vendredi 12 août 2016


Une Cabane au Canada


Sept heures du matin, à Lapleau. C’était sa cabane au Canada, aux abord du stade qui l’été devenait le camping municipal. À deux pas du plateau des mille vaches et des forêts corréziennes. Ce qu’il aimait par dessus tout, c’était ces moments de rien où dans le silence alentour se détachaient les voix des siens. On buvait de la bière, on parlait peu et on attendait le coucher du soleil. On parlait du temps, des autres, on se donnait des nouvelles, de temps en temps une blague fusait, les hommes riaient grassement et les femmes faisaient Oh! en riant sous cape. Parfois ce n’était que des « oui… ça c’est sûr…hé ben…ouai,ouais… mais bon…aprés tout… si tu le dis….enfin ». D’autre fois on laissait le silence faire son trou, on soupirait au même moment, et au moindre bruit on tournait la tête dans la même direction. Quand on finissait une bouteille, il y en avait toujours un pour répéter la phrase fétiche de la grand mère: « Encore une que les boches n’auront pas! ». L’après midi on allait à la pêche. Les femmes papotaient, profitaient de ce moment pour partager leurs soucis, avec la crise, le boulot, tout ça. Pour les hommes, pas question de parler de ça, les vacances, c’est les vacances et puis quand ça devient dur, on garde pour soi.  Les enfants  eux se baignaient dans les étangs, criant et s’éclaboussant, il fallait alors les éloigner, qu’ils ne fassent pas fuir le poisson.
 Fini le parfum du poisson grillé. Les boules de pétanque sont rouillées et il y a belle lurette que le séchoir n’a pas vu de maillot de bain.
Gilbert est seul maintenant. Il reste là toute l’année, avec Caroline, un Setter irlandais, une femelle. C’est sa femme qui lui avait trouvé ce nom, un nom de ses livres de petite fille.
Au printemps il sort les chaises et le parasol. On ne sait jamais. Quelqu’un peut venir.
 Chaque matin, il fait le tour du stade désert avec Caroline. Il reste en pyjama, il passe juste un pull en laine tricoté par les petites mains de Colette (dieu qu’il les aimait bien ces petites mains), il enfile ses grosses chaussures et il fait sa promenade avant de prendre son café sur le pas de sa porte.
Et le voilà face à sa cabane, Caroline sagement assise à ses pieds. Il se dit qu’après tout il est pas si mal ici. Il l’aime bien, sa cabane. Il va se faire son café, il prendra le temps de le boire, avec un  morceau de pain à tremper. Puis il ira chercher le journal  et un paquet de tabac à rouler à la seule boutique du village. Il se refera une tasse de café, la boira en lisant les nouvelles, fumera la première cigarette de la journée. Tout ça en prenant son temps. Alors il sera 11h et il faudra s’occuper du déjeuner, le sien et celui de Caroline…
 Oui, pense t-il , il est pas mal ici. Et il se met à fredonner la chanson de Bourvil: «  Caroline...

https://www.youtube.com/watch?v=uDXZbYl43aI    

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