mardi 31 janvier 2023


L'été au cœur de l'hiver

Le souffle des cordes 

(Travaillan, 12 juillet 2022, 20h)

Samedi dernier nous étions à Marciac. Un ciel bas, un froid suffisamment vif pour transpercer le pantalon, mais pas assez pour durcir la boue qui colle aux semelles. Chez les amis, bananiers et palmiers faisaient la gueule. Nous restions près du poêle, le cul au chaud, tardant à nous découvrir. 

Nous étions venu voir nos amis et assister à un concert, à la Strada, Renaud Garcia-Fons.

Le Souffle des cordes, contrebasse, kemence, qanûn, guitare, alto, violoncelle et deux violons.

Et soudain ce fut l’été au cœur de l’hiver. Jamais concert ne m’avait donné une telle joie. Pendant une heure trente je me balançais comme les blé murs au vent d’autan. La musique de Renaud Garcia-Fons a l’élégance d’une herbe folle. On y voit les abeilles qui partent à l’assaut d’un champ de fleurs, les hirondelles qui tracent dans le bleu du ciel, les foulards qui volent, les visages ouverts, ça tourne, ça court, ça s’envole, ça reste en suspension, ça repart de plus belle, ce sont des champs à perte de vue, des collines arrondies, des chemins les sillonnent et des voix jaillissent de l’une à l’autre. Nous sommes au sud. Dans les villes les rues sont étroites et les enfants sont dehors, dans les champs on travaille à l’unisson. Et le kemence qui sonne parfois comme une voix humaine, celle du muezzin, ou celle de la mère qui appelle sur le pas de sa porte. Chaque instrument affirme sa personnalité, c’est une famille nombreuse, on peut ne pas être d’accord, mais à l’heure du repas on est unis.

Il y a tant de joyeuse humanité dans cette musique, on devrait la diffuser au conseil des ministres, ils nous pondraient d’autres lois…

lundi 30 janvier 2023


Silence

(Étang du Moura, Avéron-Bergelle, Gers, 29 janvier, 12h 05)

Tout se tait. Même le ciel. Le silence de l’hiver dessine les berges à la pointe fine. Une porte s’ouvre, une porte ronde, une main invisible pousse le loquet de bois précieux. Le paysage est si vaste. Et je suis là, parfaitement mort, parfaitement calme, un peu étonné peut-être…

dimanche 29 janvier 2023

samedi 28 janvier 2023


Berceuse

(Marciac, Gers, 12h 20)

Bananier gelé

Palmier l’a froid

Tit doudou aussi

Li chauffe les pieds

Avec z’histoires

Du vent qui pousse

Les zotes zamis

Où ç’qui fait chaud

Où qu’t’a pas besoin

D’y mette le cul

Dans l’pantalon

Où qu’ça chante

Toute la journée

En haut des arbres

 

vendredi 27 janvier 2023


Les voix du restau


(Cazères-sur-l’Adour, 25 janvier, Landes, 15h 35)


J’entends les voix qui filent des fissures.

Des voix fortes, des assiettes qui fument, des godasses crottées, des pantalons tachées.

Le bruit des bouches qui mastiquent sans gène, les cuillères qui tapent sur la porcelaine.

C’est la pause de midi, on rigole de la dernière nuit, on cause du fils qui bientôt viendra bosser.

Qui c’est qui va marier qui, qui c’est qui va s’tirer, qui c’est qu’est bon à rien, qui c’est qu’a perdu un doigt, qui c’est qui va passer sous chef, qui c’est qui va faire la révolution…

Et y a la Suzanne qui va et vient. Elle a quatre bras, quatre mains, quatre jambes, ça ne serait pas possible sans avec tout ce monde à la pause de midi.

Elle les connait tous, elle les nourrit, elle les bichonne, elle les chahute. Y en a un qui rougit facile, c’est son préféré.

Aujourd’hui c’est civet de sanglier, les gars en on tiré deux gros dimanche à la lisière.  Ça parfume le gibier dans tout le restau.

J’entends les voix qui filent des fissures.

Et pas une qui dit qu’un jour y aura plus rien…

 

jeudi 26 janvier 2023


Apprentissage

(Hendaye, 15 janvier, 12h 20)

Célestin fait le tour de la baie sur son petit bateau.

Quand il sera prêt à affronter les tempêtes il fera le tour du monde.

Pour l’instant, il faut vite rentrer au port avant que le ciel ne s’écroule. 

mercredi 25 janvier 2023


Jimi Hendrix et Zorro 

(Hendaye, 22 janvier, 17h 20)

C’est Jimi Hendrix qui joue là bas au bout de la plage

Je cours comme un dératé pour semer mes habitudes

J’arriverai avant que la lumière sur la pierre ne s’éteigne

Je toucherai le feu du soir et je deviendrai Zorro

mardi 24 janvier 2023


Bonne nuit


(Hendaye, 22 janvier, 18h 20)


Le ciel a la douceur d’un « Bonne nuit »

Quand on remonte le drap jusqu’au menton du petit

Quand on remonte le drap sur l’épaule de l’aimée

Quand on remonte le drap sous la barbe du vieillard

Et il y a ce geste sur le visage

Pour balayer quelques miettes, quelques peaux mortes, une larme

Ou simplement passer un doigt sur la fossette que dessine le sourire de l’endormi 

lundi 23 janvier 2023


Les promeneurs, et le temps 

(Hendaye, 22 janvier, 18h)

Matin et soir, il marche, tranquillement, les jambes légèrement arquées, les mains derrière le dos, casquette sur la tête, casquette d’été ou casquette d’hiver. Je croise souvent ce petit homme sur la promenade le long de la plage.

On y vient rencontrer la mer, le ciel, les gens aussi quand on se sent un peu seul.

Il y a deux ans nous nous croisions sans un regard. L’an dernier nous nous sommes rendus compte, l’un et l’autre sans doute, que nous déambulions souvent au même moment.

Cet été nous avons échangé quelques regards. À l’automne, ce fut un signe, un signe discret de la tête. 

Ce soir, nous avons parlé, nous nous sommes dit bonjour.

dimanche 22 janvier 2023

samedi 21 janvier 2023


Projet

(Hendaye, 8h 20)

Quels sont vos projets?

Regarder le soleil se lever. 



(8h 50)



(8h 55)





vendredi 20 janvier 2023


Chagrin d'amour

(Ousse, Pyrénées-Atlantiques, 13h 30)

Le soleil brille, au loin on aperçoit les montagnes enneigées, il ne reste de la tempête que quelques flaques et un peu de boue, pourtant le taureau qui attend sous son arbre a l’air triste, infiniment triste . Un chagrin d’amour peut-être? 

jeudi 19 janvier 2023


Hibarette

(Hibarette, Hautes-Pyrénées,16h 10)

Le chemin est boueux.

Une pluie fine fait fondre la neige.

j’aperçois une mésange accrochée tête en bas sur une branche.

Timide éclat qui file aussitôt dans le sous bois.

Ces oiseaux là ne reste jamais longtemps sur la même branche.

Ce soir je dormirai chemin du Turounnet à Hibarette. 

mercredi 18 janvier 2023


Noir

(Urrugne, 12h 40)


Le froid est là.

La grêle claque sur les tuiles.

Il essuie la buée sur le carreau, lentement. Comme le faisait sa grand-mère au réveil.

La tempête a mangé les couleurs. La neige s’accroche à 700 m.

Vieillissant, il a de plus en plus le goût des couleurs, mais aujourd’hui ce noir lui va.

Il ne sort pas. Il regarde par la fenêtre les montagnes enneigées qui apparaissent et disparaissent au gré des averses.

Ce noir, c’est le noir de la terre que le père prenait à pleine poignée pour en apprécier la substance. Une main large, doigts épais, ongles noirs.

C’est celui des coins sombres que la lueur des bougies et du feu dans la cheminée n’atteignait jamais.

Il ne sort pas. Il regarde celui qui va courbé sous la pluie tenant d’une main sa capuche.

Il regarde le chien qui attend sous l’auvent, le grésil qui blanchit la cour, il regarde et il laisse agir le noir.

mardi 17 janvier 2023


Tempête

(Biarritz, 13h)

Ce sont les jours de tempête, quand la radio répète prudence, prudence, restez chez vous, que le désir de bêtises est le plus fort.

On boit quelques bières, on titube sous le vent, on grimpe en haut du phare, on gueule avec les mouettes et on s’envole…

lundi 16 janvier 2023


Sous la pluie


(Hendaye, 18h 05)


C’est un jour de vent et d’eau, une journée sous marine.

Aucune conversation n’est possible, si ce n’est en langue des signes.

À 17h les réverbères sont allumés, la nuit est restée accrochée au jour.

Il faut aimer la pluie pour s’assoir sur les bancs mouillés.

Michel et Michelle sont venus quand même.

Signer face à face à 17h sous les tamaris c’est un rituel.

Ils ont parlé de la nuit qui goutte, des stalactites et des stalagmites.

Ils se sont demandé s’il existait d’autres planètes avec autant de pluie.

Si les extraterrestres avait eux aussi inventé le parapluie.

Les arbres attrapaient la lumière des lampadaires et Michel et Michelle brillaient.

Ils ont parlé encore et encore, jusqu’à ce que la pluie tape trop fort.

Ils ont parlé de la solitude quand il pleut, de la solitude quand il neige.

Ils ont parlé des bêtes qui s’ébrouent, des fumerolles au dessus du sol quand la terre est chaude.

Ils ont parlé des débordements, des trop-pleins, des effondrements.

Puis ils sont rentrés, le cul trempé, heureux d’avoir tant parlé sous la pluie.

dimanche 15 janvier 2023


Miniatures éphémères

(Hendaye, 14 janvier, 14h 20)

Lecture du dimanche 

samedi 14 janvier 2023


Un cheveux

(Hendaye, 8h 25)

Ce matin il y avait un cheveux sur l’oreiller

Et un oiseau qui me regardait

 

vendredi 13 janvier 2023


U.S.Sauveterrre Rugby

(Sauveterre de Béarn, Pyrénées-Atlantiques, 11H 40)

La salle des Chênes, le local de l’U.S.S, U.S. Sauveterre Rugby.

C’est là que je joue ce matin.

Le terrain est détrempé, la salle semble à l’abandon. Une chanson des Beatles trotte dans ma tête. Back in U.S.S.R.

Le local est glacial. Il me faut un bon quart d’heure avant de trouver les interrupteurs chauffage et lumière. Sous les boitiers électriques, qui ne sont surement plus aux normes, une poubelle pleine de canettes de bière vides.

Le carrelage est poisseux. Plusieurs générations ont joué ici des troisièmes mi-temps débridées.

Derrière le bar, sur les étagères des dizaines de trophées ont remplacé les bouteilles.

Sur les murs,  dans des cadres de traviole, des photos noir et blanc des équipes de rugby qui sont passées par ici, 

Je m’installe devant le bar, que je cache avec un tissu noir. Je monte le décor, aligne quelques chaises. Il y aura plus de soixante gamins.

Comme chaque fois la magie opère. La rouille, les carreaux éclatés, la peinture écaillée, tout cela s’efface. Nous naviguons les enfants et moi au gré d’un spectacle (pestacle) jubilatoire. Les rivages sont verdoyants.

À la fin du spectacle un gamin vient me voir, un grand, CP ou CE1. Il me dit fièrement, les yeux brillants de toutes les aventures collectives: Demain y a match,  on joue contre Hasparren, je joue en deuxième ligne!

Oh, non, cet endroit n’est pas à l’abandon. On y joue, on y joue tant que l’on peut. 




jeudi 12 janvier 2023


La mer est en fête 

(Socoa, 8 janvier, 15h  30)

Des embruns dans l’air

Des cheveux aux vagues

Un boucan d’enfer

La mer est en fête

Et la falaise la regarde

D’un mauvais œil

mercredi 11 janvier 2023


Une femme et son chien

(Hendaye, 7 janvier, 9h)

Une femme et son chien.

Je photographie. Toujours la même photo. La même émotion face à l’espace ponctué de silhouettes isolées.


Le chien bougonne, las de faire toujours la même promenade.

La femme rumine les infos du matin. La retraite, c’est pas pour demain. Il faudra faire deux ans de plus à la blanchisserie de l’hôpital.

Je les entends parler. Le chien rouspète, il veut aller en forêt.

C’est trop loin dit la femme, je travaille dans une demie heure.

Elle pleure. Le chien est surpris. Il cesse de râler.


Je voulais faire parler le chien, les faire s’engueuler, rompre la banalité par une pirouette.

Mais non. Ne vient que le silence. Le silence d’un moment où l’espace et la lumière nous sont offerts.


Chut… Fait le chien, il nous reste une demie heure…

 

mardi 10 janvier 2023


Mitsouko


(Hendaye, 7 janvier, 20h 30)


Nous dinons au bar restaurant  « L’Hôtel de Paris ».

Au bar, un homme comble sa solitude en faisant des blagues.

Quatre personnes viennent s’assoir à la table voisine. La grand-mère, la mère, la fille et un homme qui ne semble pas être de la famille.

Quand la fille ôte son manteau, une fragrance me saisit. Je connais ce parfum. D’où? impossible de me souvenir. C’est ancien, très ancien. 

Chaque passage du serveur provoque un léger courant-d’air qui m’envoie une bouffée de cet envoutant bouquet. 

N’y tenant plus, je demande à la jeune femme le nom de son parfum. C’est la mère qui répond la première. Mitsouko de Guerlain. Je m’excuse de mon indiscrétion mais toute la tablée semble ravie de l’intérêt que je porte à ce délicat et enivrant parfum.

La jeune fille a les cheveux noirs, coiffés au carré. Elle est maquillée, un visage blanc. 

Je leur demande si ce parfum est ancien. Oui, très ancien même, répond la mère. iI a été crée en 1912. Et elle me montre la référence sur son smartphone. Je lis: « La légende d’un amour impossible, union secrète de pêche épicée et de patchouli ».

Je cherche dans les tréfonds de ma mémoire. C’est si bon, si doux. Mon esprit tout entier est soumis à ces effluves. C’est ancien, très ancien. J’étais un enfant.

Ma grand-mère, peut-être. Et si c’était le parfum de ma grand-mère paternelle que j’aimais tant, Marguerite….

Nous quittons le restaurant, Mitsouko ne me lâche pas.

Plus tard je m’endors avec cette tendre senteur. Ma grand mère habitait Sente de la Folie.

Au matin, il me reste encore quelques émanations. 

Mais le souvenir reste incertain.

Il faudra enquêter, sentir à nouveau, interroger ceux qui ont connu Marguerite, et qui sont encore là, c’est si bon, si doux… 

lundi 9 janvier 2023


À vos souhaits

(Domaine de Meysouet, Sindères, Landes, 17h 20)

Ce soir, j’ai trouvé refuge dans une cabane de rondins au pied d’un vieux chêne sur le domaine de Meysouet. Un surfeur au rancart vit ici avec sa famille, un chien noir, cinq poules noires et leur coq. L’homme me dit qu’il a cessé de chercher le paradis loin de chez lui. Vous avez raison lui dis-je, c’est pour ça que je m’arrête à Meysouet. Et j’éternue…

dimanche 8 janvier 2023


Miniatures éphémères

(Hendaye, 7 janvier, 14h 35)

Image d’un monde flottant 

samedi 7 janvier 2023


Le goût du matin

(Hendaye, 8h 45)

7 janvier

Lever du soleil 8h 39

Température 10°

Vent du sud, sud, sud-ouest

Le vent qui lisse la mer, souffle une crête d’écume sur ce qu’il reste de vagues

La journée commence au pas

Il s’agit juste d’être là quand le ciel rougeoie

Cela ne dure pas, mais le goût du matin se prolonge 

vendredi 6 janvier 2023


Lune du loup

(Hendaye, 6h 45)

La lune est ivre et titube sur la baie

C’est l’heure des coureurs de l’aube

L’heure des travailleurs aux yeux mi-clos

Un enfant à peine éveillé appelle

La mère se lève à contre cœur

C’est l’heure des noceurs

Qui remontent leur col en regardant la mer

Fument une dernière cigarette avant d’aller dormir

C’est l’heure du café et des draps froissés

L’heure de ceux qui partent sans rien dire

Les blanchisseuses sont déjà à l’ouvrage

Le jour n’est pas encore levé

Les bêtes sauvages passent en courant

Première lune pleine de l’année

Lune du loup qui court sur la crête

C’est l’heure du cueilleur qui lape le ciel à pleine bouche

 

jeudi 5 janvier 2023


Le Martin-pêcheur 

( Martin pêcheur, Hendaye, 4 janvier, 11h)

On raconte que le Martin-pêcheur fut le premier à quitter l’Arche de Noé.

mercredi 4 janvier 2023


Le palmier du rond-point

ou le Cocotier du Chili 

(Hendaye, 3 janvier, 21h 55)

On a habillé le vieux palmier du rond-point.

Un Jubaea chilensis, ou Jubaea spectabilis, ou Cocotier du Chili.

Je préfère la dernière dénomination, elle me conduit à Valparaiso en compagnie de Luis Sepulveda.

C’est ici au pied du palmier que se retrouvent les sans-domicile du quartier. 

L’un d’entre eux dit qu’il a décoré sa maison et il lève sa bouteille à la nouvelle année.

L’arbre a cent vingt ans. Quand j’étais enfant il en avait la moitié, et moi j’étais deux fois plus petit,  donc il était déjà très grand.

Ce soir à Valparaiso nous trinquons sous une enseigne au néon à deux pas des eaux sales qui clapotent sur les coques au mouillage.

À 22h précises les lumières s’éteignent. Économie oblige.

Nous irons rêver ailleurs. Sur la plage. Dans le noir, avec le bruit des vagues et le blanc de l’écume.

mardi 3 janvier 2023


C'est ma mémoire


(Chateauneuf, Côte-d’Or, 31 décembre 2022, 15h 45)


Toute menue, sur le pas de sa porte, elle nous regarde.


- C’est beau cette vigne qui grimpe sur votre maison!

- C’est ma mémoire… Revenez en automne.


Et elle rentre chez elle, comme si nous l’avions dérangée.

lundi 2 janvier 2023


Superstition

(Grange sèche, Vaudeurs, Yonne, 14 décembre 2022, 18h 20)

Un chat noir dans le noir

Un chat borgne me fixe

Je ne sais comment le prendre 

dimanche 1 janvier 2023


Miniatures éphémères

(Travaillan, 28 décembre, 12h 10)

Dans les roseaux

En vrille

Mais tranquille