mardi 31 août 2021


Ce que dit le paysage

(Hendaye, 29 août, 21h 20)

Le soleil a disparu derrière le Jaiskibel,

les tamaris, le ciel  et la mer ont les couleurs de l’enfance,

les fantômes jouent aux cartes, au nain jaune ou aux petits chevaux.


Sur le banc, face à la mer, il y a le mari et la femme,

ou le fils et le père, ou le fils et la mère, ou le frère et la sœur,

ou la fille et le père, ou la fille et la mère.


Ils ne parlent pas, ou si peu, on fait comme si,

des banalités, des potins, on ne se regarde pas,

on regarde le paysage qui est le seul à dire qu’on s’aime, peut-être. 

lundi 30 août 2021


Une Bille 

( A 63, Aire de la Porte des Landes Est, Saugnacq-et-Muret, Landes, 7h 40)

L’avait toujours une bille dans sa poche

pour les jours sans soleil

dimanche 29 août 2021

samedi 28 août 2021


Le soldat de pierre

(Urrugne, Pyrénées -Atlantiques, 23 août, 20h 35)

Le soldat de pierre me regarde

 Nous n’en n’aurons jamais fini

dit-il

Et il quitte son socle

 

vendredi 27 août 2021


Sur le Xoldokogaina

(Biriatou) 

( Vautours, 15h 40)

(15h 45)


Je suis monté sur le Xoldokogaina

à 480 mètres au dessus de la mer

là où la forêt a brûlé cet hiver

Je n’ai vu que des êtres ailés

et un homme mort



(Machaon ou Grand Porte-Queue, 16h 05)

jeudi 26 août 2021


Mon cargo à  moi

(Sur la GI 3440 entre Hondarribia et Pasai Donibane, Espagne, 25 août, 20h)

20h sur la route qui serpente sur le versant nord du Jaiskibel

je lève le pied, je baisse le pare-soleil, j’invoque Chet Baker

le dernier plein m’a laissé un parfum de gasoil au bout des doigts

mon cargo à moi c’est ma bagnole, je navigue à vue, Almost blue

mercredi 25 août 2021


Sur les pentes du Jaiskibel

(Hendaye, 7h 05)

Toujours pas de vagues, ou si peu,

la mer sous la couette,

à l’horizon, le parfum du café chaud,

je pars vers l’Espagne, avec un ami,

écouter le chant des fougères et des sirènes

sur les pentes du Jaïskibel.

Là-bas la mer a la voix rauque.

À longtemps écouter la terre,

on y perçoit encore les tremblements d’une guerre.

Là-bas chaque crique est une porte,

on entre ou on sort, c’est selon,

que l’on cherche le grand ou le petit.

Bambous, pins, eucalyptus,

chaque arbre est une destination.

Et les ruisseaux en bas de la pente abrupte

mêlent leurs voix frêles à celle profonde de l’océan. 

mardi 24 août 2021


Partition

(Hendaye, 7h 50)


Ce matin, il y avait un homme assis sur le muret.

Il regardait vers les Jumeaux, vers le soleil levant.

Il écrivait, quelques notes sur du papier froissé.

Sur le rocher son pied battait un tempo lent.

Quand l’oiseau est passé, il m’a dit: Vous avez entendu?

L’oiseau? 

Non, la guitare… 

lundi 23 août 2021


Un vieil ami

(Hendaye, 7h 55)

6h 30, il fait à peine jour,

quelque chose me pousse dehors,

je marche jusqu’au bout de la plage

jusqu’au bout de la digue,

je vois le soleil qui vient,

comme un vieil ami. 

dimanche 22 août 2021

samedi 21 août 2021


Jeunes gens sur le port

 (Hendaye, 15 août, 17h 55)

15 août, jour férié, le ciel est couvert, de temps en temps tombe un léger crachin.

Des jeunes gens se sont posés, à l’abri, dans un cube de béton au bout du port.

Je ne pouvais que saisir cet instant, tant de beauté dans l’attitude de ces jeunes, malgré une lumière terne. Ce cube semblait parfaitement placé pour accueillir un moment de paix, un moment intemporel - le monde change et l’adolescence est toujours l’adolescence - , un moment de grâce, un de ces moments qui donne confiance dans un avenir pourtant si précaire.

vendredi 20 août 2021


Le palmier électrique

(Hendaye, 12 août, 21h 30)

Ce fut d’abord une vision d’apocalypse, des éclairs zébrant le ciel,  jusqu’à la pointe de chaque mât, et sur le ponton de bois un marin aux yeux exorbités, les cheveux dressés sur la tête, fuyant Cthulhu.

Puis ce fut celle d’un pochetron des mers du sud hurlant et titubant, boxant les palmiers en les accablant de toute la connerie humaine.

Je leur aurais trouvé des noms à coucher dehors, des noms de marins qui n’ont pas droit au repos, dont les bateaux prennent l’eau, des marins sans pays qui courent depuis si longtemps qu’ils ont oublié pourquoi ils ont pris la mer.

Et puis dans la douceur du soir, alors qu’il n’y avait plus un souffle de vent pour faire chanter les haubans, j’ai laissé mes deux gabiers sur un banc avec une bouteille, des cigarettes et une carte de L’Île au Trésor.

J’’ai pensé à ce livre offert par mon oncle Pierre que je garde précieusement depuis ma plus tendre enfance, La Craie Magique de Hopp Zinken. Un petit garçon trouve une craie qui fait exister ce qu’il dessine. Il se dessine un ami, il dessine une porte qui le conduit dans un ailleurs merveilleux, il rencontre une reine qui a un jardin sur la tête….

J’ai pensé à ces expériences électrostatiques au Palais de la Découverte où les enfants rient de se voir les cheveux dressés sur la tête…

J’ai pensé au rire de notre petit fils…

J’ai dessiné un bateau électrique barré par un capitaine palmier pour s’envoler au dessus des mâts, pour voir son reflet tout au fond de l’eau, pour se perdre  dans la voie lactée où dans chaque étoile il y aurait un bout de nos vies.

Et j’ai donné la craie aux deux matelots. 

jeudi 19 août 2021


Les Jumeaux

(Hendaye, 8h 20)

Pas de vagues ce matin, un peu de bleu dans le gris, les Jumeaux sont bien là.

Toujours le même rituel, regarder au large, puis la falaise, au nord.

Hier en marchant sur la corniche, je me demandais depuis quand ces rochers se dressaient là, je me demandais si un jour je les verrai s’effondrer alors que la falaise devient de plus en plus fragile.

On dit que le chevalier Roland, du haut des Trois Couronnes, lança, pour éventrer les remparts de Bayonne, un énorme rocher. Roland fit un faux pas sur la terre humide - il pleut beaucoup en Pays-Basque - et le rocher dévala la pente pour se briser en deux à l’extrémité nord de la baie d’Hendaye.

On dit aussi que sous  un certain angle, les Jumeaux ont visage humain, regards durs, ne baissant jamais les yeux face aux tempêtes d’hiver.

On apprend encore qu’un troisième rocher se détachera un jour de la falaise qui s’effrite.

Avant que l’un d’eux ne disparaisse, ils seront trois. J’aime le chiffre trois qui unit les contraires.

Et si chaque matin je m’assure de leur présence,  si chaque matin je les photographie sous un ciel toujours changeant, ce n’est sans doute que pour partager mon étonnement d’être toujours là, avec eux, prêt à jouer avec l’océan. 

mercredi 18 août 2021


Échappée

(Hendaye, 18h 20)

Échappée

juste un titre

pas d’histoire ce soir 

contre les pensées noires 

mardi 17 août 2021


Frangin frangine

(Hendaye, 16 août, 8h 20)

Ce n’est pas le réchauffement climatique,

ce sont quelques Mojitos en anorak

face à une plage déserte qu’on dirait l’hiver

un bout de terre grasse qui s’en va

dans le ciel fragmenté d’un été bancal

et dessus vacillants frangin frangine

trinquant sans savoir dire à quoi

riant du même rire 

celui de la mère qui râle et qui s’en fout

se verrait bien là haut avec un Mojito

faut bien partir un jour

qu’elle dit

et une autre tournée pour frangin frangine

qui se regardent avec étonnement

c’est que ça n’arrive pas souvent 

d’aller à deux

de travers sur la même terre

 

lundi 16 août 2021


Le capricorne

(Aurice, Landes, 17h 20)

Le capricorne traversait le sentier,

à quelques centimètres de mon pied.

J’ai posé la main sur l’herbe sèche,

il s’est accroché à ma peau.

Nous sommes restés face à face,

incapables de parler nous cherchions nos mots.

De l’autre main je l’ai pris sous le menton

et lui ai tendu le mien, je te tiens, tu me tiens…

Nos yeux étaient si proches, j’ai ri le premier,

j’ai senti ses antennes battre ma joue.

Puis nous sommes repartis chacun de notre côté,

lui à ses affaires de coléoptère xylophage,

moi à mes affaires d’homme qui ne comprend pas grand chose.

 

dimanche 15 août 2021


Miniatures éphémères

(Villers-devant-Orval, Belgique, 18 juillet, 16h)

Le navigateur solitaire 

samedi 14 août 2021


Ici

(Rio Arga, le long de la N 138, Navarre, Espagne, 10 août, 15h 15)

Elle est assise sur une pierre

la jupe remontée sur les cuisses

ses jambes blanches, ses pieds blancs dans l’eau froide

elle dit: j’aime être ici

je dis  : moi aussi

le rio acquiesce et la lumière gravit la pente 

vendredi 13 août 2021


Au sommet

(Téléphore fauve sur brin d’herbe, Villers-devant-Orval, 16 juillet, 17h 20)

J’ai vu un Téléphore escalader un brin d’herbe, jusqu’au sommet.

Je lui ai demandé pourquoi il ne venait pas se poser directement là haut lui qui sait voler.

Il m’a répondu qu’après y être parvenu pas à pas, le paysage au bout du chemin était différent. 

jeudi 12 août 2021


Abdoulaye Coulibaly

(Hendaye,17h 50)

Des flics sur le pont Saint-Jacques.

Dimanche Abdoulaye tente de passer la Bidassoa à la nage.

Abdoulaye s’est noyé, il avait 18 ans, Abdoulaye Coulibaly,

un nom de plus à la longue liste des héros qui ont péri  dans leur quête de l’eldorado.

Au moment d’entrer dans l’eau, il ne regardait pas le ciel, il regardait l’autre rive, droit devant.

Aujourd’hui je regarde le ciel au dessus de la Bidassoa et je redis encore une fois son nom,

Abdoulaye Coulibaly, pour m’en souvenir. 

mercredi 11 août 2021


Une photo sale

(Bidart, Pyrénées-Atlantiques, 21h 50)

Une photo sale comme les fossés de bords de route

Une vieille bistrotière qui roule les r

« Vous avez le pass? Hé bé, c’est bien, j’ai pas le machin pour le lire! » 

Les voitures qui gronde comme un riff de guitare

Un mec qui court sur la route comme dans un film de Tony Gatlif

Une fille à la fenêtre comme dans une toile de Edward Hopper

J’ai le QR code qui colle aux doigts comme un vieux sparadrap

J’me taille avec ma belle dans un bouquin de Hugo Pratt

Chanter au Canada avec les iroquois 

mardi 10 août 2021


À Eugi

(Eugi, Navarre, Espagne, 14h 35)

Il est arrivé à Eugi en costume de scène.

Un vieil acteur vêtu de bois et de pierres.

Un trou au cœur le fait gémir le jour et la nuit.

On ne dort plus à Eugi, on écoute le vent dans sa poitrine.

Alors on dépose à ses pieds ce qu'il faut,

espérant qu’elle passera par ici celle qui comblera son cœur. 

lundi 9 août 2021


Se perdre

(Biriatou, Pyrénées-Atlantiques, 15h 05)

Entre le Xoldokogaïna et la Bidassoa,

nous nous sommes perdus dans les bois épargnés par les feux de février.

Revenant sur nos pas, la lumière avait changé et la forêt dévoilait d’autres trésors.

C’est si bon de se perdre. 



                                                                           (16h 25)


dimanche 8 août 2021


Miniatures éphémères

(Marciac, Gers, 4 août, 18h 35)

Ballade balancée sur le bananier 

samedi 7 août 2021


Sous le ciel effiloché

(Hendaye, 8h 30)

Sous le ciel effiloché j’abandonne à la vague les mots de celui qui m’habite depuis plus d’un mois.

Puis je repartirai loin de l’océan, et ce sera un autre personnage qui s’installera, je le connais, c’est un vieil ami, nous avons le même nom.

En surfant ce matin, je les imaginais tous en dedans, ceux d’hier et de demain, silencieux, me laissant à la joie de la houle qui déroule.

Reconnaissance à eux et à la mer et aux nuages et aux arbres et aux montagnes! 

vendredi 6 août 2021

Angélique confite

(Angélique des bois, Villers-devant-Orval, 29 juillet, 15h 35)

L’Angélique, à la floraison, comme la terre qui s’ouvre.

L’Angélique confite dans le bocal de verre, placé bien haut, hors de portée de l’enfant trop gourmand.

Et l’enfant si petit, coiffé d’une lampe frontale, qui traîne à minuit l’immense escabeau, de la bibliothèque à la cuisine.

Le voici maintenant perché tout en haut de l’armoire, les doigts collants de sucre, suçant la délicieuse tige d’Angélique.

Et dans la nuit sa lampe balaye un nouveau monde, la cuisine vue d’en haut!

jeudi 5 août 2021


L'homme un peu  de biais

(Avioth, Meuse, 27 juillet,16h 05)

C’était un homme un peu de biais, le regard en biais, le torse de biais et les pensées, de biais.

L’était pas bien vu, pas fréquentable disait-on, marié à sa bouteille, on l’entendait parfois gueuler après elle.

Personne ne savait la pluie de tristesse qui s’infiltrait entre les lattes disjointes du parquet de sa baraque, personne ne savait la source de ses cris qui fissuraient les murs, personne ne voulait savoir.

Un jour, avec un grand Slurp,  comme on avale un spaghetti en se tordant les oreilles pour amuser les enfants, il a aspiré une partie du monde, il s’en est tapissé l’intérieur.

Dès lors, il n’eut plus besoin de sortir, de se frotter aux autres, tout était là en dedans. Même la fenêtre était devenue inutile, il lui suffisait d’inverser son regard.

La végétation recouvrit la maison, la fit disparaître, on oublia l’homme un peu de biais, on n'en parla plus. 

mercredi 4 août 2021


Yeah!


(Marciac, Gers, 15h 10)


Un café à l’aube dans une tasse de fer blanc cabossée,

accroupi près du feu, les pieds dans l’herbe humide,

le blues de James Coton, Nico Wayne Toussaint à l’harmonica,

un môme qui fixe la guitare en métal, le ciel qui s’ouvre

et le vent qui soulève la poussière, yeah! 

mardi 3 août 2021


Un bleuet

(Villers-devant-Orval, 25 juillet, 15h 25)

Dans les blés bruns

Un bleuet

Je cours vers toi

 

lundi 2 août 2021


Onoda san

(Montmédy, Meuse, 27 juillet, 16h 45)

C’est un modeste palais aux richesses insoupçonnées adossé à la forêt.

Un de ces cinémas devant lequel, enfants , nous faisions la queue le cœur battant.

J’ai fait cette photo la semaine dernière, le cinéma était fermé.

J’imaginais alors une porte à gauche de l’écran. Il manquait le s au mot sortie au dessus de la porte. Ortie, un pâle boitier lumineux qui grésille. En ouvrant la porte, on entrait dans le bois, et celui ci pouvait être Jungle tropicale, Forêt de Brocéliande, Forêt des Appalaches ou d’Alaska,

Bois de Boulogne ou de Sherwood.

Après un moi et demi de vie quasi monastique, il fallait bien ça pour interpréter un moine, me voici de retour à la maison. Et bien sûr je me précipite au cinéma, nous en avions tellement manqué cette année de pandémie.

Onoda. C’est le film que j’ai vu cette après-midi, dans un cinéma de Versailles. Un film de Arthur Harari qui raconte l’histoire d’un soldat japonais resté trente ans, de 1944 à 1974, dans la jungle d’une île des philippines, persuadé que son pays était toujours en guerre.

J’ai été bouleversé par ce film, sans bien identifier ce qui me touchait à ce point. Était-ce la folie héroïque de cet officier à qui on a interdit de mourir qui se donne à une guerre devenue fantôme?

Étaient-ce les liens étroits qui le lient a ses compagnons d’armes qui disparaissent les uns après les autres? Il me semble que c’est quelque chose d’encore plus profond, indicible, proche de la mystique, l’obsession de cet homme me paraissait si familière que je fus submergé d’émotion par la séquence où il réalise qu’il s’est trompé. 

Ce soir, devant la photo du Lux, je vois Onoda san ouvrir la porte à gauche de l’écran, laissant entrer le parfum moite de la forêt tropicale, et tendre un mouchoir blanc au spectateur. 






dimanche 1 août 2021


Miniatures éphémères

(Villers-devant-Orval, 20 juillet, 17h 20)

Le chercheur