jeudi 31 octobre 2019


Le manguier


(Camp de la transportation, Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, 3 avril)

L’arbre a tout vu, tout entendu.
Il veille au centre du camp.
Un manguier, fier.
Sous l’écorce, les plaintes,
le bruit des chaînes.
Chaque feuille, un nom.
Il suffit de s’asseoir
dans l’ombre paisible,
d’écouter le frisson
sous le vent de mer,
le frisson de l’arbre qui a vu,
pour savoir que jamais
ça ne finira.
Un jour, un homme
a posé son front
contre le tronc.
Il cherchait son frère.
l’arbre a dit les noms.
Un chapelet égrené,
la douceur des billes de bois,
les noms dans la sève.
Et le vent, et les oiseaux,
ont porté d’autres noms, 
du Chili et d’Orient,
d’autres noms 
dans la sève épaisse.
L’homme s’est détaché 
de l’arbre.
Il a vu alors les fruits
charnus comme des bombes.

mercredi 30 octobre 2019


L'escalier


(Landévénnec, 8 septembre)

Il marchait lentement, les mains derrière le dos. La mobilité de sa tête dont je ne voyais que la crinière blanche dénotait une grande attention à tout ce qui l’entourait.
Je l’avais vu venir du rivage, sa silhouette m’était familière. J’étais trop loin pour distinguer son visage. La journée avait été grise. En fin d’après-midi les nuages s’écartèrent. L’homme remontait la colline qui surplombe l’Aulne vers la lumière filtrée par les grands arbres. Il s’arrêta près d’un rosier, se pencha sur une fleur, l’entoura de ses deux mains, se pencha un peu plus pour en respirer le parfum. Je ne pus m’empêcher de penser qu’au même instant, en d’autre lieux, un homme amoureux prenait dans ses mains le visage de sa belle endormie pour l’embrasser tendrement.
L’homme reprit son chemin. Il était vêtu d’un caban sombre qui rendait le blanc de ses cheveux encore plus éclatant. Je le suivis, à distance. La délicatesse de son geste me l’avait rendu sympathique. Il semblait m’avoir vu, lorsque je m’arrêtais, il s’arrêtait à son tour. Parfois il cueillait quelques herbes, les écrasait entre ses doigts pour mieux en apprécier les arômes. Il faisait cela en se tournant de trois quart, comme s’il m’invitait à faire de même, sans que je puisse toujours discerner ses traits.
En haut de la prairie, trois sentiers menaient au sous-bois. L’un à gauche, de terre, large et propre, en pente douce, l’autre à droite envahi de ronces, le troisième au centre, dans le prolongement d’un petit escalier de pierres. L’homme fit une pause au pied des marches de granit, puis les gravit avec une extrême lenteur.
Arrivé en haut de l’escalier, il disparut. Simplement, comme ça, soudain il n’était plus là.
J’hésitai longtemps avant de m’engager dans l’escalier…

mardi 29 octobre 2019



Le Marin


(Pointe du Raz, Finistère, 16 septembre)

Peau de coton, le ciel, 
chair de poule, la mer,
eczéma, la terre.
Il avait choisi la mer,
à fleur sur une peau qui frissonne,
au risque de se perdre
là où les eaux s’égarent,
au risque de se rompre
à forcer le passage.
Il avait choisi la mer
pour ses yeux, pour ses hanches.
Il avait choisi celle qui
jamais ne lui offrirait de répit,
il le savait,
mais c’était elle qu’il avait choisi.


lundi 28 octobre 2019

dimanche 27 octobre 2019


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 26 octobre)

L’été indien
ou
La ballade du photographe

samedi 26 octobre 2019


De travers
(Pour Célia)


 (Vaucresson)

Elle est née de guingois.
En d’autres temps, d’autres lieux, on l’aurait abandonnée dans la neige où les hautes herbes.
Elle va fragile et légère,
elle rit été comme hiver.
À celui qui s’étonne de sa joie de vivre, elle répond:
C’est moi, je suis bien comme ça,
de travers.

vendredi 25 octobre 2019


Un vieux chaman


(Vaucresson 24 octobre)

Après une journée de travail en ville, sidéré par les foules résignées allant serrées sur le trajet, il me fallait le réconfort du jardin.
Là, J’ai vu un vieux chaman devenir crocodile,
j’ai vu sept vallées creusées d’une rivière claire menant au grand fleuve,
j’ai vu des chemins bordés de sang,
j’ai vu des amants entortillés au dessus d’un tapis d’or,
j’ai vu un trône pour les aveugles, les manchots, et les épileptiques,
j’ai vu des soleils éteints offrir leurs branches nues,
j’ai vu des comètes chargées de semence,
j’ai vu des troupeaux d’escargots chantant Bella Ciao,
j’ai vu des poissons rouges tétant les arbres femelles,
j’ai vu un grand silence dans un regard triste,
j’ai vu sur le houx piquant l’amour écarlate.

jeudi 24 octobre 2019


C'est si bon


(Arborétum de Chèvreloup, Yvelines, 6 octobre)

On peut se noyer dans une forêt, dans un arbre, dans une feuille.
On peut se noyer dans un visage, dans un regard, dans une pupille.
C’est si bon.

mercredi 23 octobre 2019


Face à face


(Saint-Guénolé, Finistère, 17 septembre)

La vieille avait dit à Martin: «Tu vois, ces deux là, ils sont venus ici en armure de fer pour se défier. C’était au temps où les hivers étaient si rudes que la mer gelait, que les pierres cassaient, que les hommes seuls ne pouvaient survivre. Ils sont venus ici, en plein vent. Ils devaient se tenir face à face, les yeux dans les yeux, sans un geste, sans un coup, les yeux dans les yeux jusqu’à ce que la morsure du froid fasse céder l’un d’eux. C’était ainsi, c’était la règle lorsque deux guerriers se disputaient le cœur d’une femme. Mais ces deux là étaient si fiers, si forts, qu’aucun ne céda, que la glace les cloua au rivage. Le temps passa, les armures se couvrirent de rouille, les hommes devinrent pierres, la femme vécu avec un troisième. Tu vois, ils sont encore là. »
Alors chaque jour le petit Martin vient aux rochers. Il tape, il caresse, il chatouille le roc, convaincu que l’un des deux finira par bouger et détourner le regard

mardi 22 octobre 2019


Sécheresse


(Landévénnec, 15 septembre)

J’ai fait ce rêve: Nous étions quatre. Nous n’étions ni des enfants, ni des vieillards, nous étions les deux à la fois. Nous courions dans le lit desséché d’un grand fleuve. Celui-ci avait un nom, L’Amandier. Notre course soulevait une fine poussière blanche. Nos silhouettes se détachait du sol au dessus de cette ligne claire et brouillée. Nous tenions chacun des bouquets d’herbes sèches, longues et cassantes. Les berges du fleuve n’étaient que sable, partout, un sable fin qui s’en allait à l’infini en douces ondulations. Pas un arbre, pas une pierre, juste quelques herbes jaunes portées par le vent.
Nous avons quitté le lit du fleuve, puis après avoir uni nos herbes en un seul bouquet, nous l’avons planté dans le sable. J’accompagnais les fragiles tiges avec mon doigt qui doucement s’enfonçait.
Quelques gouttes de pluie sur le Velux m’ont réveillé. De larges gouttes, espacées, d’une pluie qui ne fait que s’annoncer sans aller au bout.

lundi 21 octobre 2019


Dans le noir


(Hendaye, 19 octobre, 20h 30)

Il se tient à l’écart.
Quand le monde papillonne autour des lampes, il voudrait en être.
Mais il reste à l’écart. Dans le noir.
On ne le voit pas rougir. On ne voit pas ses yeux qui se brouillent au moindre émoi. On ne voit pas ses mains qui cherchent dans les plis du vêtement roulés du bout des doigts la douceur qui lui a fait défaut.
Dans le noir, il n’a pas froid. Il est un peu arbre, un peu pierre, il est la nuit qui se pose où elle veut, il garde les yeux grand ouverts, il est à l’affût de ses rêves.

dimanche 20 octobre 2019


Miniatures éphémères


(Forêt de Rambouillet, Yvelines, 26 août)

Racines

samedi 19 octobre 2019


La vague
(Ou le lyrisme du vieux surfeur)


(Hendaye, 9h 30)


Elle a des yeux de tourmaline
des bracelets de jade
un boa de cygne blanc
ses bras ne connaissent 
ni le doute, ni la fatigue
elle sait se taire, gémir, ou rugir
elle est sans pitié
pour celui qui résiste
elle donne tout 
à celui qui la chevauche


vendredi 18 octobre 2019


Un peu de couleur


(Hendaye, 19h 30)

À gratter le gris du ciel, on finit toujours par trouver un peu de couleur.

jeudi 17 octobre 2019


Putain d'époque


(Hendaye, 18h 40)

Il est encore mouillé
c’est un vieux surfeur
adossé à son Combi VW
tout cabossé
un gros pétard
au coin des lèvres
il regarde le ciel
il regarde la mer
putain de vagues
putain de ciel
putain d’époque
dit-il

mercredi 16 octobre 2019


La Roche Père et la Roche Grand-Père


(Hendaye, 8 h)

Voilà quarante ans que je parcours les routes. Alors faire 800 km pour quelques vagues ne me fait pas peur, la route est une bonne amie.
Me voici ce matin sur l’un de mes terrains de jeu de prédilection.
Le soleil se lève à peine, un surfer s’apprête à entrer dans l’eau. Je serai le second.
Surfer là, face à la jetée où planent les présences de mon père et mon grand père. Chacun avait sa place pour regarder la mer, comme moi je trouvais très vite la mienne, sur le muret, en haut de l’escalier  qui descend sur la plage, à gauche. Mon grand-père s’asseyait lui aussi sur le muret, à droite. Et mon père sur un banc de pierre, légèrement en retrait sur la jetée.
Au large de Cayenne, il y a une petite île nommée l’ilet la Mère, j’aime m’y promener, il y a des grands arbres qui dansent et des singent qui jouent.
Ces deux rochers qui veillent sur la baie d’Hendaye sont les Deux Jumeaux.
Aujourd’hui je les rebaptise la Roche Père et la Roche Grand-Père.
Un troisième bout de terre semble prêt à se détacher lui aussi. Peut-être mes enfants le verront-ils se séparer de la falaise. Il lui trouveront bien un nom.

mardi 15 octobre 2019


Un chemin de liberté


(Forêt de Rambouillet, 13 octobre)

les branches enchevêtrées brouillent la vue
je vais où passent les grands animaux
où le sous bois desserre son étreinte
je vais sur une voie qu’à cet instant
je suis le seul à connaître
je vais sur un chemin de fougères
que je défendrais comme mon propre sang

lundi 14 octobre 2019


Boite à musique


(Forêt de Rambouillet, Yvelines, 13 octobre)

J'étais venu solitaire voir le grand cerf
j’ai attendu longtemps au bord de l’étang
je n’ai vu ni cerf ni biche pas même un canard
mais j’ai vu une boite à musique
deux arbres posés sur un bout de terre
un confetti qui tournait sur l’eau noire
on offre aux nouveaux nés des boites à musique
on les accroche aux berceaux
chacun sa ritournelle, il grandira avec
la mienne devait être de bois et de terre
un bout de forêt qui tournait sur la nuit
une ritournelle des sous bois qui recouvrait mon lit

dimanche 13 octobre 2019


Miniatures éphémères


(Trénez, Finistère, 18 septembre)

Un brin de mémoire


samedi 12 octobre 2019


Métamorphose


(Oinville-sur-Moncient, Yvelines, 27 septembre 2018)

Voilà plusieurs mois qu’il vit dans les bois. Ce matin, penché sur l’étang, il a beau chercher, il ne trouve pas son reflet. Serait-il devenu un arbre?

vendredi 11 octobre 2019


Une journée en ville


(Place du Chatelet, Paris, 16h 30)

8h, la fenêtre ouverte, les oiseaux, les avions, le ciel marbré de blanc, quelques feuilles jaunes dans le jardin.
8h 10, les infos, Équateur, Irak, Syrie…
9h, le train, la lumière sur le visage d’un enfant dans les bras de son père, ils se ressemblent.
9h 20, station Saint-Lazare, un homme joue de l’oud dans un couloir, au dessus de lui est écrit sur les carreaux blancs: Comme une chimère captive.
9h30, un homme dort à même le sol enveloppé dans l’affiche déchirée d’une grande marque de prêt à porter.
10h, Marie-Pierre m’accueille dans son bureau en riant: « la vie est belle !»
11h, la rue, il fait doux, une voix chaleureuse au téléphone.
12h, déjeuner dans une brasserie. Le serveur se trompe de plat, il rougit, regard furtif vers son patron.
13 h 35, cinéma, un clown martyrisé met le feu à Gotham City.
16 h 30 place du châtelet, occupation et bloquage par le mouvement Extinction Rébellion, silence, des jeunes gens sont étendus sur des bottes de pailles, silence, des touristes regardent, silence, des passants indifférents passent, leurs emplettes sous le bras, silence, pas un flic à l’horizon. Le calme avant la tempête ?
Et je marche dans la ville jusqu’à 19h, sensation de marcher comme un bienheureux sur une bombe à retardement.
19h 30, au théâtre, l’histoire d’un prof au bout du rouleau qui flingue sa classe de terminale, au sens propre.
22h je rentre, la lune est presque pleine. Sur le quai de la gare de Vaucresson  un vieil homme dort dans un duvet impeccable, derrière lui des dizaines de sacs et de bouteilles vides parfaitement rangées sur le banc,  plus loin quatre poussettes  bien alignées, prêtes à recevoir tous ces trésors.
La nuit est douce, trois jeunes filles plaisantent sur le chemin, on perçoit le bruit sourd de l’autoroute, dans l’air un parfum de feu de bois.
22h 45, dernières infos, on vient de retrouver Xavier Dupont de Ligonnès en cavale depuis huit ans après avoir massacré toute sa famille.
À l’instant où j’écris ces lignes, il est 23h 30, Sophie rentre.

jeudi 10 octobre 2019


Le lavoir


(Oinville-sur-Moncient, Yvelines, 27 septembre 2018)

Autrefois les femmes lavaient leur linge dans ce carré d’eau claire. Pendant la grande guerre, les paniers étaient plus légers sans les vêtements des hommes, mais elles venaient aussi fréquemment. Il fallait garder les habitudes. Ces moments autour du lavoir leur faisaient un bien fou. Elle battait le linge en parlant de leurs hommes, ignorant s’ils étaient en vie, entiers, ou en morceaux. Elles pouffaient en parlant de ce qui leur manquait le plus. Pour l’une c’était l’étreinte matinale, pour une autre c’était un baiser dans le cou quand on ne s’y attend pas, pour une autre encore c’était la sieste emboîtés l’un dans l’autre, ou les courses dans les herbes hautes main dans la main. Elles comparaient les anatomies de leurs époux respectifs, elles en vantaient les avantages, riaient de leurs inconvénients. Même la plus mal mariée regrettait la maladresse de son cher mari. Qu’il ne revienne pas avec un seul bras, lui qui ne savait déjà pas s’y prendre à deux mains!
Si l’on apprenait la mort de l’un d’entre eux, on battait le linge bien plus fort. On se taisait et on frappait la toile humide, on frappait comme s’il elle était imprégnée de tout le malheur du monde, on frappait jusqu’a épuisement, jusqu’à ce qu’une larme coule de ces yeux asséchés par la guerre, jusqu’à ce qu’une larme fasse en tombant de minuscules vagues qui semblent faire trembler les pierres au fond de l’eau, jusqu’à ce qu’on prononce une dernière fois le nom du défunt.
On dit qu’après la guerre, et bien après, les femmes venaient au lavoir seules parler à leur morts dont on n’avait jamais retrouvé les restes mêlés aux boues des champs de bataille.
On dit qu’au fond de l’eau, le soleil donnait aux pierres formes de gisants, et que les veuves y retrouvaient leurs époux dans leur intacte nudité.

mercredi 9 octobre 2019


Fragments


(Plage de Ty Anquer, Finistère, 15 septembre, 21h 50) 

Bribes de ciel
fragments de terre
quelques gestes
un regard, une voix
quelqu’un, quelque chose, quelque part
miettes de vie
chaque soir
au couchant
se déposent
dans les replis humides
se mêlent aux ors
de nos mémoires

mardi 8 octobre 2019


Une fille aux cheveux d'or


(Landévénnec, 8 septembre)

La pluie a gommé les couleurs
mais pas celles de mon intérieur
où trône une fille aux cheveux d’or
qu’a pas le cœur en noir et blanc

lundi 7 octobre 2019


L'homme au parapluie



 (Arborétum de Chèvreloup, Yvelines, 6 octobre, 17h)

Elle surveillait la salle M, la salle de l’Homme au parapluie. Toute la journée elle pianotait sur son portable en mâchonnant du chewing-gum. Veiller au tableau, veiller à ne pas se faire surprendre le smartphone à la main par son supérieur, regarder les images défiler sur son compte Facebook, son œil avait l’agilité de l’épervier.
Le tressaillement de l’homme au parapluie, l’infime changement de direction de son regard ne lui avait pas échappé. Le musée était désert, elle s’est approchée du tableau et l’a photographié comme si la photo plus que la réalité pouvait seule témoigner de cette surprenante modification.
L’homme a alors ôté son chapeau qu’il a laissé en suspension dans le bleu du ciel, a tendu la main hors du cadre, s’est emparé du téléphone qu’il a placé à l’aplomb du couvre-chef, puis est sorti du tableau, tenant le parapluie ouvert, offrant son autre main à la jeune fille.
Elle hésita une seconde, puis accepta la main tendue. Au contact de l’homme la fébrilité de ses doigts et de son œil cessa aussitôt, la jeune fille n’avait plus qu’un désir, marcher à pas tranquille dans les allées du parc en compagnie de cet homme qui n’était pas sorti depuis si longtemps.
On ne revit jamais la gardienne de la salle M.
Personne ne comprit comment  le fameux tableau avait été remplacé par cet autre tout aussi étonnant: dans le bleu du ciel sur un smartphone en suspension sous un chapeau melon la réplique parfaite de l’Homme au parapluie, enfin presque parfaite, le regard était différent.

dimanche 6 octobre 2019


Miniatures éphémères


(Trénez, Finistère, 18 septembre)

Conversation avec un bigorneau

Au frais dans une anfractuosité humide, un homme, une pierre et un bigorneau s’entretiennent entre deux marées. La procrastination, question du jour pour un été sans fin . La pierre dit qu’elle ne bougera que si la mer la force à bouger, le bigorneau dit qu’il se mettra en mouvement quand l’eau effleurera son orifice, et l’homme réfléchit…

samedi 5 octobre 2019


Boules à neige


(Hendaye, 22 septembre)

Le ciel est soudain devenu si noir qu’il fallut évacuer les maisons. Quand ils sont arrivés chez lui, il était déjà parti. Ils n’ont trouvé dans la maison vide que des milliers de boules à neige posées sur des étagères. Chacune venait de là où son cœur avait grandi.

vendredi 4 octobre 2019


Une micro seconde


(Landévénnec, 7 septembre)

C’est encore l’été
le temps s’est arrêté
la pente est douce
un sentier longe la prairie
un couple va
à pas minuscules
ils ne veulent du monde
que le vol des oiseaux
les sauts du chevreuil
l’herbe humide
le parfum des pommes
et l’un et l’autre
ils vont à pas minuscules
on les croirait immobiles
mais ils montent
le long de la prairie
ils se tiennent par la main
l’homme trébuche
elle le retient
c’est à peine perceptible
la vie entière 
dans une micro seconde

jeudi 3 octobre 2019


Un cœur qui bat


(Landévénnec, 2 septembre, 7h 30)

Les murs ont l’humilité du labeur 
les fenêtres s’offrent au levant
quelques roses veillent
c’est l’atelier des moines de l’abbaye Saint-Guénolé
confection des pâtes de fruit, mécanique, menuiserie, buanderie
on travaille en silence
seules les machines ont droit à la plainte
il y a là un cœur qui bat
les fleurs ne s’y trompent pas



mercredi 2 octobre 2019


Un jardin au bord de l'Aulne


(Landévénnec, 7 septembre)

C’est un jardin au bord de l’Aulne
le jardinier a les mains aussi larges que son sourire
ici, même le bois mort se met à danser

mardi 1 octobre 2019


À la porte


(Landévénnec, 10 septembre)

C’était une autre porte, il y a plus de trente ans, à Uzerche en Corrèze, un perron de pierre que je gravissais en hâte chaque soir tandis que Mathilde, notre fille, haute comme trois pommes, courait vers moi bras ouverts en disant: papa!