mercredi 30 juin 2021


Comme si de rien n'était

(Villers-devant-Orval, 26 juin, 15h)

Elle a changé les rideaux.

Des rideaux de dentelle.

Une dentelle serrée qui dessine des oiseaux.

Au travers, on peut discrètement regarder.

Elle a coupé l’herbe devant la porte.

Elle a redressé la boite aux lettres.

Maintenant elle attend, assise à la fenêtre.

Quand il viendra, vite, elle se lèvera,

elle ira à la cuisine, s’occuper,

elle trouvera  bien une tâche,

faire comme si,

faire comme si on n' avait pas attendu si longtemps.

Il entrera sans frapper,

comme il le faisait autrefois.

Il la trouvera penchée sur l’évier.

Elle ne se retournera pas immédiatement.

Elle dira d’abord: C’est toi?

Comme si de rien n’était. 

mardi 29 juin 2021


Zeuzère

(Zeuzera Pyrina, Villers-devant-Orval, 28 juin, 17h 10)

À la porte ce matin,

une Zeuzère du poirier, dite aussi la Zeuzère du marronnier, ou la Coquette,

un papillon domino qui m’invite au zeu,

à ne zamais me prendre au sérieux,

un coup de dés zamais n’abolira le hasard,

ze zère.

 

lundi 28 juin 2021


Au théâtre du Val d'Or

(Abbaye d’Orval, 27 juin, 22h 40)

Le soleil sombre derrière les arbres,

les chauves-souris prennent la place des hirondelles,

les chants se taisent,

la clé tourne à la porte du cloître,

morts et vivants retournent à leur solitude,

impatients de se retrouver demain

pour jouer à nouveau à la tombée du jour. 

dimanche 27 juin 2021

samedi 26 juin 2021


Sur les sentiers

(Villers-devant-Orval, Belgique, 11h 30)

« On peut être porteur de toutes les vertus, on n’avancera pas d’un brin si amour ne nous embrase »

Je dis cela au tableau 1 de l’acte 2 du spectacle que je suis en train de répéter (L'Or du val, de A. Juliens). 

Ce matin nous sommes en pause. Je suis parti sur les sentiers. 

Aux lignes d’arbres, je parle droit. « On peut être… »

Alors de derrière chaque arbre apparait quelqu’un qui me regarde. 

vendredi 25 juin 2021


Orval

(Abbaye d’Orval, Belgique, 21 juin,19h25)

Ici, adossés aux pierres brûlantes parlent les fantômes.

Ici, on débusque dans les coins d’ombre quelques paroles de paix.

Ici, d’humbles fleurs témoignent au pied des colonnes

Ici, quelques herbes sauvages oscillent au faîte des ruines.

Ici, nichent les hirondelles, le grand duc, et l’espérance d’une communauté.

Ici, fleurissent et chantent les questions.

Nulle réponse au chant, si ce n’est l’écho des murs. 

jeudi 24 juin 2021


Piment et Koukenzout

Pleuvra, pleuvra pas... 

(Villers-devant-Orval, 23 juin,17h)

Piment et Koukenzout

Deux noms qui piquent.

Deux gars inséparables.

Deux gars sourds d’une oreille.

La droite pour Piment, la gauche pour Koukenzout.

Sourds à force de taper sur le fer pour l’aplatir,

à force de taper sur les piquets pour les enfoncer.

Deux gars qui se baladent toujours collés pareil,

Piment à droite de Koukenzout,

question d’oreille et de conversation.

Deux gars qui se balancent dans le paysage,

qui parlent aux grillons et aux libellules.

Pleuvra, pleuvra pas….

Piment et Koukenzout regardent le ciel.

Pleuvra, pleuvra pas…

Ils aimeraient bien qu’il pleuve.

Pour attendre les gens qui sortent aux portes des maisons,

les abriter de leurs parapluies et les accompagner en donnant des nouvelles de la colline balançoire.

Ils sont comme ça Piment et Koukenzout, ils rendent service.

Pleuvra, pleuvra pas…

mercredi 23 juin 2021


Les fleurs

(Villers-devant-Orval, 16h 05)

Les fleurs ne se soucient pas des clôtures 

mardi 22 juin 2021


Le premier homme de Villers-devant-Orval

(Villers-devant-Orval, Belgique, 21 juin, 18h 10)

Un matin d’orage

quelqu’un est venu.

Un homme seul

avec un sac sur l’épaule, 

suivi d’un chien,

un chien à demi sauvage,

qui garde ses distances.

Le chien s’est arrêté,

l’homme s’est retourné,

le chien ne bougeait pas.

Il n’y avait que des bois,

une rivière et quelques pierres.

L’homme a dormi là,

sous un hêtre, au bord de l’eau,

l’après-midi puis la nuit entière.

À l’aube, à quelque pas,

une grosse branche est tombée.

Une feuille a effleuré son visage,

la terre a tremblé,

l’homme s’est réveillé.

Le chien n’a pas bougé.

L’homme a regardé le chien,

l’arbre, la rivière et la terre.

Il a dit:

Oui, nous restons. Ce sera ici.

 

lundi 21 juin 2021


Un jour

(Fleur de baguenaudier, Paris, 12ieme, 18 juin, 19h 10)

Un jour je serai mort

après je ne sais rien

alors au regard des fleurs

dans les éclats du ciel

je souris

à celle que je ne connais pas 

dimanche 20 juin 2021



Miniatures éphémères



 (Vaucresson, 16 juin, 16h 10)

« On est bien peu de chose

Et mon amie la rose

Me l’a dit ce matin… » 

samedi 19 juin 2021


Corto

(Paris, 12ieme, 18 juin, 19h)

J’habite un paquebot amarré le long de l’ancienne voix ferrée.

Je m’appelle Corto. Un jour je serai capitaine. 

Je monterai au dernier étage, on larguera les amarres.

Quand la mer sera là.

C’est ce que dit Justin.

Il ne faut pas le contredire.

Sinon il se tape la tête contre les murs.

Il faut juste  regarder chaque jour avec lui si la mer est arrivée. 

vendredi 18 juin 2021


Retour

(Hendaye, 8 juin, 19h 50)

Dans le chenal

un bateau à voile

douceur du retour 

jeudi 17 juin 2021


Photo volée

(Azay-le-Rideau, Indre-et-Loire, 13 juin, 18h 20)

Ouistiti, le mot pour faire sourire les enfants.

Une photo volée sur les bords de l’Indre un dimanche.

Un air de liberté quand semble se calmer la pandémie.

Un plein de couleur juste avant l’été.

Dans ce coin de paradis, on dirait qu’il n’y a qu’une seule et grande famille. 

mercredi 16 juin 2021


Une herbe

(Vaucresson, 16h 30)

Qu’était-il devenu?

Elle l’avait cherché, elle l’avait appelé.

Comment aurait-elle pu deviner qu’il était là, à deux pas.

Une herbe. 

mardi 15 juin 2021


Œdemère

(Œdemère noble sur Marguerite, Vaucresson, 18h 05)


Passer du temps au jardin.

J’attends que le soleil se pose sur la fleur.

J’attends que l’insecte se pose à son tour.

Il y a peu de temps avant que la maison des voisins ne cache le soleil.

S’il ne ne se passe rien, je vais dans un autre coin du jardin où parvient la lumière.

Ce soir un Œdemère noble est venu, je suis resté jusqu’à ce que l’ombre couvre la fleur.

Voici un coléoptère qui m’était inconnu avec un nom qui me ravit.

Œdemère noble, Œuf de mère noble, Eau de mère noble, Eau de mer noble, Nœud de mère noble…

Et Marguerite, qui était le prénom de ma grand-mère. 

lundi 14 juin 2021


C'est dimanche

(Aire de l’Océan est, Lesperon, A 63, Landes, 13 juin, 6h 45)

C’est dimanche. On ne roule pas.

Portière ouverte, tasse de café fumant sur le tableau de bord, à la radio un air de bandjo.

Marek est planté sur le macadam, mains dans les poches, clope au bec, à côté de son camion, sa maison, son avion.

Regard à l’est. C’est dimanche. 

Mési Bondyé

Gade kouman lamizé fini pou nou…

Planté sur l’Aire de l’Océan,

Tout le jour durant, il va suivre la course du soleil. 

Il n’a que ça à faire. C’est dimanche.

Mési Bondyé

Kade tout sa lanati pote pou nou...

 

dimanche 13 juin 2021

samedi 12 juin 2021


Le club Neptune 

(Hendaye, 10 juin, 21h 25)

Enfants, nous venions le soir escalader les portiques. Il y en avait cinq ou six les uns à la suite des autres, toute une flotte de bateaux pirates.

Il n’en reste qu’un, celui du club Neptune.

Un toboggan et quelques poteaux de bois plantés dans le sable semblent dérisoires dans ce monde sécurisé et formaté.

Pourtant, les enfants ont toujours les mêmes rêves.

vendredi 11 juin 2021


Les choses rondes et les choses longues 


(Hendaye, 10 juin, 21h 45)


C’était le soir.

Ils étaient étendus côte à côte sur le sable. Le vieux avait les mains croisées derrière la tête, une brindille dans la bouche. Arthur, les mains derrière la tête, mâchonnait sa brindille cueillie sur la falaise. Comme le vieux.

Le vieux avait dit:

Tu vois, Arthur, il y a des nuages ronds et des nuages longs, il y a des pierres rondes et des pierres longues, il y a des gens longs et des gens ronds, il y a des chiens longs et des chiens ronds, il y a des choses longues et des choses rondes.

La terre est ronde, la route est longue, la tortue est ronde, la girafe est longue, l’assiette est ronde, le couteau est long.

Il y a des mots ronds et des mots longs. Inexplicablement est un mot long. Tout est un mot rond.

Mouron est un mot rond mais un peu long quand même. Saperlipopette est un mot long mais un peu rond quand même.

L’univers, on ne sait pas. Il est rond et long à la fois, comme la mer.

Par grand vent ce qui est rond roule, ce qui est long oscille et tombe.

Sur les terres de tempêtes, ne vivent que les gens ronds et les animaux  ronds.

Moi, je suis rond et toi Arthur pour l’instant tu es rond, mais tu peu t’allonger, tu es encore petit, tu es en expansion.

Arthur n’avait pas bien compris le dernier mot. Il ne put demander d’explication, le vieux  s’était endormi.

Arthur regarda ses pieds. Il était encore bien plus court que le vieux, et le vieux se disait rond, alors…

Il ferma les yeux, rêvant aux tempêtes prochaines qui le rouleraient sur le sable jusque sur l’eau et pourquoi pas jusque de l’autre côté de la mer.

jeudi 10 juin 2021


Une mer intérieur

(Hendaye, 9 juin, 22h)

L’océan se repose

aucune vague

un simple ressac

celui d’une mer intérieure 

mercredi 9 juin 2021


Au bout de la plage

(Hendaye, 8 juin, 13h 20)

Au bout de la plage

Il y a le parfum des algues brunes

Il y a les rochers jumeaux

Qui veillent 

Depuis que l’homme est homme

Il y a le souvenir d’un enfant

Craignant de poser son pied

Sur une anémone ou un oursin

Cherchant à marée basse

Ce qui vit dans les trous d’eau

Au bout de la plage

Il n’y a plus d’oursins ni anémones

Il y a les algues sur le sable

Il y a l’enfant 

mardi 8 juin 2021


Hendaye

(Hendaye, 7 juin, 20h 45)

Hendaye

et mon cœur

comme la queue du chien 

lundi 7 juin 2021


À chaque fois

(Villedômer, Indre-et-Loire, 6 juin, 12h 05)

J’aime être sur la route

c’est ce que je lui dit

à chaque fois

elle sourit 

à chaque fois

c’est pour ça

que je l’aime tant 

dimanche 6 juin 2021


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 5 juin, 16h 10)

Prendre la tangente 

samedi 5 juin 2021


Les petites dames 

(Philarmonie de Paris, 3 juin, 12h)

Elles vont par deux ou trois, seules plus rarement, les petites dames.

On les voit dans les expositions, les festivals de théâtre, dans les bois, au cinéma.

Elles vont côte à côte, elle parlent beaucoup, même quand elles courent.

Elles rient fort parfois. Elles parlent de leurs enfants et des livres qu’elles ont lus.

Elles attendent leur amie assises sur un banc, elles ont le temps, maintenant.

Elles n’ont pas toujours eu la vie facile les petites dames.

Dieu sait ce qu’elles ont porté et pourtant elles vont avec tant de légèreté.

vendredi 4 juin 2021


Échoué

(Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, 21 mars 2010)


Le lit est sous le toit

et la pluie tombe

à verse

le dos colle au drap

et la forêt danse

 

jeudi 3 juin 2021


Amazonia

(Exposition Amazonia, Sebastião Salgado, Philharmonie de paris, 14h 20)

S’en aller dans la photo sous le regard du gardien.

Je me souviens avoir participé à un travail avec le réalisateur Raoul Ruiz et le metteur en scène André Engel (Salut en passant à Arnaud qui était de la partie et qui fait souvent des photos dans les expositions) au cours duquel nous les acteurs en chair et en os nous nous enfuyions dans le film auquel nous assistions. Nous passions sous l’écran tandis que notre image filmée apparaissait. 

Je voudrais m’en aller dans chacune des photos de cette remarquable exposition.

Certaines images de la forêt sous la pluie sont si saisissantes qu’on en ouvrirait son parapluie.

Les ciels sont d’une intensité rare.

C’est notre première exposition visitée depuis bien longtemps. Une ode à l’Amazonie et à ceux qui y vivent.

Les photos, de très grand format, sont en suspension créant d’étonnantes perspectives. 

Une composition de Jean-Michel Jarre incluant des sons de la forêt et des voix indiennes accentue la sensation d’immersion.

À celui qui a été marqué au cœur par la jungle amazonienne, il ne manque que l’entêtant parfum de la forêt, cette moiteur qui saisit dès la descente d’avion.

Le noir et blanc des photos de Salgado sied si bien aux mystères de la jungle tropicale.

Et puis il y eut cette jeune femme qui allait  lentement d’une image à l’autre poussant un landau dans lequel un bébé de trois ou quatre mois attentif au moindre son écarquillait grand ses yeux.

J’écoutais, je regardais l’enfant,  puis les images et sans cesse revenait au regard de l’enfant, un regard qui dit l’intense désir de comprendre.

Et ce visage résonnait avec ceux des Suruwhá, des Asháninka, des Yawanawhá, des Yanomani, des Korubo, des Zo’é, des Marubo, des Macuxi, ces peuples que le photographe a côtoyés, à qui il dédie ce travail, les gardiens de la forêt qui l’ont accueilli.

Le visage de cet enfant, son attention, me bouleversait autant que les photos. Il me disait à quel point nous devions nous défaire de ce qui nous encombre afin de nous unir d’un bout à l’autre du monde pour préserver l’essentiel.

 

mercredi 2 juin 2021


Rue de la Calinauderie

(Parthenay, 25 mai, 17h 20)

Une rue grise et banale

un nom pétillant

sur le mur ce qui ressemble à des traces de balles

que s’est-il passé

rue de la Calinauderie? 

mardi 1 juin 2021


Au ruisseau des Arcis

(Pougne-Hérisson, Deux-Sèvres, 22 mai, 16h 10)

Ce que m’a dit la pierre au ruisseau des Arcis.

Un homme revenu de guerre

s’est couché là sur la dalle de granit.

Ses talons tremblants cognaient le rocher

et l’eau sur ses pieds fredonnait

des mots d’enfants,

des mots dits avant qu’ils ne s’usent.

Et les branches penchées sur son visage agité

murmurait des mots d’amours,

des mots d'avant le tonnerre.

L’homme est resté là longtemps

tandis qu’on l’attendait à la maison du pont.

Il est resté jusqu’à ce que s’en aille la terre entre ses orteils,

jusqu’à ce que cessent ses tremblements,

jusqu’à ce que le vent se calme entre les feuilles.

L’homme est resté là jusqu’à ce qu’il puisse ouvrir la porte de la maison du pont,

et dire bonjour.

La pierre ne m’a pas dit où l’homme avait caché sa peur.