Une sale journée
(Marnes-la-Coquette, 27 octobre,17h)
Un héron abasourdi se demande s’il faut toujours croire au héron.
Un jour, une image, une histoire et autres bricolages d'un promeneur solitaire.
Vous avez déjà été amoureux?
(Frasnay-Reugny, Nièvre, 24 juillet 2020, 20h 05)
Hier soir je regardais pour au moins la troisième fois le très beau western de John Ford, La Poursuite infernale (My Darling Clémentine, titre original tellement plus parlant). Était-ce mon état végétatif du moment, ou mon état amoureux qui ne fait que croitre avec l’âge, je retenais une réplique, une perle que je n’avais pas notée auparavant. Dans le saloon de Tombstone, Wyatt Earp (Henry Fonda), après un échange avec Clémentine Carter (Cathy Downs), demande à Mac, le barman (J.Farrell MacDonald): Vous avez déjà été amoureux? Celui ci répond: Non, j’ai toujours été barman.
Astrakan café
(Exposition Roger Ballen, Halle Saint-Pierre, 13 février 2020,13h)
C’est la fin des vacances, Sophie est partie raccompagner notre petit fils chez ses parents. La maison est sans dessus dessous, soudain si calme qu’il me faut un disque joyeux et léger, ce sera Astrakan Café d’Anouar Brahem Trio (Anouar Brahem, Oud, Barbaros Erköse, Clarinette, Lassad Hosni, Bendir, Derbouka), les percussions pour les cavalcades du gamin, les cordes et vent pour la joie des grands-parents.
Mon grand-père
Le père de ma mère
(Les-Grandes-Dalles, Seine-Maritime,14 décembre 2016,11h 30)
Hier nous fêtions les cent ans de ma mère. Nous étions nombreux autour d’elle à l’écouter et partager nos souvenirs. Elle a raconté à ses arrières petits enfants la fameuse histoire des crocodiles, Croque et Odile, que mon grand-père rapporta un jour chez eux. Mon grand-père était un homme élégant et fantaisiste. De retour d’un voyage à Paris, ses enfants lui ayant demandé de rapporter quelque chose d’extraordinaire, il revint avec, dans ses bagages, deux bébés crocodiles achetés à la Samaritaine. On les mit d’abord dans un aquarium, puis quand ils furent plus grands dans la baignoire. On avait fait construire dans le jardin de la villa de vacances à Hendaye un bassin pour les y accueillir. Un jour le curé d’Hendaye qui avait lui-même un bassin avec quelques poissons rouges demanda à mes grands-parents de prendre ses poissons en pension le temps de vider et nettoyer son bassin. Les crocodiles n’en firent qu’une bouchée. À ce moment de l’histoire ma mère est toujours prise d’un irrésistible fou rire. Quand les crocodiles furent trop grands, mon grand-père en fit don aux jardin des plantes de Toulouse. Il y moururent pendant la guerre, les bassins ne pouvant plus être chauffés. L’un des deux fut naturalisé et finit dans l’atelier de mon oncle le peintre Pierre Igon. Je me souviens l’y avoir vu.
Je n’ai pas connu mon grand-père maternel, mort trop jeune, pour qui ma mère avait une grande admiration. J’ai découvert hier une photo où on le voit, grand, vêtu d’un pardessus sombre et d’un feutre noir, une cigarette au coin des lèvres, quelque part au bord de la mer, un homme d’une grande classe.
Ce soir je veux voir la mer alors que j’en suis éloigné, je veux voir la mer et les images de la veille se bousculent. Je trouve une vielle photo, une photo de mer, une photo « élégante ». Je mets un pardessus, un feutre sombre, j’allume une cigarette et j’entre dans la photo. Je monte les quelques marches, je pose mes mains sur la balustrade, face à la mer. Au parfum du tabac se mêle l’iode du grand large, le cri des mouettes résonne contre les hautes falaises. Alors je les imite en levant les bras, et je vois mon grand-père et entend le rire de ma mère.
Un bel endroit pour rêver
(Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, 30 mai 2023, 11h 30)
Il y a quelques années, au rayon librairie d’un supermarché de Cayenne je croisai un jeune homme qui comme moi cherchait des cartes topographiques au 1/25000ème. Je découvrais la région et n’avais qu’une idée en tête, marcher en forêt pour en connaître le goût. Lui, me dit avec une déconcertante naïveté qu’il venait pour l’or avant toute chose.
Je l’ai revu quinze ans plus tard sur les bords du Maroni, à Saint-Laurent, dans un coin où sont échouées quelques épaves d’embarcations métalliques mangées par la végétation, des bateaux qui datent de l’époque du bagne. L’homme avait beaucoup maigri, il portait barbe et cheveux longs, le visage marqué mais toujours ces grands yeux naïfs que j’ai immédiatement reconnus.
-Tu as trouvé de l’or?
- Non.
- Et tu es toujours là.
- Oui, c’est un bel endroit pour rêver.
Quai du Batardeau
(Auxerre, Yonne,13 octobre, 15h 45)
Il a amarré sa péniche quai de la République. Il n’a pas eu le choix. Il aurait préféré quai du Batardeau, ça sonne mieux quand au petit matin tu demandes titubant qu’on te raccompagne chez toi. Quai de la république. C’est peut-être un signe, pour qu’il s’abstienne, pour qu’il se range, pour qu’il s’assagisse, pour qu’il réfléchisse, qu’il creuse, qu’il apprenne, qu’il grandisse. Mais on ne se refait pas, né glandeur il mourra glandeur. Quand à la République il est difficile de la prendre encore au sérieux. Alors quand au milieu de l’après-midi il se lève, la bouche sèche et la tête comme une enclume, quand il ouvre le hublot pour mieux respirer, qu’il est saisi par un parfum humide, mélange d’huile de moteur et de feuilles mortes, il se dit qu’il ne fera jamais mieux que la rivière qui suit son cours et que dès que la vedette à sec en face quai de l’Abbaye sera mise à l’eau, il larguera à nouveau les amarres, parce qu’il faut bien une raison…
Les vieux indiens VI*
(Marnes-la-Coquette, 27 octobre, 17h05)
Vol-au-Vent et Genoux-Écorché s’ennuient. Le monde est devenu exécrable, un brouhaha continu de barbarie, d’insultes et de non sens. La pluie a coulé leur barque, l’étang est sale, les berges sont boueuses, on ne peut s’assoir nulle part sans se mouiller le cul, le soleil a la gueule de bois. Le seul évènement interessant et ce héron cendré qui semble bien décidé à s’installer sur leur territoire, ce petit bout d’étang qui s’enfonce dans un bois dominé par un Tulipier de Virginie de trois cents ans. Le héron a un air bien sympathique, il se laisse approcher, il semble ne plus rien craindre de ce monde. En cette fin d’après midi,Vol-au-Vent et Genoux-Écorché le découvrent en grande conversation avec quelques canards. Le héron, manisfestement polyglotte, invite les deux vieux à se joindre à eux. Genoux-Écorché et Vol-au-Vent se font un peu canards, ils savent faire ce genre de choses, ils ont toujours su faire ce genre de choses, et ils se posent sur le tronc. Le discours de l’échassier leur fait vite oublier l’humidité du bois. Celui-ci parle du royaume d’un roi Simorgh, d’un long voyage et de ses multiples péripéties. Il dit que chaque époque porte son lot de barbarie, qu’il faut regarder aussi loin devant que loin derrière. Il parle aussi de la forme des nuages et du chemin des cours d’eau, du point de vue qui change au fur et à mesure que l’on s’élève et de ces oiseaux capable de nourrir des oiseaux d’autres espèces trop vieux pour se nourrir seul. Il raconte l’histoire d’un pélican qui transporte des migrants dans sa poche, déjouant la surveillance de la police des frontières . Il raconte la fable du héron au long bec emmanché d’un long cou, il raconte aussi des blagues à deux balles, Héron petit pas tapon, il raconte la solitude sur les bords du Nil et les crocodiles à l’affût, il raconte jusqu’au soir, puis la nuit entière. Au petit matin un brouillard épais recouvre le bois et l’étang. Les canards dorment la tête enfouie dans les plumes, un vol d’outardes cacarde dans la brume, le héron salue les deux amis et s’envole majestueusement. Genoux-Écorché et Vol-au-Vent se lèvent un peu courbaturé et s’en vont chez eux en dandinant, ravis de cette nuit aviaire et étoilée.
* I, II, III, IV, V billets du 27/11/2020, du 11/02/2021, du 16/10/2021, du 26/10/2022, et du 13/01/2024
Rimes
(Vallée de la Vaucouleurs, de Rosay à Septeuil, Yvelines, 24 octobre, 12h 25)
L’an dernier, début septembre (post du 7/09/2023), nous étions passés par ici sur les traces de la famille de Sophie. Fin septembre nous déposions dans le caveau familiale l’urne funéraire de son père. La cérémonie fut simple et chaleureuse, j’y jouai d’un orgue de barbarie qui m’a accompagné pour bien des spectacles, décoré par mon oncle, le peintre Pierre Igon, acquis grâce aux conseils de mon beau-père qui s’était lui-même fabriqué son propre orgue. Cette année, quasiment à la même date nous y avons déposé l’urne de la mère de Sophie. Françoise retrouvait son Claude, là où enfants ils s’étaient connus. Cette fois ci c’est notre fils, Nils, qui jouait de l’orgue de barbarie, de celui de Claude dont il a hérité et qu’il a patiemment réaccordé, un orgue décoré par Françoise.
Nous sommes fin octobre, la semaine prochaine c’est la fête des morts et l’anniversaire de ma mère qui aura cent ans. Le champagne est déjà au frais. Après avoir déposé quelques fleurs sur la tombe de la famille de Sophie, nous marchons le long de la Vaucouleurs. La rivière est haute, les chemins sont encore détrempés des dernières pluies, le vieux saule que j’avais déjà photographié l’an dernier est encore plus beau, tout le long de la Vaucouleurs la vie palpite, et j’entends jouée à l’orgue l’une des chansons préférées de Françoise, Rimes de Claude Nougaro:
J’aime la vie quand elle rime à quelque chose
J’aime les épines quand elles riment avec la rose
J’aimerais même la mort si j’en sais la cause
Rimes ou prose
...
Mémère
(Les Bilheux, Septeuil, Yvelines, 12h 55)
On l’appellait Mémère, elle avait le nez pointu et la main leste, la lavandière du curée, une femme de poigne qui gardait parfois ses arrière-petits enfants, deux frangines et deux frangins, quatre mômes délurés qui s’entendaient comme larrons en foire. Elle descendait alors au lavoir son linge dans une brouette de bois, suivie d’une joyeuse petite bande. Un jour l’un des garçons faisant le mariole en équilibre sur les bords du bassin, est tombé tout entier dans l’eau froide. Mémère le punit à grand coups de battoir sur les fesses comme un vulgaire paquet de linge sale. Elle l’avait dit, le sourcil froncé, faut pas danser sur la margelle, une fois, deux fois, sinon…
Les trois autres terrorisés regardaient l’intrépide tressaillir à chaque coup de battoir.
L’une des deux filles était Sophie qui me raconte cette histoire, pour la nième fois avec le même plaisir, alors que nous faisons une pause au lavoir des Bilheux sur le chemin de Rosay à Septeuil, Septeuil le village de Mémère. Sophie rigole en pensant aux fesses de son cousin tandis que sur les pierres du lavoir dansent les ombres fantômes des lavandières.
Le prince déchu
(Abbaye deTrois-Fontaines, Marne, 8 novembre 2023,12h 25)
C’était un jeune homme ambitieux, arrogant, promis à un bel avenir. Contre toute attente, il parvint au sommet à vingt cinq ans, brûlant toutes les étapes. Cynique et sans état d’âme, il poussait les uns contre les autres, n’écoutait personne, et n’en faisait qu’à sa tête. Ivre de pouvoir, il en usait pour satisfaire tous ses besoins. Il finit par s’isoler. Ceux qui l’avaient soutenu se détournèrent, ses plus fidèles serviteurs le trahirent, il fut renversé, déchu. Il trouva refuge au cœur de la forêt de Trois-Fontaines dans une abbaye où l’hospitalité est l’une des règles, même le pire criminel est le bien venu, on croit à la rédemption, chacun a une seconde chance, et quand bien même un homme est toujours un homme quoiqu’il ait fait.
Le prince est là depuis deux mois. Il doit se faire oublier. Il devra sans doute rester ici un an ou deux. Ses cheveux ont blanchi, il fait bien plus que son âge, dix ans de toute puissance et une brutale déchéance l’ont touché au cœur. Il traine les pieds dans le parc en compagnie d’un moine, un confident, le frère Martin.
- Voyez frère Martin, tout n’est pas perdu, les arbres s’inclinent à mon passage.
Frère Martin ne répond pas, il soupire, pensant à la tâche à venir.
Le roi a mal à la tête
(Château de Versailles, 16h 20)
Le roi a mal à la tête. Depuis ce matin un nuage stagne au dessus du château, un Cumulus humilis, un nuage pourtant annonciateur de beau temps. Les autres nuages passent, poussés par un léger vent d’ouest tandis que celui ci reste, gonflé des voix du peuple. Le roi a un mauvais pressentiment et une forte migraine. Le beau temps ne sera pas pour lui.
Sous le grand Tulipier de Virginie
(Bois de Saint-Cucufa, 17h 50)
Au bois de Saint-Cucufa, j’ai croisé sous le grand Tulipier de Virginie une grosse dame fatiguée suivie d’un long Teckel fatigué. Je lui ai dit: vous avez vu là-haut comme c’est beau, les premiers jaunes d’automne. Elle a levé la tête et le Teckel s’est dressé de tout son long sur ces pattes arrières. Ils n’avaient plus du tout l’air fatigué.
Au loin
(Bidart, 17h 40)
Il y a la mer en papillote, puis Guéthary là-bas niché dans la falaise, plus loin les Trois Couronnes et le Jaizkibel avec le cap du figuier, Hendaye est tout au fond, dans la dernière baie au pied des montagnes. Je suis fait d’un peu de tout ça, et de tant d’autres choses.
Il y a quelques années un sculpteur, alors que j’admirais son travail, une surprenante série de têtes de granit posée sur un muret, m’avait dit en guise de salut: Il faut se mettre loin pour regarder. Il était à quelques pas derrière moi, je l’ai rejoint, nous avons regardé les sculptures en silence, puis il m’a invité à boire un verre dans sa maison.
Oui, parfois il faut se mettre loin pour regarder.
Bois flotté
(Hendaye, 16 octobre, 16h 30)
Les bois flottés s’accumulent aux pieds des ganivelles le long des dunes. Un long mur de bois paysage, de bois voyage, de bois bestiaire, de bois magie, un long mur pour renforcer la protection de ce fragile éco-système, les dunes du bout de la plage; elles ne sont pas bien hautes, mais je dirai toujours des dunes, si hautes lorsque j’étais si petit.
Cette photo est le détail d’un long tronc aux tons du pelage d’un animal, extraordinairement doux, comme tout ce qui a roulé dans les flots sans que rien ne s’y accroche, si ce n’est le regard.
Quand j’ai posé ma main sur le bois, il palpitait.
Une éclaircie avant la nuit
(Hendaye,18h55)
Une éclaircie avant la nuit. La mer est brune des boues charriées par la Bidassoa. Il pleut depuis hier soir. Une pluie cinglante qui tape aux carreaux. Non, je ne t’ouvrirai pas. Je sortirai, j’irai à ta rencontre. J’ai marché entre les flaques, le visage dégoulinant, les pieds trempés. J’ai surfé, un peu, giflé et aveuglé par les averses. Et à nouveau j’ai pensé à cette pièce de Marin Sorescu, Matca, que nous avions crée à Pau en 2006. On y voyait une jeune femme enfanter en même temps que mourrait son père tandis que les eaux montaient inexorablement sous un déluge qui durait depuis des mois. Souvent je pense à cette pièce ces derniers temps. Tant d’images, d’informations nous parviennent avec un sale goût de fin du monde. À la fin de la pièce, la jeune mère submergée tenait à bout de bras l’enfant hors de l’eau. L’enfant vivait.
Un coup de langue
(Hendaye, 8h 10)
J’ai souvent cheminé en compagnie de chiens errants. Il y a beaucoup de chiens dans mes histoires, mais je n’en ai jamais eu. Je les aime en liberté. Ce matin en regardant le soleil se lever sur la Rhune par la fenêtre, je pensais à un coup de langue affectueux sur le visage, à la langue humide d’un animal qui a veillé à vos côtés tandis que vous dormiez d’un sommeil agité. Un coup de langue sur le visage, un grand coup de langue sur le paysage.
Murmuration
(Auxerre, Yonne, 13 octobre,19h)
Dimanche après-midi nous jouions à la Scène des Quais, une péniche théâtre amarrée à Auxerre, un spectacle où nous écrivons et interprétons en direct sous le regard bienveillant et participatif d’un public fidèle et éclairé. À l’entracte, je montai sur le pont. Des nuées d’étourneaux allaient et venaient dans le ciel, les masses se scindaient, s’éparpillaient, se regroupaient, plongeaient sur le toit de la cathédrale, où sur les peupliers de l’autre rive. Soudain le ciel était vide puis à nouveau empli d’oiseaux. Murmuration dit-on. Le temps d’aller chercher l’appareil photo, il n’en restait que quelques uns. Fasciné par ces envolées, je faillis redescendre en retard pour la deuxième partie du spectacle. Au moment de reprendre, je me dis qu’il fallait tenter d’écrire comme ces vols d’étourneaux faits d’imprévisibles arabesques.
Un bouquet d'escargots
(Travaillan, 19 septembre, 17h 10)
Il y en avait partout, accrochés à la moindre brindille, le champ était blanc de ces milliers de petits escargots. Arthur voulait faire un cadeau à Léa, son amoureuse, elle est en grande section, elle a des couettes et des baskets. Ce serait un bouquet d’escargots, parce que les fleurs c’est périssable, comme dit la chanson que le Vieux écoute en boucle, et les bonbons, faut des sous. Et les escargots c’est tellement beau, comme les boutons d’une robe de mariée, comme les coquillages qu’on ramasse à la mer, comme les yeux du chat. Arthur a cueilli des herbes sèches, des fleurs d’automne, du bois mort, les escargots s’y tenaient en grappe, ou à la queue leu leu, parfois un seul sur une graine, un autre sous une fleur, c’était vraiment un joli bouquet, fait d’une centaine d’yeux pour admirer les couettes et les baskets de Léa.
Ce qu’il n’avait pas prévu c’est que les escargots c’est beau, mais ça s’en va, même s’ils ne se pressent pas, il y a toujours un moment où ils s’en vont.
Feux de jardins
(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 11 janvier 2022, 17h 20)
Je suis descendu de la colline jusqu’au feu de feuilles mortes. Un vieil homme était là, appuyé sur un grand râteau de bois, vêtu d’un bleu de chauffe, la casquette en arrière. Il m’a à peine regardé, il s’est essuyé le front de son avant bras et m’a dit:ça sent bon. Un bon chantant, qui s’étirait comme s’étire la fumée. Nous regardions brûler les feuilles sans rien dire. Il n’y avait rien d’autre à dire, il avait deviné le pourquoi de ma présence, mon attirance pour ce parfum fumé, ce parfum de plus en plus rare maintenant que partout les feux de jardin sont interdits, un parfum qui ne m’évoque pas les dangers du feu et ses vapeurs toxiques mais me rappèle ces courses d’enfants à travers les terrains vagues en automne et en hiver quand sautant un mur ou nous glissant sous une clôture nous tombions sur l’un de ces feux au centre d’une clairière magique.
Une araignée au plafond
( Épeire diadème, Neuvy-Deux-Clochers, Cher, 6 septembre, 15h 25)
Mais où a-t-il la tête disait on sans cesse à son sujet. Enfant les métaphores lui étaient étrangères. On lui disait avoir croiser une armoire à glace, il demandait comment une armoire pouvait seule se déplacer dans la rue. On lui montrait les chien assis sur les toits de Paris, il demandait où sont les chiens. Aujourd’hui, il a grandi, et en voyant danser cette araignée sur sa toile, il comprend bien pourquoi on lui dit parfois qu’il a une araignée au plafond.