonjour qu’on n'avait jamais entendu jusqu’alors.
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