lundi 20 mai 2024



(Frasnay-Reugny, Nièvre, 19 mai, 9h 15)

Portrait de groupe dans le matin calme 

dimanche 19 mai 2024


Miniatures éphémères

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 10h 25)

Songe d’un matin calme sur l’ail des Indes 

samedi 18 mai 2024


Les voisins

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 13h 20)

Nous sommes venus fêter l’anniversaire d’un cousin à Frasnay-Reugny. La maison est pleine, on rit, on chante, on écrit, on gonfle des ballons, tandis que cuit le gigot de sept heures, on prépare la fête.

En fin de matinée, je dois m’absenter une heure ou deux, répéter le spectacle que je reprends la semaine prochaine, Le Pas de la Tortue, né de ce blog, d’histoires de terrains vagues et de bords de route. Je vais à l’écart, dans la maison mitoyenne abandonnée, rachetée il y a quelques années par nos hôtes. La maison de Robert qui ne voyez plus rien à la fin de ses jours. Son fils lui tirait des fils dans le potager pour qu’il puisse passer son motoculteur malgré sa cécité. Le jardin en a gardé quelques trous… La maison de la femme de Robert, une polonaise rejetée par la famille de Robert à leur mariage. Est-ce pour cette raison qu’on ne se souvient pas de son prénom. Je la nommerai Agnieska, il lui faut un prénom, comme lui en a un. Elle est décédée bien avant lui. C’était des voisins bougons, violents parfois, leur hargne cachait une magnifique histoire d’amour.

Je répète face à ces pièces en enfilade. la maison est froide et humide, je joue sans mesure pour me réchauffer, je raconte toutes mes histoires à la maison vide.

À la fin, le balai posé contre le mur tombe et le chapeau au dessus de la porte se décroche. 

Est-ce un signe de Robert et Agnieska, un salut, des applaudissements, ou des sifflets… 

vendredi 17 mai 2024


En haut de la colline

(Frasnay-Reugny, Nièvre, 19h 45)

On voit jusqu’au Morvan, il y a des oiseaux, des grenouilles et quelques vaches qui lui tiennent compagnie. Pour rien au monde il échangerait sa maison en haut de la colline. Il aimerait juste que de temps en temps quelqu’un s’arrête et frappe à la porte pour lui demander un service. Il aimerait bien ça, rendre service…

jeudi 16 mai 2024


Manège 

(Bar-le-Duc, Meuse, 7 novembre 2023, 17h 10)

C’est un gars qui a la chance en peau de banane, des heures qu’il fait claquer et biper les machines pour que dalle, il ne lui reste plus que quelques pièces au fond des poches, de quoi se payer un dernier tour de manège avant de rentrer le ventre vide et la tête pleine de « j’aurais pas du » . Il est monté dans le Speed Flip histoire de se mettre la tête à l’envers pour nettoyer.

La machine à déraillé, la nacelle a décollé, ça sentait l’orage et le court circuit, ça sonnait comme un bandit manchot qui disjoncte. On le croira pas mais le voilà catapulté dans l’espace  avec les oreilles qui sifflent et tous les voyants au rouge.  Le futur ou le passé, y sait plus trop où il va, quand raisonnent les pierres et les tambours. Il est aspiré dans un trou noir, dans le chat d’une aiguille, dans un câble XLR. Il retombe sur ses pattes dans un terrain vague envahi d’angélique devant un chien errant qui le regarde la tête penchée en disant ça va aller, ça va aller…


mercredi 15 mai 2024


Un anniversaire

(Sculpture de Suzanne Kiniksi (Arviat, Nunavut), Vaucresson, 13 février, 8h 50)

Un anniversaire sur l’étagère

entre les Myriades d’oiseaux de Utamaro

Et le Petit Tokaido d’Hiroshige 

mardi 14 mai 2024


Sapajou


(Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, 30 avril 2023, 18h 20)


Elle parait bien plus grande avec sa coiffure en ananas. Elle l’appelle mon sapajou, elle le tient dans ses bras. C’est comme ça quand le soleil se couche sur le Maroni, on s’aime un peu plus fort, en silence. Lui, il aimerait bien que le soleil reste accroché aux nuages, il a peur du noir.

lundi 13 mai 2024


Entre les deux...

Une aventure de Rick Delaveine, surfeur et batteur de jazz de renommée internationale

(Îlet Saint-Georges, sur l’Oyapock, entre le Brésil et la Guyane, 24 mai 2023, 6h 10)

Il est comme ça Rick, le cœur comme un saloon aux portes battantes.

Il est venu à Saint-Georges cueillir les chants du Kanmougé.

Chez Modestine, il a rencontré Joséphine, une institutrice aux pieds nus.

Il a fait son timide, lui a dit un poème de Pablo Neruda:


Tes pieds

Quand je ne peux regarder ton visage
je regarde tes pieds.
Tes pieds. Leur os cambré.
Tes deux petits pieds durs.

Je sais bien qu’ils te portent
et que sur eux se dresse
le doux poids de ton corps.


Ce n’était pas la première fois qu’il disait ce poème, et ce ce ne sera pas la dernière, c’est comme un ver de tête, une musique qui tourne dans la tête et qui s’entête. Il y a des poèmes comme ça  qu’on dégaine sans s’en rendre compte quand s’ouvre la porte du saloon.

Il n’a plus pensé aux chants du Kanmougé.

Il est resté trois jours collé contre elle à écouter tomber la pluie sur la tôle du carbet.

Le lundi elle est allée bosser, elle lui a dit attends moi là. Mais Rick, quand il est décollé, il a la bougeotte. Il a traversé le fleuve pour cueillir à Oyapok des chants d’orpailleurs.

Au bar du Floresta, il a rencontré Manuella, une brésilienne aux mains d’obsidienne.

Il lui a dit un poème de Reiner Maria Rilke:


Dame au balcon

Soudain elle apparait, enveloppée de vent,

claire dans la clarté, arrachée semble-t-il,

et sa chambre, taillée en biseau,

remplit la porte derrière elle,


Celui là c’était la première fois, il l’avait lu quelques jours avant à la seule librairie de Cayenne. Il ne se souvenait que du début, il a jaillit comme un courant d’air. 

Manuella n’a rien compris, elle ne parle pas français, mais elle l’a regardé les yeux ronds, touchée par sa voix de tambour.

Ils ont marché toute la journée bras dessus bras dessous dans les rues de terre rouge d’Oyapok.

À la nuit tombée, il a regardé ses chaussures couvertes de poussière et a pensé à Joséphine.

Il a dit à Manuella, je ne peux pas rester, je dois retourner à Saint-Georges ce soir, je reviendrai.

Au milieu du fleuve, il a dit au piroguier, laisse moi sur l’îlôt, j’ai le cœur sous pression, reviens me chercher demain 

Le gars du carbet lui a loué un hamac. Rick s’est balancé toute la nuit, les portes du saloon ne cessait de battre.

Au matin il est retourné au Brésil, Manuella n’était plus là.  Il est reparti dans l’autre sens. Le piroguier s’est dit que c’était vraiment un bon client. 

À Saint-Georges Joséphine lui a claqué la porte au nez.

dimanche 12 mai 2024


Miniatures éphémères

(Orval, Belgique, 23 avril 2021, 15h 50)

Confusion 

samedi 11 mai 2024


Un cadeau

(M° Porte de la Chapelle, Paris, 21h 40)

C’est au théâtre des Bouffes du Nord.

Ça s’appelle La Cachette, une production du Baro D’Evel. Ils sont trois, Camille Decourtye, Blaï Mateu Trias et Nicolas Lafourest.

Ça chante, ça joue, ça danse, ça dessine, ça tourne la terre, et la tête, c’est tendre, sauvage, sensuel, ça parle d’amour, de tentatives, de ratages, du temps qu’il reste, de là, maintenant, de l’urgence d’essayer, ça ne se prend pas au sérieux.

C’est si vivifiant. Je n’ai qu’une envie, prendre la main de celle qui est à mes côtés, courir vers le couchant le long de la voie ferrée, monter en haut des grues illuminées, hurler comme un loup qui appelle à la vie, faire tous ce qui n’est pas permis avant que le soleil ne se couche.

C’est au Théâtre des Bouffes du Nord, là où j’ai joué pour la première fois en 1977, où j’ai rencontré celle qui me tient la main tout en haut de la grue.

C’est au théâtre des Bouffes du Nord et c’est un  magnifique cadeau. 

vendredi 10 mai 2024


Le bouton d'or

(Vaucresson, 18h)

Au fond du jardin

Dans les hautes herbes

Un secret pointe le bout de son nez 

jeudi 9 mai 2024

mercredi 8 mai 2024


Le Sanglier 

(Parc de Saint-Cloud, 6 mai, 15h 45)

Infatigable coureur des bois le jeune Billy était rentré ce soir là après le coucher du soleil, sa chemise tachée de sang et de terre. 

Ses parents avaient vite compris qu’on ne pouvait rien imposer à ce gamin, il faisait sa vie comme il l’entendait. Il avait très vite acquis leur confiance par son sens de l’observation et ses remarquables capacités d’apprentissage. Ils le laissaient aller et venir où bon lui semblait, leur seule exigence étant qu’il rentre avant la nuit. Souvent, il dormait tout habillé pour pouvoir partir plus vite au petit matin. Au coucher, il voulait bien un baiser, mais pas d’histoire, juste que l’on froisse quelques feuilles mortes à son oreille et il s’endormait aussitôt.

Ce jour là il était sorti dès l’aube emportant le canif  reçu la veille pour ses sept ans. La journée s’était écoulée sans que l’on ne s’en préoccupe. Le père avait coupé du bois, la mère avait mené les brebis au pré puis démoulé les fromages. On n’avait pas vu passer la journée. Alors, à la nuit tombée, après la traite, au moment de se mettre à table, quand personne n’avait répondu au retentissant Billy! du père, on avait commencé à s’inquiéter.  Le père et la mère avait attendu sur le pas de la porte, en se mordant les lèvres, n’osant ni l’un ni l’autre partager leur angoisse.

Billy était arrivé triomphant, l’œil brillant, son couteau à la main, la chemise déchirée. Les parents n’avait encore rien dit que Billy leur raconta avec ferveur s’être battu avec un sanglier géant qu’il avait pisté toute la journée, s’être battu  comme le grand-père à la dernière guerre, plus fort encore, comme le taureau du père Cazaux, plus encore, comme un lion d’Afrique, comme un tigre de Sibérie, comme Aigle Noir et toute sa tribu. Il jura lui avoir coupé la tête avec son couteau tout neuf, une tête trop lourde pour la porter jusqu’ici, et promit de les y mener le lendemain aux aurores.

Billy s’endormit rapidement après son récit. Les parents, eux, eurent du mal à trouver le sommeil.

Au petit matin ils partirent tous les trois vers la forêt, Billy en tête. Il les conduisit loin dans le bois au pied d’une énorme souche à forme de tête de sanglier. 

Voilà, dit-il, voilà la bête. Le corps a été mangé par les loups, la tête est devenue sèche et dure pendant la nuit.

Les parents n’ont pas posé plus de questions, leur confiance restait intacte. Mais ils ont compris que leur fils ne serait pas paysan comme eux, les grands-parents et les arrières grands-parents.

Peut-être bien qu’il sera conteur…

mardi 7 mai 2024


Herbes d'eau

(Ville-D’Avray, 10 octobre 2023, 15h 50)

À l’étang de Ville-d’Avray

Ils se sont regardés

Légers comme des herbes d’eau

 

lundi 6 mai 2024


Un petit souci


(Cairanne, Vaucluse, 22 octobre, 18h 20)

Une petite route sur les hauteurs. On voit loin. Le soleil se couche. Une voiture est arrêtée sur le bas coté, une américaine. Le coffre est ouvert. Un tapis persan roulé en dépasse. Un gars creuse un trou dans le champ d’à côté. Je lui demande s’il a besoin d’aide. Non, me dit-il, ça va merci, j’enterre un petit souci. Je passe mon chemin.

dimanche 5 mai 2024


Miniatures éphémères

(Camaret-sur-Aigues, 7 mars, 16h 55)

Ascension 

samedi 4 mai 2024


L'air du large

(Maasholm, Allemagne, 11 juillet 2016, 11h 25)

Il a dix ans. Il serre la main de sa mère. Rien qu’à regarder le bateau il a le cœur qui tangue.

Demain il embarque avec son père. C’est la première fois. Faut pas montrer sa trouille. Respirer l’air du large.

Un jour il aura la peau dure comme tous les pêcheurs de la baltique. 

vendredi 3 mai 2024


Une prière


(Conques, Aveyron, 3 mai 2018, 14h 50)

Bientôt, je repars sur les routes avec le spectacle Le Pas de la Tortue peuplé de personnages de ce blog. Je me mets au travail, je pars à leur recherche, je les observe, je les réveille, sans brusquer, les mots qui parlent d’eux sont les mêmes mais eux, ils ne sont plus tout à fait les mêmes.

Ce soir, je retrouve l’un d’eux, Joseph, endormi au pied d’un mur, au pied d’une prière. 

jeudi 2 mai 2024


Mécanique

(Conques, Aveyron, 3 mai 2018, 14h 30)

Il est aussi têtu que son père.

Voilà plusieurs jours qu’il est enfermé dans le garage. Il ne faut surtout pas le déranger. De toute façon, dans ces moments là, il n’entend rien. 

La voiture est en pièces détachées. Le père l’a laissée là. Il a renoncé malgré sa tête de bois. Trop d’inconnu dans ces nouveaux moteurs. Ce n’étaient pas ses doigts qui faiblissaient, c’était sa tête. Fini le temps où il lui suffisait de regarder un moteur pour comprendre comment ça marche. Son front restait plissé devant les pièces détachées. Il a renoncé et a abandonné son atelier. Il a même cesser de conduire. Il va et vient de chez lui à l’étang par un chemin de terre, sans un regard pour la route.

Le fils a dit: je le ferai, j’y arriverai, cette voiture roulera, traversera le village en klaxonnant, capote relevée et toi, le père, debout comme le président sur les Champs Élysées. Je le ferai pour toi, et pour tous ceux qui ne m’en croient pas capable.

Derrière la porte fermé on l’entend jurer, grogner, parfois crier de joie. Ça cogne, ça grince, ça fume, ça racle. Sur le pas, l’herbe a poussé. On vient de partout voir où il en est, plutôt écouter, pas question d’entrer. Chaque jour ils sont plus nombreux devant l’atelier. On commente, on fait des paris, les plus vieux apportent leur chaise, espérant être là quand la porte s’ouvrira.

Et puis un jour on entend un grand cri, un hourra qui tient dans une bulle aussi grosse que le village tout entier, un silence, le toussotement de la mécanique, puis le rythme parfait des soupapes. La porte grince  les deux battants s'ouvrent, l’un après l’autre, on retient son souffle, la voiture sort, au ralenti, on fait oh!!!, tous, d’une seule voix. 

la voiture roule, toute seule. Il n’y a personne au volant. Le fils a disparu. 

mercredi 1 mai 2024