lundi 31 octobre 2022


La lumière au bout du champ

(Travaillan, 12h 40)

Dans une allée au bout du champ,  là où penchent les cyprès, il y a un coin pour s’écarter du monde. Dans un trou bordé d’herbes folles poussent quelques boulots et des bribes de paysages. Les saisons ont perdu leur latin dans l’herbe tendre et le temps s’accroche aux branches. C’est un étrange et mélancolique paradoxe que de vouloir s’éloigner à tout prix, et désirer à ce point se rapprocher des autres. Le vent n’a pas empêché les arbres de grandir, il leur a donné cette belle inclinaison.

À quelques mètres, un hangar de tôle, un champ en friche, un ruisseau famélique, un verger plus entretenu depuis une éternité, ne restent que quelques vieux cerisiers et abricotiers rabougris, et une maison qui se fissure.

Peut-être est-ce cette lumière au bout du champ qui retient les deux vieux qui vivent là, qui ne sont plus que l’ombre d’eux même. 

dimanche 30 octobre 2022


Miniatures éphémères

(Arboretum de Chèvreloup, 21 octobre, 14h)

Hallucinations 

samedi 29 octobre 2022


Samare

(Vaucresson, 15h 45)

Ils lui ont coupé les ailes.

C’est ce qu’on disait.

Il ne comprenait pas bien.

Il n’avait jamais vu sa mère voler.

Par contre il la savait légère comme l’herbe folle.

Alors il avait délicatement inséré des samares d’érable dans une brindille.

Les samares qu’il ramassait à l’automne, ailes de fées qu’il glissait ensuite dans les petits trous de la table de jardin. Seule la graine passait dans le trou, le haut de l’aile dépassait et se balançait au vent.

Il les prenait entre ses gros doigts bien plus adroits alors qu’avec des couverts, des crayons, ou tout autre outil.

Samare. Il aimait le mot. C’est sa grande sœur qui lui avait appris. Samare, sa s'mare, sa mère….

Samare et brin d’herbe. Pour sa mère.

Il était longtemps resté devant sa modeste composition. Peut-être sa mère réapparaîtrait-elle? 

vendredi 28 octobre 2022


L'étang

(Marnes-la-Coquette, 26 octobre, 16h 50)

Rien ne bouge.

Il entend battre son cœur.

Assis sur une souche, Rick attend.

Juliette viendra-t-elle du fond de l’eau

ou des hauteurs de la canopée? 

jeudi 27 octobre 2022


Une muse

(Marnes-la-Coquette, 26 octobre, 15h 40)

Les personnages solitaires sous les grands arbres sont un reflet des mes rêveries romantiques.

Quand j’ai fait cette photo, je n’ai pas vu le deuxième personnage qui apparait presque nu entre les herbes. Une muse sans doute… 

mercredi 26 octobre 2022


Les vieux indiens IV*

(Marnes-la-Coquette, 16h 55)

Vol au Vent et Genoux Écorchés viennent à leur barque.

L’embarcation est pleine d’eau. 

Ils ne navigueront pas aujourd’hui, ni sur l’eau ni dans les cieux.

L’après-midi est extraordinairement chaude.

Quelque part, un enfant pleure.

Vol au Vent et Genoux Écorchés s’assoient sur la berge
Ils regardent le fond de l’eau.

Les grands arbres s’y reflètent jusqu’à la cime.

Le sillon d’une poule d’eau trouble l’image.

Ils attendent que la surface s’immobilise.

À nouveau ils plongent leurs regards.

Tout en bas le bleu du ciel est plus chaud.

Ils plissent les yeux. C’est à celui qui verra le plus profond.

À celui qui remontera le plus loin dans ses souvenirs.

Vol au Vent se souvient d’un jouet et d’un chagrin.

Les deux étaient indissociables. Le jouet calmait le chagrin en même temps qu’il le fixait dans sa mémoire. Un petit autocar bleu ciel et la mort de sa grand-mère.

Genoux Écorché se souvient d’un chien devant une boulangerie. La peur des aboiements aussi violente que le désir des gâteaux aux étals.

Vol aux Vent et Genoux Écorchés ont les yeux presque fermés.

Vol au Vent se souvient de la poussière sous un radiateur. De la poussière et de la chaleur. De la douceur.

Genoux Écorchés se souvient d’un parfum. Les pavés humides et glissants d’une arrière cour.

Vol au Vent se souvient de sa main dans une autre main tellement plus grande.

Genoux Écorché se souvient d’une voix derrière une vitre sale. Une voix d'homme.

Maintenant ils ferment les yeux.

Soudain Vol au Vent se souvient d’encore plus loin, avant d’être Vol au vent….

« Je me souviens d’avant, bien avant, j’étais une…. »

Genoux Écorché le regarde stupéfait.

Et voici la poule d’eau qui revient en gloussant. L’eau se trouble à nouveau. Le souvenir s’échappe avant même de s’être dévoilé.


* I,II,III billets du 27/11/2020, du 11/02/2021, du 16/10/2021 

mardi 25 octobre 2022


Goldenrain tree

(Savonnier, Kœlreuteria paniculata, Arboretum de Chèvreloup, 21 octobre, 16h 30)

Goldenrain tree.

C’est le nom anglais du savonnier.

Ses fruits comme de petits sachets en forme de cœur, des sachets à histoires.

Aujourd’hui nous nous retrouvons, quelques amis chers,  pour un dernier adieux à Didier, l’arbre dansant, l’arbre conteur.

Bachka qui a été sa compagne puis sa sœur d’âme me raconte que, hier, au cours d’un trajet en  taxi de la Place de la Bastille au domicile de Didier, le chauffeur l’a reconnue. Après l’avoir observée longuement en silence dans le rétroviseur, il lui a dit: je vous reconnais madame, je vous ai prise pour la même course, il y a dix ans. Bachka me raconte cette anecdote avec une joie enfantine. C’est si beau ce mystère. Il y a dix ans à cet instant il devait y avoir beaucoup de lumière dans ce taxi.

Comme il y en a cet après midi dans le silence, dans les mots des uns et des autres.

Comme il y en avait dans les gestes et la parole du conteur.

Restent les histoires, et le désir de raconter.

Demain je retournerai près de « l’arbre pluie d’or », je cueillerai l’un de ses fruits, l’un de ces sachets, et l’ouvrirai avec gourmandise.

lundi 24 octobre 2022


Le navire

(Fondation Louis Vuitton, Paris 16ième, 16h 50)

Au pont supérieur la foule jase et se presse

La mer se couvre de nénuphars

Les cieux explosent de couleurs

La houle roule de grandes fleurs

Au pont inférieur un marin solitaire écoute

Le clapotis de l’eau sur la coque

Le craquement des charpentes

Les battements de cœur du navire

À terre un vieil homme

Qui voit de moins en moins

Peint son jardin depuis des années

 

dimanche 23 octobre 2022


Miniatures éphémères

(Arboretum de Chèvreloup, 21 octobre, 14h 15)

Fissures 

samedi 22 octobre 2022


Repères

(Forêt de Rambouillet, 13h 25)

Sur les sentiers parcourus mille fois, les grands arbres morts sont des repères

Comme les pages cornées d’un livre lu et relu

Et l’on guide ceux qu’on aime jusqu’à ces totems couchés 

Et on lit à voix haute les pages qui nous ont emporté 

vendredi 21 octobre 2022


Terre brulée

(Arborétum de Chèvreloup, 15h 10)

Ils pensaient avoir tout brulé en partant.

Non, il reste une punaise et un tatou.

À eux de reconstruire.

Ce sera un monde d’absolue fantaisie. 

jeudi 20 octobre 2022


Le grand cormoran 

(Arboretum de Chèvreloup, 19 octobre, 17h 10)

Un homme sur la berge se balance d’un pied sur l’autre, les bras grands ouverts.

Comme l’oiseau, il sèche ses ailes, ce fut une sale journée.

mercredi 19 octobre 2022


Un arbre à palabres

Pour Didier

(Arboretum de Chèvreloup, 16h55)

Aujourd’hui un ami  s’en est allé

Alors nous sommes allé voir les arbres

Cet ami avait quelque chose d’un arbre

Un arbre à palabres

Il y avait un grand soleil

Les couleurs sur les feuilles et les fruits

Étaient vives 

mardi 18 octobre 2022


Il y a du monde à la maison

(Vaucresson, 16 octobre, 9h 20)

Sur l’étagère en compagnie de la Dame au Dragon bricolée avec ce que je trouve sur les chemins, une statuette, dont je ne connais pas le créateur, rapportée il y a longtemps de la Réunion, un arbre de métal de Renée Rault, une gravure de Christiane Vielle.

Un rayon de soleil et je reste en suspend. Je vois Renée  et Christiane au travail dans leur atelier, j’entends chanter Danyèl Waro, tandis qu’un homme à Cilaos sculpte bois et corne de buffle. 

Sur l’étagère on parle, on s’interpelle, c’est animé et c’est joyeux. 

lundi 17 octobre 2022


Tamponner

(Jemappes, Belgique, 11 octobre, 11h 50)

Y’a un petit gars bancroche avec une vilaine cicatrice sur la joue, quelques pièces au fond des poches qui attend  que ça danse et que ça clignote, et en avant la musique, il a de quoi monter dans une bagnole, tamponner, tamponner, tamponner, jusqu’à plus soif et s’envoler au bout du monde.


dimanche 16 octobre 2022


Miniatures éphémères

(Oisquerck, Belgique, 12 octobre, 15h)

Larguer les amarres 

samedi 15 octobre 2022


L'automne

(Vaucresson, 15h 50)

L’automne est un pull de laine rousse que l’on a plaisir à enfiler après s’être offert au soleil et aux vents d’été.

 

vendredi 14 octobre 2022


Quelque part dans l'univers 

(Forêt de l’Abbé-Val-Joly, entre Hirson et Anor, Nord, 11h 05)

Quelque part dans l’univers, sur une planète en vrac, y’a un gars qui regarde tomber la pluie puis fait sécher ses larmes sur une corde à linge. Les larmes brillent puis s’évaporent.

jeudi 13 octobre 2022


Brenda

(Oisquercq, Belgique, 12 octobre, 16h)

Le long du canal de Bruxelles à Charleroi, Rick balade sa mélancolie comme un môme regarde flotter ses bateaux de papier dans le caniveau. 

Sur les quais d’Oisquercq les péniches amarrées sont chargées de rêves rouillés. Et puis il y a Brenda, une péniche turquoise, une couleur des publicités des années 60 pour un monde plus beau, belles maisons, belles cuisines, belles voitures, belles coiffures…

Et soudain Rick voit Brenda Lee habillée comme un paquet cadeau, les cheveux laqués, chanter sur le pont All Alone Am i, avec sa bouche qui va un peu de biais quand elle pousse une note.

Et ça lui déchire le cœur. 





mercredi 12 octobre 2022


Celui qui voit à travers les murs

(Fosses-la-Ville, Belgique, 7h)

Rue Cortil Mozet à Fosses-la-Ville

Sa maison ne paie pas de mine

Mais sa rue sent le grand large

Il se prend pour Corto Maltese

Un Corto des bas fonds

Sept heures son corps se déplie

Ses pieds dépassent de sous les draps

Il se frotte les yeux se racle la gorge

Pas besoin d’ouvrir les volets

Ce gars là voit à travers les murs

C’est un matin clair un matin frais

Ce sera une belle journée

Les moulins ne tournent pas

La mer sera calme

Il se lève d’un bond

À huit heures il pointe

À l’usine de roulement à billes 

mardi 11 octobre 2022


Celui qui ne se retourne jamais

(Jemappes, Belgique, 7h 15)

Des pas qui claquent sur le pavé

Un bon vieux blues qui gambade 

Entre les murs de brique

La lune n’a pas dit son dernier mot

Trop loin pour consoler

Mais bien ronde pour les insomnies

Les mains au fond des poches

Un homme s’en va sans un regard

Pour ce visage triste à la fenêtre

Un visage qui ne sera resté qu’une seconde

Cet homme là ne se retourne jamais

Elle le sait, tout le monde le sait

Rue de la Croisette

Celui-là vient de loin

Il vient de l’enfer

C’est écrit dans ses yeux

Le froid est vif

L’homme accélère

Les pas se font joyeux vers le matin

À la fenêtre, derrière le rideau

Elle s’est tournée

Et déjà elle se languit

La nuit a été belle

Comme un tableau de Magritte

Il reviendra, elle le sait

Il reviendra une autre nuit

Par un autre chemin

Celui qui  ne se retourne jamais

 

lundi 10 octobre 2022


Le panier ou les ombres sur le mur?

(Écoles les Marronniers, Braine-le-Château, Belgique, 9h)

Les grands parlaient basket, échangeaient des vignettes avec les photos des stars, Michael Jordan, Magic Johnson, Larry Bird, Bill Russell…

Alors il a voulu faire du basket, le petit gars qui voulait faire comme les grands, les très grands sur les photos. 

Il ne connaissait pas les règles du jeu, sinon qu’il fallait lancer le ballon dans un panier, et ça c’était plutôt rigolo.

Mais courir, dribbler, feinter, sauter, c’était pas son truc à ce petit gars qui prenait son temps et qui, quand il avait le nez en l’air, ne regardait pas le panier, mais les nuages, les mouches, les oiseaux, ou les dessins sur les murs.

Il courait pépère, les mains dans les poches, le comble pour un jeu de balle, si bien qu’il restait souvent sur le banc pendant les matchs, et cela ne semblait pas le contrarier outre-mesure.

Jusqu’à ce que l’entraineur dise à ses parents que ce n’était sans doute pas le sport le plus adapté à cet enfant.

Ce petit gars, c’était notre fils, Nils qui fut bien plus heureux avec les chevaux, ou sur une planche de skate, ou de surf avec son père. Il lui fallait du grand air, du sauvage. Les chiens ne font pas des chats.

Voilà, quelques ombres sur le mur, un cheval , une tortue, des buissons, et je pense à toi mon gars. Vivement qu’on aille prendre quelques vagues.

Dans quelques instants je vais jouer un spectacle pour les enfants dans ce gymnase où les ombres dansent sur les murs.

Quand nos enfants étaient petits, le premier filage de ces spectacles que je joue depuis si longtemps dans les écoles, leur était réservé.

Maintenant ils sont grands, et il y a un petit fils qui bientôt sera en âge de voir les spectacles, alors …

 

dimanche 9 octobre 2022

samedi 8 octobre 2022


Octobre rose

(Tournai, Belgique, 6 octobre, 13h 40)

On a habillé de rose la princesse guerrière, Christine de Lalaing, princesse d’Espinoy, qui en 1581 défendit la ville contre les troupes espagnoles.

Octobre rose.

Je pensai à une farce.

Non, c’est on ne peut plus sérieux, un mois consacré à la lutte contre le cancer du sein.

Tandis que je photographie la statue de l’héroïne qui trône sur la Grand Place, à ses pieds trois enfants qui ignorent encore tout des guerres et des maladies, tendent le cou pour regarder sous les jupons de tissu et pouffent de rire, la main devant la bouche, à chaque coup de vent. 

vendredi 7 octobre 2022


Petit matin

(Vitry-en-Artois, Pas-de-Calais, 3 octobre, 7h 20) 

Au petit matin le long des routes s’accrochent aux barrières les rêves des travailleurs de l’aube. 

jeudi 6 octobre 2022


Le parfum des étangs

(Étang de la Mousserie, Mérignies, Nord, 16h 10)

Une pause au bord d’un étang en compagnie d’un pêcheur et de quelques oies et canards.

Le pêcheur se tait, les canards cancanent et les feuilles bruissent dans le vent.

Les berges des étangs ont à l’automne un parfum singulier. Je cherche un mot pour le définir. Je ne trouve pas. C’est un parfum boisé, un parfum mouillé, un parfum sucré, un parfum feuillé, avec une pointe de vase, de champignon, et de bois mort, un parfum conciliant, un parfum apaisant, un parfum nostalgique, un parfum maternel, un parfum silencieux.

J’attends un mot, un seul, et ne pense à rien d’autre.

Le pêcheur, lui, attend son poisson, et ne pense à rien d’autre.

En silence, nous regardons la surface de l’eau. 




mercredi 5 octobre 2022


Un bouquet de fleurs sèches

(Ferme de Couvron, Macquigny, Aisne, 4 octobre, 18h15)

Il y avait une âme ce soir accrochée au bouquet de fleurs sèches près de la fenêtre.

Était-ce toi mon amour? 

mardi 4 octobre 2022


La fin du jour

(Ferme de Couvron, Macquigny, Aisne, 3 octobre, 19h 35)

On dit la fin du jour

Et pourtant vient

Quelque chose d’inouï 

lundi 3 octobre 2022


Ce soir, ici sera mon île

(Ferme de Couvron, Macquigny, Aisne, 16h 20)

Ce soir, ici sera mon île.

Deux grands chiens blancs veilleront à ma porte,

Les cauchemars n’auront aucun droit,

Seuls passeront les rêves d’amour et de paix.

Inlassable semeur,

J’ai repris la route des histoires.

Le regard des enfants est ma terre.

À l’aube la brume s’accrochait aux barrières,

Les lièvres couraient dans les ornières,

Le ciel hésitait entre l’or et le bleu.

La belle face du monde était là,

Posée au bord de la route.

L’autre face au fond de ma poche,

Dans un mouchoir sale.

Ce soir, ici sera mon île.

Ma prière sera pour mes amours,

Elle sera sera pleine et païenne,

Et je m’endormirai avec un sourire

Qui garde intact la foi du semeur. 

dimanche 2 octobre 2022

samedi 1 octobre 2022


Une couronne de grelots

(Vaucresson, 18h 50)

Dans l’ancien cimetière de Vaucresson, une couronne de grelots sur la tombe abandonnée d’une jeune femme, une couronne de grelots posée là par son amant afin que puisse s’annoncer la revenante.