samedi 30 novembre 2019


Le chemin de l'inquiétude


( le Forum, à côté du Van der Valk hôtel, Mons, Belgique, 19h10)

Van der Valk hôtel, c’est là que je vais. 
Le GPS me dit de prendre le chemin de L’Inquiètude.
La rue est fermée, en chantier, je dois prendre la rue Mélina Mercouri. 
Je préfère.


(Une tache sur le sol au pied du Forum) 

vendredi 29 novembre 2019


Un bateau sans boussole
(vendredi noir)


(Le Tréport, Seine-Maritime, 18 novembre, 17h 45)

la terre va comme un bateau sans boussole
 foules électriques  sur les escalators
cascades de bières pour des jeux de balle
on ne veut pas savoir on veut ce qu’on a pas
foules qui chantent dans le noir
on se pâme pour un billet gagnant

d’autres solitaires enfermés dans des chambres blanches
sculptent des guerriers de bois juste pour exister
quelques clous et des couleurs pour remplacer les mots
ils savent ils voient ce qu’on ne voit pas
solitaires qui ne veulent qu’être là avec un pinceau et un peu d’eau
à ceux-là je confierais la barre

jeudi 28 novembre 2019

mercredi 27 novembre 2019


Au marais d'Arleux


(Marais d’Arleux, Pas-de-Calais, 26 novembre)

Avec un peu d’eau 
et une brassée de roseaux
nettoyer son cœur

mardi 26 novembre 2019


Le marais d'Arleux

 
(Palluel, Pas-de-Calais, 11h)

Un jour, au petit matin, après avoir marché toute la nuit dans Paris endormi, j’entrai dans un café où tout, du moindre objet aux vêtements des clients et serveurs datait du 19ième siècle. J’eus l’extraordinaire et douce sensation de glisser dans le temps. Il s’agissait du tournage d’un film d’époque. J’étais entré sans m’en rendre compte, l’esprit brouillé par la fatigue et une légère ivresse. Personne n’avait fait attention à moi, j’étais invisible.
Ce matin, sur un chemin boueux entre Arleux et Palluel, je retrouve cette étrange sensation.
Le ciel est gris, épais. La terre grasse et humide s’accroche aux crans des semelles. De part et d’autre du sentier, dans les marais, canards et poules d’eau s’en donnent à cœur joie. Les taillis sont trop denses pour accéder aux berges des étangs. Les feuilles qui tardent à tomber font quelque taches jaunes et rouges dans cet enchevêtrement de vert de gris. Un vent léger agite les plumeaux des roseaux, par moment une fine bruine me picote le visage.
Je suis en compagnie de Jean-Baptiste Camille Corot. Il porte une veste noire de drap épais et  une large casquette qu’il soulève en passant devant l’alignement d’arbres taillés. Ce sont mes camarades de mélancolie, me dit-il. Alors moi aussi je salue les arbres, comme je n’ai pas de chapeau, je fais une révérence, un pas de danse dans la boue. Camille rit, un oiseau effrayé s’envole des fourrés, je me dis que je suis en bonne compagnie.


(Corot, Marais d'Arleux, 1871)

lundi 25 novembre 2019


Le blockhaus


(Le Hourdel, Baie de Somme, 20 novembre)

Il y a quatre ans j’avais déjà photographié ce blockhaus planté dans le sable comme un vaisseau spatial naufragé (Billet du 2 décembre 2016, photo noir et blanc). Cette fois ci c’est une manipulation involontaire qui crée cet effet vert et gris. J’ai mis du temps à réinitialiser l’appareil, la technique n’est pas mon fort et j’aime les surprises du hasard.
Vert de gris, comme l’uniforme de Frantz qui à vingt ans a attendu entre ces murs gris, à coté d’une mitrailleuse MG 42, a attendu, la peur au ventre, le regard fixé sur la mer verte, a attendu un ennemi qui n’est jamais venu. Les alliés ont débarqué plus au sud, la mitrailleuse est restée muette et Frantz ne garde du Hourdel  que les vagues opalines et les douces ondulations du sable à marée basse, un goût de paix mêlé d’un goût de peur. Si l’adversaire s’était présenté au pied de sa forteresse, aurait-il tiré sans hésitation? Frantz se souvient parfaitement de cette terrible appréhension à l’idée de tuer. Il n’a pas eu à le faire, il ne condamne pas pour autant ceux qui l’ont fait, c’est la guerre. C’est ce que Frantz tente maladroitement d’expliquer à son petit fils qui ne voit dans ces bâtiments en porte-à-faux qu’une surface à taguer ou un lieux de rendez vous amoureux.

dimanche 24 novembre 2019

samedi 23 novembre 2019


Eucalyptus


(Troncs d’Eucalyptus, Landévénnec, 9 septembre)

Les arbres ont la mémoire des hommes et bêtes qui s’attardent sous leur feuillage.


vendredi 22 novembre 2019


Le silence de l'image


(Le Hourdel, Baie de Somme, 20 novembre)

Le paysage est vaste. La marée est basse, bancs de sable et bras de mer alternent à perte de vue. Il y a le vent, le cri des mouettes, un moteur au loin, les galets qui roulent plus haut sur la plage, des enfants  qui gesticulent devant une colonie de phoques indifférents.
J’aperçois une balise, un point rouge dans cette uniformité de beiges et bleus, un point  comme pour clore une phrase et se taire. L’oeil cadre, isole le point et sa ligne sœur. Alors je pénètre dans le silence de l’image, plus grand que l’infini qui m’entoure.

jeudi 21 novembre 2019



Pour que ça aille mieux


(Chapelle Saint-laurent, Eu, Seine-Maritime, 20 novembre)

Hier matin, le ciel était laiteux, la campagne givrée, je quittais le Tréport pour aller plus au nord. Je m’arrêtai après seulement quelques minutes de route, pour une chapelle solitaire posée sur une colline dans un léger contre-jour. Je me suis garé sur le bas côté, j’ai regardé le paysage, longtemps. Je l’ai photographié, comme je fais souvent depuis que je tiens ce blog. Quelque chose me dit de m’arrêter, je ne sais pas toujours quoi exactement, ce n’est pas que la beauté du paysage, c’est autre chose, des histoires d’hommes et de femmes. J’ai vu là quelqu’un monter sur le chemin, un homme en bleu de travail, un bleu usé, une écharpe de laine autour du cou, une écharpe tricotée par sa grand-mère, sa mère ou sa fille ou bien son fils, un homme qui avançait tranquillement, les mains derrière le dos. Le soleil s’accrochait aux ardoises du toit, les prairies  gardait un peu de blancheur de la nuit froide, l’homme allait, tranquillement, soufflant de petits nuages, il allait à la chapelle allumer un cierge, pour que ça aille mieux, juste ça, que ça aille mieux. Oh, il ne croit pas vraiment en dieu, mais il aime bien venir  là, et puis on ne sait jamais, si ça pouvait aller un peu mieux…
Il y en a tant qui viennent, comme ça, seuls, discrètement, allumer des cierges ici ou ailleurs. Certain sont croyants, d’autres non, mais tous ils aimeraient que ça aille mieux, pas nécessairement pour eux mais pour d’autres. Ces petites flammes donnent  corps à des pensées, on ne sait jamais…
Moi, je n’allume pas de cierge, je raconte des histoires. C’est pour ça que je vais par monts et par vaux, pour raconter des histoires, hier à Flocques, aujourd’hui à Hames-Boucres, demain à Billy-Montigny. Et plus je vais, plus j’en cueille. Raconter des histoires pour que ça aille mieux, juste ça, on ne sait jamais…

mercredi 20 novembre 2019

mardi 19 novembre 2019


Les géants


(Le Tréport, Seine-Maritime, 18 novembre)

Les géants.
Le jour, ils ne bougent pas.
Ils laissent la mer les taquiner,
ils regardent jouer les oiseaux,
on marche sur leur dos,
ils frissonnent à peine.
Parfois ils jettent une pierre, 
juste pour voir le bruit que ça fait.
Mais la nuit, ils dansent. 
À marée basse ils sautent dans les flaques,
à marée haute, ils marchent sur l’eau.
Je les ai vus.
J’avais un peu bu,
avec un militaire qui avait fait la guerre
pour du pétrole et d’autres conneries,
un militaire qui avait rendu son fusil 
après avoir vu d’autres géants 
jouer aux boules dans le désert.
Faut pas les déranger qu’il m’a dit,
ils sont là depuis longtemps.
J’ai posé ma main,
pour pas tomber, 
ça ronronnait comme un gros chat.
Je les ai entendu rire.
J’ai reconnu ce rire.

lundi 18 novembre 2019


Le vieux marin


(Le Tréport, Seine-Maritime, 17 novembre, 18h30)

Il y a longtemps qu’il ne prend plus la mer, le vieux marin.
Il vient à la digue quand s’allument les balises.
Bâbord, tribord, rouge, vert, le retour,
à tribord la main qui salue, la main qui étreint, la main qui caresse.
À quai, la course de l’enfant, le regard de l’épouse.
À terre les récits de haute mer, les mains qui ne se lâchent plus.
Et pourtant, à peine arrivé, le désir de repartir.
C’était il y a longtemps,
sa casquette était neuve, ses mains fortes,
il voyait jusqu’au côtes de l’Angleterre.
Il vient en tremblant sous la balise, le vieux marin.
Le galon de sa casquette est limé et délavé.
Tant qu’il verra  la lanterne s’allumer,
il ne sera pas perdu.


(18 novembre, 17h20)

dimanche 17 novembre 2019


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 14 novembre)

Sur l'épaule du diable

samedi 16 novembre 2019


Le goût de se perdre


(Orval, Belgique, 10 novembre)

Je devais avoir une dizaine d’années. Nous étions partis du petit village de Bareille en Ariège pour rejoindre la grotte d’Aliou d’où jaillit un ruisseau au fond d’un vallon, la Gouarège. Il y avait mes parents, mon oncle Pierre, et moi. J’étais le seul enfant, du moins dans mes souvenirs.
Notre maison  était au bout du village, au bout de la route. De là partait un sentier qui menait au fond d’un autre vallon parallèle au premier. Pour rejoindre la grotte, le chemin le plus court était de gravir à travers bois la colline qui séparait les deux vallées. Mon oncle connaissait le chemin, du moins le disait-il. Nous nous sommes enfoncés dans le sous bois sans hésitation. Très vite les chaos de pierres et les ronciers ralentirent notre progression. Nous avons longtemps tourné dans ces bois denses où les branches crochues et les pierres branlantes semblaient vouloir nous retenir.
Je ne sais plus au bout de combien de temps, la peau égratignée, les chevilles douloureuses, nous avons atteint la cavité et sa résurgence, mais le plus fort de ce souvenir  ce n’est pas cet antre mystérieux où nichent les chauves souris, c’est le chemin semé d’embuches, l’absence de repères, le goût de se perdre.

vendredi 15 novembre 2019


Le jardin de pierres


 (Abbaye d’Orval, Belgique, 10 novembre)

Le moine à posé son râteau de bois contre l’une des colonnes de pierre de la galerie qui longe le jardin sec. Il se frotte les mains, doucement. Il regarde les lignes qu’il vient de tracer, il n’est qu’un grain de sable parmi les autres. Dans le profond silence, un lointain bruit de ressac, infime. Ce sont ses paumes l’une contre l’autre. Le ciel est gris, sur les vagues de sable, une lumière douce, silencieuse. L’homme compte, il compte les traits dans le gravier.
Soudain, là-haut, une éclaircie. Un rayon de soleil passe entre les arches de pierre, caresse le sable, s’accroche à l’arrête du rocher. L’homme sursaute, ses mains s’immobilisent, son cœur se tord.
Dans un pays du nord, un grand rocher surplombe un lac noir. C’est l’été, c’est le soir, un soir sans nuit, un soir d’argent, un soir de juin. Une fille rit aux éclats. Ses yeux sont bleus, ses cheveux blonds, sa peaux piquetée de rousseur, elle rit, son rire ricoche sur les eaux noires. Elle porte juste une culotte et un pull de laine beige. Sur le rocher deux jeunes hommes nus, légèrement ivres chahutent, ils chahutent et plongent, l’un après l’autre, c’est à celui qui réalisera la plus belle ou plus drôle figure, ils remontent, plongent à nouveau, le lac n’en peut plus de faire des ronds et la fille de rire. Et quelque part Jacques Brel chante La Fanette.
Le moine ferme les yeux, il attend que ça passe, que la lumière s’en aille, que le jardin retrouve sa paix.

jeudi 14 novembre 2019


Qu'il en soit ainsi


(Vaucresson, 11h 15)

Juste avant la fin
décrocher
faire trois tours
ardent de désir
se rattraper 
aux branches basses
retarder la chute
abreuvé de lumière
verser une dernière
larme
féconder la terre
prête à m’accueillir

Qu’il en soit ainsi

mercredi 13 novembre 2019


Curieuse journée


(Abbaye d’Orval, Belgique, 9 novembre)

Curieuse journée.
Commémoration des attentats de 2015. Les balles dans la chair, les os brisés, la stupéfaction, le silence du lendemain. Quatre ans, c’est trop proche. La semaine dernière j’écoutais à la radio une émission qui reconstituait les évènements, témoignages, bruits de balles, témoignages, bruits de balles, reconstitution bouleversante, trop réaliste. Les larmes aux yeux je me demandais comment quelqu’un qui avait survécu à deux pas de la mort sous un amas de corps pouvait entendre cela.
Aujourd’hui ma mémoire s’attardera ailleurs, je ne le choisis pas, c’est comme ça.
Mort de Raymond Poulidor. Un nom qui immédiatement m’évoque la cour de récréation de l’école de mon enfance, le bitume rouge brun, granuleux, sur le lequel nous courions dans tous les sens, le bac à sable où nous nous mesurions au saut en hauteur et au saut en longueur, les culottes courtes, les poches pleines de billes ou de marrons. Poulidor, Poupou, un héros pour une enfance, un héros qui n’a jamais gagné. Cela serait-il possible maintenant, à l’heure où la pression est telle que le mot burn-out circule partout, dès le collège, puis dans tous les métiers.
Encore une urgence à dire non. Il y a tant de beauté dans l’or des feuilles et la nonchalance du lierre jeté pardessus les pierres.
Curieuse journée.
Je répète un spectacle pour les enfants, reprise d’une pièce pour un acteur et des marionnettes jouée il y a 25 ans. Une histoire d’amour et d’écologie, un jeune pêcheur amoureux d’une ondine désespérée par la saleté de sa rivière. La mémoire fait son travail, les gestes reviennent, de très loin.
En venant au théâtre, dans les transports en commun, je lis Jours Barbares de William Finnegan, passionnant roman autobiographique d’un reporter de guerre pour qui le surf fut une part essentielle de sa vie, dès l’âge de dix ans. Je me souviens comment à dix ans je portais sur la tête l’énorme planche de surf de mon oncle, une planche blanche qui devait bien mesurer 2m 80,
je me souviens de mes premières vagues dans l’embouchure de la Bidassoa, je me souviens des premières frayeurs, la mémoire est joyeuse.
Curieuse journée où la mémoire se ballade entre ombre et lumière, entre ruines et naissances.
Jamais je n’ai cessé de jouer depuis ma plus tendre enfance, jusqu’à en faire profession.
Je ne trouve pas d’autre image pour cette journée que celle-ci, prise à Orval il y a cinq jours. Une image romantique, où les pierres et les arbres semblent réconciliés. Là, nous y créerons en juillet prochain un spectacle qui contera la formidable histoire de ces pierres et de ce pays. Ce sera un nouveau terrain de jeu, sur une terre où le sang a coulé, sur une terre où des hommes ont donné leur vie à la paix.
À droite, sur les pierres il y a ces traces rouges. Non, pas de sang, de la joie encore. Le souvenir du théâtre où je fis mes premiers pas sur scène il y a quarante deux ans, le théâtre où je rencontrai celle qui est toujours à mes côtés, le théâtre où je côtoyais l’un des plus grands metteur en scène, Peter Brook, le théâtre des Bouffes du Nord à Paris.
Et la mémoire s’emballe, Surf,Théâtre, Amour, Guerre. Je me souviens comment adolescent épris de liberté j’écrivais ces mots d’un geste rageur en marge de mes cahiers de cours. Je crois que je n'ai pas changé.
Curieuse journée, somme toute bien remplie.

mardi 12 novembre 2019




(Orval, Belgique, 10 novembre)

Au premier givre
les amours d’automne
sauvage tendresse

lundi 11 novembre 2019


L'or du val


(Orval, Belgique, 9 Novembre)

Samedi, j’ai vu dans le brouillard d’Argonne un épouvantail sans tête planté dans la terre labourée.
Je l’ai revu dimanche dans l’or du val, il ramassait des feuilles pour s’en faire une tête,
sa jambe de bois tapait sur le bitume, son vêtement était de drap bleu.

dimanche 10 novembre 2019

samedi 9 novembre 2019


Le repas


(Abbaye d’Orval, Belgique)

Nous mangeons en silence, côte à côte. Une grande tablée. les regards se perdent, ou plutôt se retournent vers l’intérieur  tandis que la parole se retient. Les cuillères tintent dans les assiettes comme les haubans sur les mâts. Derrière la vitre brouillée, la seule certitude est l’automne.
Sinon mille mondes sont possibles, des grandes plaines de Mongolie aux détroits de Patagonie.
Nous sommes des bateaux au repos qui attendons la marée haute, nos visages sont nos dessins d’enfants, notre destination nous l’ignorons.

vendredi 8 novembre 2019


Le plongeoir


(Lac de Bournazel, Seilhac, Corrèze, 5 novembre)

Les pieds nus sur le revêtement antidérapant du plongeoir, le corps qui s’élance, se cabre, le bouillonnement  juste après l’impact, la remontée, miroir de la chute au ralenti, la tête qui jaillit hors de l’eau, l’immédiat désir d’y retourner, de voler encore, quelques secondes en suspension, quelques secondes pendant lesquelles se concentre toute la confiance qui fait défaut au sol, l’évidence du geste, la gloire éphémère du garçon si pataud l’instant précédant le saut.

jeudi 7 novembre 2019


Une bouteille


(Lac de Vassivière, Haute-Vienne, 6 novembre)

J’ai trouvé un jour chez un antiquaire une bouteille, une bouteille de marin, de montagnard ou de bûcheron. Elle ne contenait ni un trois mats, ni une danseuse, ni un chasseur, elle contenait un paysage, un lac et des arbres. Le verre était froid, du goulot s’échappait un parfum d’automne.
J’ai bu cul sec, j’ai bu le paysage, c’était frais, c’était bon, c’était silencieux, extraordinairement silencieux, et soudain en fin de bouche une histoire très ancienne.

mercredi 6 novembre 2019


Le ciel


(D918, Entre Saint-Chartier et Saint-Août, Indre)

C’est pour le ciel que je prends la route.
Je vole, je suis Lawrence d’Arabie, Don Quichotte ou Steve McQueen.
Les arbres sont ma troupe.
Qu’importe la distance
mon cœur est un nuage qui file sous le vent,
ma main parcoure la terre,
s’en empare avec douceur,
comme on porte un oisillon
ou un papillon aux ailes ébréchées.
Dans le creux de ma paume
la chaleur de mon amour.
Qu’importe la distance,
nous sommes sous le même ciel.

mardi 5 novembre 2019


Sur la route suspendue


(N20, Artenay, Loiret)

La terre est noire
mais la musique est belle
Marie Laforêt chante
pour un camionneur en débardeur
qui pleure quand elle dit viens
sur la route suspendue

lundi 4 novembre 2019




(Landévénnec, 8 septembre)

Quand le doute se dissipe, l’esprit a la légèreté des herbes et des pavots.

dimanche 3 novembre 2019


Miniatures éphémères


(Arborétum de Chèvreloup, Yvelines, 6 octobre)

Exodes


(Villeneuve-lez-Avignon, Gard, 19 juillet)






samedi 2 novembre 2019


Les poupées russes

 

(Vaucresson)

Nous parlions des lieux de nos premiers pas, à quel point nous en étions imprégnés, souvent inconsciemment. Pour Amaury c’était les Pays-Bas, pour moi c’était le Sénégal. Nous parlions de cette soudaine familiarité qui advient là où l’on ne s’y attend pas. Amaury m’a alors raconté cette histoire:
Élisabeth et Michel, ses parents, étaient partis quelques jours visiter Moscou. Ce fut un merveilleux séjour, si ce n’est qu’Élisabeth fut prise d’une subite passion pour les poupées russes. Elle ne voyait que ça, indifférente aux dômes d’or et de sucre d’orge de la cathédrale Basile-le-Bienheureux, elle ne résistait pas à une petite poupée de bois peint qui attendait sur l’étagère encombrée d’une misérable échoppe. Frénétique, compulsive, elle en achetait par dizaines. Michel ne comprenait pas, il attendait chaque fois patiemment Élisabeth à la porte des boutiques. Michel était très amoureux, donc patient, mais tout de même inquiet.
Au retour, il fallut une valise supplémentaire pour tous ces achats. À la douane, l’astronomique quantité de poupées gigognes intrigua les douaniers qui, soupçonnant quelque douteux trafic,
ouvrirent une à une toutes les poupées. Ils n’y trouvèrent que d’autres poupées qui contenaient d’autres poupées qui contenaient… Cela dura si longtemps que l’avion décolla avec un retard conséquent. Michel se demandait où ils allaient poser toutes ces poupées, il faudrait sans doute de nouvelles étagères, il les fabriquerait, pour Élisabeth.
Quelques jours après leur retour, ils se rendirent un dimanche chez les parents d’Élisabeth. Traditionnel repas dominical, poulet frites, éclairs café ou chocolat, dernières nouvelles, les enfants et l’école, la santé,  et de plus en plus souvent, avançant en âge, la rubrique nécrologique. Ce jour là, il y eut un merveilleux sujet de conversation, le voyage à Moscou. Michel avait apporté quelques photos, Élisabeth, quelques poupées.
Quand Michel raconta la soudaine manie d’Élisabeth, sa mère éclata de rire, un rire chaud, un rire qui emplissait toute la maison, un rire qui semblait venir de très loin. Elle raconta à Michel que pour ses un an Élisabeth reçut en cadeaux une de ces poupées de bois qu’elle garda longtemps dans ses petites mains, la tournant dans tous les sens, la portant à sa bouche, suçotant le bois rouge. Le jouet devait être quelque part dans la maison, entre trois livres et deux bibelots.
Amaury conclut en me disant qu’il y avait maintenant chez lui et chez chacun de ses frères et sœurs au moins une poupée russe sur une étagère.

vendredi 1 novembre 2019


La mue des fées

 
(Vaucresson)

Il y a au fond de mon jardin un arbre aux feuilles couleur de sang où viennent muer les fées.
À l’automne, elles y accrochent leurs ailes fatiguées avant de se réfugier au creux des pierres pour hiberner. Là, à l’abri des regards, elles en tisseront de nouvelles pour le printemps prochain.
On peut lire dans les ailes au rebut les chemins parcourus et les vies accompagnées.