samedi 29 février 2020



Les jupes de filles


(Vaucresson, 14h 30)

Quand j’étais enfant, j’étais de ceux qui chaque printemps rêvent de soulever les jupes des filles, pressentant là un délicieux mystère.

vendredi 28 février 2020


Un beau poème


(Baromètre à cristaux et  lampe de poche, Vaucresson, 21h)

La nuit dernière j’ai rêvé que j’écrivais un beau poème, si beau que je me suis dit dans un demi sommeil qu’il fallait le noter. Il fallait me lever, allumer, trouver mes lunettes, mon carnet et un stylo. Je n’ai pas bougé, il faisait bon sous la couette, je me suis rendormi en m’efforçant de le retenir. Au matin, rien, impossible de me rappeler ces vers, peut-être y avait-il le mot mur ou feuille ou terre, je ne sais plus, je cherche encore…





jeudi 27 février 2020


Sous le magnolia


(Saint-Céré, Lot, 22 février)

Ça papote sous le magnolia. Les langues se délient, s’emmêlent, on parle de l’hiver qu’on n’a pas vu, on parle du virus qui se promène et qui n’est plus très loin, on parle des ministres qui perdent les pédales, on parle des retraites et des coups de matraque. Il y en a qui froncent le sourcil, rentrent les épaules et baissent la tête, d’autres qui regardent le ciel et disent que jamais la peur ne les empêchera de regarder les fleurs.

mercredi 26 février 2020


La Pampa


(Saint-Céré, Lot, 20 février)

Dans un minable restaurant de Santa Cruz, un homme un peu seul, un peu ivre contemple la tâche de vin laissée par son verre renversé. Il reconnait cette silhouette, ils ont chevauché ensemble dans la pampa. C’est cet homme au nez fort qui lui a appris à monter à cheval et à manier les armes, mais impossible de retrouver son nom. Il se souvient des étriers de métal gravés, du cliquetis des éperons quand le cavalier s’avançait sous la véranda de l’hacienda.
Il se souvient de sa première chute, de la main de celui qui l’aide à se relever, de la main de celui qui lui montre comment tenir le fusil, une main avec un point bleu sur la paume. Il se souvient du son du galop sur la terre, il se souvient de la poussière dans les plis des vêtement trop grands et encore cette main qui l’époussette rudement. Il se souvient du ciel qui se mêle à la plaine, il se souvient du vent, il se souvient des nuits pleines d’étoiles, il se souvient de la voix rauque de celui qui l’aide à s’endormir. Mais impossible de retrouver son nom.
Alors il redemande du vin. Il verse la carafe sur la nappe de papier, espérant une autre tache qui dira le nom. Mais rien, pas même une initiale, seulement une tache rouge qui s’étale et recouvre la première.
Aussitôt la pampa et le souffle des chevaux s’effacent.
La patronne débarrasse la table, froisse la nappe en une boule compacte, la jette derrière le bar, aide l’homme à se lever, le reconduit doucement à la sortie et le regarde s’éloigner dans l’étroite ruelle.


mardi 25 février 2020


Mon linceul


(Saint-Céré, Lot, 22 février)

Des arbres qui ont la chair de poule, une flaque d’eau , une arabesque, le jeu des mésanges, la joie d’être là sur un chemin de terre  au dessus de Saint-Céré.
Si un jour mes jambes ne me portent plus, je ferai la liste des sentiers où je me suis arrêté pour dire chaque fois le mot joie.
Je sais que je n’en aurai jamais fini avant que la mort ne m’emporte.
Je pourrai faire aussi la liste de chaque étreinte, de chaque fou rire, la liste des spectacles où je fus saisi par la grâce, la liste des silhouettes anonymes, des regards qui m’ont attrapé le cœur, autant de listes tissées du même mot, joie, mon linceul.

lundi 24 février 2020


L'enfant et le théâtre


(Château des Tours-Saint-Laurent, Lot,  22 février, 14h) 

Le soleil tape sur le mur du théâtre au pied de la colline du château. Un enfant maigre et pâle se tient là, à l’écart de ses camarades qui s’agitent dans la cour, adossé au mur blanc, capuche rabattue sur les yeux. De temps en temps il regarde le château, là haut. Il se rêve en héros conquérant les places fortes et les cœurs impatients, il se rêve en chevalier domptant le dragon à la langue de feu.
Le mur est chaud contre son dos, le mur parle, il en est sûr. Dans quelques instants les portes du théâtre s’ouvriront, les enfants assisteront aux répétitions d’un spectacle, ils pourront poser des questions. Lui sent qu’il se trame là quelque chose d’important, très important, quelque chose qui ressemble aux secrets des recettes de sa grand-mère qu’il essaye de deviner dans la fumée qui monte du chaudron.
Après la représentation, l’enfant reste muet. Il voudrait tout savoir des secrets de fabrication de ce qu’il vient de voir, mais il n’ose pas demander, il n’est pas prêt, il ne sait pas si c’est sa langue, son cœur ou sa tête qui empêchent.
Il ne sait pas, mais il perçoit une lumière au bout d’un long couloir de solitude, il sent le sang qui pulse dans ses veines, pour la première fois il envisage l’avenir.

dimanche 23 février 2020


Miniatures éphémères


(Saint-Céré, Lot, 22 février)

Conversation avec la mort

samedi 22 février 2020


La ballade...


(Saint-Céré, Lot, 12h15)

J’ai fait ce rêve:
Je vais dans un chemin creux, mon fils sur les épaules. La pente est raide, nous montons. Le printemps prend déjà sa place, abeilles et papillons sont de sortie, il neige des fleurs de cerisier.
À l’instant où je dis à mon fils mon étonnement devant ce précoce jaillissement, je réalise que c’est moi qui suis sur ses épaules.


vendredi 21 février 2020



Les derniers mots de l'arrière-grand-père de Coralie


(Saint-Céré, Lot, 18 février)

Aujourd’hui Coralie m’a raconté cette histoire, une histoire au parfum de printemps:
Un vieil homme, son arrière-grand-père, avait depuis longtemps perdu la parole. Peu de temps avant sa mort, on vient lui présenter son petit fils âgé de quelques jours. Le vieillard et l’enfant se regardent, longuement, puis se mettent à babiller, tous les deux, une extraordinaire conversation à laquelle personne ne comprend rien. L’homme et le nouveau né semblent échanger des informations capitales. On n’avait pas entendu la voix de l’arrière-grand-père depuis des années, ces babillements seront ses derniers mots.

jeudi 20 février 2020


Bleu


(Château des Tours-Saint-Laurent, Lot, 14h30) 

Habiter un tableau de Joan Miró

mercredi 19 février 2020


La nuit est grande par la fenêtre


(Saint-Céré, Lot, 22h 15)


C’est une nuit sans étreinte
où es tu mon amour
la nuit est grande par la fenêtre
Némo me ménera sous les remparts
jusqu’au bord de ton lit
au delà de la mer noire
je me glisserai dans les draps lisses
pour me joindre à ton souffle

mardi 18 février 2020


Le percheron


(Saint-Laurent-les-Tours, Lot, 9h)

La côte est raide jusqu’au château des Tours-Saint-Laurent. Dans les jardins, les cognassiers du Japon sont déjà en fleurs, quelques taches rouges qui allègent le pas.
On m’a dit qu’il y a là haut dans un champ au pied des remparts un jeune percheron qui écoute les vieillards solitaires qui n’ont plus personne à qui parler.
Après les maisons, un sentier boueux et glissant mène jusqu’à lui.
Je l’ai trouvé.
Je lui ai dit que je n’étais pas si vieux mais que j’étais ici pour raconter l’histoire d’un vieux, d’un vieux qui parle aux arbres et aux oiseaux, d’un vieux un peu dérangé qui n’en n’a plus pour très longtemps.
Il m’a regardé et m’a rit au nez.

lundi 17 février 2020


Monsieur Pierre et les oiseaux


(Vaucresson, 6 févvrier)

Monsieur Pierre va piano.
Dès qu’il entend un oiseau , il lève la tête.
Oiseaux du soir, oiseaux du matin, oiseaux de printemps.
Quelques coups d’aile balaient sa mémoire sans dessus dessous.
Monsieur Pierre est une volière, Monsieur Pierre est une estampe.
Il n’y a pas d’oiseaux de mauvais augure, il y a des messagers,
ils viennent de loin, de l’enfance, et même d’avant,
ils font des ronds dans le ciel et des points sur les branches.
Monsieur Pierre parle de moins en moins,
il viendra un moment où il ne dira plus que papa et maman,
ses yeux seront pareils aux plaines de Mongolie
et des milliers d’oiseaux s’envoleront de son crâne.

dimanche 16 février 2020

samedi 15 février 2020


Impermanence


(Vaucresson, 9h)

C'est parce qu'elle ne fait que passer
que la vie est belle

vendredi 14 février 2020


Détaché


(Vaucresson, 10h 30)

La branche de mimosa fane quelques heures à peine après avoir été détachée de l’arbre.
La feuille sèche et se courbe sur le bouton qui déjà perd de son éclat.
La fleur flétrit et durcit avant de tomber comme une pierre.
C’est un cœur terrifié qu’une main ne saurait apaiser,
c’est un cœur qui se décroche happé par la nuit,
un cœur tremblant d’avoir été séparé des siens,
le cauchemar au parfum entêtant d’un enfant perdu.
Mais l’enfant sait, il sait qu’il doit accepter la chute pour trouver le sommeil.
La nuit deviendra mère, la force du rêve guidera le cœur déposé sur une jonque,
l’enfant saluera les anciens et les arbres, au matin il deviendra grand.

jeudi 13 février 2020


Deux ombres


(Vaucresson, 6 février)

Deux vieux remontaient lentement le boulevard Auguste Blanqui, elle droite comme un i, un bonnet à pompon sur la tête, bonnet bleu, pompon rouge, lui à angle droit le nez quasiment sur le sol. Deux ombres allaient sur le bitume, l’une tordue, l’autre raide surmontée d’un point.
Les deux vieux se sont arrêtés, contemplant leurs ombres si différentes. Ils se sont tournés et retournés jusqu’à se trouver pile dans l’axe du soleil. Il n’y eut alors plus que deux ombres bien droites, l’une courte et sans tête, l’autre longue et pointue, et deux vieux qui couraient après en rigolant.

mercredi 12 février 2020


Parc Montsouris


(Parc Montsouris, Paris 14ième, 9h)

Dans les parcs parisiens il y a des pompiers qui courent, des princesses dans les arbres et des enfants qui se balancent.

mardi 11 février 2020


Lucy in the sky with diamonds...


 (Aérodrome de Toussus-le-Noble, Yvelines, 16h 30)

Elle s’appelle Lucy, Lucy in the sky with diamonds, elle court sur le toit du hangar, la tôle claque, elle saute sur l’aile d’un Cessna 172, l’avion va décoller, le moteur tourne, le pilote n’a d’oreille que pour le ronron de sa machine, à peine sent-il l’appareil légèrement déséquilibré, une rafale se dit-il, Lucy est un chat, Lucy in the sky with diamonds. L’avion s’avance sur la piste, l’avion s’envole, Lucy s’accroche à l’aile, elle fait mieux que  Belmondo, Jacky Chan, et Tom Cruise. L’avion s’en va plein ouest, vers les terres sauvages, les pierres dressées, et les chemins de haute solitude. Lucy se penche sur le cockpit, Lucy in the sky with diamonds, elle a le sourire de celle qu’on ne laisse pas tomber comme ça,  Rick est sonné, Rick c’est son nom, Rick Delaveine, pilote et batteur de jazz, ou plutôt batteur de jazz et pilote, pilote quand tout se débine, qu’on perd le tempo et qu’il faut prendre le large.  Lucy se glisse dans l’habitacle, elle plante ses yeux de diamant dans ceux de Rick, quand j’aime une fois j’aime pour toujours.
Lucy in the sky with diamonds, son père jouait la chanson des Beattles sur une guitare bidon dans les rues de Tenkodogo, cinq cordes et un bidon Yacco, jaune et vert.
Il a appelé sa fille Lucy, à cause de ses yeux de diamant, de diamant noir, qui semblaient  en savoir plus que lui sur la marche du monde.
Un jour un batteur français en vadrouille a fait un bœuf avec lui jusqu’à la nuit. Il avait les yeux verts, une tête de magazine à affoler les jeunes filles, il s’appelait Rick.
Lucy a mis les bouts pour le retrouver, elle est passée par l’Afrique du nord, l’Italie, et s’est arrêtée à Toussus-le-Noble, ça faisait trop longtemps, fallait travailler. Agent de propreté, agent d’entretien, plus simplement femme de ménage, c’est son boulot. Elle nettoie les bureaux de l’aérodrome. Elle n’a toujours pas retrouvé le français, mais elle aime bien travailler là. Elle a trouvé François, le mécanicien.
Quand elle a fini sa journée elle monte sur le toit et regarde décoller les avions, juste un peu, un petit quart d’heure avant de rentrer chez elle pour s’occuper de ses deux enfants.
Elle leur raconte les aventures de Lucy, Lucy in the sky with diamonds.

lundi 10 février 2020


Ciara


(Vaucresson)

la tempête souffle. Elle a un joli nom, un nom de femme fatale, Ciara. Elle souffle si fort qu’elle a emporté une petite vieille que le temps a rendu légère comme une plume. J’ai vu la vieille accrochée à la pointe d’un séquoia. Elle ne criait pas, elle chantait. Je suis monté à mes risques et périls dans le conifère qui oscillait sous le vent. Je suis monté pour la décrocher.  Elle m’a dit, non, non, ne me décrochez pas, je suis bien là, je vois loin et ça balance, il y a si longtemps que je n’ai pas grimpé aux arbres, je n’en ai plus pour très longtemps, profitons en, embrassez moi et allez vous en, allez vous mettre à l’abri

dimanche 9 février 2020

samedi 8 février 2020


Marys' à minuit


(Vaucresson, 19h 30)

Assemblage du jour, galet et bois d’Hendaye, personnage du « Petit train bleu ».
Miniature pour Marys’, personnage bien perché que j’ai eu la joie d’interpréter il y a vingt ans (Marys’ à minuit, de Serge Valetti, mise en scène Henri Bornstein, cie Nelson Dumont).
Ce spectacle fut aussi l’occasion de rencontrer l’artiste peintre Sylvie Salavera. Elle exposait dans une galerie à Toulouse à deux pas de là où j’habitais le temps de cette création.
La correspondance de son univers et de celui du spectacle nous donna l’immédiate sensation de nous connaître depuis longtemps.


(Aquarelle de Sylvie Salavera)

Marys' s'en vint fréquenter quelques peintures de Sylvie



(Marys', Photo Patrick Riou, décembre 1999)

vendredi 7 février 2020


Un cœur de plume


(Parc de la Dodaine, Nivelles, Belgique, 4 décembre 2019)

Elle s’appelle Audrey, elle ne marche pas, elle ne parle pas. Elle crie et bat des bras. Elle crie et bat des bras pour une pierre, une fleur, un rayon de soleil, un air de tango ou un canard sauvage.
Elle a trente ans, un corps à la Picasso et un cœur de plume.

jeudi 6 février 2020


Séquence


(Vaucresson, 13h)

Bris de verre, claquement des talons dans le petit matin,  course sur l’allée de pierre bordée d’arbres taillés en nuage, une cheville se tord, robe lamée d’argent, éclat dans la brume,  boa blanc pris aux épines, regard en arrière, fiévreux, libérer le tour de cou, geste sec, course à nouveau, avalée par le brouillard.

mercredi 5 février 2020


Le sourire de la terre


(Vaucresson, 16h)

Quelques feuilles l’une sur l’autre
vieilles étoffes accrochées aux branches
dans un rayon de soleil
le sourire de la terre
une grand-mère qui soulève jupes et jupons
pour ces petits cons d’humains

mardi 4 février 2020


Au mitan de l'hiver


(Montagne Favard, Guyane, 23 mars 2019)

Au mitan de l’hiver 
quand la pluie est froide
quand la terre de France a perdu ses couleurs
quand le vêtement est trop lourd
quand dans les longues nuits ne chante que le vent
alors monte ce désir d’ouvrir sa chemise
de se glisser dans le lit de verdure
de celle qu’on a aimée une fois
et qu’on aimera toujours

lundi 3 février 2020


L'Écueil


(Plage de Trénez, Finistère, 18 septembre 2019)

Un rocher acéré dans la paix du couchant
un souci qui crisse dans l’esprit au moment de dormir
jusqu’à ce qu’une mouette se pose délicatement sur l’écueil

dimanche 2 février 2020


Miniatures éphémères


(Buxerolles, Vienne, 29 janvier)

Le botaniste 

samedi 1 février 2020


Un mot d'amour


(Étang de Villeneuve, Marnes-la-Coquette, 24 janvier)

À la pointe des peupliers
la douceur d’un mot d’amour