lundi 30 septembre 2019


Ni fleur, ni oiseau


(Vaucresson, 29 septembre, 19h)

Les fleurs ont leur moment.
En septembre ce sont les hélianthus, les soleils vivaces.
Dimanche, ils dansaient au pied du figuier.
Au bout de leurs longues tiges, ils oscillaient entre l’ombre et la lumière.
Après la pluie le ciel offrait un peu de clarté.
À dix-neuf heures le soleil est bas,
quelques traits filaient à travers la glycine  droit sur les fleurs jaunes.
Je n’étais quasiment pas sorti de la journée,
je profitais de cet instant, quelques minutes de bonheur,
dans le seul coin du jardin où parvenait la lumière.
L’an dernier (billet du 24 septembre 2018) déjà ces fleurs m’avaient charmé.
La photo était plus contrastée, plus sauvage et les mots plus animés.
Ce soir, c’est une danse douce, bras ouverts,
on n’ose pas les refermer,
il ne faut rien brusquer dans le balancement du soir.
Une danse douce
une danse jaune
tandis qu’au delà du jardin sourd la violence.
Les fleurs dansent, les brutes frappent.
Quelque chose se passe dans notre pays que je n’aime pas,
nos libertés sont mis à mal.
Je sais que cela a déjà eu lieu,
et aussi que l’hélianthus renaît à l’automne.
Je sais que l’homme a plus que sa part d’ombre,
et aussi que le rouge gorge est le premier oiseau
qui chante au matin.
Et je sais que je ne suis ni fleur, ni oiseau.

dimanche 29 septembre 2019


Miniatures éphémères


(Sur le sentier côtier entre Trénez et Brigneau, Finistère, 18 septembre)

Accueillir l’automne

samedi 28 septembre 2019


L'âme des bateaux


(Brigneau, Finistère, 18 septembre)

Les bateaux ont une âme. Quand ils ne sont plus en état de naviguer, pas question de les saborder ou de les démembrer. Ancrés au fond d’une ria, ils finiront de leur belle mort au rythme des marées. C’est ce qu’avait répondu son père à Loïc qui s’inquiétait de ces bateaux abandonnés tout au fond du port de Brigneau, là où l’on ne  voit plus le grand large, où la terre prend le dessus, où il ne reste de la mer que les saluts quotidiens des marées, là où l’on ramasse les vers pour la pêche depuis des générations.
Depuis l’âge de six ans Loïc vient à marée basse  faire provision de vers. Chaque fois qu’il creuse, il se dit qu’il libère une âme envasée.

vendredi 27 septembre 2019


C'est si beau ici


(Landévénnec, 10 septembre, 8h)

Il s’est endormi près de la cheminée sur le canapé rouge, dans une position curieuse, cassée, un geste interrompu par une trop grande fatigue. Au sol une feuille blanche sur laquelle sont juste inscrits en haut à droite le lieux et la date, et à gauche un trait, l’amorce d’un mot, puis rien. Un stylo un peu plus loin a en tombant laissé une tache d’encre sur le tapis, une petite tache noire comme une araignée.
Les paupières  faiblissent, la tête  tombe, la main s'ouvre, la feuille glisse doucement vers le sol, une oscillation dans l’air tiède de la pièce puis se pose. Le stylo lui échappe d’un coup, tombe sur la pointe et l’encre éclabousse. La tête se redresse, tombe à nouveau puis le corps entier s’affaisse. Cela s’est sans doute passé ainsi.
À l’aube le froid, les courbatures et un rêve étrange dont il ne garde qu’un goût de poussière le réveillent. Il ne reste que quelques braises dans la cendre. Dehors le rouge-gorge entonne son chant matinal, puis c’est le tour du merle et des mésanges.
Il ouvre la fenêtre, il semble faire plus doux à l’extérieur. Est-ce la solitude qui rafraîchit les pierres? Il s’étire, masse son cou endolori.
Il ne se souvient pas de l’instant où il s’est endormi. Il cherchait un mot, un mot jamais utilisé pour s’adresser à son amour. Il avait tant écrit. Ce soir, il n’avait rien trouvé  qu’elle n’eut déjà lu, il avait sombré et la lettre vierge avait glissé.
Il regarde par la fenêtre le ciel chargé, l’île au loin, son ancre en cette terre.
Soudain lui  revient le rêve. Il marchait solitaire sur une terre dévastée, uniformément grise, parsemée de cratères. Il était vêtu d’une sorte de scaphandre, un casque translucide qui déformait sa voix et une épaisse combinaison qui le démangeait et entravait ses mouvements. Dans la poussière, il y avait une multitude de traces, mais absolument personne en vue, ça et là quelques arbres déchiquetés. Voulant saisir quelque chose qui ressemblait à une carte postale, les douleurs de son dos et de son bras ankylosé le réveillèrent.
Il aspire une grande bouffée d’air, maintenant c’est l’étourneau qui chante.
Il ramasse la feuille de papier, le stylo, et écrit d’un geste vif et précis: Mon amour, viens vite, c’est si beau ici!

jeudi 26 septembre 2019


Au verger


(Landévénnec, 8 septembre)

Comment résister au pommier qui vous tend la main!

mercredi 25 septembre 2019


L'aventurière de Ty Anquer


(Ty Anquer, Finistère, 15 septembre, 21h)

L’automne est là, fin de saison, plus de distraction, aux derniers reflets Giselle a fermé ses volets,
elle a sorti le plaid en mohair, tons de circonstance, oranges et rouges, un peu de bleu, juste un peu, pour les amours d’été, pour les garder au chaud. Elle a mis ses chaussons, de gros chaussons fourrés à tête de souris, qu’elle tient à l’abri des regards. Giselle est une aventurière, dit-on à Ty Anquer, aux beaux jours elle fait les quatre cent coups, et raconte à qui veut l’entendre ses aventures au bout du monde, pas question de la voir son plaid sur les genoux, les deux pieds chaussés de souris qui dépassent.
Elle s’est assise dans le fauteuil de cuir griffé par le chat, le chat qui gît derrière la maison sous un cairn de galets, le chat écrasé par le camping car d’un retraité maladroit, le chat qui jouait avec ses chaussons avant de se lover sur son ventre, le chat pour qui elle a pleuré trois jours et trois nuits.
Elle a ajusté la couverture de laine. Pas de feu dans la cheminée, le temps est encore clément, le plaid suffit. À côté du fauteuil,  sur une desserte de salon, une lampe au pied de bois tourné et  abat-jour fleuri, une pile de livres, une bouteille de Porto et un verre.
Elle a allumé la lampe, a pris le premier livre sur la pile, Oasis Interdites d’Ella Maillart, l’a ouvert à une page marquée d’une plume de geai, et a commencé à lire à haute voix.
De temps en temps elle s’arrête, ferme les yeux et répète ce qu’elle vient de lire, elle le répète plusieurs fois  comme on ajuste un nouveau vêtement.

mardi 24 septembre 2019


Brumes


(Landévénnec, 8 septembre, 10h 30)

Ce matin là le brouillard s’accrochait à la terre, aux pierres, aux arbres. Il régnait un silence propre aux confidences, même les oiseaux semblaient chanter à voix basse. Entre les murs effondrés de l’abbaye, crapauds et salamandres s’attardaient dans l’humidité. La grille était ouverte mais la brume faisait fuir les visiteurs. C’était un moment idéal pour s’entretenir avec les fantômes.
J’arrivai par le haut, par le chemin des moines, les ruines étaient désertes. Je m’assis sur la margelle du puits au centre de l’ancien cloître et attendis.
Je tendais l’oreille, guettais toutes les ouvertures, attentif au moindre signe. Qu’espérais-je, écouter un moine du cinquième siècle me confier ses égarements, entendre un autre du douzième siècle me parler de paix, converser avec un ancêtre facétieux, échanger un baiser et quelques recettes avec une crêpière du dix-huitième, connaître le grand-père que je n’ai pas connu?
Je ne sais pas, mais personne ne vint.
À midi je fus tiré de mes rêveries par le soleil qui enfin  chassait la brume et le rire d’un enfant qui courait dans la prairie.

lundi 23 septembre 2019


La beauté d'un rien


(Hendaye, 22 septembre, 16h 30)

Un fil sur une épaule 
un grain de sable sur la joue 
des pas d’oiseaux  
une paupière qui frémit
c’est tout ce que je veux

dimanche 22 septembre 2019

samedi 21 septembre 2019


Les galets


(Penhors, Finistère, 16 septembre, 19h 50)

Nous ne sommes pas loin
l’un de l’autre
tête penchée 
sur les galets 
qui roulent sous nos pieds
nous en ramassons
quelques uns
ils sont doux
dans la main
nous les comparons
nous les admirons
nous nous les offrons
nos choix sont
 si différents
l’un de l’autre
il y en a eu tant
il y en aura
tant encore
et ils roulent
sous nos pieds
et ils sont doux
dans la main

vendredi 20 septembre 2019


Batz-Sur-Mer


(Batz-sur-Mer, Loire-Atlantique)

Un été qui s’éternise, la chaleur des souvenirs, un manteau rouge, mon oncle Pierre, un bateau de bois, quelques coquillages, des cubes de sucre enveloppés dans du papier imprimé (j’avais mangé la collection de ma cousine, on en parle encore!), ce calme de l’enfance, de l’insouciance, quand l’avenir n’était qu’un jeu de cubes que l’on pouvait assembler à loisir.
Nous venons ici pour la première fois, de vieux amis viennent de s’y installer, nous découvrons la plage, le village, et l’enfance se manifeste dans ce paysage sans âge où je ne serai pas surpris de voir passer Mr Hulot.

jeudi 19 septembre 2019


Tant de bleu


(Plage de Trénez, Finistère, 18 septembre)

J’allais sur le sentier côtier entre Trénez et Brigneau, le ciel et la mer avaient des allures de Méditerranée, tant de bleu, plus dense que le noir des pierres, plus vif que le vert des arbres et des prés, lorsque je croisai un homme grand, légèrement voûté, les yeux rougis par le vent, sans doute très âgé, portant une grande toile rectangulaire tendue sur un châssis de bois, un tabouret pliant, et un sac en bandoulière. Il allait lentement, regardant la mer scintillante dans le soleil de midi, l’air penaud. Je le saluai en jetant un œil sur son tableau sur lequel il n’y avait que quelques touches de verts et de rouges posées à la va-vite. Il surprit mon regard et me dit : je n’ai plus de bleu et… Il n’avait nul besoin de finir sa phrase. Je lui répondis que j’avais aperçu sur le chemin quelques fougères d’un jaune éclatant, les premiers jaunes de l’automne, et une guirlande de baies rouges pendue dans un fouillis de verts, qui un instant m’avaient fait oublier la mer et le ciel.
« Je ne peux oublier la mer », me dit-il avec la voix de quelqu’un qui a du un jour avoir méchamment à faire avec elle.
Je repris ma route tandis qu’il repartait  à petits pas vers Trénez.
Après avoir passé Brigneau, je fis demi-tour afin de regagner Trénez avant la nuit.
En arrivant à la plage de Trénez, je revis mon homme, assis sur son tabouret, le sourire au lèvres, sa toile sur les les genoux, sa boite de couleurs à ses pieds, devant un ciel qui rougissait petit à petit. Il me reconnut; « Regarde, la mer va bientôt elle aussi changer de couleur, du rouge et du jaune j’en ai plus qu’il n’en faut! »

mercredi 18 septembre 2019


Tête contre tête


(Saint-Guénolé, Finistère, 17 septembre)

Père et fils taiseux comme des pierres
tête contre tête
front contre front
ainsi ils se saluaient
et les grands cerfs
frappent leurs bois 
pour tenir leur place

mardi 17 septembre 2019


Un aigle tête-bêche


(Pointe du Raz, Finistère, 16 septembre)

Un aigle tête-bêche
un aigle de l’Atlas
un aigle aussi grand que les montagnes
et l’homme perdu sur la mer
loin de sa maison natale accrochée
aux pentes de pierres
reprend espoir
sous l’oiseau familier
au cœur de feu

lundi 16 septembre 2019


Crépuscule


(Plage de Ty Anquer, Finistère, 15 septembre, 20h 25)

Le silence
le reflet des oiseaux
au repos
le désir ardent du chant
pour le lendemain

dimanche 15 septembre 2019


Miniatures éphémères


( Eucalyptus, Landévénnec,  9 septembre)

Songe sur l'écorce

samedi 14 septembre 2019


Égratignures


(Landévénnec, 8h)

L’aube
compter les égratignures d’hier
s’en défaire

vendredi 13 septembre 2019


Le livre du poète
(Pour frère Gilles)


(Landévénnec, 7h 25)

Le livre du poète posé sur la table
le tranchant d’ivoire sépare les pages
fraîchement reliées
et les mots s’envolent
ainsi s’ouvre le ciel
aux oiseaux

jeudi 12 septembre 2019


Une si longue histoire


(Landévénnec, 11 septembre)

Un léger rose aux joues
une si longue histoire 
entre la pluie et la fleur

mercredi 11 septembre 2019


Un récit de dentelles


(Landévénnec, 10 septembre)

Sur les tables, aux fenêtres, partout des oiseaux, dentelles de lin blanc crocheté durant la longue nuit.
Longtemps, immobile sur la marche de granit de sa maison basse, elle les avait regardés  chanter et danser entre les roses et les pommes.
Hélas le ciel s’était obscurci, jusqu’à ce qu’il fut si sombre que l’œil peine à s’y faire.
Les oiseaux s’en étaient allés, abandonnant au silence le jardin dépeuplé.
Ses mains habiles crochetant le fil devant un feu tremblant, elle avait résisté à la nuit.
Puis revint le jour,  un fin trait rouge déchirant les brumes noires agrippées aux collines.
Et le ciel s’ouvrit, donnant un peu de bleu et tant d’autres couleurs.
Le jour avait pris à la nuit les rouges des braises pour les accrocher au pommiers et les répandre dans la roseraie.
Les cloches sonnèrent, un âne brayait de joie.
Elle vit alors venir une troupe d’êtres mi hommes mi oiseaux.
Étaient-ce des bras ou des ailes qui pendaient à leurs corps?
Ces vêtements de drap, de laine , de plumes, étaient-ce leurs habits ou leur peau?
Ils semblaient épuisés, mais tellement sereins. Elle vit dans leurs yeux la force du jour nouveau.
Elle les accueillis. Que fallait-il leur offrir, pain et fromage, ou graines et insectes?
Qu’importe, ils dirent se nourrir de ce qu’on leur proposait.
Ce fut pain, fromage, et pommes accompagné du vin que l’on garde pour les grandes occasions.
Et légèrement ivres, ils racontèrent leur voyage, un voyage aussi long que la nuit qu’elle avait traversée, un voyage dont chaque étape fut étonnements, bouleversements, révélations.
Ils racontèrent comment ils ne surent plus si c’était la tête qui faisait bouger les ailes ou les ailes qui faisaient marcher la tête.
Ils racontèrent comment un soir de tempête serrés autour d’un puits sans fond ils se réchauffèrent en se racontant des histoires drôles.
Ils racontèrent comment le prédateur avait attendri son bec, comment l’oiselet avait gagné confiance.
Ils racontèrent les plumes accrochées au champ de pierre.
Ils racontèrent la lune pleine au dessus de l’arbre sacré.
Ils racontèrent comment ils ne firent qu’un lorsque s’ouvrit la grande porte.
ils racontèrent comment ils firent le tour de la terre pour revenir sous les pommiers.
Elle écoutait, éblouie.
Le mercier aurait-il assez de fil à lui vendre pour crocheter en dentelle ce merveilleux récit?

mardi 10 septembre 2019


Un coup de lame


(Landévénnec, 8h14)

Un coup de lame
dans le drap de coton
l’oreiller vole en éclats
plumes éparpillées
le ciel s’ouvre
tandis que dans les arbres
chantent des oiseaux
infiniment confiants

lundi 9 septembre 2019


Sur les rives du Styx


(Landévénnec, 8 septembre)

Le brouillard est si dense que l’Aulne se perd dans le ciel. Le fleuve en son estuaire prend des allures de Styx. Charon est là quelque part, il attend le passager, il se sent de plus en plus seul.
Désormais rares sont les morts qui le regardent dans les yeux et lui adressent la parole. Ils baissent la tête tremblant de peur. Top longtemps on les a tenus à distance de cet évènement
majeur de toute vie, sa fin. Cachez cette mort que je ne saurais voir.
Charon se souvient de l’un des derniers qui a osé lui parler. C’était un  vieux danseur qui les yeux brillants de curiosité et d’impatience l’interrogeait sur la faune qui grouille dans les algues du rivage

dimanche 8 septembre 2019

samedi 7 septembre 2019


Septembre à Landévénnec

 
(Landévénnec, 8h 39)

Me voici depuis une semaine de retour à l’abbaye de Landévénnec pour un nouveau spectacle qui sera joué dans les pierres de l’ancien monastère. L’an dernier, à la même période, dans la traîne de l’été, nous y étions. Je tombais en amour  devant ce paysage sans cesse changeant, l’île d’Arun, grain de beauté sur l’Aulne dit le poète Gilles Baudry, l’île d’Arun comme la table de chevet sur laquelle je me déleste de ce qui m’encombre avant d’aller jouer dans les pierres.
À nouveau je viens chaque matin sur la colline dans l’herbe humide regarder le soleil se lever.
Il y a les oiseaux, les chevreuils, le ciel et la terre reliés en un point, et toujours une pensée pour celle qui m’accompagne depuis quarante ans.
Ce matin, il a fallut attendre huit heures trente avant que paraisse le soleil. Derrière les masses noires accrochées à la terre, il livrait des combats insoupçonnés, tandis que d’autres nuages plus bas plus légers filaient à tout allure. Il me suffisait de tendre le bras pour les toucher, caresser ainsi le temps qui passe.
Là-bas dans le port de Terenez, ce sont les bateaux posés sur l’eau dans la lumière argentée qui les premiers ont attiré mon regard.
Les bateaux posés loin des ouragans qui ravagent les îles.
Des bateaux immobiles promesses de nouveaux voyages.


(Landévénnec, 8h 42)

vendredi 6 septembre 2019


Alchimie


(Landévénnec, 7h 54)

Dans la coupelle de l’alchimiste 
fond tout ce qui alourdit mon cœur

jeudi 5 septembre 2019



Un faune


(Landévénnec, 5 septembre, 8h15)

J’allais solitaire sur la lande bretonne lorsqu'un un faune immense s’est penché sur moi,
prêt à me saisir entre ses pattes velues. Je le regardai d’un œil narquois: « fais de moi ce que tu veux, ce n’est qu’un rêve, si ça tourne mal, je me réveille! »

mercredi 4 septembre 2019


Ce matin


(Landévénnec, 3 septembre, 8h05)

Ce matin
il me faut enjamber la brume
pour te rejoindre
mon amour

mardi 3 septembre 2019


Le premier jour des oiseaux


(Landévénnec, Finistère, 2 septembre, 7h 36)

Quatre oiseaux s’ébrouent dans l’herbe humide sous le chêne encore vert.
Dans le ciel mal essuyé, les traces des nuits difficiles.
Une biche passe, salue et saute.
Les volatiles se frottent les yeux,
se défont des brumes tenaces,
se délestent des doutes qui empèsent les ailes.
Ils se taquinent, blaguent et se moquent pour se donner du courage,
puis d’un seul coup, d’un seul, il s’envolent
pour se fondre dans le bleu du ciel.

lundi 2 septembre 2019



Un papillon jaune



(Sur la D 926, entre Saint-Michel-Tubœuf et Le Merlerault, Orne, 1er septembre)

Tacatac tacatac tacatac, le rythme des roues de fer sur les rails et pas de place pour la moindre pensée. Le regard fixé sur la voie, insensible au paysage, Lucien mène son train comme on lui a appris, sans se laisser distraire.
Soudain, en rase campagne, un signal rouge, il faut s’arrêter. Le signal s’éternise, le silence s’insinue, les pensées se faufilent, poissons à travers les mailles d’un filet qui se desserre.
La femme qu’il a quitté ce matin sans oser la réveiller, les enfants qu’ils ne voit pas grandir, le ciel sans oiseaux, ce qu’il transporte dans son train rouge, la terre sèche, la puissance extraordinaire des ouragans, le coût de la maison de retraite pour sa vieille mère, la charge de police qui l’a laissé au carreau lors des dernières grèves, le rire du président, le cul de Giselle, la kiosquière de la gare de L’Aigle, le suicidé de samedi dernier, coupé en deux  sous les roues de la locomotive, le suicidé de samedi dernier, encore le suicidé de samedi dernier…
Lucien sent ses muscles se liquéfier, sa gorge se nouer tandis que le silence se  fait de plus en plus sombre et le rouge du signal de plus en plus vif.
C’est un papillon jaune qui vient se poser sur la vitre, les ailes tremblantes, les ailes aussi fines que du papier à cigarette, un papillon jaune qui l’extirpe de sa nuit, juste avant que le feu ne passe au vert.



dimanche 1 septembre 2019