dimanche 31 juillet 2016

Miniatures éphémères
À la poursuite des étoiles

 
Parfois il rêvait qu’il pouvait voler. Il se sentait alors tout puissant et par les volets entrouverts s’élançait à la poursuites des étoiles. Hélas, certains rêves finissent mal…


samedi 30 juillet 2016


Quand gronde l'orage


                     Quand gronde l’orage, certains sont en alerte, d’autres ne s’en soucient guère
                                                                                  (Île d'Öja, Suède, 18 juillet 2016)

vendredi 29 juillet 2016



Au Creux des Épaves


Dureront-ils les amours gravés au coeur des navires fracassés par les tempêtes?
On sait de cette épave, la goélette Swiks échouée en 1926 par une terrible nuit d’hiver au nord est d’Öland que l’équipage entier survécut. Un seul marin fut blessé, par un clou rouillé, et soigné à Grankullavick où il rencontra la femme de sa vie. Alors…




jeudi 28 juillet 2016


La Couleur De L'Âme

 
Quand Jacob à ouvert le café ce matin, elle semblait attendre depuis un moment, devant la porte, les mains dans les poches de son imperméable beige. Elle portait des lunettes noires, un foulard Hermes, et des escarpins rouges tachés de terre. Sa joue gauche était éraflée, deux  petits traits rouges parallèles qui soulignaient le creux. Elle ne parlait pas suédois, se contentait de hocher la tête avec des hum hum saccadés. Il n’y avait aucune voiture sur le parking. Norrköping se trouvait à environ dix kilomètres au nord, Söderköping, sept kilomètres au sud, peu de monde sur la route.
La femme est restée un long moment sur le seuil, les yeux fixés sur la photo au fond de la salle. Une route, des arbres. Puis elle s’est assise là, sous l’image accrochée au mur, un œil sur la pendule, qui ne fonctionnait pas, et un autre sur les fenêtres.
Elle n’a ôté ni ses lunettes, ni son imperméable; elle a sorti les mains de ses poches et les a posées bien à plat sur la table. Jacob a tenté d’engager la conversation, sans succès. Elle a seulement commandé un thé, dans un anglais maladroit.
Jacob sait être discret quand il le faut. Il l’a servie en silence. A midi elle a redemandé un thé, avec une brioche à la cannelle. Elle ne bougeait pas, buvait et mangeait très lentement. Les autres clients ne semblaient pas la voir. Jacob l’observait, l’air de rien. Au milieu de l’après midi elle est allée aux toilettes, elle y est  restée au moins un quart d’heure. Jacob qui commençait à s’inquiéter s’apprêtait à aller voir quand elle est sortie. Elle avait toujours ses lunettes noires, son imperméable était maintenant ouvert sur une robe d’un bleu très sombre boutonnée sur le devant.
Jacob a remarqué que le  bouton du bas manquait.
Il lui a demandé si elle désirait autre chose; après un long silence elle a répondu non par un hochement de tête. Alors Jacob l’a laissée tranquille. Elle est restée jusqu’à la fermeture. Le café s’est vidé, elle restait là assise, les mains sur la table. Pas des mains d’aristocrate où d’intellectuelle, s’est dit Jacob, des mains de travailleuse.
Jacob a attendu jusqu’à vingt heure trente, une demi heure après la fermeture règlementaire, puis il s’est approché. La femme s’est levée, a ôté ses lunettes, a regardé Jacob droit dans les yeux. Ses yeux avait la couleur du jade, la couleurs des lacs des hauteurs, la couleur de l’âme.
Elle l’a regardé puis elle l’a pris dans ses bras; Une longue étreinte sous la pendule arrêtée.
Ensuite, elle a remis ses lunettes,  reboutonné son imperméable et  s’en est allée sur la route sans un mot. Jacob a fondu en larmes…


mercredi 27 juillet 2016


Quelque part très au nord


Un fermier qui creusait un puit a trouvé ici les restes d’un guerrier immense. Le squelette pris dans une armure mangée par la rouille  gisait recroquevillé contre les ossements d’un cheval. La position de la dépouille laissait penser que l’homme s’était éteint saisi par le froid sa lance pointée vers le nord. Intrigué, le fermier creusa à nouveau un peu plus loin et découvrit, aux cotés des restes d’un mulet, un deuxième homme beaucoup plus petit dont l’épaisse ossature suggérait une forte corpulence. Celui ci ne portait pas d’armure et semblait regarder vers le sud…

mardi 26 juillet 2016



Quatre


Il est monté tout en haut d’une tour de métal. 44 marches. Un observatoire pour les oiseaux. Il a  déboutonné sa chemise. 4 boutons. Il n’a plus bougé. Il a pensé à ses enfants. 2. Avec sa femme, ils sont 4. Il sentait son souffle s’élargir. Son esprit était parfaitement clair. Le vent pouvait balayer la lande, il resterait debout…

lundi 25 juillet 2016



Roger


C’est dans une rue de Mölle, un petit port suédois sur la mer du Nord. Au siècle dernier la noblesse suédoise venait y séjourner l’été, de belles  femmes avec ombrelles et chapeaux regardaient les hommes sur les bateaux à voile.
Je pense à Roger. Enfants nous étions copains comme cochons. Il habitait un modeste appartement et pourtant sur la boite aux lettres il y avait écrit: Baron et Baronne de Guyon de Guise de Pampelonne. Chaque fois que je venais chez lui je lisais l’étiquette avec application.
Adolescents nos routes se sont éloignées. Je me suis longtemps moqué de ces particules à répétition, de ce besoin de les afficher, maintenant j’y repense avec tendresse…

dimanche 24 juillet 2016



Miniatures éphémères
Sirènes


 Il attendait depuis longtemps. C’est là, sur ce rocher, lui avait-on dit que les sirènes sortent de l’eau…

samedi 23 juillet 2016


Suicides Manqués


Gustav, encore une fois n’avait plus le goût de rien. Il est allez au sud de son île pour se jeter du haut du phare. Son île est absolument plate. le phare de la pointe nord est moins haut. Il ne reste que celui de la pointe sud pour être sûr cette fois ci de ne pas se louper.
Il y est allé à pied, il a marché toute la journée. Manque de chance, l’accès était fermé.
Il est alors allé au bout du bout, là où la terre se glisse dans la mer, mais une nuée de cygnes et d’oies sauvages sifflant et cacardant l’ont empêché de mettre ne serait-ce qu’un pied dans l’eau.
Il est alors reparti penaud vers le nord en compagnie des vaches et des moutons qui paissaient sur la lande alentour et des oiseaux qui se posaient sans crainte sur la route déserte…

vendredi 22 juillet 2016


Récurrence


À dix huit ans, je rencontrai quatre femmes sur le pont d’un petit bateau en route pour Mykonos.
L’année suivante je retrouvai par hasard ces quatre femmes dans quatre lieux différents et éloignés en France.
Quelques années plus tôt je manquai de heurter avec ma planche de surf une fille que j’avais croisé à minuit un mois auparavant dans une rue de Brighton, en Angleterre, puis à Orléans où, voyageant avec son père, ils m’avaient pris en stop alors que je descendais vers le sud.
Il m’arrive sans cesse de retrouver des gens dans des lieux improbables. À tel point qu’un jour, un ami ayant perdu la trace d’une amoureuse me proposa de flâner avec lui dans les rues de Paris afin de la retrouver. Peu me croiront, mais nous la rencontrâmes par hasard dans une rue du quartier latin.
Et maintenant je raconte des histoires et des personnages reviennent, des quatre coins du monde.
Cette fois ci, c’est le marin philippin qui trime loin des siens dans le ventre des cargos et des paquebots sans repos ni lumière ( post du 25/09/2015). C’est sur la Baltique, au large d’Öland.
Il n’aura mis pied à terre que quelques heures lors d’une courte escale à Stockholm, le temps de rajouter dans sa valise déjà pleine de souvenirs qu’il n’a pas encore pu offrir à son fils, un petit cheval de bois peint, rouge et or…

jeudi 21 juillet 2016


Félicité


                                             Tout est là, à l’extrême nord de l’île d’Öland…

mercredi 20 juillet 2016


À Öja


Sur l’île d’Öja, il n’y a que quinze habitants en hiver. Un nombre impair.
Oskar est seul depuis trop longtemps. Oskar est petit, 1m50, sans doute pour mieux résister aux vents du nord. Oskar pêche et sculpte les pierres, des visages de femmes essentiellement. Elles se ressemblent toutes un peu.
Hier une femme de passage, une petite femme, elle s’appelle Sofia et ressemble à ses femmes de pierre, lui a acheté une sculpture et lui a promis de revenir l’été prochain.
Ce matin, en préparant ses filets, Oskar se dit que peut-être ils seront bientôt seize à Öja…

mardi 19 juillet 2016


Les Santiags du Marin


 J’ai rencontré un vieux marin avec un Christ tatoué sur la poitrine et deux boucles à l’oreille gauche qui ne descendait jamais à terre sans ses Santiags et un couteau glissé dans la botte. Nous avions le même goût de l’odeur des ports, des quais déserts et des bas quartiers.
Le coeur à vif et les yeux tristes il m’a parlé des femmes dont il ne reste parfois que les noms sur la tôle et sur les bras, il m’a parlé du bruit des machines et des nuits sur le pont, il m’a parlé des escales où la vie s’accélère.
Je lui ai parlé des levers de soleil sur la plaine et des virages dans les montagnes, des fleurs sur les talus et des filles qui attendent dans les cafés de bord de route.
Il était gravement malade. Je ne sais pas pourquoi nous en sommes venus à parler  de  boules à neige, sans doute n’y avait-il à l’envers des peaux tannées que des mômes en vadrouille.
C’est à Lourdes que l’on trouve le plus de ses boules où il neige sur des illusions. Il y était allé alors qu’on ne lui donnait plus que quelques mois de vie. Il ne s’est pas plongé dans la piscine miraculeuse, il en serait ressorti tout au plus avec des Santiags neuves m’a-t-il dit.
Il n’empêche qu’il est toujours là avec ses vieilles bottes parfaitement cirées et cette soif de raconter…

lundi 18 juillet 2016


Le Ciel Chaque Jour

 
                                                                           Lundi
                                                             Maasholm - Mer Baltique

Le vieux ne pouvait plus bouger, il ne sortait plus,  il n’allait même plus jusqu’à la fenêtre. Il n’entendait plus, le monde devenait confus, il s’isolait. Le fils est parti vers le Nord. Il lui a dit: je te rapporterais un ciel de chacune de mes journées…


 
                                                                            Mardi
                                                                   Mölle - Mer du Nord

                 
                                                                       Mercredi
                                                                         Sävjon


                                                                         Jeudi
                                                              Revsand - Lac Vånern


                                                                          Vendredi
                                                                         Ånnaboda

 
                                                                         Samedi
                                                                    Julita - lac Öljaren


                                                                         Dimanche
                                                           Sundbyholm - lac Mälaren

dimanche 17 juillet 2016

Miniatures éphémères
Petite Frayeur


                            Il n’était pas très beau, un peu bruyant, mais tellement affectueux…

samedi 16 juillet 2016


Tisselskog


Assâad a enfin trouvé une maison, à Dals Rostock en Suède où un ancien sanatorium - plusieurs maisons de bois rouge dans un grand parc avec d’étranges temples païens au bord d’un petit lac - a été aménagé pour accueillir les réfugiés.
Assâad est venu de Syrie avec sa famille. Il sait bien que sa situation est précaire, après avoir ouvert grand les portes, le gouvernement suédois est en train de changer de politique… Mais il est bien là.
Cet hiver, ses enfants ont été effrayés par tant de neige et les nuits si longues. C’est maintenant l’été et ils restent dehors jusque tard le soir, insouciants sous les lumières d’argent.
Une fois par semaine, Assâad se rend à Tisselskog chez son ami Hans par une jolie route qui serpente entre les arbres. Là haut, il y a quatre maisons, une église et un petit cimetière.
En chemin, Assâad cueille des fleurs qu’il dépose chaque fois sur une tombe différente.
Ainsi il pense à ses morts là bas sous les pierres sèches d’Alep…

vendredi 15 juillet 2016


14 Juillet 2016


 Depuis plusieurs jours je voyage en Suède prenant des chemins de traverse, de lac en lac. Aucune infos depuis une semaine. Parfois je me connecte juste le temps de publier une histoire.
Ce matin il y était question de quelques gouttes de sang sur la neige. A midi nous faisons halte dans une petite auberge sur les berges du lac Mälaren. À peine arrivés, un homme vient chaleureusement nous souhaiter la bienvenue. Il parle un français maladroit mais tient à s’exprimer dans cette langue. Il nous exprime avec force sa peine et son soutien. Nous ne comprenons pas. Il nous raconte alors cette horrible attentat perpétré à Nice hier soir; je répète en boucle shit, shit (je n’arrive plus à parler français alors que lui en a un tel désir).
Et c’est à nouveau la gorge qui se serre, et cet homme, Håkan Isacsson, c’est son nom, si chaleureux;
Mon humour noir de ce matin me semble soudain de bien mauvais goût.
Je ne voudrais que raconter la chaleur de cet homme, le sourire de sa fille qui l’accompagnait, ce pays que nous traversons où tout semble si paisible.
Je ne trouve plus de mots pour dire à nouveaux ce mélange de peine et de rage qui m’envahit chaque fois que ma confiance dans  l’homme est ébranlée. Y a- t-il une langue qui a un mot pour cela?
Cette photo a été prise à Malo Les Bains juste avant de quitter la France. Une autre plage, une autre promenade, moins prestigieuse mais tout aussi fréquentée. Les couleurs, l’innocence avec cette voiture de pompier comme un présage.
Qu’est ce que les hommes sont cons!


Petites Histoires


Amalia, qui garde le petit musée de Dals Rostok a constaté l’absence de la tronçonneuse du deuxième rayon le jour de la disparition de la femme de Günther. On n’a jamais retrouvé la femme de Gunther, seulement quelques gouttes de sang sur la neige. Amalia n’a jamais signalé la disparition de l’outil, elle détestait la femme de Günther…

jeudi 14 juillet 2016


Les Plus Beaux Coins


C’est une plage sur la Baltique, en Allemagne du Nord. Dédé et Ginette ont mangé des rollmops, fait des photos couleurs, et  joué à chat derrière les tracteurs en se disant que les plus beaux coins sont ceux qu’on trouve tout seul…

mercredi 13 juillet 2016


Papillon


Rick Delaveine était happé par les filles comme les papillons par la lumière. Celle ci s’appelait Anna. Il l’avait croisée dans un bar à fado à Lisbonne. Elle lui avait parlé de l’Elllens Café qui donnait sur la mer du nord prés de Mölle, en Suède, à 3000 km du Portugal. Dimanche, alors qu’il n’avait aucun concert prévu pour les jours suivants, il est parti sur un coup de tête, juste après la défaite de la France à l’Euro. Il n’aime pas trop le foot, mais il aime le suspens. Il regarde les matchs de foot comme un bon vieux film d’action américain. Le Portugal avait gagné, il a pensé à Anna, et il est parti pour l’Ellens Cafe. Il a traversé la Belgique, la Hollande et l’Allemagne d’une traite en écoutant en boucle Autobahn de Kraftwerk. Les autoroutes défilaient comme des kilomètres de partitions. S’il ne retrouvait pas Anna, il aurait au moins de quoi composer un nouveau morceau.
Le plus surprenant, c’est qu’elle était là, à l’Ellens Café, serveuse de 10h à 17h. Il est arrivé à l’ouverture, les yeux rougis et le dos raide mais sûr de sa bonne étoile. Elle était là. Elle ne l’attendait pas, mais c’était bien. Pour le service elle avait une robe verte à pois blanc style rétro, et  elle avait toujours son rouge aux ongles et aux lèvres. Il lui a dit qu’elle avait le look Vespa; Rick aime les voyages et les fringues. Elle a ri et lui a répondu: Je finis à 5h, attends moi au phare au bout de la péninsule.
Il a attendu toute la journée assis sur une pierre en tapotant sur ses genoux la partition à venir.
Elle l’a rejoint à dix sept heures quinze, Rick a toujours le souci du détail.
Et maintenant elle est là debout dans la lumière du nord, et il lui tourne autour en battant les bras et poussant de drôles de petits cris joyeux…

lundi 11 juillet 2016


Sur le Port de Maasholm


Sur le port de Maasholm j’ai embrassé une fille et rêvé que tous les bateaux portaient son nom…

dimanche 10 juillet 2016

Miniatures éphémères
Le Tour du Jardin

 

Chevauchant tortues et gastéropodes, il n’aurait pas assez d’une vie entière pour faire le tour de son jardin…


samedi 9 juillet 2016


Les Vacances de Josette


C’est l’été, Josette est en vacances à Malo les Bains, la plus belle plage du nord. Petite, Josette avait des rêves de starlette, elle se voyait  Brigitte Bardot  en Harley Davidson sur les longues routes de l’amérique ou Gina Lollobrigida courant sur la croisette, une horde de paparazzi à ses trousses.
Josette est maintenant à la Comédie  Française. C’est une des plus anciennes ouvreuses. Parfois elle tient le vestiaire; elle préfère, les échanges peuvent  y être plus intimes. Vêtue de noir, elle reste souvent, discrète, dans l’ombre des balcons, fascinée par les gestes des actrices qu’elle reproduit avec une grâce maladroite tard le soir avant de se coucher.
Josette prend ses vacances en juillet. Elle revient dans le nord, à Malo les Bains, où elle est née. De son père, ouvrier métallurgiste, elle n’ a hérité que de cette légère bosse dans le haut du dos.
Son grand plaisir est de rouler sur la jetée, la plus droite possible sur son vélo. Elle se sent alors une reine qui longe la mer sans un regard pour son enfance…


vendredi 8 juillet 2016


Autoportrait


                                                   Autoportrait d’un cowboy de pacotille….

jeudi 7 juillet 2016


Une Prière


 Il s’est avancé à petits pas rapides en trainant les pieds, sans plier les genoux. Le frottement  régulier de ses semelles  sur les dalles raisonnait dans l’église déserte. Il avait gardé son chapeau sur la tête, un minuscule chapeau de paille, où bien c’est son crâne qui était particulièrement volumineux. Il portait un t-shirt blanc imprimé des figures colorées de Wallace et Gromit sur une moto rouge. Son ventre rond passait au dessus de sa ceinture et il marchait en gardant les bras le long du corps.
Il s’est approché  très près de la vierge, derrière le brûloir, et après avoir vérifié qu’il était seul, il  lui a embrassé délicatement la main en disant: Bonjour Giselle…
Puis il a pris trois veilleuses dans l’un des cartons, les a allumées, et les a disposées sur le présentoir avec une précision maniaque. Il s’y est repris six fois avant de leur trouver la place qui lui semblait la plus harmonieuse, déplaçant les bougies comme des pions sur un échiquier.
Il s’est assis sur une  chaise de paille et regardant la statue droit dans les yeux s’est mis à prier. Il parlait faiblement, mais sans détimbrer sa voix aigüe.
« Je te salue Giselle pleine de grâce, je suis avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes, et tes seins et tes mains et tes pieds sont bénis, Sainte Giselle, mère de Dieu, des tortues et des escargots, reviens pour moi pauvre pécheur, maintenant, tout de suite et à l’heure de ma mort. Amen. »
Il a répété trois fois sa prière, puis s’est levé, a de nouveau déposé un baiser sur la main de la vierge, un peu plus long cette fois ci et les yeux fermés, et il est parti, le chuintement rythmé de ses pieds sur le sol  ponctué par de petits reniflements…

mercredi 6 juillet 2016


Sénégal


C’est une vieille photo prise par mon père. C’est dans cette pièce que j’ai fais mes premiers pas, trop petit pour regarder seul par la fenêtre, même en escaladant le fauteuil. Dehors c’est le port de Dakar. J’avais deux ans quand nous avons quitté le Sénégal, je n’en ai aucun souvenir. Je m’en suis fabriqué avec le peu de choses qu’on m’a raconté. Quand j’y suis retourné des années plus tard, ma première vision fut une silhouette floue qui marchait nonchalamment sur le tarmac brûlant. Elle me semblait étrangement familière.
Il y a quelques jours, lors d’un chaleureux anniversaire, je rencontrais un comédien sénégalais qui avait sensiblement le même âge que moi. Au moment de nous quitter il me dit qu’il lui semblait me connaitre. Après avoir épuisé tous les endroits d’une possible rencontre, nous parlâmes du Sénégal. Nous découvrions alors que nos pères avaient travaillé dans la même société, a la même époque.
Et ce fut avec cette jubilatoire et improbable idée  de nous être reconnus grâce à l’inconscient travail de la mémoire de nos pères que nous nous sommes séparés…

                                                                                        (Photo Paul Carrive)

Adolescence


 Depuis un long moment je regarde la porte ouverte. Revient sans cesse une de ces images de mes rêves adolescents. Deux longues pattes apparaissent, puis ce sont d’énormes chélicères  noires. C’est une araignée géante, qui s’avance lentement; une Recluse Brune, une araignée solitaire, nommée aussi Araignée Violoniste à cause de la forme de violon de son céphalothorax; Elle s’avance lentement, tandis que monte d’un vieux Teppaz brun posé sur la dalle déserte le Quatuor n°1 de Giacinto Scelsi. La nuit vient. Une lueur se reflète sur le vinyl noir; rien n’est écrit sur l’étiquette rouge au centre du disque qui semble tourner depuis toujours.
Pétrifié, je regarde progresser l’araignée sur le béton. Parfois elle s’arrête et ses crocs se mettent à bouger au rythme des cordes.
Soudain, c’est un cri, une porte qui claque et un garçon qui coure dans les escaliers les larmes aux yeux. Un garçon  sur une mobylette bleue qui file à toute allure sur des sentiers forestiers, qui file jusqu’à ce que l’air sèche les larmes, et le parfum de l’humus le libère de ses cauchemars …

lundi 4 juillet 2016


La Femme Qui Tombe


Amoureuse, elle se cognait aux vitres où trébuchait sur le bord des trottoirs; trop de violence la faisait vaciller et rendait les escaliers périlleux; chaque fois que l’émotion était trop forte elle chancelait.
À l’instant où elle aperçoit la fillette, elle perd l’équilibre. La robe rose et le gilet blanc, la distance voulue avec la mère, soudain quelque chose remonte de très loin, quelque chose qu’elle ne peut identifier; elle était vêtue ainsi, elle en est sûre. Où allait-elle, pourquoi cet écart, elle l’ignore mais ses jambes s’emmêlent, ses bras battent l’air et elle tombe…

dimanche 3 juillet 2016


Miniatures éphémères
Dans Les Hautes Herbes

 
 Dans les hautes herbes où affleure la lumière je croise Dino Buzzati  attendant la nuit et son sanglant carnaval, et Jean Henri Fabre en grande conversation avec une punaise, la mal aimée…


                             (Accompagné des lectures de Douce Nuit de Dino Buzzati, dans le recueil le K, et du texte sur les punaises dans les souvenirs entomologiques de Jean Henri Fabre)

samedi 2 juillet 2016


Le Château


Le château était au bout du village, au bout de la route. Oh, bien plus modeste que celui ci,  tout au plus une grosse bâtisse avec sa ferme accolée. Mais sur la carte, il était écrit château.
Elle, Odette, habitait une petite ferme en bas du village; et toute sa vie elle avait rêvé d’y entrer, imaginant de somptueux décors.
Lui, Pierre, était le fils des châtelains comme disaient les enfants du village, qu’il ne fréquentait pas;  il jouait avec ses soeurs, ou, solitaire faisait rouler ses petites voitures entre les racines qui affleuraient aux pieds des grands arbres.
Sa famille ne vivait pas là, ils n’y venaient que l’été; La maison était sans le confort moderne, rien n’avait été modifié depuis un siècle, si ce n’est un robinet d’eau froide  à chaque étage.
Chaque soir il allait chercher le lait chez Joseph le fermier d’à coté. Il observait tout très attentivement. Alice, la femme de Joseph versait lentement le lait frais avec un entonnoir dans le pot de fer blanc, tandis qu’une bande de chats, tous roux, attendaient leur part devant la porte ouverte.
Joseph était assis. Il venait de traire, sa journée était terminée. Celle d’Alice non, il fallait filtrer et verser le lait, puis faire le repas et servir Joseph. Elle ne s’asseyait jamais.
La pièce était sombre, imprégnée de suie. Une grande table, encombrée, au centre, devant la large cheminée, quatre chaises paillées,  et à droite de la cheminée une vieille cuisinière à gaz et l’évier en pierre. Il y avait une seule fenêtre et en face à l’autre bout de la pièce une ouverture noire d’où montait un escalier.
le jeune garçon était fasciné par cet escalier. C’était en haut que les paysans dormaient, comment vivaient-ils, eux? Jamais il n’aurait osé demander à Joseph l’autorisation de monter.
Les années passèrent. Pierre grandit hors des sentiers battus, refusant ce qu’on voulait lui imposer, mu par la nécessité de rompre avec son milieu.
Il revenait au château quand sa famille n’y était pas. Une belle complicité s’était installée avec Joseph qui n’avait pas eu d’enfant. Joseph l’appelait toujours Monsieur Pierre, mais ne se privait pas d’une bonne tape dans le dos et de plaisanteries grivoises.
Un hiver, on avait tué le cochon chez Joseph. Tout le village était là. Moyenne d’âge, cinquante cinq ans, pas un seul enfant.  Pierre était là avec sa compagne. C’étaient les plus jeunes de l’assemblée. Odette aussi était là, toute menue, ratatinée par les années.
les femmes avaient fait le boudin, on avait bu et mangé jusqu’au soir et on avait chanté. Ce serait sans doute l’une des dernières fois que l’on tuerait le cochon à la ferme.
Pierre se sentait bien. Il regardait l’escalier en souriant.
Au moment de se quitter, Odette s’est approchée de Pierre et d’une voix fluette lui a demandé: « J’y suis jamais entrée au château, j’aimerais bien y voir dedans… » La voix était timide, mais les r roulaient et les yeux brillaient.
Alors Pierre et sa compagne ont emmené Odette avec eux, lui ont fait visiter le château pièce par par pièce. Odette dévorait tout des yeux, sans voir le papier ancien qui se décollait des murs, les taches brunes aux plafonds et les trous de ver dans le bois des meubles, des planchers et des escaliers. C’était un palais comme ça l’était toujours pour Pierre, depuis sa plus tendre enfance.
Dans un couloir, il y avait  une méridienne aux ressorts défoncés, recouverte d’un tissu vert passé et usé jusqu’à la corde, et le bois mangé par les vers. Odette s’est assise, délicatement, les deux mains bien à plat sur le petit canapé et a dit avec ravissement: « Hé bé, y a de beaux meubles… »

vendredi 1 juillet 2016


La Beauté des Silos


La beauté des silos
C'est le blues des grandes plaines
Le silence des oiseaux
Les pierres levées du routier