mardi 31 décembre 2019



Bonne année!


 (Ouagadougou, Burkina, 22 décembre)

À la porte du marchand de peinture
les couleurs pour demain

lundi 30 décembre 2019


Au palais des papes

 
(Avignon, Vaucluse, 30 décembre)

Une feuille en suspension devant le palais des papes.
Une feuille découpée, papier ou matière synthétique.
Les fils tendus d’un édifice à l’autre sont invisibles.
Rien d’autre dans le ciel.
Au pied des murailles un saxophoniste joue.
« Laura », Charlie Parker, Bird.
Nous sortons de l’exposition Ernest Pignon Ernest.
Âmes déchirées sur les murs délabrés.
Rimbaud, Pasolini, Mahmoud Darwich, Maïakovski, d’autres anonymes.
Homme errant, homme en lutte, homme expulsé, homme martyrisé.
Femme qui veille, femme qui porte sa terre sur le visage, Naples ou Martigues.
Âmes au bout du crayon offertes aux passant.
Geste d’une force inouïe. Pour l’amour.
Fusain, pierre noire, lavis, encre. Contre l’indifférence.
Nous sortons du palais des papes chargés de la puissance de l’artiste.
Ciel bleu, Bird, âmes en suspension, pierres au soleil, papiers froissés,
pour jurer fidélité à l’humanité.


( Ernest Pignon Ernest, Derrière la vitre, photographie, sérigraphie en situation, Lyon, 96-97, exposition Avignon Palais des papes)




dimanche 29 décembre 2019


Miniatures éphémères


(Travaillan, Vaucluse, 28 décembre)

Aux boucles du roseau

samedi 28 décembre 2019


Une route


(Tenkodogo, Burkina, 21 décembre)

Chaise plastique, beignet, Nescafé.
Je regarde passer les camions surchargés.
La route est neuve, le président est venu.
C’était la fête de l’indépendance.
Aux lampadaires la publicité d’une grande firme française côtoie le drapeau national.
L’argent circule, la route est belle.
Haoua décharge trois énormes bidons d’eau de son vélo.
La semaine dernière elle a vu le président, les grosses voitures et tous les militaires.
Au bout de la route il y a le Togo, au bout il y a Lomé.
Puis l’océan.
Et toujours cette idée du départ.

vendredi 27 décembre 2019


De retour


(Vue sur les Dentelles de Montmirail, Travaillan, Vaucluse, 27 décembre)

De retour d’un grand voyage, je suis chez Françoise et Claude.
La maison est au bord de la route.
Au loin, le mont Ventoux et les Dentelles de Montmirail.
Je reste à la fenêtre.


(Sur la N4 entre Koupéla et Ouagadougou, Burkina, 21 décembre)


jeudi 26 décembre 2019


La huitième merveille du monde

 
(Vers Zoangpighin, Burkina, 21 décembre)

Nous voici en pleine brousse, avec Juan et Aziz.
Nous avons pris une piste au hasard. Nous devons faire quelques dernières prises de vue du voyage de Mr Pierre. Ces images seront utilisées dans un prochain spectacle où nous questionnons le devenir des vieux dans nos sociétés.
Mr Pierre s’en va sur une terre mère. C’est son dernier voyage. Rêve ou réalité? Je ne sais plus.
Je m’éloigne de la caméra à pas de vieux, vers l’infini lumineux.
M’envahit alors cette joie intense que je ressens chaque fois que je me trouve loin de tout, en pleine nature, qu’elle soit sèche ou humide, chétive ou florissante. Joie d’autant plus grande que c’est le lieux, cette terre rouge, ces pierres, ces épineux, ces herbes sèches, c’est le lieux qui nous a choisi et non l’inverse. Il nous attendait. Banal petit bout de brousse qui devient  la huitième merveille du monde.



mercredi 25 décembre 2019


Noël à Ouaga


(Ouagadougou, 18 décembre)

Image d’épinal d’une rue de Ouaga.
Tout est calme.
Chacun s’affaire.
Plus loin, sur l’avenue Charles de Gaulle des gamins vendent des bonnets de père Noël aux portières des voitures.
Depuis quelques jours des guirlandes clignotent aux bâtiments officiels.
Le vieux Daouda s’inquiète des jeunes qui rejoignent les groupes jihadistes pour quelques centaines de francs CFA.
Au nord, on tue.
Ousmane me dit qu’il ne peut pas travailler, il lui faut un compresseur, ça coûte trop cher. Il dit qu’il faut prier, qu’il faut respecter ce que dit le Coran, ce que dieu dit. Il dit qu’il faut croire.
Son camarade Issa n’est pas d’accord, lui dit qu’il n’y a pas d’autre vérité que la terre, le vent, les arbres, la vie dans toute chose. Pas de dieu unique.
Depuis longtemps chaque village a une église et une mosquée. Combien de temps arrivera-t-on encore à s’entendre?
Au nord, on tue.
À Soumagou, un ami ne reconnaît pas sa cousine voilée des pieds à la tête.
Combien de temps encore?
Au nord on tue.
Burkina Faso, le pays des hommes intègres.
24 décembre, 42 morts à Arbinda près de la frontière malienne.
C’est Noël à Ouaga.
Nuit.
L’ami poète chante le peuple debout, il chante sa terre, ses héros, ses mères et ses  enfants.
Il chante l’unité contre la nuit.
Je chante avec lui.

mardi 24 décembre 2019


Réveil chanté


(Ouagadougou, 18 décembre, 6h 30)

Ouagadougou
ville rouge
ville couchée
3h 30 le coq
4h 30 le muezzin 
6h le curé 
réveil  chanté

lundi 23 décembre 2019


Mon ombre


(Soumagou, Burkina, 20 décembre, 19h15)

Elle m’observait dans la nuit étoilée 
elle et d’autres, les vivants et les morts
je parlais avec mon ombre
nous faisions connaissance

dimanche 22 décembre 2019


Miniatures éphémères


(Zoangpighin, Burkina, 21 décembre, 18h 30)

Songe sur l’herbe du rocher

samedi 21 décembre 2019


Le soin


(Soumagou, Burkina, 18 décembre, 19h 20)

Herbes sèches minuscules
virgules de la pensée qui déroule
sur le gravier bruissant
la grand-mère chèvre 
salue celui qui va
monticule de terre
l’homme s’arrête
au pied de l’arbre qui l’attend
arbre chétif
épines et feuilles étoilées
arbre de petite vie
arbre frère
qui dit le soin
source pour demain

vendredi 20 décembre 2019


À la boutique lumière  


(Ouagadougou, 16 décembre, 0h)

Aux fils électriques
Ce qu’il reste de lune
Lavée blanc pendue
Nuit sèche feuilles poussières 
À La boutique lumière 
L’amour en papillote

jeudi 19 décembre 2019


Une petite goutte de sueur


(Ouagadougou, Burkina Faso, 17décembre, 11h 20)

Ce soir, tandis que la lumière descend, dans une cour de Soumagou aux murs de terre gorgés de soleil, nous parlons de la fin, de réincarnation, avec le vieil Isaka.
Après longue réflexion il dit ne pas savoir en quoi revenir. Peu lui importe s’il part en paix.
Je dis que je voudrais être réincarné en une petite goutte de sueur qui coule entre les seins de ma bien aimée, puis descend jusqu’au bas du ventre!

mercredi 18 décembre 2019


Bonne arrivée!


(Soumagou, Burkina Faso, 18 décembre, 17h 30)

Tenkodogo.
La terre des origines.
L’Harmattan chargé du sable du désert voile le soleil.
Voilée, aussi, la mémoire de l’homme qui marche ici pour la première fois.
Il est fils, père et grand-père, tout à la fois, le fils de son fils, le père de son père, le grand-père de son père, le père de son grand-père...
Le monde tient dans sa bedaine qui gargouille de joie au chant de la tourterelle d’Afrique noire.
Les sacs plastiques accrochés aux buissons, les maillots de foot aux couleurs vives des clubs occidentaux annonce la fin de ce monde là. 
Certains voient une renaissance, d’autres se désespèrent, d’autres encore regardent la télévision.
Au vieil homme qui marche dans la poussière, de partout on souhaite  « Bonne arrivée! »
Il est descendu dans la rivière, les caïmans se sont cachés.
Dans le lit asséché, il marque l’argile de ses pieds nus.
Partout des empreintes  d’oiseaux.
« Bonne arrivée! »

mardi 17 décembre 2019


« Maniessa »

 

(Ouagadougou, Burkina Faso, 17 décembre,7h)

Ici regarder veut dire faire connaissance.
Nous sommes là avec Juan, au carrefour,
posés dans la poussière devant une tasse de Nescafé.
Un vieil homme nous salue.
Nous nous regardons.
Il est avec son chien.
« Maniessa » : « Je vaux mieux que ça ».
C’est le nom du chien.

lundi 16 décembre 2019


Un vieux sage


(Vaucresson, 15 décembre, 18h)

Quelques heures avant de partir pour Ouagadougou,
je croise un vieux sage dans le parc de Manera,
un sage pas très bavard aux airs de chouette effraie,
un chat qui ressemble à un vieil ami buveur de vin.

Il me dit : «  Emporte juste un carnet et un stylo, va nus pieds,
aventure toi aux marges de ta mémoire, 
une chose comptera toujours, les premiers pas.
Tu trouveras au bout le goût de la terre que tu as foulée. 

dimanche 15 décembre 2019



Miniatures éphémères


(Liessies, Nord, 2 décembre)

Assis là
juste ça

samedi 14 décembre 2019


Joie minuscule


(Bornival, Belgique, 4 décembre)

Joie minuscule
Au crépuscule dans un fourré obscur
une feuille qui n’en n’a plus pour très longtemps
a attrapé d’un coup le soleil et la lune 

vendredi 13 décembre 2019


Partition de bord de route


 (Bornival, Belgique, 4 décembre, 18h)

Partition de bord de route pour les âmes vagabondes
le soleil s’est décroché de la portée pour jouer avec la nuit
et rouler dans la gorge du voyageur solitaire

jeudi 12 décembre 2019


Neuilly-sur-Marne


(Neuilly-sur-Marne, Seine-saint-Denis, 8h)

Neuilly-sur-Marne.
Parti très tôt sur les routes engorgées, six heures.
Transports en commun en grève, on fait tourner les moteurs.
J’attends devant une école. Spectacle à neuf heures.
Les arbres comme des massues. Ou des figures tutélaires.
C’est selon l’état de rage.
Il y a quelques années je jouais un éboueur dans un film.
Souvent cette sensation d’être dans un film. Jubilation d’être là et de me voir là.
Brooklyn Affairs de Edward Norton, j’ai vu ce film il y a quelques jours.
J’aurais aimé être dedans, pour les grosses voitures pastels et les chambres à la Hopper.
Pour les néons dans la nuit new-yorkaise et les chapeau mous des années cinquante.
En attendant je ne suis qu’un marionnettiste qui a repris du service.
C’est Noël, on veut des spectacles.
« Elle peut faire cela Lucine, quand elle aime d’amour. »
C’est l’une des dernières phrases de la pièce pour un acteur et des marionnettes.
L’autre jour un enfant de quatre ans a fait: Oh!
C’était bien.
C’est la pleine lune et j’attends devant l’école.

mercredi 11 décembre 2019


La liberté


(Parc de la Dodaine, Nivelles, Belgique, 4 décembre)


la liberté
 est un brin d’herbe accroché à la terre
 un brin d’herbe sur la langue du poète

mardi 10 décembre 2019


La plage est le ciel, le ciel est la terre


(Le Touquet, Pas-de-Calais, 9 décembre)

Je me tiens dans le vent comme un asthmatique qui respire à nouveau.
Le sable a une odeur, la même du nord au sud, des grains de souvenir.
la plage est le ciel, le ciel est la terre, l’herbe est bleue, la mer inquiète ne sait pas où se mettre.
Je me tiens  comme une chauve-souris diurne accrochée à la grève,
une chauve souris rassasiée qui n’a rien d’autre à faire que de regarder passer les bêtes.

lundi 9 décembre 2019


Une énigme à résoudre


(Le Touquet, Pas-de-Calais, 14h30)

Le vent souffle fort, le sable pique les joues, pénètre dans les plis du vêtement. La ville est ensablée, les volets sont clos, toute trace s’efface, petit à petit. Je suis seul. Je ne cherche pas à résister au vent, juste me laisser traverser, écouter ce qu’il a à me dire. Des nouvelles du lointain, pas très bonnes. Quelque part quelqu’un a trébuché sur une pierre et ne s’est pas relevé. Il marchait depuis longtemps. Puis d’autres sont tombés à leur tour. J’écoute encore, il y a le roulement des vagues, un battement d’ailes, un chien qui aboie. Soudain j’aperçois cette silhouette qui va dos au vent, col remonté,  tête baissée, le pas décidé. Je pense aux détectives qui peuplaient les bandes dessinées de mon enfance, le mouvement du pardessus dans le vent, la main qui maintient le col ou le chapeau, l’air soucieux de celui qui a une énigme à résoudre. Une énigme à résoudre… c’est peut-être ça qui me fait chaque jour écrire ces pages.
Je dois suivre cette silhouette…

dimanche 8 décembre 2019


Miniatures éphémères


( Parc de la Dodaine, Nivelles, Belgique, 4 décembre)

Alice dans les herbes

samedi 7 décembre 2019


Un coin de cahier


(Nivelles, Belgique, 4 décembre, 17h 30)

Combien de fois adolescent ai-je strié de noir un coin de cahier tandis qu’un professeur débitait un savoir pour lequel je n’avais aucun intérêt. Je m’échappais à coups de crayon désordonnés.
Ce soir, je respire à pleins poumons dans l’un de ces bouts de papier. J’y ai rajouté une demi lune, l’autre moitié est pour mon amoureuse qui est loin de moi.

vendredi 6 décembre 2019


L'arbre et le ruisseau


 (Liessies, Nord, 2 décembre)

L’arbre se penche pour étreindre le ruisseau
ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre

jeudi 5 décembre 2019


À cette heure là


(Colleret, Nord, 2 décembre)

À cette heure là la terre craque sous les pas et le ciel peluche. Alors il ne faut pas marcher trop vite, ni parler trop fort.

mercredi 4 décembre 2019


Une plume sur l'épaule


(Sur l’étang gelé du parc de la Dodaine, Nivelles, Belgique)

On dit que nous avons chacun un ange gardien. Est-ce pour cela que je trouve parfois une plume sur mon épaule? Ou est-ce tout simplement parce que je fréquente plus facilement les arbres et les oiseaux que les humains?

mardi 3 décembre 2019


En chemin


(Chemin de Colleret, Ferrière-la-Petite, Nord, 2 décembre,7h40)

Je traîne ma poésie sur la terre gelée
j’écarte le ciel comme je peux
avec un peigne de peuplier
je demande à l’aube de m’accorder
encore un peu de temps
c’est si bon d’être en chemin

lundi 2 décembre 2019


Le gris du Nord


(D280 entre Cousolre et Hestrud, Nord, 1er décembre)

Gris, uniformément gris. À la frontière entre la Belgique et la France, sur le bord de la route maisons de brique délabrées, ornières de boue. Et Maubeuge, Ah Maubeuge, rarement j’ai vu  une ville aussi sinistre, surtout un dimanche avec un ciel que l’on pourrait toucher en se mettant sur la pointe des pieds.  Maubeuge, nommée la Belle Balafrée après les ravages de la dernière guerre. Sans doute fallait-il attendre la lune et la nuit…Le Nord, le blues du Nord. Alors il faut se laisser faire, surtout ne pas accélérer, ralentir, ne pas rater l’envol d’un héron au dessus de la terre lourde, les traces d’une ancienne publicité peinte sur la façade d’une maison abandonnée, un énorme Terre-Neuve couché comme un lion à un carrefour, une fille en manteau rouge qui marche vite dans une rue déserte, il faut se laisser faire, goûter le Nord, comme il y a longtemps on a inhalé profondément la première bouffée de tabac gris.
Et me voilà dans la vallée de la Thure, sur une de ces routes qui sont sur les cartes soulignées d’un trait vert. Le plat pays à fait place à un vallon boisé, la rivière sinue, d’étang en étang. Je m’arrête au bord de l’un d’eux qui m’offre un bosquet posé comme un bouquet sur une table de verre. Je pense à la femme que j’aime, au bouquet du dimanche sur la table de bois.
J’inhale profondément cette bouffée de gris du Nord.

dimanche 1 décembre 2019


Miniatures éphémères


(Palluel, Pas-de-Calais, 26 novembre)

Autant en emporte le vent

samedi 30 novembre 2019


Le chemin de l'inquiétude


( le Forum, à côté du Van der Valk hôtel, Mons, Belgique, 19h10)

Van der Valk hôtel, c’est là que je vais. 
Le GPS me dit de prendre le chemin de L’Inquiètude.
La rue est fermée, en chantier, je dois prendre la rue Mélina Mercouri. 
Je préfère.


(Une tache sur le sol au pied du Forum) 

vendredi 29 novembre 2019


Un bateau sans boussole
(vendredi noir)


(Le Tréport, Seine-Maritime, 18 novembre, 17h 45)

la terre va comme un bateau sans boussole
 foules électriques  sur les escalators
cascades de bières pour des jeux de balle
on ne veut pas savoir on veut ce qu’on a pas
foules qui chantent dans le noir
on se pâme pour un billet gagnant

d’autres solitaires enfermés dans des chambres blanches
sculptent des guerriers de bois juste pour exister
quelques clous et des couleurs pour remplacer les mots
ils savent ils voient ce qu’on ne voit pas
solitaires qui ne veulent qu’être là avec un pinceau et un peu d’eau
à ceux-là je confierais la barre

jeudi 28 novembre 2019

mercredi 27 novembre 2019


Au marais d'Arleux


(Marais d’Arleux, Pas-de-Calais, 26 novembre)

Avec un peu d’eau 
et une brassée de roseaux
nettoyer son cœur

mardi 26 novembre 2019


Le marais d'Arleux

 
(Palluel, Pas-de-Calais, 11h)

Un jour, au petit matin, après avoir marché toute la nuit dans Paris endormi, j’entrai dans un café où tout, du moindre objet aux vêtements des clients et serveurs datait du 19ième siècle. J’eus l’extraordinaire et douce sensation de glisser dans le temps. Il s’agissait du tournage d’un film d’époque. J’étais entré sans m’en rendre compte, l’esprit brouillé par la fatigue et une légère ivresse. Personne n’avait fait attention à moi, j’étais invisible.
Ce matin, sur un chemin boueux entre Arleux et Palluel, je retrouve cette étrange sensation.
Le ciel est gris, épais. La terre grasse et humide s’accroche aux crans des semelles. De part et d’autre du sentier, dans les marais, canards et poules d’eau s’en donnent à cœur joie. Les taillis sont trop denses pour accéder aux berges des étangs. Les feuilles qui tardent à tomber font quelque taches jaunes et rouges dans cet enchevêtrement de vert de gris. Un vent léger agite les plumeaux des roseaux, par moment une fine bruine me picote le visage.
Je suis en compagnie de Jean-Baptiste Camille Corot. Il porte une veste noire de drap épais et  une large casquette qu’il soulève en passant devant l’alignement d’arbres taillés. Ce sont mes camarades de mélancolie, me dit-il. Alors moi aussi je salue les arbres, comme je n’ai pas de chapeau, je fais une révérence, un pas de danse dans la boue. Camille rit, un oiseau effrayé s’envole des fourrés, je me dis que je suis en bonne compagnie.


(Corot, Marais d'Arleux, 1871)

lundi 25 novembre 2019


Le blockhaus


(Le Hourdel, Baie de Somme, 20 novembre)

Il y a quatre ans j’avais déjà photographié ce blockhaus planté dans le sable comme un vaisseau spatial naufragé (Billet du 2 décembre 2016, photo noir et blanc). Cette fois ci c’est une manipulation involontaire qui crée cet effet vert et gris. J’ai mis du temps à réinitialiser l’appareil, la technique n’est pas mon fort et j’aime les surprises du hasard.
Vert de gris, comme l’uniforme de Frantz qui à vingt ans a attendu entre ces murs gris, à coté d’une mitrailleuse MG 42, a attendu, la peur au ventre, le regard fixé sur la mer verte, a attendu un ennemi qui n’est jamais venu. Les alliés ont débarqué plus au sud, la mitrailleuse est restée muette et Frantz ne garde du Hourdel  que les vagues opalines et les douces ondulations du sable à marée basse, un goût de paix mêlé d’un goût de peur. Si l’adversaire s’était présenté au pied de sa forteresse, aurait-il tiré sans hésitation? Frantz se souvient parfaitement de cette terrible appréhension à l’idée de tuer. Il n’a pas eu à le faire, il ne condamne pas pour autant ceux qui l’ont fait, c’est la guerre. C’est ce que Frantz tente maladroitement d’expliquer à son petit fils qui ne voit dans ces bâtiments en porte-à-faux qu’une surface à taguer ou un lieux de rendez vous amoureux.

dimanche 24 novembre 2019

samedi 23 novembre 2019


Eucalyptus


(Troncs d’Eucalyptus, Landévénnec, 9 septembre)

Les arbres ont la mémoire des hommes et bêtes qui s’attardent sous leur feuillage.


vendredi 22 novembre 2019


Le silence de l'image


(Le Hourdel, Baie de Somme, 20 novembre)

Le paysage est vaste. La marée est basse, bancs de sable et bras de mer alternent à perte de vue. Il y a le vent, le cri des mouettes, un moteur au loin, les galets qui roulent plus haut sur la plage, des enfants  qui gesticulent devant une colonie de phoques indifférents.
J’aperçois une balise, un point rouge dans cette uniformité de beiges et bleus, un point  comme pour clore une phrase et se taire. L’oeil cadre, isole le point et sa ligne sœur. Alors je pénètre dans le silence de l’image, plus grand que l’infini qui m’entoure.

jeudi 21 novembre 2019



Pour que ça aille mieux


(Chapelle Saint-laurent, Eu, Seine-Maritime, 20 novembre)

Hier matin, le ciel était laiteux, la campagne givrée, je quittais le Tréport pour aller plus au nord. Je m’arrêtai après seulement quelques minutes de route, pour une chapelle solitaire posée sur une colline dans un léger contre-jour. Je me suis garé sur le bas côté, j’ai regardé le paysage, longtemps. Je l’ai photographié, comme je fais souvent depuis que je tiens ce blog. Quelque chose me dit de m’arrêter, je ne sais pas toujours quoi exactement, ce n’est pas que la beauté du paysage, c’est autre chose, des histoires d’hommes et de femmes. J’ai vu là quelqu’un monter sur le chemin, un homme en bleu de travail, un bleu usé, une écharpe de laine autour du cou, une écharpe tricotée par sa grand-mère, sa mère ou sa fille ou bien son fils, un homme qui avançait tranquillement, les mains derrière le dos. Le soleil s’accrochait aux ardoises du toit, les prairies  gardait un peu de blancheur de la nuit froide, l’homme allait, tranquillement, soufflant de petits nuages, il allait à la chapelle allumer un cierge, pour que ça aille mieux, juste ça, que ça aille mieux. Oh, il ne croit pas vraiment en dieu, mais il aime bien venir  là, et puis on ne sait jamais, si ça pouvait aller un peu mieux…
Il y en a tant qui viennent, comme ça, seuls, discrètement, allumer des cierges ici ou ailleurs. Certain sont croyants, d’autres non, mais tous ils aimeraient que ça aille mieux, pas nécessairement pour eux mais pour d’autres. Ces petites flammes donnent  corps à des pensées, on ne sait jamais…
Moi, je n’allume pas de cierge, je raconte des histoires. C’est pour ça que je vais par monts et par vaux, pour raconter des histoires, hier à Flocques, aujourd’hui à Hames-Boucres, demain à Billy-Montigny. Et plus je vais, plus j’en cueille. Raconter des histoires pour que ça aille mieux, juste ça, on ne sait jamais…

mercredi 20 novembre 2019