mercredi 30 novembre 2016



La nuit a tout rangé


Quai Blavet, à Saint Valery-sur-Somme, un homme joue la berceuse de Brahms à la scie musicale, un autre, à petits pas, promène son chien, un troisième ouvre ses volets.
Le jour se lève, le sol est blanc de givre. La nuit a tout rangé…

mardi 29 novembre 2016


Un Dimanche à Giverny 

       
                                                                                                  (Giverny, 27 novembre)
Rien n’est là par hasard, calme et confusion, au bord de l’eau,
une femme en kimono, agenouillée, démêlent ses longs cheveux
très lentement.
C’est à Giverny, un dimanche de novembre. La maison et le jardin de Monet sont fermés.
J’ai trouvé ma place, une place discrète, au pied d’un arbre vêtu pour l’hiver.
Accroupi sous le gui, je ne bouge plus. Je pense à mon oncle, le peintre Pierre Igon.
Je suis Ling, le disciple de Wang Fo, le peintre de la nouvelle de Marguerite Yourcenar, et nous ramons sur la mer que Wang Fo vient de peindre…


                                                                                    (Pierre Igon, 2004)

lundi 28 novembre 2016


Vous qui veillez


C’est un dimanche d’automne
Les dernières feuilles 
Aux branches noires
Un dimanche immobile
À trois heures
Le brouillard était là
La lumière de la chambre
Allumée 
Tout le jour durant
C’est un de ces jours
Où l’on se retourne
Comme un gant
Pour voir
Ce qu’il y'a dedans
Les êtres chers y sont
Ils veillent
Foyers éloignés
Dans la brume
De l’un à l’autre
Des routes
Entre les collines
Vous qui veillez
 Je vous suis infiniment reconnaissant

dimanche 27 novembre 2016


Miniatures éphémères
Petits métiers


 
Le Messager
Tombé du ciel sur une plume de geai, pour donner des nouvelles de ceux qu’on aime...



Le Chasseur de vers
Il chante un air de bel canto à l’entrée de la galerie; le ver, charmé, s’extirpe de la pomme, à la merci du chasseur.

samedi 26 novembre 2016


Laisser faire


Renverser la table, noyer ses habitudes et prendre le large
Laisser faire la mer et la nuit

(Corniche Basque, 25 octobre)

vendredi 25 novembre 2016


Le Four

                                                                                               
                                                                                              ( D27, Eure, 24 novembre)

Jack a quitté les arènes de Pontonx en costume de scène. Un costume de cérémonie blanc acheté à bas pris dans une boutique de Barbès, retouché à la colle, et des pompes à six balles blanches et noires imitation croco.  C’était un joli contrat, il aurait de quoi tenir deux semaines. Animer le traditionnel repas des anciens, c’était dans ses cordes, quelques blagues, trois chansons et beaucoup de séduction. Il avait toujours plu aux vieilles dames; enfant, il les embobinait déjà pour quelques friandises.
Mais quand il est entré dans les arènes, il a eu un drôle de pressentiment en voyant cette plaque à la mémoire du sauteur Henri Duplat mort le 4 septembre 1972. La date de sa naissance, merde!
Il avait pas trop mal commencé en annonçant les convives avec des noms et des titres tous aussi fantaisistes les uns que les autres, ça rigolait un peu. Puis il a présenté l’entrée, un velouté de langoustine, par un hommage à la Demoiselle et aux petits croutons gonflés de joie. Les anciens ont applaudi et se sont jetés sur la soupe. Et là, silence. Le bruit des bouches et des cuillères sur les assiettes, quelques regards vers cet homme en blanc qui tente trois pas de danse entre les tables, les serveurs qui semblent glisser sur des patins, l’odeur du velouté de crustacé… Merde, ça aussi c’était un signe, Jack est allergique à la crevette et tout ce qui appartient à la même famille, dont bien sûr la langoustine qui n’est pas une petite langouste mais une cousine du homard.  Silence. Pas un seul jeu de mot ne lui vient. Il fredonne « Sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés… », mais il a oublié la suite des paroles. Alors il raconte une histoire que lui a raconté Rachid l’année dernière au noël de la maison de retraite de Colombes, une histoire de Nasr Eddin Hodja. Personne ne rit. A-t-il loupé la chute? il la répète. Silence. Ses chaussures lui font mal aux pieds. Il lance sa bande son pour chanter « Trois petites Notes de Musiques », mais il loupe le début et court après le tempo. Il a très chaud.
Et tout à l’avenant. Soirée désastreuse. Au bout du rouleau, il a même essayé la blague de la pipe pingouin, une blague mimée, où le conteur fini le pantalon aux chevilles en se dandinant comme un pingouin. Rien, pas un rire, rien absolument rien.
Alors il a fui. Sans demander son reste. Il a roulé toute la nuit, répétant ses blagues pour comprendre ce qui avait foiré, chantant cinquante fois de suite ses chansons jusqu’à être sûr du tempo et de la justesse.
Au matin il était à Poitier, le soir en normandie sur la D27.
 Il vient de s’arrêter pour faire le plein de sa vieille Mercedes achetée  d’occase à un violoniste  qui venait de perdre un bras.
Il est là, le pistolet de la pompe à la main, et ferme les yeux, le temps que le réservoir se remplisse. Il n’en peux plus, ce sont  quelques secondes de sommeil grapillées sur la route. Le réservoir est plein, il rouvre les yeux, regarde l'enseigne lumineuse, les nuages rouges, raccroche le pistolet et va payer. Dans la boutique il y a une grande brune qui a l’air de s’ennuyer ferme derrière le comptoir. Il lui lance: « Je suis un Élan de Sibérie qui a perdu le nord ».
Elle se marre…


                                                               (Pontonx-sur-L'Adour, Landes, 18 novembre)

jeudi 24 novembre 2016


Brazil Billard


  Il suffit d’une nuit noire et d’un Bloody Mary pour filer à Végas...
 (Brazil Billard, Epaignes, Eure)

mercredi 23 novembre 2016


Dans le hall de la gare d'Albert 


 Le train de onze heures pour Amiens a du retard. Dans le hall de la gare d’Albert il y a un petit avion. Dessous il y a un chien qui dort, il y a un petit garçon qui répète les lettres inscrites sur la carlingue, il y a une jeune femme qui veut retourner au Mozambique, il y a un vieillard qui ne voit plus très bien, il y a un chef de gare qui se sent à l’étroit dans son costume, il y a un vagabond qui boit de la bière polonaise,  et il y a une fille qui a les cheveux rouges et aux ongles un vernis bleu à paillettes.
                                                                                             (Albert, Somme, 4 novembre)

mardi 22 novembre 2016

La Grande Descente



Enfant, j’habitais une grande résidence entourée de terrains vagues. Il y avait une rue en pente, avec du goudron et quelques gravillons, nous l’appelions la grande descente. Au bout, il y avait un portail métallique blanc. À vélo, nous faisions la course autour des immeubles et finissions par un dérapage controlé sur les gravillons, pile devant le portail.  Nos vélos étaient ornés de capsules de bouteille de vin en plastique bleus, rouges, vertes et jaunes, coincées entre les rayons. Un morceau de carton épais attaché sur la fourche arrière  claquait sur la roue et nous donnait l’illusion d’un moteur. Mon vélo était bleu.
Un jour, je devançai les copains et m’engageai à fond dans la descente. Mes freins lâchèrent quelques mètres avant le portail et je me jetai sur le coté pour finir tout écorché sur la pelouse  qui bordait la route.
J’avais mal, sans doute,  et la marque du gravier sur les genoux mais je ne me souviens que de la griserie de la course,  de la beauté du plongeon tel un cascadeur de cinéma, de la montée d’adrénaline et des cris des camarades.

                                                                            (Morlancourt, Somme, 3 novembre)

lundi 21 novembre 2016


Demain dès l'aube...


La prairie descend, en pente douce. Il y a quelques barrières, dont certaines incongrues, en bas Villéquier et la Seine. C’est dans ces eaux calmes que s’est noyée Léopoldine, la fille de Victor Hugo, c’est ici qu’a été écrit l’un des plus beaux poèmes de la langue française.

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. 

Je pense à mes enfants. Combien je les aime. Combien il est important de leur dire.
             
                                                         (Villéquier, 9 novembre)

dimanche 20 novembre 2016


Miniatures éphémères
Avant de s'endormir 

 
Souvent, elle avait peur avant de s’endormir. Alors son père ouvrait les rideaux, laissait entrer la lune, s’asseyait sur le bord du lit et racontait des histoires.  Des histoires où la nuit était une ardoise pour apprendre à écrire, et où l’on  dansait en équilibre sur un rayon de lune.



Glagla


Depuis si longtemps je suis sur les routes. Quand nos enfants étaient petits, je leur écrivais des histoires que Sophie leur lisait le soir. Je choisissais des cartes postales dont je m’inspirais, j’écrivais à la plume et glissais le tout dans de grandes enveloppes.
Les enfants sont grands maintenant, il font leur vie, et je suis toujours sur les routes.  Je n’ai pas cessé de raconter des histoires. Je fais moi même les images et j’écris sur l’ordinateur.
Hier soir je jouais un spectacle à Pontonx-sur-l’Adour, un spectacle où il y était beaucoup question d’histoires. Au cours de la soirée, je ne fus pas toujours dans le bon tempo. Aujourd’hui j’ai roulé toute la journée, pour rentrer à la maison et retrouver Sophie. J’ai quitté Pontonx ce matin à huit heures après avoir bu un café, dans le centre de vacance désert où j’étais hébergé, un café accompagné de vague à l’âme automnal. Puis ce fut la route, lumineuse; j’y laissai sur le bas coté toutes les mauvaises pensées.
Alors ce soir, dans cette sorte de torpeur mêlée de fébrilité après huit heures de route, voici une histoire pour les enfants, vos enfants, vos petits enfants, une petite histoire pour se réchauffer avec les premiers froids: l’histoire de Glagla.
Il était une fois un petit garçon qui avait toujours froid. il avait le nez froid, les mains froides et les pieds froids et répétait sans cesse glagla glagla. On le nomma Glagla, et pour le réchauffer on lui enfilait pull sur pull, pulls de laine, angora, cachemire, alpaga ou astrakan. Mais rien n’y faisait, glagla répétait glagla et ne savait rien dire d’autre. Il finit par devenir une énorme boule de laine qui roulait pour se déplacer et d’où dépassait seule sa petite tête. À tant rouler sur la terre, des graines se logèrent entre les fils de laines et y germèrent, jusqu’à ce que poussent sur cette grosse boule plantes et arbres de toutes sortes. Insectes, oiseaux et mammifères s’y installèrent . Ainsi naquit  une nouvelle planète. Au pôle nord on y voit un visage souriant gravé sur une énorme pierre.

jeudi 17 novembre 2016


Assemblages et Personnages

 
Le Chaman
Pierre de dieppe
Vertèbre de Toulon
Plume de mon jardin

 
Le Gardeur d'Escargots
Bois, pierres, ficelle, brindilles et coquilles d'un peu partout au bord de l'eau


Le Guerrier
Pierre et bois d'Hendaye
Douille et clou de Travaillan
Raphia de chez Mr Bricolage

mercredi 16 novembre 2016


Josepe



L’été, Josepe tient un petit stand sur la plage. Il loue des tentes et des transats. Les montants des tentes sont bleus, la toile également et les transats de tissu rayé bleu et blanc.
Josepe a repris la petite entreprise de son père. Enfant il trainait toute la journée sur la plage. Il passait derrière les tentes et soulevait légèrement la toile pour admirer les rondeurs des baigneuses en train de se changer. Quand il y avait un Embata, c’est ainsi qu’on appelle ici les brusques coups de vent qui s’annoncent par une barre de nuages sur la montagne voisine, il aidait  son père à vite replier les toiles. Chaque printemps, avant le début de la saison, son père repeignait les montants de métal et le bois des transats, tandis que sa mère recousait ce qui était usé ou déchiré. Avec ce qui restait de peinture on repeignait les volets de la maison. Josepe à toujours adoré cette  forte odeur  qui présageait des après-midis joyeuses.
Josepe n’a jamais quitté cet endroit. Il ne peut en exister de plus beau. La grande plage sur laquelle veillent ces deux grands rochers jumeaux à l’est, la montagne à l’ouest  qui accroche les nuages, et au centre l’ancien casino de style mauresque qu’il a connu blanc, c'est son univers, grand ouvert sur l’océan sans cesse changeant.
Alors Josepe a pris la suite de ses parents. Mais les tentes se louent moins bien. les vacanciers viennent avec leurs sièges de plastique et leurs parasols. Le métier n’est plus ce qu’il était comme on dit et Josepe vit chichement. Cela lui est égal, sur sa plage, il n’a pas besoin de grand chose.
Tant qu’il a des yeux pour voir et un nez pour sentir. Mais qui aurait voulu épouser un rêveur qui loue des transats à huit euros la journée. Alors Josepe vit seul, et quand vient l’automne et que tout le matériel est bien rangé dans le garage, Josepe ferme ses volets et ne sort plus beaucoup jusqu’au printemps. Il hiberne comme un ours des Pyrénées.
Parfois il ne se lève pas avant onze heures. Il saute le repas du midi et le soir dine d’une soupe à l’ail et d’un morceau de fromage de brebis. Il fait une petite marche sur la plage en fin d’après-midi, juste avant la nuit. La lumière y est plus belle.
Ce matin, il fait froid. Josepe est blotti dans son lit, sous d’épaisses couvertures de laine. Il sait que la mer est calme; il habite à une centaine de mètres de l’océan et il en devine à l’oreille son état, même fenêtres et volets fermés. Il est bien, au chaud dans son lit, dans la pénombre. Il ne bouge pas, il écoute les craquements de la maison.
Soudain un chant vient du dehors, une voix ronde, grave, féminine mais grave, une voix d’alto aux accents mexicains, puis anglais, puis créoles.
Josepe s’enfonce sous ses draps, bienheureux dans ce douillet cocon. la voix l’enveloppe, le berce, le pénètre lentement, profondément, jusqu’au lieux de ses quelques regrets. Il sourit et pleure à la fois, et s’enfonce toujours. Qui est cette femme qui chante? Une nouvelle voisine? Juste une femme qui passe dans la rue? Il l’imagine, grande, très grande, de grands yeux tendres et des lèvres comme des fruits murs. Il lui voit de longues mains, gracieuses et infiniment douces, de longues mains qui battent la mesure tandis qu’elle marche comme une reine dans la rue déserte sur un tapis de feuilles rouges.
Il l’imagine et la voix est toujours là, bouleversante. Il se dit alors qu’il devrait se lever et ouvrir les volets, pour voir, pour vérifier. Mais il est si bien là, au fond de son lit…

mardi 15 novembre 2016


La Nuit, Encore


Demain, à Pontonx-sur-l’Adour je raconterai l’histoire d’un homme qui cherche son fils dans la nuit, je raconterai une nuit de frayeur  chez un garde forestier, je raconterai la nuit sacrilège d’un marin normand et enfin une folle nuit de noces qui tourne au vinaigre. Chez Maupassant les nuits sont noires mais les joues sont rouges. Nous venons de la nuit, nous retournerons à la nuit, la lune elle, nous survivra. Cela ne nous empêche pas de danser même si les marches sont branlantes…

lundi 14 novembre 2016


Super Lune


On nous l’avait prédite énorme, je l’ai trouvée minuscule dans une flaque, palpitante au milieu des feuilles mortes. Elle tenait dans la main, je l’ai prise comme un oiseau tombé du nid, l’ai enveloppée de papier bulle et posée dans une boite à chaussures que j’ai glissée sous mon lit.  J’ai dormi comme un roi. J’ai rêvé du Grand Rift sans chasseurs, de l’Amazone sans mercure, j’ai rêvé que Poutine, Trump et Marine était trois poules à têtes humaines dans une basse cour, j’ai rêvé que l’eau jaillissait des sables, que les fusils étaient de papier et que les corps se dévoilaient. Avec Sophie nous volions sur un tapis, en dessous c’était l’hiver puis le printemps puis l’été puis l’automne puis l’hiver puis le printemps..…
Le lendemain matin, la lune avait disparu, il ne restait que le papier bulle. J’y ai enveloppé mes rêves et  j’ai remis la boite sous le lit.

dimanche 13 novembre 2016

Miniatures éphémères
Un Fil de Soie


Ils étaient tous là, ses cinquante trois enfants, petits enfants et arrières petits enfants. Elle a coiffé et noué ses cheveux blancs puis elle a coupé cinquante trois parts dans une tranche de pâte d’amande, sa friandise préférée. Il lui restait un dernier filet de salive pour leur dire à tous je vous aime et elle s’en est allée comme elle avait vécu, se hissant vers la lumière sur un fil de soie.

vendredi 11 novembre 2016


Saint-Jouin-Bruneval, 10 novembre

 
 Sur des routes incertaines
La douceur de Leonard Cohen


jeudi 10 novembre 2016



Ciseaux, Feuille, Caillou


Sur les hauteurs de Villéquier, un homme vouté, les mains dans les poches, la tête basse, marche lentement vers le cimetière. Sur son chemin, il croise deux enfants qui jouent à ciseaux feuille caillou. Il s'arrête, sort les mains de ses poches, et les lève à hauteur de poitrine. On ne sait pas s'il lève les mains comme on fait sous la menace où s'il s'agit d'un salut. Les gamins surpris le regarde. Il sourit et continue sa marche…

mercredi 9 novembre 2016


Au P'tit Bonheur


Au P’tit bonheur on ignore la peur
On écrit des poèmes qui nous réconcilient avec la mort
On boit des coups à la santé des voyageurs
On s’y regarde au fond des yeux
Aux murs ni télé ni trophée de chasse
Des cartes postales, quelques dessins et la pierre nue
La porte est ouverte
Laissez votre parapluie et votre revolver
Et embrassez qui vous voulez

(Villéquier, Seine-Maritime)

mardi 8 novembre 2016


Baie de Loya


 Baie de Loya, tout est calme
La falaise pleure
Les paupières tremblent et se ferment

lundi 7 novembre 2016


Aller Voir la Mer 


Quand nous allions à Hendaye, au Pays  Basque, pour y passer les vacances, à l’approche de la côte nos enfants s’impatientaient à l’arrière de la voiture. C’était au premier qui verrait la mer et crierait alors: la mer! Mais bien souvent c’était moi qui criait avant tout le monde : la mer!
Combien de fois, là bas, je quitte la maison en disant:  je vais voir la mer. On se moque de moi, on me dit qu’elle est toujours là et je sors en haussant les épaules. Je vais la voir pour les vagues, bien sûr, qui sont un merveilleux terrain de jeux; si elles sont au rendez-vous, alors je file chercher ma planche et abandonne ma compagne. Mais je vais la voir aussi juste pour m’y perdre, cesser de penser et  disparaitre entre ciel et mer, ne plus être qu’un grain de couleur en suspension.
Ce matin, j’ai quitté Vaucresson à six heures sous une pluie froide. Par mauvais temps les poids lourds laissent derrière eux une trainée aveuglante, il faut redoubler d’attention. Arrivé à huit heures dans une école du Havre, j’ai déchargé mes caisses, monté mon décor et à peine prêt j’ai accueilli une flopée de gamins surexcités. Aujourd’hui j’ai donné trois représentations. Certes, c’est toujours un intense bonheur, mais parfois, il m’arrive de douter. Le théâtre est-il encore la meilleure façon de raconter nos histoires? Et sans prévenir la fatigue gagne tout le corps.
L’école de cette après midi était à deux pas de la plage du Havre. Alors après le dernier spectacle à dix sept heures, je suis allé voir la mer. J’ai marché sur les galets qui roulaient sous mes pieds, j’ai respiré fort, j’ai regardé et j’ai encore regardé. En quelques minutes à peine j’étais ragaillardi, comme si le cœur se regonflait.
Et ce soir, je regarde la photo que j’ai faite tout à l’heure, j’écris ces mots et je sens mon cœur qui continue de gonfler et je me dis que oui ça vaut le coup de jouer au théâtre comme de rester  sans rien faire à regarder la mer, et que ça vaut le coup de le dire…

dimanche 6 novembre 2016


Miniatures éphémères
Aux Champignons 


L’Amanite tue-mouche est parfois consommée pour ses effets hallucinogènes. Et alors?

Miles Davis - So What - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=zqNTltOGh5c


En attendant le loup


samedi 5 novembre 2016


A Mailly-Maillet


Dans cette  maison de Mailly-Maillet vit un menuisier bien fatigué. Les doigts déformés par l’arthrose il délaisse  ses outils et passe de plus en plus de temps assis sur le perron. Là, il y a un arbre qui veille, se penche et lui murmure à l’oreille quelques conseils fraternels.
Il l’a vu pousser, s’incliner vers le toit de l’atelier tandis qu’il sciait, limait, rabotait, creusait, ou perçait. Pendant des années, il lui a parlé,  il lui a parlé comme l’indien  parle au gibier qui le nourrit.  L’arbre bruissait, craquait, se penchait un peu plus et grandissait toujours. Maintenant  l’arbre a cessé de grandir.
En fin d’après midi quand les feuilles accrochent la lumière, l’homme pose ses doigts noueux sur un rayon de soleil et tend l’oreille vers les plus hautes branches...

vendredi 4 novembre 2016


Un Matin, dans la Somme


 A quelques kilomètres de là, un village. Un village du nord, une rue toute droite bordée de maisons de briques, les murs rouges dans l’aube naissante. Adossé à l’un d’eux un homme attend, un sac à ses pieds. Il porte un bonnet de laine rouge qui lui couvre les oreilles, et garde les mains bien enfoncées dans les poches de son épaisse parka. Debout, immobile, sa tête penche; il semble dormir. Sa silhouette dit les nuits trop brèves et les rêves interrompus.
Dans une des maisons aux volets clos, dans un lit soudain trop grand, une main tâtonne. la place vide est encore chaude.
Le car va passer, les portes du hangar vont s’ouvrir et la brume va se dissiper. Il est sept heures, c’est une journée ordinaire.
                                                                        (Sur la route entre Albert et Bouzincourt)

jeudi 3 novembre 2016


Le Pays du Coquelicot



  On l’appelle le pays du coquelicot. Albert en est le centre. Blaise Cendrars y a combattu en 1915. La bataille de la Somme, un million de morts. Là, pas de fleurs sur le bord des chemins. Un village sans visage, des traces qui ne mènent nulle part  et une route où tout est à inventer, une route qui sonne comme un vibraphone…


mercredi 2 novembre 2016


En Forêt


Bois morts, fougères fanées, feuilles jaunies
Et pourtant quel enchantement!

(Forêt de Rambouillet, 31 octobre)