jeudi 17 octobre 2024


Une éclaircie avant la nuit 

(Hendaye,18h55)

Une éclaircie avant la nuit.  La mer est brune  des boues charriées  par la Bidassoa. Il pleut depuis hier soir. Une pluie cinglante qui tape aux carreaux. Non, je ne t’ouvrirai pas. Je sortirai, j’irai à ta rencontre. J’ai marché entre les flaques, le visage dégoulinant, les pieds trempés. J’ai surfé, un peu, giflé et aveuglé par les averses. Et à nouveau j’ai pensé à cette pièce de Marin Sorescu, Matca, que nous avions crée à Pau en 2006. On y voyait une jeune femme enfanter en même temps que mourrait son père tandis que les eaux montaient inexorablement sous un déluge qui durait depuis des mois. Souvent je pense à cette pièce ces derniers temps. Tant d’images, d’informations nous parviennent avec un sale goût de fin du monde. À la fin de la pièce, la jeune mère submergée tenait à bout de bras l’enfant hors de l’eau. L’enfant vivait.

mercredi 16 octobre 2024


Un coup de langue 

(Hendaye, 8h 10)

J’ai souvent cheminé  en compagnie de chiens errants. Il y a beaucoup de chiens dans mes histoires, mais je n’en ai  jamais eu. Je les aime en liberté. Ce matin en regardant le soleil se lever sur la Rhune par la fenêtre, je pensais à un coup de langue affectueux sur le visage, à la langue humide d’un  animal qui a veillé à vos  côtés tandis que vous dormiez d’un sommeil agité. Un coup de langue sur le visage, un grand coup  de langue sur le paysage.

mardi 15 octobre 2024


Une impatience 

(Hendaye,10h 40)

La mer est calme

Lissée par le vent chaud

Il y a ce remous autour du rocher

Une impatience

lundi 14 octobre 2024


Murmuration

(Auxerre, Yonne, 13 octobre,19h)

Dimanche après-midi nous jouions à la Scène  des Quais, une péniche théâtre amarrée à Auxerre, un spectacle où  nous écrivons et interprétons  en direct sous le regard bienveillant et participatif d’un public fidèle et éclairé. À l’entracte, je montai sur le pont. Des nuées d’étourneaux allaient et venaient dans le ciel, les masses se scindaient, s’éparpillaient, se regroupaient, plongeaient sur le toit de la cathédrale, où sur les peupliers de l’autre rive. Soudain le ciel était vide puis à nouveau empli d’oiseaux. Murmuration dit-on. Le temps d’aller chercher l’appareil photo, il n’en restait que quelques uns. Fasciné par ces envolées, je faillis redescendre en retard pour la deuxième partie du spectacle. Au moment de reprendre, je me dis qu’il fallait tenter d’écrire comme ces vols d’étourneaux faits d’imprévisibles arabesques.

dimanche 13 octobre 2024


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 11 octobre, 15h 10)

Sur le figuier

Le chant des ombres 



(15h 15)

samedi 12 octobre 2024

vendredi 11 octobre 2024


Un bouquet d'escargots

(Travaillan, 19 septembre, 17h 10)

Il y en avait partout, accrochés à la moindre brindille, le champ était blanc de ces milliers de petits escargots. Arthur voulait faire un cadeau à Léa, son amoureuse, elle est en grande section, elle a des couettes et des baskets. Ce serait un bouquet d’escargots, parce que les fleurs c’est périssable, comme dit la chanson que le Vieux écoute en boucle, et les bonbons, faut des sous. Et les escargots c’est tellement beau, comme les boutons d’une robe de mariée, comme les coquillages qu’on ramasse à la mer,  comme les yeux du chat. Arthur a cueilli des herbes sèches, des fleurs d’automne, du bois mort, les escargots s’y tenaient en grappe, ou à la queue leu leu,  parfois un seul sur une graine, un autre sous une fleur, c’était vraiment un joli bouquet, fait d’une centaine d’yeux pour admirer les couettes et les baskets de Léa. 

Ce qu’il n’avait pas prévu c’est que les escargots c’est beau, mais ça s’en va, même s’ils ne se pressent pas, il y a toujours un moment où ils s’en vont.

jeudi 10 octobre 2024


Feux de jardins

(Lestole, Saint-Alvère, Dordogne, 11 janvier 2022, 17h 20)

Je suis descendu de la colline jusqu’au feu de feuilles mortes. Un vieil homme était là, appuyé sur un grand râteau de bois, vêtu d’un bleu de chauffe, la casquette en arrière.  Il m’a à peine regardé, il s’est essuyé le front de son avant bras et m’a dit:ça sent bon. Un bon chantant, qui s’étirait comme s’étire la fumée. Nous regardions brûler les feuilles sans rien dire. Il n’y avait rien d’autre à dire, il avait deviné le pourquoi de ma présence, mon attirance pour ce parfum fumé, ce parfum de plus en plus rare maintenant que partout les feux de jardin sont interdits, un parfum qui ne m’évoque pas les dangers du feu et ses vapeurs toxiques mais me rappèle ces courses d’enfants à travers les terrains vagues en automne et en hiver quand sautant un mur ou nous glissant sous une clôture nous tombions sur l’un de ces feux au centre d’une clairière magique.

mercredi 9 octobre 2024


Journée sauce 

(Crique Pierre, Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, 3 juin 2023, 17h 20)

Journée sauce, le ciel ressasse

j’me sens comme un bayou, une montre molle

j’regarde la pluie, elle tombe toute droite

l’eau monte, la terre se distend

mardi 8 octobre 2024


Une araignée au plafond

( Épeire diadème, Neuvy-Deux-Clochers, Cher, 6 septembre, 15h 25)

Mais où a-t-il la tête disait on sans cesse à son sujet. Enfant les métaphores lui étaient étrangères. On lui disait avoir croiser une armoire à glace, il demandait comment une armoire pouvait seule se déplacer dans la rue. On lui montrait les chien assis sur les toits de Paris, il demandait où sont les chiens. Aujourd’hui, il a grandi, et en voyant danser cette araignée sur sa toile, il comprend bien pourquoi on lui dit parfois qu’il a une araignée au plafond.

 

lundi 7 octobre 2024


Le grand hêtre

(Forêt de Rambouillet, 4 octobre, 16h)

Sur la Route aux Vaches à l’Étang neuf

le grand hêtre, arbre de vie

à la mesure de ce que je dois

à celle qui se tient là

dimanche 6 octobre 2024

samedi 5 octobre 2024


Pieds nus

(Forêt de Rambouillet, 4 octobre, 15h 40)

Du sentier de sable partait un couloir de fougères écrasées par le passage d’une bête. Il conduisait aux grands pins, au sous-bois couvert d’une mousse épaisse. J’ai ôté mes chaussures, mes chaussettes, je les ai posées sur le bord du sentier, les chaussettes bien pliées dans les chaussures et j’ai suivi la trace. Autant la marche sur les fougères était mal aisée, toutes sortes de brindilles égratignant les pieds nus, autant la marche sur la mousse était délicieuse. La mousse encore fraiche et humide épousait parfaitement la plante du pied, ralentissant le pas, afin d’en mieux éprouver les sensations. j’ai marché quelque temps, sans autre but que de sentir la mousse sous mes pieds, je faisais le tour des arbres, je revenais sur mes pas, je traçais des huit dans le sous-bois. Puis je me suis étendu dans une trainée de lumière. La cime des pins bruissait au vent comme un océan lointain. Alors j’ai pensé à mon père dont la pudeur était telle qu’il ne supportait pas de me voir nus pieds dans la maison. Il ne quittait jamais ses chaussures, si ce n’est pour des chaussons de cuir. Je me suis souvenu de son visage, de ses mains, dans son cercueil au moment du dernier adieu, mais pas de ses pieds. Était-il chaussé?

vendredi 4 octobre 2024


L'arbre pique

(Forêt de Rambouillet, 15h 05)

Sur la route aux vaches, le chemin de Gambaiseuil à l’étang neuf, l’arbre mort, l’arbre pique, dressé comme un totem, est toujours là. Sur ce sentier, je viens souvent chercher la paix, d’un arbre à l’autre, accueilli à Gambaiseuil par quelques vaches Highland dont les larges cornes et la longue toison emportent loin l’imaginaire, à tracer des routes couvertes de bruyères sur les hautes terres, à courir sur les herbes rases, sautant par dessus les pierres, granit gris et moussu, gueulant les noms de mes frères de jeux. Le sentier est sableux, le pas est silencieux, la trace est légère. À l’arbre pique je fais chaque fois une halte, je pose sac et bâton et m’assieds au bord des hautes fougères. De l’autre côté du sentier, face à l’arbre pique un autre tronc plus trapu, cerclé de champignons blancs qui grimpent comme une échelle. Au tronc large qui lance une branche dans la pente, je préfère celui qui s’élance raide et pointu blanchi au soleil. Au gré de mes humeurs il peut être crayon pour écrire ses vœux sur le bleu du ciel, il peut être pinceau pour gonfler les nuages s’il faut de la pluie, aiguille en souvenir des pulls  tricotés par la mère qui les passait d’un enfant à l’autre, aiguille de la première boussole du gamin qui se rêve coureur des grands bois, il peut être écharde retirée de la main de l’enfant, il peut être lance du chasseur de bisons, cure dent de Gargantua, il peut être bâton de pèlerin taillé avant chaque départ. Mais aujourd’hui, alors que je tente d’en faire un grigri pour combattre une vieille douleur ( Il y a quelques années la confection d’un grigri m’avait soulagé d’un mal puissant), je ne vois  qu’une tête fichée au bout de cette pointe acérée, une tête sanglante pour toutes ces guerres fratricides, pour cette violence qui nous ronge depuis que l’homme est homme, pour cet éternel mal à côté duquel nos douleurs sont insignifiantes. L’arbre pique a des yeux et une bouche en o. Surpris de ce crâne planté à sa pointe, il s’agite sans rompre et la tête roule dans les fougères. L’arbre pique a des yeux et une bouche en o qui se demande encore ce que faisait là-haut cette tête coupée.

jeudi 3 octobre 2024


Miniatures éphémères 

(Vaucresson, 19 août,18h 20)

Sieste enroulée

mercredi 2 octobre 2024


Le frère 

(Buxerolles, Vienne, 2 février, 16h 55)

Il est de ceux qu’une sale histoire a jeté sur les routes, de ceux qui préfèrent la compagnie des chiens, de ceux qui effraient les gens biens, de ceux qui dorment où ils peuvent, portes cochères, abri-bus, friches, ponts, épaves,  pourvu qu’il y ait un semblant de toit, de ceux qui fouillent pour bouffer, de ceux qui ne se soignent pas. Il ne demande rien. Si on lui donne il prend, mais il ne demande pas, jamais. Son frère, lui, aurait osé demander, c’est sûr, son frère jumeau, qui parlait pour  deux, passait toujours devant, comme le jour de leur naissance. Ils ont grandi imbriqués l’un dans l’autre, petits ils dormaient ensemble, tête bêche, sur un matelas posé au sol. Leur complicité les préservait des absences de la mère et des coups de folie du père. Un jour le père a dérapé, la mère a disparu, les services sociaux ont fait leur boulot, placer les marmots, les séparer, les éloigner. Il est resté des années mutique, sans nouvelle de son frère. Il avait un trou en dedans, un trou qui grandissait avec lui. Il dessinait, il imaginait son frère, ressemblant, toujours, vieillissant, lui mais pas tout à fait lui. Jusqu’au jour où il est parti, il avait vingt ans. On est invivable dans  une famille d’accueil quand on a un trou en dedans grand comme ça, et qu’on en veut à la terre entière de l’avoir creusé. Il va au hasard, il cherche son frère, sans demander, il cherche, comme un chien, et chaque jour  il dessine son visage, le sien mais pas tout à fait lui, son frère, il laisse une trace, au cas où…

mardi 1 octobre 2024


Ce qui est tu

(Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane,15 mai 2009, 17h 20)

Le fleuve est calme

Dans une heure il fera nuit

D’un coup

Les pieds dans le sable

Mi sable mi vase

Devant 

Une épave

Échouée

Rouillée

Mangée

Un peintre y a posé une vie

Une silhouette

Un effort

Un mouvement

Figé sur le sable

Mi sable mi vase

Je regarde

Mon silence

Mes tentatives

Ce qui est tu

Échoué

Rouillé

Mangé

Tellement visible

Et peut-être un jour de grande eaux

Emporté

Et recraché 

lundi 30 septembre 2024


Le soir venu

(Bois de Saint-Cucufa, 14 septembre, 18h 35)

Au bois de Saint-Cucufa

Le soleil traine des pieds le soir venu

Une pensée pour nos chers disparus 

dimanche 29 septembre 2024


Miniatures éphémères

(Vitrac-sur-Montane, Corrèze,  29 juillet 2023, 19h 05)

Une valse pour Punaises Arlequin (Graphosome rayé)

samedi 28 septembre 2024

 

Le libraire et le gardien de phare

(Mölle, Suède,11 juillet 2016, 20h 22)

Cette après-midi Anne nous a parlé de son grand-père passionné de livres anciens qui avait abandonné toutes ses occupations pour tenir une petite librairie spécialisée à Paris dans le  sixième arrondissement. L’un de ses bons clients était un gardien de phare de Ouessant qui une fois par an venait en Solex faire provision de livres. J’aurais aimer connaître ses lectures, les goûter dans de hauts lieux de solitude. Avait-il dans sa bibliothèque le fantastique roman de Rachilde paru fin XIX ième, La Tour d’Amour, monument d’épouvante, l’histoire de deux gardiens de phare isolés, de la folie du plus ancien qui comble son manque d’amour avec une belle naufragée dont il conserve la tête dans un bocal?

vendredi 27 septembre 2024


À la porte de derrière 

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 4 septembre, 18h 20)

À la porte de derrière

ça sent la mousse sur les pierres

un petit coin à l’écart

pour ruminer ses idées noires

fumer une cigarette interdite

se réagencer le sourire

avant de revenir aux autres

jeudi 26 septembre 2024


Prendre la mer 

(Hendaye, 22 août, 20h 20)

Une vie tranquille, à fabriquer brosses et balais pas loin de la mer, et chaque soir, un peu fatigué, aller sur le port rêver de voyages au long cours. Il louait un petit appartement en centre ville, il fallait un bon quart d’heure de marche jusqu’au port, l’air de l’océan de plus en plus prégnant au fur et à mesure de son approche le revigorait, jusqu’à ce que le claquement des haubans contre les mats métalliques lui fasse  oublier sa journée de labeur. Un an avant la retraite il reçut un petit héritage d’un oncle d’Argentine, un berger basque parti faire fortune en Amérique. Son premier souhait fut d’acheter un voilier et de prendre la mer. Faire le tour du monde, et porter des chemises à fleurs comme Antoine. En prenant ses premières leçons de navigation il découvrit qu’il était sujet au mal de mer, un violent mal de mer, son vieux rêve s’avérait compliqué. Il renonça à s’offrir un bateau. Par contre, il acheta un appartement surplombant le port. Un appartement orienté à l’ouest, il voit au couchant briller les eaux calmes de la rade. Les jours de gros temps, il laisse les fenêtres ouvertes et s’assoit sur le balcon. En bas les bateaux tanguent, les haubans claquent, en haut se sont les volets qui frémissent, la pluie lui pique le visage, elle a un goût d’embruns, elle entre dans l’appartement, il faudra écoper, il ne bouge pas, il ferme les yeux, il s’en va voir son oncle par-delà l’océan.

mercredi 25 septembre 2024


Miniatures éphémère

Se retirer du monde

(Vaucresson, 19 août, 18h 20)


Se retirer du monde

lové dans une feuille de lilas

un peu en hauteur

pour la vue

ne rien faire

que regarder, sentir, écouter

ne pas craindre le vent

qui fait osciller la feuille

parler à l’escargot

avant qu’il ne dévore l’abri

chaque son chaque parfum

un souvenir

un chien qui aboie

une frayeur au fond d’un jardin

un grand bénitier et l’odeur du buis

l’herbe coupée

la rentrée des classes

fouiller la mémoire

au plus loin

trois enfants qui sautent sur un grand lit

le dessus de lit est vert

un chien monte la garde devant la porte

les roses

les groseilles à maquereau

les feux de jardin

le parfum des  terrains vagues

tous les terrains vagues

forêt vierge et île au trésor

une tonnelle rouillée

les bordures arrondies du potager

les marches du perron

granuleuses sous les fesses culottées de court

les cachettes

derrière les framboisiers

le long des palissades de bois gris

les courses

les oiseaux du matin

ceux du soir

le parfum de l’arrière-cour pavée

le pain viennois du grand-père

et déjà cette sensation de profonde solitude


mardi 24 septembre 2024


Le Furtif

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 4 septembre, 8h 10)

C’est un arbre qu’il connait bien, sur la route du Ravier, un arbre crochu, un arbre à idées noires, un

vieil arbre à moitié mort, mangé par le gui. Un jour où il fonçait tête baissée sous une pluie fine, le cœur martelé par les insultes du père, il avait dérapé sur les graviers et s’était étalé dans les ronces au pied de l’arbre, le guidon du vélo au creux de l’estomac. Ce jour là les mûres avaient un sale goût, et même l’arbre semblait lui en vouloir. Il s’était relevé tout écorché et avait gueulé, vous ne m’aurez pas, je vous tuerai avant. C’est ainsi qu’était née sa vocation, puisqu’il n’était bon à rien, il tuerait. Son premier mort fut le père, accident de tracteur conclurent les gendarmes, il avait treize ans, insoupçonnable. Il eut même droit à un soutien psychologique. Ces entretiens lui permirent de tester et renforcer ses capacités d’embrouille. À vingt ans il fut repéré par un marchand de bestiaux un peu mafieux qui en fit son bras droit. Il y avait de quoi faire sur le marché de la Charolaise, entre les trafics de produits vétérinaires et les mises au pas autour du grand syndicat, son absence  d’états d’âme faisait merveille. Mais la campagne nivernaise était trop douce, tabasser ne lui suffisait pas, il voulait tuer, zigouiller, dézinguer, buter, flinguer, liquider. Il lui fallait des grands, des Capone, des Costello, des Luciano, des patrons qui font le vide quand c’est nécessaire. Il avait quitté sa terre pour la ville, la grande ville, celle qui fume, qui gueule, qui dégueule, la ville où on ramasse et on arrose, où les affaires se traitent dans les arrière-salles, et les comptes se règlent dans les arrière-cours. Il avait fait carrière chez un italien nommé Toto Gambino, descendant du célèbre Carlo Gambino. Il avait dessouder cent trente deux personnes sans jamais se faire pincer, on le surnommait Le Furtif. Une fois par an, à la  fin de l’été il revenait au pays auprès de l’arbre, faire le décompte des morts en mangeant des mûres.

Cette année, c’est la dernière fois. Il prend sa retraite, il a assez tué, il est  en paix, les morts sont morts, l’arbre est toujours là, de plus en plus croche, de moins en moins feuillu.

Le Furtif regarde l’arbre, penche la tête, se souvient de ses genoux écorchés, du guidon dans le ventre, il dit : Même pas peur! et il s’en va sans se retourner.

lundi 23 septembre 2024


La fille sur le pont

(Marne-la-Coquette, 16 septembre, 17h 45)

Je regarde la fille sur le pont 

La fille sur le pont regarde voler les oiseaux

Canards, Foulques et Cormorans

Si j’étais un oiseau

Je me poserais sur son épaule

Et lui chuchoterais à l’oreille

Surtout ne bougez pas 

dimanche 22 septembre 2024


Miniatures éphémères

(Travaillan, 20 septembre, 10h 40)

Ménage à trois 

samedi 21 septembre 2024


Polka

(Marne-la-Coquette, 16 septembre,17h50)

Voici un vieux platane qui me propose une polka endiablée

vendredi 20 septembre 2024


Les ruisseaux

(Travaillan, 19 septembre, 18h 45)

L’une des dernières images que je ferai à Travaillan, le ruisseau l’Alcyon, ancien canal d’irrigation. Ici le territoire était parcouru de canaux, les anciens savaient gérer les eaux, un savant jeu de vannes dites martelières permettait d’irriguer les champs à heures précises. L’Alcyon passe derrière la maison bien nommée la Martelière, la maison que nous quittons définitivement dimanche. Le petit bruit de l’eau, les araignées d’eau (Gerris lacustris ou patineuses), la lumière du soir, il me semble que toutes les enfances heureuses ont leur ruisseau. Le mien était en Ariège en bas d’un bois, nous y péchions les écrevisses. Nous remontions fièrement le bois en fin d’après-midi, nos prises dans un pot au lait, notre diner. Les ruisseaux où on lance des bateaux de papier ou de bois voilé de feuilles, les ruisseaux où on se rafraîchit les pieds en été, les ruisseaux que l’on traverse en équilibre sur les pierres, les ruisseaux qui nous désespère quand ils sont secs, qui nous effraient lorsqu’ils débordent et nous apaisent lorsqu’ils sont sages, les ruisseaux où viennent boire les bêtes qui laissent leurs traces sur les berges, les ruisseaux chantent la vie qui passent et les histoires de celles et ceux dont ils ont irrigué les terres.

jeudi 19 septembre 2024


Cuvée 2024

(Travaillan,18h 50)

Promenade le long de l’Aygues, la lumière est douce, le Ventoux est  dans la brume, les raisins sont murs, les vendangeurs se pressent à l’embauche. Comment sera la cuvée 2024? La météo a été capricieuse cet année, les vignes n’apprécient guère. Par contre, les vignes qui entourent la maison, la Martelière, de Françoise et Claude donneront un vin chargé de souvenirs, le vin d’une vie à regarder chaque matin le Mont Ventoux par la fenêtre. Claude est parti le premier, il avait 96 ans, Françoise  l’a suivi six mois plus tard à 95 ans. Dimanche nous quittons la maison avec un camion plein, la maison va être vendue, nous ne reviendrons pas de sitôt marcher le long de l’Aygues. Quand le vin sera tiré nous trinquerons à la Martelière qui a marqué le cœur de nos enfants.

mercredi 18 septembre 2024


Firmine et la lune 

(Vaucresson,5h 55)

Sur le quai de la gare de  Vaucresson, Firmine attend le train de six heures, le train des trimards qui rabiotent quelques minutes de sommeil dodelinant de la tête le temps du trajet. Firmine regarde la lune pleine entre les arbres de l’autre côté des voies. Sacré lune, Firmine n’a pas fermé l’œil de la nuit, c’est chaque fois pareil, la lune l’asticote, la fait se tourner et retourner dans son lit, jusqu’à ce qu’elle se lève pour la regarder par la fenêtre. Firmine et la lune, c’est une vieille histoire, Firmine est née un jour de pleine lune dans une salle de bain carrelée de jaune. La lune prenait toute la place dans la lucarne au dessus de la baignoire. Quand elle était gamine, elle se levait quand la lune était suffisamment grosse pour éclairer tout le minuscule appartement. Elle défiait l’astre. Tu t’en ira la première, lançait-elle à la lune, et elle restait debout jusqu’à ce que la lune disparaisse, fière d’avoir tenu tête à la planète. Maintenant c’est elle qui doit quitter le face à face, faut bosser, il y a des horaires strictes, elle ne peut plus attendre comme ça que la lune s’échappe. Le train ne va pas tarder. Firmine fixe la lune prise dans le feuillage. Elle aperçoit un petit homme assis dans l’arbre, un petit homme qui regarde descendre la lune.  Restera-t-il sur sa branche jusqu’à ce que la lune s’en aille? Il faut qu’elle voit ça, quitte à laisser passer le train…