lundi 31 août 2020


La lune hésite


(Hendaye, 20h 50)

La lune hésite, gravir la pente ou rouler sur les toits jusqu’à ma fenêtre.
Depuis le temps que je dis que je t’offrirai la lune…

dimanche 30 août 2020


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 30 juillet, 11h 45)

Le boulier
ou
L’heure des comptes

samedi 29 août 2020


Photographier la pluie


(Hendaye, 19h 20)

Averses, draches, radées,
un cheval au galop qui pisse sur un voilier solitaire.
Souvent je me demande comment photographier la pluie.
Parfois j’essaye,
avant de m’abriter ou de me laisser aller à l’eau qui ruisselle.
L’artiste Philippe Dereux qui composait ses tableaux avec des épluchures,
écrit dans son Petit Traité des Épluchures sa joie lorsqu’après des mois de recherche il trouve
comment figurer l’eau et la pluie avec une fine peau de melon.
J’essaierai encore longtemps de photographier la pluie.

vendredi 28 août 2020



Au bord du monde


(Hendaye, 16 août, 21h 16)

C’était un jour d’oisiveté, un jour sans vagues.
La terre me semblait plate.
Des hommes et des femmes couraient d’un bout à l’autre
pour maintenir l’équilibre.
je me tenais assis au bord du monde,
balançant mes jambes au dessus du vide.
Je me demandais s’il n’était pas temps d’aller voir ailleurs.

jeudi 27 août 2020


Une vilaine tension


(Saint-Pantaléon-de-Lapleau, Corrèze, 6 août, 13h 45)

Il y avait cette tension dans l’air. Partout.
Une tension qui perçait sa peau, venait se loger au creux de son ventre.
Il avait quitté la ville, marché à travers les collines dans le soleil d’été.
Il avait sué dans les côtes, couru dans les pentes, et toujours ce point au creux de l’estomac.
S’assoir à l’ombre d’un arbre dans une campagne où chaque chose semblait être à sa place, n’avait pas suffit.
De temps en temps le vol d’un avion militaire à l’entrainement perturbait le calme des lieux.
Mais cela n’était pas la source de cette vilaine tension, ça ne faisait que l’accentuer.
Assis dans l’ombre, il avait fermé les yeux. Son ventre avait gargouillé, un tout petit gargouillis.
Il s’était alors souvenu de l’histoire de Néron et de sa grenouille, qu’on venait de lui raconter.
Néron désirant vivre lui-même une grossesse avala un têtard puis quelque temps plus tard vomit une grenouille.
Se remémorer cette légende l’avait amusé et l’avait spontanément libéré de cette si coriace tension.
Et puis il avait repensé à Néron, aux horreurs dont on l’accusait, à la fin d’un monde dont il fut empereur.
La tension était revenue se loger au cœur de ses entrailles aussi vite qu’elle s’en était allée.

mercredi 26 août 2020


Un train à vapeur


(Fabas, Ariège, 19 juillet, 21h 55)

Cette nuit là, j’ai pris un train à vapeur pour rejoindre mes ancêtres.
J’ai mangé des écrevisses avec ma grand-mère au wagon restaurant.
Elle décortiquait les crustacés avec beaucoup d’élégance.
À la table voisine il y avait un général et un libraire argentin.
j’avais quelques questions à leur poser.
Au moment de parler le train a sifflé et je me suis réveillé.
Je ne me souvenais absolument pas de la teneur de mes questions.

mardi 25 août 2020



C'est cadeau




(Hendaye, 24 août, 21h)

Il y a un trou dans ses semelles. Il lui faut une nouvelle paire de chaussures. Il en trouvera demain. C’est comme ça, quand il faut changer de chaussures il en trouve toujours, d’autant plus que c’est son anniversaire aujourd’hui, c’est écrit dans le ciel. 
Max marche depuis longtemps, il a toujours marché, il ne fait que ça, marcher. Sans doute s’est-il mis en chemin le jour de sa naissance, sans se retourner. Max ignore d’où il vient, qui sont ses parents, le jour de sa naissance. Max ne sait ni lire, ni écrire. Il parle à peine, le plus souvent à son chien, Fixe, une boule de poils blancs. Quand il faut signer un papier, cela arrive quand il se fait ramasser par les flics, il fait une croix. Une croix, c’est son nom, ça veut dire Max. Alors une croix et la lune ce soir, c’est forcément son anniversaire, son anniversaire et celui de Fixe puisqu’ils vont ensemble.
Max est allongé dans le sable, Fixe à ses côtés, sous trois grands plumeaux au bout d’une plage parfumée aux algues rouges.
- Regarde Fixe, c’est pour nous là haut, c’est cadeau, bonne fête mon chien.



lundi 24 août 2020


Les dinosaures amoureux


(Hendaye, 23 août, 7h 35)

Encore un matin
encore un ciel
duos de nuages au dessus des jumeaux de pierre
danse de dragons ou de ptérosaures
« Les dinosaures amoureux ne s’éteignent jamais car ils connaissent le secret du véritable amour »
cette phrase entendue dans le très beau film de Wang Quan’an
La femme des steppes, le flic, et l’oeuf
un film où le ciel est omniprésent
un film où un flic solitaire danse sur Love me Tender autour d’un cadavre étendu dans la steppe
un film où un couple s’unit contre les flancs d’un chameau
un film dans lequel on aimerait habiter




dimanche 23 août 2020


Miniatures éphémères


(Travaillan, 15 juin, 11h 30)

Le Mylabre inconstant et le rêveur

samedi 22 août 2020


L'encrier


(Hendaye, 7h 05)

Ce matin
j’ai rempli l’encrier
puis je suis allé surfer 
c’est tout

vendredi 21 août 2020


Pluie d'été


(Hendaye, 21h)

Le rouge est à l’est et pourtant c’est le soir.
La lumière apaise le corps fourbu.
La houle est revenue, j’ai surfé sous l’orage.
La mer sous une violente averse, un paysage de collines piquetés de milliers de points blancs sous un ciel de hachures, et la pluie qui claque sur la peau.
Vision aussi puissante à mon goût que celle d’un tube translucide.
Sortir de l’eau quand le tonnerre gronde trop près, rentrer en prenant son temps,
laisser la pluie couler sur le visage, sur les épaules, sur le dos,
pluie d’été, pluie nourricière, pluie tant attendue.
Et revenir au ciel retourné quand vient l’accalmie.

jeudi 20 août 2020


Je suis...éleveur


(Mas-d’Azil, Ariège, 20 juillet, 9h 30)

Je faisais une pause sur la route aux abords de la grotte du Mas-d’Azil.
Il était encore tôt, le bar et la boutique de souvenirs étaient fermés, il n’y avait que deux hommes, silencieux, à distance l’un de l’autre, assis à l’ombre d’un arbre, et un âne qui attendait, tranquille. L’homme le plus âgé portait un sac de toile en bandoulière. C’était un bel homme, d’une quarantaine d’années, grand, le visage buriné, les cheveux bouclés éclaircis par le soleil, vêtu d’un short et d’un t-shirt rouge, chaussé de grosses chaussures de marche. L’état de ses vêtements laissaient penser qu’il devait dormir à la belle étoile depuis pas mal de nuits. Le deuxième était beaucoup plus jeune, un visage d’adolescent, les joues rougies, un lourd sac à dos à ses côtés.
Au moment où ils allaient repartir, je leur ai demandé où ils allaient. L’homme le plus âgé m’a répondu, dans un mauvais français, d’une voix aussi ferme que douce. Ils faisaient le chemin de Compostelle, aller et retour, depuis l’Allemagne d’où ils venaient, trois mois de marche avec l’âne. Le jeune homme nous regardait avec un léger, très léger sourire. C’est votre fils? ai-je demandé. Non, c’est programme pour jeune, je suis… élévateur…éleveur. Il voulait dire éducateur. Mais le mot éleveur, avec un accent tonique sur le e, me semblait soudain tellement juste et beau. Au XII ieme siècle cela voulait dire « celui qui élève moralement ».
Je me suis dit que ce jeune homme avait bien de la chance.

mercredi 19 août 2020

mardi 18 août 2020



Dans le ciel du soir


(Hendaye, 20h 45)

J’ai vu danser dans le ciel du soir l’âme d’un défunt
un long fil reliait le cerf-volant de papier à un homme sur la plage
gestes brefs et saccadés de l’homme, voltes et virevoltes du cerf-volant
impossible de dire qui menait la danse, l’homme ou le défunt…


lundi 17 août 2020

dimanche 16 août 2020


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 28 juillet, 16h 50)

Veiller sur les courges

 

(Tulle, Corrèze, 4 août, 9h25)

samedi 15 août 2020


Le pinceau du calligraphe


(Mont Ursuya, Urcuray, Pyrénées-Atlantiques, 14 août, 16h 15)

Sur le mont Ursuya,
les pottoks, les mouches
 et le pinceau du calligraphe

vendredi 14 août 2020


Le grain de beauté sur le sein de Monique

 

(Vue d’un sentier en redescendant de l’Ursuya, Urcuray, Pyrénées-Atlantiques, 17h 45) 

Quand j’ai demandé à Patxi pourquoi il avait laissé un arbre seul sur son pré, il m’a répondu, le regard plein d’amour: C’est à cause du grain de beauté sur le sein de Monique. 

jeudi 13 août 2020

mercredi 12 août 2020


Le fantôme de l'Escargot


(Neuvic, Corrèze, 5 août, 17h 20)

Il y avait un fantôme à L’escargot, un maître d’hôtel qui prenait son temps.
Nous avons diné ensemble.
Monsieur Cyprien, même son patron l’appelait Monsieur, assurait un service exemplaire,
du grand art, une dextérité imparable, en trente ans de métier pas la moindre tache sur les nappes, un sens de l’accueil à toute épreuve, avec trois mots il faisait sourire le client le plus ronchon.
Mr Cyprien avait été élevé par un cheminot pour qui l’éloge de la lenteur n’était pas incompatible avec le progrès. Il conduisait le Tacot, ce tramway à vapeur qui traversait la Corrèze.
Mr Cyprien avait toujours pris son temps, comme son père. Il y avait des protocoles à respecter, geste à geste, comme la façon de présenter son pardessus au client au moment de sortir, le discret et délicat geste de la main pour ôter une poussière sur le manteau, la manière de tenir la porte, la tête très légèrement inclinée, le ton chaleureux sans être trop affable de l’au-revoir.
Tout allait bien pour Mr Cyprien dont la vie et le travail étaient réglés comme une horloge, jusqu’au jour où le grand hôtel de Neuvic  changea de patron, un patron moderne pour qui il n’y avait de rentabilité sans rythme effréné. Question de tempo disait-il, bousculant ses employés par de constants hop hop hop. Ce fut le premier qui omis le monsieur devant Cyprien.
L’irréparable arriva lorsqu’un jour monsieur Cyprien  excédé par un hop hop hop plus violent que d’habitude perdit ses moyens et les verres tremblant sur son plateau laissèrent échapper une goutte de vin sur le revers d’un notable.
Le nouveau patron s’en prit alors publiquement à Mr Cyprien, prenant à témoin la salle entière de son incompétence.
Le soir même Mr Cyprien se pendait dans sa petite chambre au dernier étage de l’hôtel.
On étouffa l’affaire, on parla de dépit amoureux, on oublia Mr Cyprien.
Quelques clients depuis s’étaient plaints d’étranges bruits et rencontres nocturnes dans cet établissement. L’un d’eux avait même trouvé au petit matin dans sa chambre une table mise parfaitement, garnie de tout ce qu’il fallait pour le petit déjeuner, alors qu’il n’avait rien demandé, ni entendu. Personne ne fut capable de dire qui en était responsable. Ces curieux évènements altérèrent la réputation du lieu.
J’ai déjà rencontré des fantômes, je dois dire que je cherche même leur compagnie, ils en savent tellement plus que nous. Peut-être qu’en les fréquentant aurais-je quelques indices sur une question qui taraude tout être humain…
Une connaissance, un médecin disons peu orthodoxe, m’avait parlé du fantôme de l’Escargot.
L’hôtel était fermé depuis longtemps. Le patron indélicat avait fait péricliter la maison jusqu’à la faillite.
En arrivant à Neuvic je suis longtemps resté dans une ruelle face à l’hôtel, cherchant comment pénétrer dans ce bâtiment dont les portes avait été barricadées.
La nuit venait à peine de tomber lorsque j’aperçus une silhouette au premier étage. Elle me regardait, j’en étais sur, ses yeux brillaient, je les sentais fixés sur moi. Elle fit un signe, indiquant la porte sous la fenêtre. Quand je m’approchai, la porte s’ouvrit . Un homme se tenait là, en livrée, la tête légèrement inclinée. Il me conduisit dans la grande salle de restaurant, vide et poussiéreuse. Chacun de mes pas marquait le plancher sale tandis que lui semblait si léger qu’il ne laissait aucune trace. Il ne restait qu’une table, deux chaises et un perroquet dans un coin. La table était mise, le repas servi. L’homme m’invita à lui laisser ma veste qu’il accrocha avec précaution, puis m’indiqua l’une des deux chaises. Il prit place en face de moi.
Tout était parfait sur cette table, nappe blanche, verres translucides, assiettes de porcelaines, couverts en argent impeccablement lustrés. Dans un plat sous cloche attendait un confit de canard accompagné de pommes de terres rissolées,  en parfait accompagnement, une bouteille de Saint-Émilion était déjà débouchée.
Il m'a servi puis m’a raconté son histoire, jusqu’à son suicide et ses errances dans l’hôtel, sachant qu’il ne trouverait de repos que lorsque qu’il servirait dans les règles de l’art un client venu pour l’écouter.
Le repas fut délicieux, son récit captivant. Mr Cyprien ne mangea rien, il parla, je dévorai le plat en entier.
Puis il m’aida à enfiler ma veste, ôta délicatement une poussière sur l’épaule, me conduisit à la sortie. Il souriait.
La porte se referma derrière moi sans un bruit. Je me retournai, cherchai comment rouvrir cette porte obstruée par une planche, impossible.
Le plus étrange est que j’avais une faim de loup alors que je venais d’engloutir une double portion de confit, et que je ne ressentais pas la moindre ivresse après avoir bu seul la bouteille de Saint-Émilion.

mardi 11 août 2020


Quand s'éteint le sourire


(Fontarrabie, Espagne, vue d’Hendaye, 21h 05)

L’orage tourne et passe.
Tout est calme sur la Bidassoa.
Les navettes entre Hendaye et Fontarrabie ont repris leur ronde.
Tout est normal, si ce n’est que les passagers sont masqués.
Il y avait autrefois à la place du port de Sokoburu, une plage,
au bout de cette plage un blockhaus, à moitié recouvert à marée haute,
là où passe maintenant la navette.
C’est ici, entre la France et l’Espagne que j’ai appris à nager.
À marée basse on pouvait rejoindre l’Espagne à pied.
Pendant la guerre civile beaucoup fuyaient par là.
C’est ce que me raconte ma mère.
Elle a quatre vingt quinze ans, la dernière de sa génération dans la famille.
Elle n’a plus ses frères et sœurs pour partager ses souvenirs.
Elle nous raconte.
Reviennent souvent ces deux événements qui l’ont profondément choquée:
La terrible bataille d’Irun et la fuite des civils par la Bidassoa en 1936,
et, à la libération en 1945 à Toulouse, les foules revanchardes s’acharnant à coup de tondeuse sur des femmes accusées d’avoir couché avec l’ennemi.
De tout ce que raconte maman, ce sont sans doute les seuls récits où son sourire s’éteint.
Il revient vite heureusement.
Si l’on devait dessiner un blason à notre famille, ce serait un sourire.
Et voilà que le mien faiblit derrière le masque, face aux hordes de flics qui contrôlent à tout va.

lundi 10 août 2020


Monde froissé


(Micrommata virescens sur Hibiscus, Vaucresson, 1er août, 18h 40))

 Monde froissé
prêt à basculer
sur le bord extrême
un être minuscule
maintient l’équilibre

dimanche 9 août 2020


Miniatures éphémères


(Montagne de Céüse, Hautes-Alpes, 23 juillet, 12h 30)

Graines


(Vaucresson, 30 juillet, 11h 40)

samedi 8 août 2020


Vierge de solitude


(Vierge de solitude, pierre polychrome, XV ième, Abbaye de Moissac, Tarn-et-Garonne, 11h)

Tant de douceur et de mélancolie
désir de consoler la pierre
poser la main sur le drapé
peut-être est-elle inconsolable
peut-être est-ce ainsi qu’elle a perdu ses couleurs
trop d’attention 
depuis des siècles

vendredi 7 août 2020



Les tziganes


(Sur la route entre Saint-Romain et Moissaguel, Tarn-et-Garonne, 21h 25)

Ce matin la belle et truculente Bachka, artiste polonaise, m’a raconté cette histoire:
Lors de sa première exposition, à Lapleau, une vieille femme profondément émue par l’une de ses peintures ne pouvait s’en détacher, comme si elle avait reconnu les personnages du tableau, un couple de tziganes. Bachka s’est approchée attentive à l’émotion de la femme. Celle ci lui dit alors qu’elle ne connaissait pas ces deux personnes précisément, mais qu’elle avait pendant la dernière guerre caché des tziganes pourchassés par les nazis. Ce couple du tableau lui rappelait tous ces gens qui s’étaient terrés dans sa cave. Touchée par cette histoire, Bachka offrit la peinture à la femme. 
Quelques semaines plus tard elle reçut une lettre de cette dame qui la remerciait et disait combien elle était heureuse que ces deux tziganes aient quitté la cave et  trônent maintenant au salon en pleine lumière.

jeudi 6 août 2020

Elephant Man
 (Saint-Pantaléon-de-Lapleau, Corrèze, 14h 50)

Trois jeunes cerfs,
une cabane en plein bois, « Ma Liberté » inscrit au dessus de la porte,
les bruyères et les hauts sapins,
le chant d’un filet d’eau sur les galets d’ardoises,
une touffe de plumes de geai,
c’était une douce promenade dans la forêt de Saint-Pantaléon.
Quand dans le sous bois j’ai aperçu Elephant Man,
je me suis demandé si cette cabane n’était pas la sienne,
s’il n’avait pas fait fuir les cerfs et mangé le geai.


mercredi 5 août 2020


La tendresse


(La Clauzade, Saint-Germain-les-Vergnes, Corrèze, 4 août, 18h)

Souvent la tendresse fait légèrement pencher la tête sur le côté.

mardi 4 août 2020


Une feuille de platane sur le laurier rose


(Travaillan, 22 juillet, 13h 20)

Ils sont côte à côte dans leurs fauteuils de rotin sur la terrasse pavée de tomettes.
Ils se tiennent par la main, face au laurier rose qui filtre la lumière.
Une feuille de platane portée par le vent s’est posée sur les longues feuilles du laurier.
Feuille large et dentelée en partie jaunie, intruse dans le feuillage vert de l’arbuste.
L’homme et la femme sont silencieux.
Elle se demande qui est cet homme qui lui tient la main.
Il se demande si l’intérieur de la tête de sa femme ressemble à cette feuille.

lundi 3 août 2020


Une chouette


(Frasnay-Reugny,  Nièvre, 24 juillet, 22h 15)

Il était grand et lourd. Ils avaient choisi un lit immense pour leur nid d’amour. 
Il a laissé de son coté du lit un creux. Un creux qui restera vide, définitivement.
Le village s’est endormi. Elle, non. Elle récite des poèmes, la main abandonnée dans le creux du lit.
Ses yeux se ferment, lentement.
Elle ne voit pas la chouette à la fenêtre qui la regarde de ses yeux ronds et  bouge  la tête en petits gestes précis et saccadés.

samedi 1 août 2020


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 10 juin, 10h 10)

La sieste

Cinquante cinq secondes


(Frasnay-Reugny, Nièvre, 25 juillet, 17h 10)

il est étendu dans l’herbe sèche, son chapeau sur la poitrine. Il ne bouge pas. Il ne dort pas. Il regarde, il écoute, immobile. Un papillon blanc s’est posé sur son bras. Il compte jusqu’à ce qu’il s’envole. 55, le papillon est resté cinquante cinq secondes sur son bras, c’est beaucoup dans la vie d’un papillon. 
Félix est chez lui au bout de ce chemin. Les arbres y sont tordus, animaux préhistoriques, chimères, ou tordus comme finissent tous les vieux de sa lignée dont la colonne vertébrale s’incurve lentement vers la terre.
Allongé, son dos soulagé épouse les creux du terrain. Il tend l’oreille. Il espère un infime bruit d’eau qui ne vient pas. Habituellement coule ici un petit ruisseau, il faut les bottes pour le traverser. Aujourd’hui, rien, pas le moindre filet d’eau, la terre est dure et sèche, craquelée.
Les collines sont jaunes, de nouvelles fissures sont apparues dans la maison construite sur un sol argileux qui se recroqueville comme une main se referme. Il faudra rajouter des tire-fonds dans les murs.
Félix se demande s’il sera encore là quand la maison ne tiendra plus, quand les abreuvoirs seront vides, quand il ne restera que les troncs tordus et blanchis.
Le papillon revient se poser sur son bras, au même endroit exactement.
Félix se remet à compter, à 55 le papillon est toujours là...