mercredi 31 août 2022


Une plume d'émeu

(Hendaye, 17h 25)

Dans les années 20 on arrivait en tramway au centre d’Hendaye-Plage, ou en Bugatti  Type 35.

On logeait à l’Hôtel Eskualduna, un palace, et on dépensait sa fortune juste en face au casino Croisière.

Elle portait une plume d’émeu à son chapeau, elle allait pieds nus au bord de l’eau, elle soulevait ses lourds jupons à chaque vague, on s’extasiait sur ses chevilles.

Elle avait promis son cœur à celui qui décrocherait la plume du chapeau, mais elle était insaisissable, courait aussi vite que les grands oiseaux, et comme un taureau cocardier pouvait faire valser un homme. 

C’est un garçon d’ascenseur de l’hôtel Eskualduna qui a eu ses faveurs.

Poursuivie par une meute de jeunes gens de bonne famille, elle s’était engouffrée dans l’ascenseur juste avant que la porte ne se ferme. 

Le garçon qui était très grand n’eut qu’à tendre la main pour  décrocher le graal.

On dit qu’ils sont montés au dernière étage, puis sur le toit où ils se sont aimés en regardant la mer.

On dit qu’on ne les vit plus ni l’un ni l’autre, qu’on ne trouva sur le toit que la plume d’ émeu.

La note de la chambre de la femme ne fut jamais réglée, personne ne réclama les bagages, on remplaça le garçon d’ascenseur.

 

mardi 30 août 2022


Doux orages


(Hendaye, 28 août, 20h 20)

Il est de doux orages

Cœurs gonflés de pluie

Pluie qu’on espère

Pluie qui joue des claquettes

Cœurs qui se cognent

Et les yeux voient plus large

Plus large que le paysage

Et on ne sait pas, à cet instant

Que ce sera pour la vie

 

lundi 29 août 2022


Elkartasuna ez da delitua

(Hendaye, 8h 05)

Il fait une chaleur tropicale. Le vent du sud lisse l’océan. Don Quichotte transpire sous son casque. Rossinante s’est envolée. À Urrugne dix jeunes réfugiés ont été chassés de l’église par la police et reconduits à la frontière. Le village entier s’indigne. Elkartasuna ez da delitua, la solidarité n’est pas un délit.

dimanche 28 août 2022


Miniatures éphémères

(Hendaye, 27 août, 15H 30)

Petit blues

sur la fougère poussée sur l'acacia 

samedi 27 août 2022


Presque rien

(Hendaye, 20h 50)

Rien ce soir, presque rien.

Une toute petite idée, fuyante comme une éphémère.

Un homme en équilibre en haut d’un phare.

Il envoie des signaux en morse.

Je ne sais pas ce qu’il dit.

Il va falloir que j’apprenne le morse. 

vendredi 26 août 2022


L'heure

(Hendaye, 9h 05)

Ce matin, il y avait de petites vagues.

À l’aube j’étais à l’eau, profitant de la marée haute.

Quand je suis sorti de l’eau, il était encore tôt. Le ciel était chargé. Il y avait très peu de monde sur la jetée.

J’ai demandé l’heure à un homme solitaire qui allait de travers, les bras tremblants.

Il m’a regardé, interloqué, inquiet.

J’ai répété ma question.

Alors il a souri, un large sourire qui venait de très loin, il a regardé sa montre, longtemps, puis il m’a donné l’heure d’une voix appliquée. Huit heures trente.  Huit heures trente a-t-il répété, comme un enfant qui vient d’apprendre à lire l’heure.

Je l’ai remercié. Il a regardé une dernière fois sa montre. Maintenant il est huit heures trente deux m’a-t-il dit. Et il a continué son chemin. Son pas semblait soudain plus léger.

Si un jour je revois cet homme, je lui demanderais l’heure à nouveau.

 

jeudi 25 août 2022


La bête

(Hendaye, 22 août, 8h 15)

C’était un été sans pluie.

Il avait fallu monter plus haut sur les alpages, juste avant les cailloux.

Trouver de la fraicheur et de l’herbe encore verte pour les bêtes.

Un jour, mon chien a disparu.

Je l’ai appelé pendant deux jours.

Aucune autre réponse que l’écho de mon inquiétude.

Et puis il est revenu, comme ça, sans prévenir, ventre à terre, trainant derrière lui un lourd nuage noir.

Je l’ai vu courir comme un fou sur les crêtes.

Et la pluie est tombée.

Des trombes d’eau cascadant sur les pierres.

La foudre claquait sur les rochers.

Les brebis ne bougeaient plus, collées les unes contre les autres dans une cuvette de verdure.

Je me suis réfugié dans une grotte. L’eau suintait sur les parois. 

J’étais à l’abri, derrière le rideau de pluie qui troublait  le paysage.

Soudain j’ai senti une présence. Derrière moi, dans l’obscurité, tout au fond du trou, deux yeux brillants me fixaient. 

Et ça grognait. Ce devait être gros. Je ne savais pas ce que c’était. Jamais je n’avais entendu ce son.

Alors j’ai pensé à mon fils, un petit sauvage qui n’en faisait qu’à sa tête. Un petit sauvage qui, sous ses airs de dur à cuir, demandait des chansons pour s’endormir.

Et j’ai chanté, tout doucement, une chanson douce, une chanson douce que me chantait ma maman…

Et la bête s’est tu, et la bête a fermé les yeux.

Je ne bougeais pas. J’ai fini par m’endormir, bercé par ma chanson après avoir tant crié le nom du chien.

Au matin la pluie avait cessé. 

La bête était partie.

Il ne restait au fond du trou que quelques herbes sèches gorgées de sang, et le collier de mon chien. 

mercredi 24 août 2022


Cent lignes

(Hendaye, 21 août, 20h 45)

Ligne de vie 

Ligne de chance

À l’école, la sentence tombait sèche comme un coup de règle.

Dix, vingt, trente, cinquante, cent lignes si la faute était impardonnable.

Cent lignes du même mot écrit au porte plume avec pleins et déliés 

N’en déplaise aux instituteurs, j’aimais ça.

Le mot recopié faisait un troupeau qui galopait dans les hautes plaines où je gambadais librement..

Ce soir aucune punition.

Juste 800km entre nous.

Ce sera cent lignes de je t’aime, avec pleins et  déliés. 

mardi 23 août 2022



(Hendaye, 22h 40)

Petite fille en robe blanche qui passe dans la lumière en courant sur le sable 

lundi 22 août 2022


Un ballot de coton sale

(Hendaye, 20 août, 20h 35)

Le ciel est un ballot de coton sale

Les éboueurs ramasse les poubelles pleines

D’une journée de vacances à la plage

La mouette cherche ce qu’il reste des pique-niques

Et Rick compose un blues échappé d’un sac de jute

Les hommes s’appellent de loin en loin

Le vent se lève sur les cotonniers

C’est la mer chargée d’écume qui déborde

Il faut courir, monter en haut des toits

Et attendre, ne rien faire d’autre qu’attendre

On ne peut rien contre une telle force

La récolte sera perdue

Les maisons s’en iront sur l’eau boueuse

Des hommes et des femmes seront engloutis

Mais il en restera un pour chanter le désastre avec son harmonica 

dimanche 21 août 2022


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 17 août, 18h 35)

Un brin de légèreté 

samedi 20 août 2022


Routine

(Hendaye, 7h 55)

La houle était annoncée.

J’ai pris la route la veille.

Il faisait encore nuit.

J’ai vu le jour se lever sur des plaines desséchées.

Je ne pensais qu’aux vagues à venir.

À la radio il y avait une émission sur les rituels quotidiens.

Plutôt, la routine, corrige un « spécialiste ».

Routine nécessaire à notre équilibre, paraît-il.

Sans doute.

À la maison, chaque matin, levé le premier, je salue ma compagne par un baiser au pied de l’escalier. Plus petite que moi, elle reste sur la première marche et nos visages sont face à face.

Ici, à Hendaye, la routine est tout autre.

C’est celle d’un vieux surfeur ivre de vagues et de ciels.

De retour au pays, je reprends ma place pour observer l’océan.

Toujours la même place.

Celle d’où je photographie toujours le même paysage.

Toujours différent.

Aujourd’hui j’ai surfé toute la journée.

Mes épaules me le disent, un peu trop peut-être.

La nuit est tombée.

Et il y a cette autre rituel qui ne cesse pas depuis août 2015.

Choisir une photo et écrire quelques mots.

Comme on range sa chambre après avoir tout mis sans dessus dessous.



(20h 35) 

vendredi 19 août 2022


Un chien sur la montagne

(Hendaye, 21h 10)

Un chien court sur la montagne

il attrape le paysage à pleine gueule

le remue en tous sens

et le rapporte à l’enfant qui applaudit 

jeudi 18 août 2022


Au Mont Saint-Michel de Brasparts

(Mont Saint-Michel de Brasparts, Finistère, 2 juillet, 17h 50)

C’était début juillet. Nous étions montés avec de vieux amis jusqu’à la chapelle Saint-Michel qui se tient fièrement au sommet du mont Saint-Michel de Brasparts culminant à 381m dans les monts d’Arrée.

C’est  « Le Chemin des Brumes », le très beau film de Xavier Liebard qui m’a fait découvrir cette région. Après avoir vu ce film je n’avais qu’un désir, marcher sur ces pentes battues par les vents à la rencontre de ses rares habitants.

Nous  y sommes allés une première fois il y a quelques années, à l’automne. Grimpant vers la chapelle  Saint-Michel sous des trombes d’eau, mouillés jusqu’à l’os, nous avions fait demi-tour.

Nous y sommes retournés par temps clair, impressionnés par ce paysage de landes sauvages.

Cet été, nous y conduisons nos amis. Le vent souffle fort. Arrive-t-il au vent de cesser de souffler sur la chapelle Saint-Michel? Sur les pentes la bruyère fleurie sur la lande rase. La vue s’ouvre sur 360°. En apercevant à l’est le lac du réservoir Saint-Michel entouré de tourbières, il est impossible d’imaginer que le feu puisse un jour s’emparer des lieux. Dans la chapelle qui veille comme une immortelle amie, l’autel est couvert d’ex-voto.

Mais surtout, sur la pente ouest, il y a cette souche qui se dresse à l’écart, totem voué à des rites païens, gorgone à têtes d’oiseaux, mémoire des arbres ayant fuit les vents violents, splendide hommage aux forces naturelles.

Et puis l’inimaginable est arrivé, la montagne a brûlé, une quinzaine de jours après notre passage.

La chapelle a été épargnée, tout autour est calciné.

Que reste-t-il de la souche? Sans doute quelques morceaux de charbons de bois. Bras ouverts elle a reçu le feu. Sa forme est une ancre blanche dans ma mémoire.

La lande reviendra. Il faudra de la patience.


 



mercredi 17 août 2022


Ainsi va 

(Vaucresson, 18h 20)

Le dos d’une guêpe posée sur une grande ciguë

Quelle cérémonie se joue ici?

Masque mortuaire encadré d’ailes de verre

Il faut regarder en dessous

Pour apercevoir les crocs de l’araignée crabe

Plantés dans le ventre de la butineuse

Ainsi va




mardi 16 août 2022


Le 15 août à Saint-Cucufa

(Étang de Saint-Cucufa, 15 août, 12h 45)

Le 15 août à Saint-Cucufa

Nous marchons dans les sous bois

Jusqu’aux vergers sur les hauts de Rueil

Nous cueillons des mûres et des baies d’aubépines

Quelques pommes tombées du pommier aussi

Au creux du bois ça sent la pluie

Pourtant les sentiers sont encore secs

Je voudrais me faire petit pour visiter

Ce terrier béant au bord du chemin

Saluer ses habitants et parler Renard

Sur une sente plus large un cheval est passé

Son odeur flotte au dessus des ronces

Arôme d’une histoire ancienne

Nos doigts sont violets 

Quelques égratignures aux mollets

Le panier se remplit

Au retour nous longeons l’étang

Loin de la mer je suis la mouette

Posée sur l’eau, elle est le nénuphar

Dame de cœur et roi de cœur

Nous parlons de l’avenir

Il suffit d’un rien pour que le reflet se trouble

 

dimanche 14 août 2022


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 13 août, 17h 45)

Le chant du cygne 

samedi 13 août 2022


La fièvre du samedi soir

(Carennac, Lot, 7 août, 22h 25)

Un samedi soir sous la lune, j’ai vu une jeune femme sauter du haut d’une tour sur le dos d’un âne avec de grandes ailes, et l’âne bandait si fort que l’ombre de son vit se détachait sur les murs, et l’âne brayait si fort qu’il couvrait les voix des hommes qui chantaient non non ma fille tu n’iras pas danser. De partout arrivaient chevaux , zèbres, poneys, tous ailés, et les femmes les enfourchaient avec ferveur, et le ciel étoilé était traversé de fulgurances, et les sabots de cette folie d’équidés piétinaient l’orgueil des hommes.

 

vendredi 12 août 2022


The Sound of Silence

(Emilie Hedou Trio, Marciac, 6 août, 12h 25)

Elle a une voix à réveiller les morts, tandis que ses acolytes ponctuent le concert de blagues potaches, et la joie est communicative.

En fin de set ils reprennent The Sound of Silence de Simon et Garfunkel. Le publique chante, les larmes viennent, incontrôlable nostalgie.

Devant moi un couple de septuagénaires se prennent dans les bras, essuyant discrètement leurs joues humides.

On tente de faire bonne figure, mais ce qui se joue là est bien plus que de la simple nostalgie.


Hello darkness, my old friend

I've come to talk with you again

Because a vision softly creeping

Left its seeds while I was sleeping

And the vision that was planted in my brain

Still remains

Within the sound of silence

In restless dreams, I walked alone

Narrow streets of cobblestone

'Neath the halo of a street lamp

I turned my collar to the cold and damp

When my eyes were stabbed by the flash of a neon light

That split the night

And touched the sound of silence

And in the naked light, I saw

Ten thousand people, maybe more

People talking without speaking

People hearing without listening

People writing songs that voices never shared

And no one dared

Disturb the sound of silence

"Fools" said I, "You do not know

Silence like a cancer grows

Hear my words that I might teach you

Take my arms that I might reach you"

But my words, like silent raindrops fell

And echoed in the wells of silence

And the people bowed and prayed

To the neon god they made

And the sign flashed out its warning

In the words that it was forming

Then the sign said, "The words on the prophets are written on the subway walls

In tenement halls"

And whispered in the sound of silence

 

jeudi 11 août 2022


Le silo à grain

(Marciac, Gers, 5 août, 23h 05)

Ses pensées se diluent dans la nuit trop chaude

Aquarelle posée là par un innocent

Il allume une pipe de tabac sec

Il voudrait peindre la forme de son cœur

Il voudrait chanter la forme de son cœur

C’est un soir d’été sans electricité

Il voudrait un banjo pour l’accompagner

Il s’est échoué là au pied d’un silo à grain

Dans la masse sombre de métal

Il entend les petites mains assoiffées par les machines

Un grillon solitaire entonne un refrain mélancolique

Il reste immobile dans sa voiture aux pneus usés

Les portières ouvertes au vent et au silence

Il attend que quelque chose se passe

Plus puissant que les chauves-souris qui filent dans la nuit

Il vocalise, cherche sa voix la plus grave

Une voix qui viendrait comme un torrent souterrain

Une voix qui couvrirait les craquements des feuilles mortes

Une voix qui couvrirait les pas des foules sur la terre mourante

Il vocalise pour embrasser, pour enlacer, pour étreindre

Il cherche des contre-feux dans la nuit de cendres

Il cherche l’innocence flamboyante

Il voudrait peindre la forme de la nuit

Il voudrait chanter la forme de la nuit

Et le ventilateur du silo se met en marche

Un grondement mécanique qui éteint le chant du grillon

Et si c’était un cargo, un paquebot, une arche

L’humanité embarquée vers une aube nouvelle

Au matin les collines jaunes seraient des vagues

Et l’on verrait s’éloigner un navire de couleurs

Un navire barré par dix hommes à la fois

Un navire de fraternité porté le chant des femmes et des enfants

 

mercredi 10 août 2022


Le liseron sur l'arroche des jardins

(Marciac, Gers, 6 août, 11h 50)

Le jardinier essuie son front dégoulinant de sueur.

Des fumées noires s’élèvent à nouveau à l’ouest

Il ne reste plus beaucoup d’eau dans les réserves

Mais il y a le liseron qui s’accroche à l’arroche des jardins

Le soleil soudain léger dans la transparence des feuilles

Et l’enfant haut comme trois pommes qui tend le cou

Pour renifler la belle de jour attirante comme une friandise

L’enfant qui tombe la tête la première dans les feuilles rouges

Le jardinier relève l’enfant, l’enfant qui rigole une feuille sur le nez

Et le jardinier répète: C’est le liseron qui s’accroche à l’arroche

Et l’enfant répète: yayaya yaya yaya ya yayaya 

mardi 9 août 2022


Au cimetière de Saint-Maixent-de-Beugné

(Saint-Maixent-de-Beugné, Deux-Sèvres, 0h 25)

La lune

Le ventre d’une femme qui attend des jumeaux

C’est l’heure où les morts chantent le blues

Un chat blanc glisse entre les tombes

Au cimetière de Saint-Maixent-de-Beugné

J’attends que la terre se soulève

 

lundi 8 août 2022


La gargouille

(Carennac, Lot, 11h 50)

Chevaucher les dragons, danser sur les toits, se percher au sommet des cèdres bleus, d’en haut les grandes personnes sont muettes et minuscules.

Combien de fois avait-on retrouvé le petit Arthur en équilibre sur une corniche de pierre, tout en haut du clocher, ou à cheval au faîte du toit du château.

On le découvrait au matin chantant à tue tête des hauteurs.

Effaré, on le regardait sans comprendre comment cet enfant si petit était monté là-haut. On s’attroupait, on s’inquiétait, on s’interrogeait.

Avait-il escaladé le bâtiment avec le Vieux dont on connaissait les facéties? 

Non, le Vieux ne l’aurait pas laissé seul là-haut. Et puis lui-même était-il encore capable de grimper ainsi?

Personne ne comprenait.

Alors on allait chercher des échelles, des cordes, et on s’y mettait à plusieurs, jeunes gens encore vaillants, pour faire redescendre le petit.

L’enfant parlait alors de tout ce qu’il voyait d’en haut, des prairies jaunies, des arbres secs, du bétails serré dans les moindres coins d’ombre, des allers et venus des uns et des autres, de la rivière qui avait maigri, des oiseaux qui venaient le saluer, mais jamais il ne dit comment il était arrivé là.

Le Vieux lui, savait. Le Vieux seul connaissait les secrets d’Arthur.

C’était une gargouille au gosier trop sec, un dragon de métal qui le soir se décrochait du toit pour aller tremper ses lèvres dans la rivière.

Une nuit Arthur était sorti en catimini pour cueillir des lucioles. Il avait rencontré le dragon sur la berge. 

Arthur avait promis à la gargouille de ne rien dévoiler de ses escapades en échange de quelques tours de manège.

dimanche 7 août 2022

samedi 6 août 2022


La danse de la pluie

(Marciac, Gers, 11h 30)

L’homme tourne dans son jardin comme un derviche.

C’est la danse de la pluie me dit-il.

Vous pensez que ça marchera?

Oui, je danserai jusqu’à épuisement s’il le faut. 

vendredi 5 août 2022


La terre a soif

(Sur la D 3, entre Beaumarchés et Marciac, Gers, 16h 25)

Les tournesols ont mauvaise mine

Le chien a la langue pendante

Le vieux dit qu’il n’a jamais vu ça

 

jeudi 4 août 2022


Le grenier

(Hendaye, 7h 50)

Il y avait une échelle de meunier

Une porte tout en haut

Un rai de lumière sous la porte

Le grenier

Une malle en bois de camphrier

Parfum des tropiques

Des robes de soie

Fleuries, colorées

Une rumeur joyeuse

Un monde foisonnant

On va à vélo

Le long du Mékong

Ou dans de longues voitures noires

On se tait quand il pleut


Un rai de lumière sous la porte

Je me glisse sous la porte

Le grenier

Le parfum du camphre

Je me souviens 

De ce que l’on ne m’a jamais raconté 

mercredi 3 août 2022


Le chauffeur

Charles 

(Hendaye, 30 juillet, 21h 25)

Une Cadillac roule le long, le long de la plage.

La plage est longue, la plage n’en finit pas.

Le chauffeur a chaud, le chauffeur se tait.

La sueur coule sous sa casquette.

Le col de sa chemise est humide.

La radio joue du Chopin, il voudrait changer de fréquence.

Il voudrait un riff de guitare.

Chopin c’est pour madame qui s’ennuie à l’arrière en regardant la mer.

Madame boit du piano, elle boit pour oublier.

Elle ne sait plus quoi, alors elle boit du piano du matin au soir.

Et lui, le chauffeur, il voudrait un riff de guitare, un solo de batterie.

Il voudrait que la voiture décolle, trace dans le ciel.

Et sa casquette qui tombe au premier looping.

Il a chaud, trop chaud.

Son cul colle au siège de cuir.

Un riff de guitare, s’il vous plait.

Comment qu’avez vous dit Charles  (dans les histoires tous les chauffeurs s’appellent Charles)?

Ça lui a échappé.

Hé bien qu’avez vous dit Charles?

Heu… Un riff de guitare… Je voulais….

Madame pose sa main sur l’épaule de Charles.

Arrêtez vous, Charles.

La Cadillac s’arrête, c’est un bateau qui accoste.

Déshabillez vous Charles et allez nager.

Mais madame, je ne sais pas…

Allez y Charles, je vous le demande, plongez, l’eau doit être fraiche.

Mais madame, je…

Allez y puisque je vous le dit.

Alors Charles se déshabille, court, plonge et se noie.