mercredi 31 août 2016


Les Oies Sauvages



À Öja, on y vient en bateau, on y voit de jolies maisons de bois, et des oiseaux, beaucoup d’oiseaux.


Ces deux là ont sans doute passé la journée à arpenter l’île d’un bout à l’autre. Au retour, sur le bateau,  l’homme, après avoir enfin posé ses jumelles,  s’est assis à coté du garçon qui dormait déjà à l’écart de sa famille. Rapidement il s’est assoupi à son tour.
Ils semblent si légers. Ce pourrait être le père et le fils, ou l’homme et l’enfant qu’il fut, unis par le même rêve, celui d’un petit homme qui traverse le ciel sur le dos d’une oie sauvage…

mardi 30 août 2016



Le Pont Sur la Bidassoa


 Un homme très grand et très maigre avec une toute petite valise  traverse le pont. De Hendaye vers Irun. De la France vers l’Espagne. Il marche lentement, le dos légèrement vouté. Très lentement. Au milieu du pont il s’arrête, il regarde derrière lui, devant lui, il regarde le ciel puis il continue sa marche.
En 1936, il a traversé ce pont beaucoup plus vite, très vite, dans les bras de sa mère. Ils fuyaient les bombardements tandis qu’à San Marcial son père expirait sous les balles franquistes.
L’homme s’arrête de nouveau au bout du pont. Il y a là un pécheur avec son fils. L’homme leur demande le chemin de San Marcial. Sa main se resserre sur la poignée de la petite valise.
Cette valise appartenait à sa mère. Elle y contient la correspondance enflammée de ses parents avant sa naissance…

lundi 29 août 2016


Ex Voto


Pour conjurer les naufrages, dans les ports on suspend des maquettes de navires aux voutes des églises, où on les pose sur les rebords des fenêtres orientées au grand large.
Ce soir dans la petite maison d’Arvid, sur l’île d’Öja, c’est la seule chose qui tienne encore debout.
Arvid  ivre mort  git au milieu des meubles renversés.
Alors comme chaque fois Arvid se redresse péniblement, s’approche en titubant du bateau et murmure: c’est la dernière fois…

dimanche 28 août 2016


Miniatures éphémères
Une Grande Maison Vide 

 
Ce fut son dernier rêve avant de sombrer en Méditerranée,
une grande maison vide...


samedi 27 août 2016



le Zazou


Galet de Loya
Bois flotté d’Hendaye
Gouache
Brindille de chez la voisine

vendredi 26 août 2016


Pasajes
(Le passage)


Partir, revenir
La même joie, chaque fois
Le vaste monde

jeudi 25 août 2016


L'Atelier d'Olof


Quand on vient visiter l’atelier d’Olof, il décadenasse la porte, puis il vous invite à l’ouvrir. À la façon dont vous saisissez la poignée, au temps passé de la paume sur le bois, il sait à qui il a à faire. Dans son invraisemblable bric à brac de sculptures de bois flottés, métal et autres rebuts, il saura alors quelle pièce vous présenter…
                                                                              (Öja, Suède 18 juillet)

mercredi 24 août 2016


Quand les murs se resserrent


 Quand ils sont arrivés à Pasajes, il faisait encore jour.
 Francisco, ses enfants et ses petits enfants sont venus manger des sardines sur le vieux port.
 Les terrasses faisaient le plein, on s’interpellait d’une table à l’autre. Sur le ponton les filles regardaient plonger les garçons. Saut carpé, saut périlleux arrière, double saut périlleux, le plongeon comme unité de mesure de leur virilité. Francisco racontait qu’autrefois il plongeait des falaises, au moins dix mètres, quinze même, et il se levait, rentrait le ventre et esquissait un pas de danse. les plus jeunes riaient de ses pitreries, les moins jeunes souriaient avec complaisance. Francisco racontait souvent les mêmes histoires.
Les sardines étaient délicieuses, des sardines de Cantabrie. À la nuit tombée, on était rassasié, on parlait moins fort, et le petit dernier dormait dans les bras de sa mère.
Alors il a fallu rentrer, par la seule rue qui traverse le village adossé à la falaise. Et là Francisco n’a plus rien dit.
La nuit, quand les murs se resserrent,  Francisco, le vieux républicain, serre les dents. Il y a des histoires qu’il garde pour lui…

mardi 23 août 2016


"Wallander"


 Dans les histoires, souvent les voitures sont rouges. Il y avait la même ce matin au pied de l’hôtel,  quand Jean s’est éloigné dans la rue, se dit Hélène.
Hélène adore les romans policiers et les séries télévisées. Jean, son mari, lui a même installé un home-cinéma dans l’ancienne chambre de leur fille. Ainsi il peut dormir tranquille lorsqu’elle reste devant la télévision jusqu’au cœur de la nuit. Il a construit les étagères, elle y a rangé ses dvd et ses romans. Ses préférés sont ceux de Henning Mankell. Combien de nuits en compagnie du commissaire Wallander!  Hélène se lève tard, non sans avoir lu quelques lignes dans son lit à son réveil. Jean, lui est dehors dès l’aube. Il boit son café dans le jardin en compagnie des oiseaux.
Un soir, il peinait à s’endormir, il l’a entendue murmurer « Wallander » quand elle s’est glissée contre lui dans le lit.
Alors pour ses soixante ans, Jean a offert à Hélène un voyage à Ystadt, en Suède, la ville de son héros. Ils ont pris un « forfait Wallander » à l’office du tourisme pour visiter la ville sur les traces du fameux commissaire. Jean avait rarement vu Hélène aussi joyeuse. Elle marchait légère dans les rues d’Ystadt comme si elle n’avait pas vu le ciel depuis longtemps.
Ce matin elle s’est même levée avant lui, sans ouvrir le roman posé sur la table de chevet - Avant le Gel de Henning Mankell -. Elle est restée un long moment à la fenêtre. On y apercevait la gare et un peu plus loin le port. Train ou bateau, quel est est le meilleur moyen pour s’enfuir s’est-elle demandée.
Jean s’est levé, s’est habillé en hâte et est sorti prétextant chercher des cigarettes. Ha mon Jeannot! a pensé Héléne. Jean ne fume pas et n’a jamais fumé. Quand il est passé devant la voiture rouge en bas de l’hôtel, il lui a fait un signe auquel elle a répondu gaiement.
Mais jean n’est pas revenu. À midi elle l’attendait encore. Elle s’aperçut qu’il avait laissé son portefeuille et son téléphone sur la table de nuit, à coté du roman.
Elle est descendue, a tenté d’interroger le réceptionniste de l’hôtel, mais elle ne parlait ni suédois ni anglais et l’employé n’entendait rien au français.
Elle a erré dans la petite ville jusqu’au soir. Le lendemain Jean n’était toujours pas là. Elle est alors allée au commissariat signaler sa disparition. Le commissaire s’appelait Blomberg, commissaire Blomberg, un grand rouquin avec des lunettes en écaille et un air de chien battu qui parlait quelques mots de français.
Puis elle est repartie dans les rues, hagarde, sans savoir où chercher.
Et maintenant Hélène est là devant cette maison bleue. Elle vient de reconnaitre la voiture et s’apprête à frapper à la porte avec un sentiment étrange. À la fois terriblement inquiète et excitée comme lorsqu’elle disparait dans ses lectures…

lundi 22 août 2016


Dans le Port de Simrishamn


Et si...

                      ( Suède,22juillet)

dimanche 21 août 2016


Fumées


 Pris par le jour et la rosée
 Sur le chemin je mâche les pensées
 Boucles de fumées

Miniatures éphémères
Petits métiers
Les Maçons du Sceliphron



Le Sceliphron( guêpe maçonne) construit pour ses larves des nids faits de salive et de boue séchée. Chaque œuf y est déposé avec des provisions ( souvent des araignées sauteuses dont les larves se délectent), puis refermé.
Si la ponte est particulièrement généreuse, la guêpe manque alors d’énergie et de salive pour abriter autant de larves. Les petits maçons interviennent alors pour assister le Sceliphron.
Leur jeunesse favorise l’abondance de salive (les anciens ont aussi la bave abondante, mais plus la force d’atteindre les recoins que choisit l’insecte, ni celle de tasser la boue).
 En l’absence du Sceliphron, ils sont  aussi chargés de chasser les guêpes-coucous en frappant leur seau avec la pelle.
C’est un joyeux métier, fortement recommandé pour débuter dans la vie…

samedi 20 août 2016



Baie de Txingudi


Baie de Txingudi,
hors champ,
une barque échouée,
ne reste du nom qu’un M et la moitié d’un O.
Un homme assis sur un banc rêve de Venise.
Il écoute sur son smartphone,  le 4ième Mouvement-Adagietto de la symphonie n°5 de Mahler.
Quelques feuilles mortes glissent  sur l’eau.
L’homme penche sa tête  blanche,
passe la main dans ses  cheveux,
de longs doigts fins, une pierre noire à l’annulaire
le même geste, plusieurs fois,
puis la main s’ immobilise, comme un salut…


https://www.youtube.com/watch?v=bFXBR5Cd0ao

vendredi 19 août 2016


                                                             Au bonheur des livres...

                                                                                    (Kalmar, Suède, 20 juillet)

jeudi 18 août 2016


Ce qui vient


Sur mon épaule il y a deux minuscules silhouettes, l’une s’extasie devant la scène, l’autre tremble en pensant à Fukushima, au gaz moutarde ou à Bhopal.
L’une me caresse tandis que l’autre me pique comme un moustique importun que je voudrais chasser, sans insecticide…
                                                                            (Hendaye, 15 août)

mercredi 17 août 2016


Le Temps et le Jouet


Elle était assise sur la première marche. Une adorable petite fille aux boucles blondes, tout sourire. Elle parlait à son jouet. Quand elle m’a vu, elle a filé effrayée dans l’obscurité de la maison. Quelques secondes plus tard apparaissait une jeune femme aux mêmes traits , le même sourire, les boucles juste un peu plus foncées. Trente ans venaient de passer. Elle était magnifique. J’étais comme un de ces jouets qu’on conserve précieusement et qui vous regarde grandir…

                                                                                               (Séverac le Château, 5 août)

mardi 16 août 2016


Une Soirée Ordinaire


La soirée avait  bien commencé. Geneviève avait mis sa robe jaune qui lui faisait une taille délicieusement fine, parenthèses inversées qui attendaient ses mains; Serge la dévorait des yeux. Elle  lui avait dit combien elle aimait ces  pattes d’oie qui égayaient son regard après quelques jours de soleil. Pendant ce temps petit Louis sautait sur le lit en riant aux éclats.
Puis ils  sont montés dans leur joli Clio rouge toute neuve pour se rendre à la fête, sur le stade.  Après avoir tourné vingt minutes autour du stade, Serge s’est garé sur une place qu’une voiture venait à peine de quitter, sans voir l’autre qui attendait devant que la place se libère; s’ensuivit une violente altercation. Serge a le sang chaud au volant et Geneviève déteste quand Serge s’énerve, ça l’énerve. Donc l’autre chauffeur a gueulé, Serge a gueulé, Geneviève a gueulé et bien sûr Petit Louis a gueulé…
On s’est calmé et on est parti bras dessus bras dessous, petit Louis sur les épaules de Serge, vers les lumières et la musique.
Petit Louis a voulu un ballon. Geneviève ne voulait pas, il va encore le perdre, a-t-elle dit. Petit Louis a insisté, il a commencé à couiné. Alors Serge a cédé. Petit Louis a choisi Dumbo, l’éléphant aux grandes oreilles, c’était le dernier. Et bien entendu, il a lâché le ballon au bout de cinq minutes et a vu son Dumbo disparaitre dans la nuit et impossible de le remplacer puisque c’était le dernier. Alors petit Louis a gueulé, et Geneviève a gueulé, «  Je te l’avais bien dit! » reprochait-elle à Serge qui commençait à s’échauffer à nouveau.
Finalement petit Louis a bien voulu un cheval rose avec des ailes, ça il y en avait plein. Et Serge lui a attaché au poignet.
Soudain la musique s’est arrêtée et les lumières se sont éteintes. Chouette , le feu d’artifice! Éclatent alors les trois fusées d’ouverture, trois  effrayantes détonations et petit Louis se met à hurler.  Veux pas,  veux pas…!  mais regarde comme c’est beau, oh, bleu, et ça c’est quoi comme couleur, hein, petit Louis c’est quoi, rouge.. Nan, nan, veux pas, veux pas!
Et on est reparti sans attendre la fin car petit Louis était inconsolable. Une fois dans la voiture Geneviève a dit qu’on aurait mieux fait d’aller manger des churros sur la jetée, ça aurait été plus calme, et Serge a dit qu’il n’aimait pas les churros et qu’elle le savait bien. Au mot Churros petit Louis s’est à nouveau manifesté et on a une fois de plus bien gueulé, tous ensemble.
Quand ils sont arrivés dans leur bungalow, loué pour la semaine, petit Louis était tellement épuisé d’avoir tant gueulé qu’il s’est endormi immédiatement.
Et dans le silence, loin des pétards et des flonflons, Serge a posé ses mains là où il y a juste la place, là où c’est fait pour, ils se sont regardés, ils ont soupiré et se sont jetés sur le lit…

                                                                                                   (Hendaye, 14 août)

lundi 15 août 2016


Smartphone


Je l’ai vue jeter son smartphone, lentement suivre les courbes sur le sable puis s’asseoir là où les traces se finissent…
                                               (Hendaye, 11 août, photo prise avec un smartphone...)

dimanche 14 août 2016


Miniatures éphémères
Rainette


 
Il était une fois une princesse très belle et d’une grande bonté sur laquelle une sorcière jalouse avait jeté un sort. Elle était condamnée à vivre dans un pot, sous les traits d’une énorme grenouille.
La rumeur disait qu’un bouquet de roses rouges, un air de Charlie Parker, ou un haïku de Bashō lui rendraient forme humaine. De nombreux jeunes gens s’aventurèrent sur les bords du pot dans l’espoir d’épouser la jeune femme ainsi désensorcelée.
Mais ce que la rumeur ne disait pas, c’est  que pour retrouver  sa silhouette première, la rainette devait faire l’apprentissage de la cruauté et dévorer cent jeunes hommes... 


                                                                  Un vieil étang
                                                           Une grenouille plonge
                                                                 le bruit de l’eau...
                                                                                    (Bashō)

samedi 13 août 2016


Ma Maison 


Sur la route entre Gamleby et Västervik
Pleine lune
Ma maison est si grande…

                                                                                                  (Suéde, 19 juillet)

vendredi 12 août 2016


Une Cabane au Canada


Sept heures du matin, à Lapleau. C’était sa cabane au Canada, aux abord du stade qui l’été devenait le camping municipal. À deux pas du plateau des mille vaches et des forêts corréziennes. Ce qu’il aimait par dessus tout, c’était ces moments de rien où dans le silence alentour se détachaient les voix des siens. On buvait de la bière, on parlait peu et on attendait le coucher du soleil. On parlait du temps, des autres, on se donnait des nouvelles, de temps en temps une blague fusait, les hommes riaient grassement et les femmes faisaient Oh! en riant sous cape. Parfois ce n’était que des « oui… ça c’est sûr…hé ben…ouai,ouais… mais bon…aprés tout… si tu le dis….enfin ». D’autre fois on laissait le silence faire son trou, on soupirait au même moment, et au moindre bruit on tournait la tête dans la même direction. Quand on finissait une bouteille, il y en avait toujours un pour répéter la phrase fétiche de la grand mère: « Encore une que les boches n’auront pas! ». L’après midi on allait à la pêche. Les femmes papotaient, profitaient de ce moment pour partager leurs soucis, avec la crise, le boulot, tout ça. Pour les hommes, pas question de parler de ça, les vacances, c’est les vacances et puis quand ça devient dur, on garde pour soi.  Les enfants  eux se baignaient dans les étangs, criant et s’éclaboussant, il fallait alors les éloigner, qu’ils ne fassent pas fuir le poisson.
 Fini le parfum du poisson grillé. Les boules de pétanque sont rouillées et il y a belle lurette que le séchoir n’a pas vu de maillot de bain.
Gilbert est seul maintenant. Il reste là toute l’année, avec Caroline, un Setter irlandais, une femelle. C’est sa femme qui lui avait trouvé ce nom, un nom de ses livres de petite fille.
Au printemps il sort les chaises et le parasol. On ne sait jamais. Quelqu’un peut venir.
 Chaque matin, il fait le tour du stade désert avec Caroline. Il reste en pyjama, il passe juste un pull en laine tricoté par les petites mains de Colette (dieu qu’il les aimait bien ces petites mains), il enfile ses grosses chaussures et il fait sa promenade avant de prendre son café sur le pas de sa porte.
Et le voilà face à sa cabane, Caroline sagement assise à ses pieds. Il se dit qu’après tout il est pas si mal ici. Il l’aime bien, sa cabane. Il va se faire son café, il prendra le temps de le boire, avec un  morceau de pain à tremper. Puis il ira chercher le journal  et un paquet de tabac à rouler à la seule boutique du village. Il se refera une tasse de café, la boira en lisant les nouvelles, fumera la première cigarette de la journée. Tout ça en prenant son temps. Alors il sera 11h et il faudra s’occuper du déjeuner, le sien et celui de Caroline…
 Oui, pense t-il , il est pas mal ici. Et il se met à fredonner la chanson de Bourvil: «  Caroline...

https://www.youtube.com/watch?v=uDXZbYl43aI    

jeudi 11 août 2016


Émois adolescents


(Kalmar, Suède, 20 juillet)

            Qu’importe l’eau froide et les nuages quand le monde tient sur un petit carré de peau…
                                                                                                    

mercredi 10 août 2016


"Émotion"


 Quand Gaston se rendait chez sa maitresse, dont la dextérité était sans égale, il restait un long moment devant la porte, ému à la simple vue du heurtoir…

mardi 9 août 2016


"Ange"


À Séverac le Chateau, il y'a le haut du village, médiéval, bien entretenu, avec des panneaux qui raconte l’histoire de certaines bâtisses, des gens qui vendent des chapeaux faits main, des vêtements au crochet, des bijoux et céramiques ou des peintures colorées. Il y a même un petit musée archéologique et bien sûr le château avec son son et lumière - « spectacle exceptionnel, 1000 ans d’histoire, 150 figurants, effets pyrotechniques, etc…. ».
Et puis il y a le bas du village avec des gens qui habitent là.  L’été, on n’ouvre pas souvent les volets, et l’hiver on vivote. Le travail se fait rare par ici.
Il se faisait appeler « Ange ». Un surnom acquis au cours d’une période faste pendant laquelle il était roadie pour des chanteurs de variété. Il m’avait contacté par téléphone, via Allostop, l’ancêtre des associations de covoiturage. Sa voix était rugueuse, sa grammaire approximative. Il m’avait dit être archéologue, handicapé, et accompagné d’un chien. Je le retrouvai aux alentours de Rambouillet. Il allait à Ruffec, moi je continuais jusqu’à la frontière espagnole au volant d’une R16.
Il était plutôt jeune mais déjà marqué par la vie. Blond, le nez légèrement épaté, des mains calleuses aux ongles noirs, il portait des vêtement usés, sans couleur et avait pour bagage un gros sac à dos. Le chien était un magnifique chien loup qui est resté bien sage à l’arrière pendant tout le voyage. «Ange» avait l’allure de ces routards qui hante les centres ville avec leurs chiens et le mot archéologue sonnait curieusement dans sa bouche ( combien de temps me faudra-t-il pour me défaire de jugements hâtifs et mal venus).
400 km pour faire connaissance. Jamais je n’oublierai cet homme. Enfant de la DASS, d’échec scolaire en échec scolaire, il avait échoué à l’armée où la seule chose qui l’eut apprise c’est à boire. Après avoir rendu l’uniforme, qui ne lui convenait guère, il suivit les chanteurs, déchargeant les camions et montant  les gradins. Mais l’alcool eut encore raison de lui.
Pendant quelque temps il fut employé municipal dans une petite commune, affecté à l’entretien des parcs. Puis il fut embauché comme homme à tout faire au musée archéologique de Saint Germain en Laye, où l’on peut voir l’extraordinaire Dame de Brassempouy. Et là, entre rangements, balayages et menus bricolages, il se mit à tout observer, à lire tout ce qu’il y avait à lire sous les vitrines et dans les brochures d’information. Petit à petit, il devenait archéologue. Le directeur du musée le remarqua et le prit sous son aile. Il buvait moins, il apprenait. Il s’intéressait plus particulièrement aux lieux des différentes découvertes, à leurs configurations. Le directeur lui dit un jour que certaines personnes parcouraient le pays en quête de vestiges et que chaque objet ramené pouvait rapporter un peu d'argent. Il partit alors sur les routes, attentif au moindre tumulus, espérant dénicher quelque antiquité enfouie.
C’était sa vie à présent, alternant séjours au musée et recherches dans les campagnes. Il me montra sa première découverte, précautionneusement enveloppée au fond de son sac: une lampe à huile romaine, intacte. Celle ci, je la garde, me dit-il avec fierté, c’est ma première. Tout le long du trajet, il me faisait signe lorsqu’il percevait dans le paysage un relief prometteur.
Quand nous arrivâmes à Ruffec, je le conduisis jusque chez lui: une petit cité HLM, tristes bâtiments de deux étages en rase campagne à la périphérie de la ville. Il habitait un deux pièces au rez de chaussée. Il me proposa de venir boire un verre avant de repartir.
L’appartement était quasiment vide. Dans une pièce il y avait un frigidaire volumineux, et une banquette de voiture en skaï brun. C’était tout. La porte de la deuxième pièce était fermée. Il m’offrit une bière ( le frigo en était plein) et me dit avec des airs de conspirateur: « viens voir. »
Il me conduisit dans la deuxième pièce. La porte était verrouillée et les volets clos.
Je découvris alors sous une pâle lumière électrique un amoncellement de boites de polystyrène, toutes de même format, parfaitement rangées. Chaque boite était divisée en petites cases carrées qui contenaient toutes des bouts de ferraille, de terre cuite, ou de pierre. L’empilement des boites montait jusqu’au plafond et il restait très peu de place dans la pièce. Il prit un morceau de métal rouillé dans l’une des boites et me dit de son air halluciné: « ça, tu vois, c’est un clou mérovingien, un clou de ceinture! »
La passion de cet homme était réelle, alors je l’ai cru. Je ne l’ai jamais revu. Il me reste de lui une carte de visite  avec son surnom « Ange » imprimé en lettres gothiques et la vision de cette improbable collection.
Il aurait pu habiter là, en bas du village, à Séverac le Château. Il  aurait été bien là, à deux pas d’un site médiéval…

lundi 8 août 2016


Secrets


 Pas un bruit, même les oiseaux semblent avoir déserté. C’est à Lapleau, en Corrèze, c’est banal, et c’est beau. Ce matin, pas d’histoire, seulement des secrets…

dimanche 7 août 2016


Miniatures éphémères
Un été à la fenêtre


         Près de la fenêtre, le vieux se balançait en regardant danser ses souvenirs sur l’Anthurium…

samedi 6 août 2016


Traversée


                  La revoilà, la petite dame au chapeau rouge.  Avec elle j’irais au bout du monde…

vendredi 5 août 2016



Nous avons dormi là


 Nous avons dormi là en compagnie  de quelques brins d’herbe.
Des fleurs poussaient dans la mer et le ressac bruissait des voix de ceux qui posent les pierres…
                                                                                 (Öland, Suède, 20 juillet )

jeudi 4 août 2016


Gorgone


 J’étais venu à Ramsund pour y lire, gravée sur le rocher en l’an mille, la légende de Sigurd, le chasseur de dragons. À une centaine de mètres de la pierre runique, je restai pétrifié devant un arbre aux allures de Gorgone et me vis enfant, juste assez grand pour atteindre les pédales du bout des pieds, au volant d’une voiture rouge à la poursuite de monstres chimériques.
Dans l’entrelac de bois, je percevais une fin imminente, la fin d’un monde.
Je me souvins alors d’anciens récits disant que du sang pris sur le coté droit d’une Gorgone pouvait ramener un mort à la vie. Aussitôt, j’allais voir s’il coulait encore un peu de sève du flanc droit de ce tronc majestueux…

mercredi 3 août 2016


Le Dernier Jour


C’est leur dernier jour de voyage. Dédé et Ginette se sont embrassés au petit matin au centre des pierres levées d’Ales Stenar en se promettant des câlins jusqu’à la fin et patience et attention au premier qui deviendrait zinzin.
Puis ils ont repris la route vers la France pour s’occuper de leurs vieux parents qui sont déjà un peu zinzins…

mardi 2 août 2016


La Piscine


Contre vents et marées il entretient sa piscine. Mais plus grand monde ne s’y baigne. Les enfants viennent rarement et les petits enfants dont les cris égayaient la maison tout l’été font leur vie bien loin de ce village de Provence…

lundi 1 août 2016



Au Bout


                                            Au bout il y a la mer et quelqu’un qui attend….