Cinquante cinq secondes
(Frasnay-Reugny, Nièvre, 25 juillet, 17h 10)
il est étendu dans l’herbe sèche, son chapeau sur la poitrine. Il ne bouge pas. Il ne dort pas. Il regarde, il écoute, immobile. Un papillon blanc s’est posé sur son bras. Il compte jusqu’à ce qu’il s’envole. 55, le papillon est resté cinquante cinq secondes sur son bras, c’est beaucoup dans la vie d’un papillon.
Félix est chez lui au bout de ce chemin. Les arbres y sont tordus, animaux préhistoriques, chimères, ou tordus comme finissent tous les vieux de sa lignée dont la colonne vertébrale s’incurve lentement vers la terre.
Allongé, son dos soulagé épouse les creux du terrain. Il tend l’oreille. Il espère un infime bruit d’eau qui ne vient pas. Habituellement coule ici un petit ruisseau, il faut les bottes pour le traverser. Aujourd’hui, rien, pas le moindre filet d’eau, la terre est dure et sèche, craquelée.
Les collines sont jaunes, de nouvelles fissures sont apparues dans la maison construite sur un sol argileux qui se recroqueville comme une main se referme. Il faudra rajouter des tire-fonds dans les murs.
Félix se demande s’il sera encore là quand la maison ne tiendra plus, quand les abreuvoirs seront vides, quand il ne restera que les troncs tordus et blanchis.
Le papillon revient se poser sur son bras, au même endroit exactement.
Félix se remet à compter, à 55 le papillon est toujours là...
Your stories are experiences we can share. Not many can do that.
RépondreSupprimer