mercredi 30 septembre 2020


Annulations

(Le Tréport, Seine-Maritime, 17h 05)


C’est marée haute.

Elle a mis sa robe des grands jours,

celle des récitals,

la robe lamée portée à Vienne, Paris ou Milan.

Au sémaphore du Tréport,

elle a jeté à la mer ses contrats annulés,

puis elle est allée jouer ses économies

au casino. 

mardi 29 septembre 2020


Un monde intérieur

(Amiens, Somme, 15h 25)


"À quoi ça sert d’avoir un beau monde intérieur si tu ne le fais pas visiter."

                                                                                             (Philippe Avron) 

lundi 28 septembre 2020

 

À la fontaine-lavoir de Saint-Léons

(Saint-Léons, Aveyron, 22 mai 2018)


Le bossu vient à la fontaine-lavoir après les femmes.

On le laisse seul. Personne n’ose laver son linge dans la même eau.

Il ne vient que les jours de beau temps, entre 16h 30 et 16h 45,

à l’heure où le soleil effleure les marches du lavoir,

à l’heure où le soleil irise l’eau des couleurs de ses rêves.

Il n’y a que cette eau là pour laver son linge de bossu.









samedi 26 septembre 2020

 

Miniatures éphémères

(Arboretum de Chèvreloup, Rocquencourt, 21 septembre, 17h 20)

J’ai aperçu la feuille de chardon dans un rayon de soleil. Immédiatement j’ai déposé l’un de mes personnages dans ce qui me semblait être le ventre d’un dragon. J’avais déjà en tête le titre de cette miniature: Help! 

Ce n’est qu’en chargeant et agrandissant la photo sur l’ordinateur que j’ai vu ce visage bienveillant en haut de la feuille. Il me fallait un autre titre. Je n’ai pas trouvé.


 

Un paysage

(Lagune de Venise, 24 janvier 2018)

Quand le cœur tangue

s’amarrer au paysage





vendredi 25 septembre 2020


Le chant 

(Rome, 14 avril 2017)


Hors champ, il y a une femme qui chante.

L’homme la regarde.

Elle n’est pas d’ici.

Elle est de ceux qui dorment sur les berges.

Elle est de ceux qui montent dans les trains un gobelet de carton à la main.

Sa voix roule comme les galets au fond de la rivière.

Sa voix vient de très loin.

Elle chante, envers et contre tout.

jeudi 24 septembre 2020

 


(Arboretum de Chèvreloup, Rocquencourt, Yvelines, 21 septembre, 16h 40)

L’ange déchu

mercredi 23 septembre 2020

 

L'été sans fin

(Vaucresson, 22 septembre, 18h 40)


Le figuier se penche comme un homme accablé ou, selon l’humeur, comme un homme qui cherche ses lunettes. Les branches basses rejoignent les soleils dont c’est le moment, créant en cet endroit une rafraîchissante luxuriance tandis que le reste du jardin est jaune et sec.

C’est la première fois depuis que nous avons planté cet arbre il y a vingt ans que la deuxième floraison arrive à maturité. Chaque jour je cueille une livre de figues vertes délicieusement sucrées. La récolte de juillet fut un régal, celle ci l’est autant; les fruits, ou plutôt les fleurs, la figue est une fleur, sont plus petits mais plus goûteux. 

L’été n’en finit pas. Je croque dans la figue gorgée de chaleur. Je sens sur la langue les grains savoureux. Dans le même temps la Californie brûle, les neiges du Kilimandjaro fondent.

Le figuier se penche comme un homme égaré cherche des traces dans la terre.

mardi 22 septembre 2020

 

Un mot

(Vaucresson, 10h20)


Elle dormait encore

un rayon de soleil sur sa chemise

il n’avait trouvé pour écrire avant de partir

qu’une page de journal froissée


À son réveil

elle avait lu 

en marge des mauvaises nouvelles

« Le rouge vous va si bien… »

lundi 21 septembre 2020


Jeunesse


(Abbaye d’Orval, Belgique, 20 septembre,10h10)


Ici, le lierre n’étouffe pas la pierre

il la porte, il l’élève, il l’enchante

une mèche rebelle au visage adolescent

Marie est si jeune

et l’enfant espiègle regarde déjà au-delà

les enfants naissent plus âgés que leurs parents 

dimanche 20 septembre 2020

samedi 19 septembre 2020

 

La vieille fontaine

(Abbaye d’Orval, Belgique, 14h 20)


À la vieille fontaine

la pierre est usée

les visages s’effacent

l’eau prend des chemins de hasard

mais une image reste

incrustée depuis la nuit des temps

celle d’un homme assoiffé

qui boit dans ses mains en coupelle

vendredi 18 septembre 2020


MeToo


(Cité du cinéma, Saint-Denis, 14 septembre, 13h 35)


Dans beaucoup de films, il y a une femme désespérée qui traverse un hall désert. Ses talons claquent sur le carrelage, son maquillage coule.

Dans beaucoup de films, il y a une femme désespérée adossée à un mur ou une colonne. Elle se laisse glisser doucement le long du mur, passe les mains autour de ses genoux repliés et regarde droit devant elle.

Dans beaucoup de films il y a un homme qui s’empare d’un extincteur pour briser une vitre ou une porte. Il est beau, bien coiffé et s’apprête à sauver l’héroïne en danger.

C’est ce que se dit Charlene assise sur le carrelage froid au pied de la colonne de métal.

Mais une actrice qui revient en trombe dans le studio un extincteur à la main et qui asperge de mousse le réalisateur qui l’a violentée, tout ceux qui n’ont rien dit et tout le matériel qui coûte une fortune, avant de balancer l’extincteur dans le décor, ça, elle ne l’a jamais vu. 

Alors elle essuie ses larmes, se lève, s’empare de l’extincteur et retourne vers le studio d’un pas décidé. 


jeudi 17 septembre 2020


 Quand en ville l'air vient à manquer

(Réserve naturelle Kullaberg, Suède, 11 juillet 2016)


Quand en ville l’air vient à manquer

je regarde une image ancienne

comme on déguste une vieille bouteille de vin

je m’assois sur le bord

je reste là jusqu’à ce que les herbes me chatouillent les chevilles

jusqu’à ce que l’air marin emplisse mes poumons


mercredi 16 septembre 2020


( Cigale, Travaillan, 20 juillet, 17h 30)


Sur l’écorce

le chant du samouraï


mardi 15 septembre 2020


Troisième couteau


(Cité du cinéma, Saint-Denis, Seine-Saint-Denis, 14 septembre, 13h 25)

La grande nef de la cité du cinéma est déserte.
À quelques mètres, des bâtiments construits il y a à peine dix ans sont rasés pour laisser la place à de nouvelles constructions en vue des jeux olympiques.
À l’école Louis Lumière, les murs se lézardent.
Je viens là aujourd’hui pour jouer dans le film d’étude d’un de mes neveux.
Je me souviens d’une scène tournée dans le deuxième film de Luc Besson. Nous étions trois jeunes acteurs, Patrick P. , Michel M.  et moi-même. Nous jouions les seconds, ou plutôt troisièmes couteaux. Ce jour là nous étions en silhouettes sur les marches d’un grand escalier, silencieux derrière les acteurs principaux. Nous avions beaucoup ri entre les prises, nous imaginant des années plus tard  tous les trois sur le même escalier,  éternels troisièmes ou quatrièmes couteaux.
Au moment où affluent ces souvenirs de cinéma, passe à mes pieds une minuscule fourmi. Soudain, il n’y a plus qu’elle qui va dans ce hall immense avec son port de reine.
En tendant bien l’oreille je pourrais presque entendre son pas sur le carrelage.

lundi 14 septembre 2020


Une sirène de sable


(Bidart, 3 septembre, 12h 25)

Marchant sur la plage de Bidart, il y a quelques jours, j’ai vu un homme faire au bord de l’océan une grande sirène de sable, étendue, les bras en croix.
Je me suis approché pour le saluer. Il y avait dans son regard une profonde mélancolie.

dimanche 13 septembre 2020


Miniatures éphémères


(Travaillan, 17 juin, 15h 05)

Chevauchées


(Bidart, 3 septembre, 12h 35)

samedi 12 septembre 2020



Le Balanin des noisettes


(Balanin des noisettes ou Curculio nucum, Vaucresson, 14h 45)

De retour d’une promenade en ville, j’ôtais ce masque qui commençait sérieusement à me démanger et m’apprêtais à me gratter le nez avec volupté quand j’aperçus au bout de mon doigt ce petit charençon fort sympathique dont j’enviai soudain l’appendice démesuré.

vendredi 11 septembre 2020


Qui est là?


(Frasnay-Reugny, Nièvres, 25 juillet, 11h 05)

« Il m’est aussi arrivé de sentir en dormant un personnage s’asseyant sur mon lit pour me demander de le faire exister »
         (Le cinéaste Paul Vecchiali lors d’un entretien récent sur Franceinfo)

jeudi 10 septembre 2020


La mémoire du printemps


(Vaucresson, 18h 05)

L’une des dernières choses qu’elle ait vues.
Une feuille de lilas quelques jours avant l’automne.
Une feuille de lilas qui au moment de jaunir se souvient de la couleur des fleurs.
L’une des dernières choses dont Marie se souvienne parfaitement.
Le lilas qui avait toujours été là contre le mur de pierres,
le lilas qui embaumait le jardin chaque printemps,
les grappes mauves dans lesquelles elle aimait enfouir son nez.
L’âge avait eu raison de ses yeux, son odorat faiblissait, sa peau devenait de plus en plus fine.
Mais son sourire était intact et chaque fois que quelqu’un lui rendait visite,
elle lui prenait la main, lui effleurait le visage,
la mémoire du printemps au bout des doigts.

mercredi 9 septembre 2020


Un trait


(Hendaye, 31 août, 20h 40)

Un trait suffit à enchanter le ciel
comme une ride ou une fossette
sur un visage

mardi 8 septembre 2020

lundi 7 septembre 2020


la lune


(Au dessus de la N 10 entre Barbezieux-Saint-Hilaire et Roullet-Saint-Estèphe, 6 septembre, 8h)

Ça prendra le temps qu’il faudra
mais je te l’offrirai
la lune

samedi 5 septembre 2020



Miniatures éphémères


(Bidart, 3 septembre, 12h 50)

Inventaire

Je mets les bouts dans la fraicheur du soir


(Hendaye, 4 septembre, 20h 35)

Je mets les bouts dans la fraicheur du soir…
Ça y est! J'ai ma première phrase, je n'ai plus qu’à débaptiser mon bateau et dérouler le fil.
Le voilier s’appellera Coke en Stock. Ce sera l’histoire d’un marin misanthrope qui refuse d’accoster tant qu’on l’oblige à porter un masque.
Je mets les… À ce moment une mouette pique et me frôle.
Je lâche mon crayon qui roule sur le pont. Oh, ce petit bruit du crayon qui roule…
Le crayon roule et tombe à l’eau.
Hé merde, c’est mon dernier crayon!

vendredi 4 septembre 2020


Un attrape rêves


(Hendaye, 20h 05)

Les enfants sont à l’école.
Le manège de la plage est fermé, entouré d’un simple filet,
un attrape rêves,
pour se préserver des zombies aux oreilles décollées qui vont sans nez ni bouche,
pour se préserver des cubes de métal qui broient les plus faibles,
pour se préserver des tsunamis et de la terre qui s’ouvre,
pour se préserver de la peur qui suinte et de la haine qui exsude.
Un attrape rêves
qui garde entre ses mailles
les aubes et les crépuscules,
les rires, les étreintes, les mots d’amour et de réconfort,
les oiseaux, l’horizon et les nuages,
la pluie, le vent, les ruisseaux, les grillons,
tout ce qui chante.

jeudi 3 septembre 2020


Le cadran solaire


(Bidart, 12h 30)

Les falaises s’effritent.
les maisons se lézardent.
Le sable s’en va.
Un homme se tient droit comme un i au pied des falaises.
Toujours au même endroit.
Il regarde la mer.
Il ne pêche pas, il ne nage pas, il ne surfe pas.
Il regarde la mer.
Il ne dit jamais rien.
Il a toujours été là au village.
Sa maison c’est la cabane près de la chapelle.
La chapelle sur la falaise.
Il ne reste maintenant plus que quelques mètres entre la chapelle et le bord de la falaise.
Le long des éboulis, la terre est plus claire.
L’homme a toujours été là.
Même les plus anciens ne peuvent dire depuis quand.
Il vit seul.
Au village, on l’appelle le cadran solaire.
Le jour où on ne le verra plus, on sait alors qu’il faudra abandonner le village.

mercredi 2 septembre 2020


Exploratrice


(Saint-Pantaléon-de-Lapleau, Corrèze, 6 août, 13h 55)

J’ai cinq ans et demi.
Je m’appelle Nina.
Hier je suis parti en exploration.
J’aime bien explorer.
Quand je serai grande je serai exploratrice…ou trapéziste.
J’ai pris un bout de pain, une vache qui rit, une pomme, ma gourde en plastique, celle que je prends pour l’école, et j’ai tout mis dans mon sac à dos rose que je prends quand on part en voyage ou en ballade avec papa et maman.
Je suis partie vers la forêt. Le chien de la voisine me suivait. C’est un gentil chien, tout noir.
Le chemin était joli. Il y avait des pierres avec de la mousse.
Ça doit être bien de dormir sur la mousse.
Je parlais à Catherine. C’est ma copine pour quand j’explore. Je l’ai inventée. Des fois j’en invente d’autres, des copains aussi, pour le soir. J’aime pas trop le soir.
À un moment les arbres étaient plus serrés. Il faisait un petit peu noir sur le chemin.
J’ai arrêté de parler à Catherine.
Et puis il y a eu un arbre avec plein de bras levés au ciel.
Non, mais qu’est ce que tu fais là, si loin de la maison! Il a dit.
Oui, c’est vrai, il a dit ça.
J’avais un petit peu peur, mais ça, il faut pas le répéter.
Alors je suis rentrée.
Le chien, il était déjà parti.
Il faisait plus froid, plus noir.
Et puis il y a eu deux chemins. Je savais pas lequel allait à la maison.
Il y a une petite larme, une toute petite hein, qui est arrivée dans mes yeux.
Et puis , il y a papa qui est arrivé. Il courait. Il m’a prise dans ses bras.
Nina, ça fait deux heures qu’on  te cherche! Il a dit.
Il me serrait fort. Sa voix tremblait un peu.
Il était content, mais il était aussi un peu en colère.
Maintenant je sais que la peur peut mettre en colère.
Je sais beaucoup d’autres choses qu’on ne sait pas à mon âge.
J’ai raconté à papa l’arbre avec les bras en l’air.
Aujourd’hui on est revenu le voir tous les deux.
Papa m’a dit que les arbres veillent sur nous, alors il faut veiller sur eux.
Ça, je le savais pas.

mardi 1 septembre 2020


Le parfum de la rentrée


(Hendaye, 20h 35)

1er septembre.
La ville s’est vidée d’un coup, comme la mer se retire.
Nestor a rangé son homard-bouée, la famille est rentrée à Paris.
Quand j’étais enfant, nous n’avions pas de homard gonflable mais des chambres à air de camion gonflées à bloc pour jouer dans les vagues.
Après deux mois de vacances entre mer et montagne (Nous étions privilégiés…), nous rentrions aux alentours du 15 septembre, date de la rentrée des classes dans les années 60.
La rentrée avait un parfum, le parfum de la dernière tonte, le parfum de la maison retrouvée, le parfum du bac à sable de la résidence, le parfum de l’école. Oui, l’école a un parfum particulier que j’ai retrouvé avec émotion lorsque j’ai fait mes premiers spectacles  dans les écoles.
Il y avait aussi les sourires des retrouvailles, les récits de nos exploits de l’été, l’impatience de découvrir le visage de la maîtresse (ou du maître, mais je garde un souvenir amoureux, très amoureux, de mon institutrice de 10 ième, Mme Vallée…).
J’ai toujours autant aimé revenir que partir.
Je ne prenais pas l’école au sérieux, c’était un merveilleux terrain de jeu.
Nestor a 11 ans, le parfum de son nouveau collège sera celui du masque, les visages des professeurs limités aux regards.
Par contre il pourra faire des grimaces, tirer la langue, mâcher du chewing-gum et il sera plus difficile au professeur de repérer celui qui dit des bêtises à la première occasion.