mercredi 31 janvier 2018


La Papete


(Tartas, Landes)

Chaque matin je marche jusqu’à la Papete. La Papete c’est mon sang qui bat, un phare au milieu des arbres, le panache de Tartas, l’usine Tembec, anciennement Cellulose du Pin. En 1994, Tartas a failli perdre  son panache. L’usine allait fermer, plus rentable. Trois cent ouvriers sur le carreau, une ville sans avenir. Avec mes camarades on s’est battu, toute la ville s’est mobilisée, l’usine a été rachetée, transformée, tous les emplois ont été sauvés.
J’ai pris ma retraite en 2011, le métier avait changé, il était temps de s’arrêter, j’ avais le souffle court. La Papete ne m’a pas fait que des  cadeaux, capacités respiratoires et auditives en baisse, mais cela n’entache en rien mon amour. Il y a la Papete et Solange. Solange ma femme me taquine, elle m’appelle parfois Papète. Lorsque j’étais enfant je croyais qu’on appelait l’usine Papete à cause de cette fréquente odeur de flatulence. Maintenant ce n’est plus une papeterie, c’est une bioraffinerie, c’est chic comme mot, comme les nouvelles combinaisons jaunes des ouvriers. Avec Solange  on n'a jamais quitté Tartas. Tout au plus on est allé jusqu’à la mer, deux ou trois fois. L’usine, Solange et la forêt m’ont toujours suffi. L’odeur de l’usine, l’odeur des pins, le parfum délicat de Solange, c’est mon territoire.
Voilà ce que m’a raconté l’homme planté les mains dans les poches au bord de la route quand je me suis arrêté ce matin à six heures trente pour photographier les fumées.
Il s’appelle Christian, il a rajouté: ouais, c’est la nuit qu’elle est la plus belle, on lui voit les veines.

mardi 30 janvier 2018


Ce soir je ne dormirai pas


(Hendaye)

la lune est pleine
ce soir je ne dormirai pas
je compterai jusqu’à mille
et je mettrai les bouts
j’irai voir les oiseaux
dans le delta du Mékong
guidé par un vieillard centenaire
je marcherai nus pieds
sur la piste Hô Chi Minh
je parlerai aux morts
et aux grenouilles
je compterai encore
alors il fera jour
alors il faudra se lever
j’aurai les yeux cernés
 je reprendrai la route

lundi 29 janvier 2018


Pukapuka


(Venise, Italie, 22 janvier)

Aldo est né là haut, au dessus du pont Briati, au troisième étage, sur un grand lit blanc, entre une armoire et un coucou suisse, sous un portrait de Nijinski dans L’après-midi d’un faune. Sa mère était danseuse, son père gondolier, son grand-père gondolier. Le coucou a chanté onze heures, Aldo est né, sa mère  s’est dit avant même de regarder l’enfant:  Chouette, je vais à nouveau danser.  Le père s’est dit: Chouette, un fils, il sera gondolier.  Aldo a crié si fort que tout le quartier l’a entendu. Le voisin du premier s’est dit:  Oh, il sera chanteur celui là.  La voisine du second s’est dit:  Tiens, voilà donc un petit dictateur. Et le marchand de journaux s’est dit: La relève est assurée.
La mère a laissé le bébé au père et s’en est allé danser, le père a laissé le bébé à la voisine du second, hors de question de promener les touristes avec un braillard à bord. La voisine du second, qui avait déjà huit enfants, a laissé le bébé au voisin du premier. Celui ci a laissé le bébé au marchand de journaux,  sa femme n’avait jamais voulu d’enfant et elle n’allait pas commencer avec celui d’une autre.
Le marchand de journaux était un homme tendre et attentionné qui savait comment s’y prendre. Aldo a grandi dans le kiosque, chaque jour un journal différent entre les mains. Au début il froissait ou mangeait le papier, puis il a commencé à s’intéresser aux signes et aux images.
Il y avait les journaux italiens bien sur, la Stampa, l’Unita, le Corriere della Serra, Il Piccolo… Mais il y avait aussi tous les grands journaux étrangers: le Monde, le Washington Post, El Pais, Der Spiegel, The Times, Le Soir, Le Mainichi Shimbun… Aldo regardait tout, écoutait attentivement les étrangers qui demandaient un journal ou simplement  leur chemin. Aldo avait des yeux immenses, bruns, si grands, quand il vous regardait on se sentait comme un journal, fragile, prêt à être mangé par ce petit bout d’homme.
À quatorze ans Aldo parlait Italien, allemand, anglais, espagnol, français, portugais et un peu de chinois. Oh, bien sûr il mélangeait un peu tout, mais on le comprenait.
Il ne devint ni gondolier,  ni marchand de journaux, ni chanteur, ni dictateur, ni psychanalyste, il devint linguiste et s’intéressa aux langues rares, en voie de disparition. Il alla jusqu’aux îles Cook, sur l’atoll de Pukapuka. On y parle le Pukapukan, on y ignore l’écriture. Aldo appris la langue et traduisit quelques poètes italiens qu’il lut aux habitants. Une jeune femme tomba sous le charme. Aldo l’épousa et décida de rester jusqu’à ce qu’il ait traduit toute l’œuvre de Dante en Pukapukan.
Hélas un cyclone ravagea l’île, son épouse fut emportée par les eaux et ses travaux détruits.
Aldo revint a Venise. Trente ans qu’il n’y avait plus mis les pieds, même pour la mort de ses parents. Le marchand de journaux s’était chargé des obsèques. Leur cendres avaient  été dispersées dans la lagune. L’appartement n’avait pas changé. Le portrait de Nijinski était jauni, le coucou ne marchait plus, la clé de l’armoire avait été perdue.
Aldo a accroché une photo de sa chère polynésienne à côté de celle de Nijinski, il a fait monté une quantité phénoménale de livres, et il a juré de rester à Venise jusqu’à sa mort, de reprendre ses travaux de traduction et d’écriture Pukapukan.
Voilà cinq ans qu’Aldo est revenu là haut après avoir fait le tour du monde. Quand après avoir beaucoup écrit il fait une pause, il fume une cigarette et boit un verre de Grappa sur la terrasse. De là haut il voit tout le quartier où il a grandi, le Dorsoduro, le quartier limitrophe, San Polo, et le quartier San Marco, de l’autre côté du grand canal. Par très beau temps, il aperçoit les montagnes loin au nord. Il se dit alors que Venise est une ville où il suffit de monter sur sa terrasse avec un verre de grappa pour naviguer. Il ferme les yeux, il voit son épouse arriver par la lagune dans une pirogue polynésienne.

samedi 27 janvier 2018



La femme du tableau


(Venise, Italie, 24 janvier)

Fondamenta Nove dans le Canareggio, face à l’île San Michele. Enzo a bientôt fini sa journée, il fume une cigarette à l’écart des pompes. Ce matin, son premier client fut un bateau-taxi. Le pilote
était un homme râblé, muet comme une carpe, un bonnet de laine enfoncé jusqu’aux sourcils. Enzo ne l’avait jamais vu auparavant. À ses côtés se tenait une femme en robe du soir et manteau de fourrure, le visage très pâle. Tandis qu’Enzo faisait le plein, elle le regardait fixement, la bouche entrouverte, la tête légèrement penchée. À l’instant où passait un vaporetto, elle lui a parlé, le bruit du moteur couvrait sa voix, Enzo n’a perçu que quelques bribes de ses paroles:  « tu peux me… cimetière… ne pas… du marbre noir… deux… » Enzo n’a pas osé lui demander de répéter.
C’est son lot, le lot du pompiste, les bribes, les mots de passages.
Pourtant, maintenant il repense à cette femme. Il est sûr de l’avoir déjà vu quelque part. Oui, il l’a vu, c’est la femme d’un tableau, un tableau d’Edward Hopper, c’est ça, dans le livre que Chiara lui a offert, il en est presque sûr. Mais il ne pourra pas vérifier, le livre a disparu au cours de leur dernier déménagement.

vendredi 26 janvier 2018


Un


(Torcello, Italie, 24 janvier)

À Torcello, l’accordéoniste qui joue sur le chemin du débarcadère à la cathédrale ne connaît qu’un morceau, dans les jardins de la Locanda Cipriani une seule rose est éclose, à l’heure où part le dernier bateau il n’y a qu’un nuage dans le ciel, et moi je n’ai qu’un seul amour qui m’embrassera lorsqu’il fera noir.

jeudi 25 janvier 2018


À l'arrière de la Fenice


(Venise, Italie, 23 janvier)

En 1981 je jouais à l’opéra comique avec une magnifique troupe. Je découvrais les ors des grands théâtres. En coulisse chaque technicien avait une tâche attribuée, l’un d’entre eux avait sa chaise à jardin. Il était chargé d’ouvrir le rideau de scène. Tirer sur la guinde au début du spectacle, se rasseoir, attendre la fin, tirer à nouveau.
Ce soir, à l’arrière de la Fenice je pense à tous ceux qu’on ne voit pas, oh combien indispensables.
À quoi pensait l’homme du rideau pendant le spectacle? À sa famille, à ses soucis, aux prochaines élections, à rien, ou bien suivait-il attentivement le spectacle, rêvait-il d’un voyage à Venise avec la jeune première, une blonde diaphane qu’il embrasserait sur un petit pont à l’arrière de la Fenice?

mercredi 24 janvier 2018


Carlo e Rosetta


(La lagune face à l’île de Torcello, Italie)

Il a cueilli une rose d’hiver dans un jardin de Torcello, 
il s’en va par la lagune vers sa dulcinée,
il arrivera à la rame au déclin du jour,
il accostera sans un bruit le long des vignes,
il traversera le champ d’artichauts jusqu’à l’arrière de la maison,
il prendra garde à ne pas faire grincer la grille,
il décrottera ses souliers à l’aide d’un sarment,
il coucoulera trois fois caché derrière l’olivier,
elle ouvrira la fenêtre, un rayon de lune sur son sein,
il grimpera le long de la glycine,
personne n’en saura rien…

mardi 23 janvier 2018


Jour de lessive


(Venise, Italie)

Aujourd’hui il fait plein soleil, c’est jour de lessive dans le Castello. Dans une petite chambre, Enzo et Chiara, qui ont si peu pour se vêtir, attendent nus comme des vers en s’aimant comme des fous que leur linge sèche.

lundi 22 janvier 2018



Larmes et dessin


(Venise, Italie)

Assise sur la pierre froide, Anaïs pleure un amour enfuit. Une larme coule sur sa joue gauche, s’accroche au grain de beauté, dévie sur le menton. Le sel pique le menton irrité de s’être frotté à la barbe dure de l’amant. Anaïs essuie cette première larme d’un geste rageur. Immédiatement en vient une seconde qui suit le même chemin. Anaïs penche légèrement la tête, la larme s’allonge, se décroche du visage et tombe dans le canal. Un imperceptible ploc. Anaïs penche un peu plus la tête, attentive à l’insaisissable écho, et déjà elle sourit en pensant  au dessin qu’elle fera de ce chagrin.

dimanche 21 janvier 2018


Miniatures éphémères
Petite recette


(Feucherolles, Yvelines, 7 octobre 2017)

Un grain de beauté
Un grain de folie
Un grain de sel
Cheveux et poivre
Mitonner léger
Remuer farouche
Laisser reposer
Caresser longtemps

samedi 20 janvier 2018


Miniatures 5
Excursion


Bois vrillé, coquillages, clous, fer à  cheval et figurines Noch.
Bois et coquilles de mes plages préférées, fer et clous de sentiers de hasard. Cette miniature date de plus de dix ans, il n’ y a que les figurines dont je me souvienne précisément de la provenance, je me fournis toujours au Petit Train Bleu.

vendredi 19 janvier 2018


Une Pizzeria rue Saint-Denis


(Paris, rue Saint-Denis, 18 janvier)

La patronne a la bouche pâteuse et le cheveux défait. Une femme avec ses deux yorkshires attend la fermeture, son mari l’a mise à la porte. Le cuisinier a le regard las de celui qui n’attend plus grand chose. 22h30. Nous sommes les derniers clients. Les pizzas ne sont pas terribles, la sauce est très piquante. Et pourtant il y a là quelque chose de doux et fraternel, ce que la vie dépose après la bousculade, le reflet des solitudes dans la mare du trottoir, le limon qui fait chanter la guitare, le cœur qui tangue aux couleurs de la nuit.

jeudi 18 janvier 2018


Bleu


 (Louvetot, Seine-maritime, 9 novembre 2016)

C’est l’histoire d’un mec tout seul qui raconte des histoires toute la journée et qui le soir écrit l’histoire d’un mec tout seul qui raconte des histoires toute la journée et qui le soir écrit l’histoire d’un mec tout seul qui raconte des histoires toute la journée et qui…

mercredi 17 janvier 2018


Oriflamme


(Entre Hendaye et Saint-Jean-de-Luz, 11 janvier)

La pluie a cessé, le caoutchouc des essuie-glaces grince sur le pare brise. Il faudra changer les balais. Je roule lentement, il y a beaucoup à regarder. De toutes les routes que je fréquente, il y en a certaines pour lesquelles j’ai une affection particulière, elles ont chaque fois quelque chose à m’offrir.
Je suis sur la route de la corniche, entre Saint-Jean-de-Luz et Hendaye. À la radio un dessinateur parle de ses débuts: « À l’école maternelle, on dessine tout le temps, j’aimais trop ça. Pourquoi faudrait-il à un moment s’arrêter? je n’ai jamais lâché mes crayons. »
Et puis il y a ce fragment d’arc-en-ciel sur le ciel noir. Je me gare sur le bas côté et viens au bord de la falaise regarder s’estomper l’oriflamme avec la gourmandise de l’enfant devant une boite de crayons.

mardi 16 janvier 2018



La Procédure


(Couple de Bel-argus sur Coris, Montcélèbre, Hérault, 14mai 2017)

Aujourd’hui lors d’une demande d’un rendez vous à la CNAV on me répond d’une plate forme téléphonique: ce n’est pas possible. Pourquoi? C’est la procédure.
Il y a quelques mois, lorsque je demandai à la personne chargée de nous accompagner lors de la crémation de mon père, pourquoi nous ne pouvions voir le cercueil partir que par écran interposé, elle me répondit: c’est la procédure.
Lorsque je me présente à un guichet sans avoir au préalable pris un ticket numéroté alors qu’il n’y a absolument personne, on m’éconduit, car je n’ai pas respecté la procédure.
Aux enfants qui demandent comment fait-on les bébés, nous répondrons bientôt: il faut suivre la procédure.

lundi 15 janvier 2018


Bandiagara


(Tulle, 18 décembre 2017)

Antoine est né derrière un arbre pendant les moissons, il est venu comme ça, en moins de deux  disait sa mère. Il avait toujours été un garçon facile. Sa seule exigence était de vivre le plus souvent dehors, été comme hiver. Sans doute parce que son premier contact avec le monde fut une feuille morte et quelques brins d’herbes. Il fut impossible de le tenir à l’école, il préférait les fossés et les futaies aux bancs de bois, les nuages au tableau noir. Naturellement, il prit la suite de ses parents à la ferme. Il lui fallut attendre quarante ans pour se marier. Déjà que plus une femme ne voulait épouser un agriculteur, mais de plus un homme qui l’hiver dort toutes fenêtres ouvertes et l’été place son lit au milieu du potager…Il finit par rencontrer sur le marché, un jour où il était venu y vendre trois poules (Une Plymouth et deux Javanaises), une jeune femme qui parlait aux volailles et au bétail. Elle s’appelait Aurore, habitait en ville et travaillait au crédit agricole. Les jours de marché, elle déambulait là où se vendaient gallinacés, lapins et canards, les dimanches elle partait aux champs parler aux vaches et aux chevaux . Son travail l’ennuyait, son patron l’importunait, son appartement l’étouffait. Antoine fut son sauveur. Ce jour là, au marché, Aurore se prit d’affection pour la magnifique Plymouth d’Antoine, un animal d’origine américaine au plumage blanc et noir.
À l’instant où Aurore se pencha sur la cage pour s’entretenir avec la volaille, son corsage craqua libérant un sein généreux, Antoine fit oh, Aurore fit eh. Un mois plus tard il se marièrent, la Plymouth et les deux Javanaises, qu’Antoine avait renoncé à vendre, en demoiselles d’honneur.
Antoine et Aurore s’entendaient à merveille, les bêtes pouvaient circuler en liberté dans la maison qui n’était jamais fermée; aux beaux jours, le potager devenait une chambre magnifique où le lit en bois trônait entre les pieds de tomates et de haricots, un lit assez grand pour y accueillir en sus d’Aurore et d’Antoine, deux chats et un chien.
Ils vivaient ainsi, à l’écart, se contentant de peu, sans rien demander à personne.
Jusqu’au jour où des hommes avec des gilets jaunes, des casques de chantier et des instruments de mesure vinrent rôder autour de  la ferme. Puis des hommes en costume avec des attachés-cases firent des propositions. Antoine et Aurore n’eurent pas trop le choix. Ils furent expropriés pour laissait passer une superbe autoroute que personne ne fréquenterait, ils  furent modestement indemnisés et relogés à l’avant-dernier étage de l’un des ces deux immeubles qui surplombent la ville. De toute façon, vu leur âge , ils seraient bientôt en cessation d’activité. Cessation d’activité, cela faisait parti des expressions qu’Antoine avait du mal à comprendre. Il aura toujours quelque chose à faire, même si nourrir ses bêtes se résume au chien, au chat et aux moineaux qui se posent sur la terrasse.  C'est comme cette autre expression qu’utilisait Aurore quand elle travaillait encore au Crédit Agricole, optimisation. Si agrandir les fenêtres et mettre son lit dehors c’était de l’optimisation, alors oui, il comprenait, mais manifestement il s’agissait d’autre chose.
Ils avaient donné les bêtes, sauf le chien, un bâtard roux avec une oreille fendue, et un chat gris dont la queue cassé faisait un drôle d’angle droit - Aurore l’avait un jour retenu in extrémis par la queue, la lui rompant, alors qu’il allait s’écraser en bas -.
Antoine sut s’adapter. Il installa un fauteuil à bascule sur le balcon. On voyait suffisamment loin, et c’était bien. Aurore par contre ne survécut pas à ce brusque changement, trop de mauvais souvenirs en ville. Ses animaux lui manquaient terriblement. Elle dépérit, puis s’éteignit un soir d’automne sur le balcon dans les bras d’Antoine en regardant passer un vol d’oies sauvages.
Antoine, le chien, le chat et les moineaux se consolèrent tant bien que mal.
Maintenant Antoine passe ses journées, ses nuits, quand le temps le permet, sur le balcon, en se balançant sur son fauteuil. Christiane, une jeune malienne vient trois fois par semaine. Elle fait le ménage, la cuisine, les courses, et passe du temps avec Antoine. Antoine lui parle d’Aurore et Christiane lui parle des siens et de son pays.
Ce matin elle lui a parlé des villages Dogons aux pieds des falaises de Bandiagara. Alors ce soir Antoine se balance doucement, une tasse de café à portée de main. Son  transistor diffuse en grésillant une chanson de France Gall, le chien et le chat dorment à ses pieds, il se dit qu’il est au sommet des falaises et qu’Aurore n’est pas loin, dans l'une de ces grottes sacrées.

dimanche 14 janvier 2018


Miniatures éphémères
Innocence


( Hendaye, Dolium géant ou tonne cannelée, 13 janvier)

Ce mollusque possède des glandes buccales qui, fait unique chez un animal, produisent une sécrétion contenant entre 2% et 4% d’acide sulfurique (Source Wikipedia).

samedi 13 janvier 2018


Poème d'amour (encore)


( La Rhune, encore, par la fenêtre à Hendaye)

La neige a fondu
la montagne est toujours là
langoureux matin

vendredi 12 janvier 2018



Quelques bribes de ma journée et un poème de Ron Padgett


(Paris, 3 janvier 2016)

Ce matin il pleuvait à Labenne comme il pleut sous les tropiques. Je me suis dit encore une fois combien j’aimais la vie de l’eau dans les gouttières.
Cette après-midi à Hendaye, la pluie avait cessé, la houle était parfaite pour un vieux phoque de mon acabit.
Ce soir je suis fourbu, je ramasse quelques bribes de ma journée, me régale d’un poème de Ron Padgett et trouve une vieille photo pour aller avec.

La Course  (Ron Padgett, Poème tiré du film Patterson de Jim Jarmush, traduit par Claire Guillot, éditions joca seria)

Je traverse
des milliards de milliards de molécules
qui s’écartent
pour me laisser passer
alors que de chaque coté
des milliards d’autres
restent là où elles sont.
Les lames des essuie-glaces
se mettent à grincer.
La pluie s’est arrêtée.
Je m’arrête.
Au coin
un garçon
en imperméable jaune
tient sa mère par la main.

jeudi 11 janvier 2018


Je regarde


(Hendaye, Avant-hier)

Ce matin, après le spectacle, dans une école où je suis souvent venu, une femme me demande depuis combien de temps je fais ce métier. Ça fait quarante ans, pourquoi? Vous avez toujours l’oeil qui brille. C’est parce que je regarde passer les couleurs, je regarde voler les cigognes, je regarde courir les chiens, je regarde marcher les vieilles dames, je regarde tomber les arc-en-ciel, je regarde dormir mon amour, je regarde, je regarde, tout ce qui vit, tout ce qui bouge, tout ce qui ne bouge pas, tout ce qui boite, ce qui fleurit et ce qui fane, je regarde toujours au même endroit et ce n’est jamais le même endroit.


(Hendaye, Aujourd'hui)

mercredi 10 janvier 2018



Ruines



Soudain
il n'y a plus personne
juste les cigognes


(Rivière Saas et Gourby, Landes)

mardi 9 janvier 2018


Nos enfants


(Travaillan, Vaucluse, 31décembre 2017)

Ils sont frère et soeur, l’une marche droit tandis que l’autre fait des tours et des détours, ils sont si différents, et leurs visages si semblables. Ils sont jeunes, ils auront à lutter contre les brumes plus que nous l’avons fait. J’ai foi en eux.

lundi 8 janvier 2018


Poème d'amour


(La Rhune, Pays basque, 7 janvier)

Qu’adviendrait-il de celui qui chaque matin regarde le soleil se lever sur la montagne si celle ci venait à disparaître?

dimanche 7 janvier 2018



Miniatures éphémères
Sur un palmier


(Hendaye, 24 décembre)

Il aura passé sa vie à tenter d’y comprendre quelque chose.

samedi 6 janvier 2018


À la maison


(Vaucresson, 1er janvier)

Sur la fenêtre 
Des milliers de gouttes de pluie
Pour un amour

vendredi 5 janvier 2018


Monsieur


 (Hendaye, 25 décembre)

Un jour, sur cette plage, j’avais à peine quatorze ans, quelques poils, et une montre Kelton au poignet, un enfant, un petit, m’a demandé l’heure: Pardon Monsieur vous avez l’heure s’il vous plaît? C’était la première fois qu’on m’appelait Monsieur.

jeudi 4 janvier 2018


Le dernier jour de l'année de mes soixante deux ans


(Travaillan, Vaucluse, 31 décembre)

C’est le dernier jour de l’année. Le soleil a du mal à se lever. le froid pique le bout des doigts, les câbles électriques grésillent. Un garçon en culotte courte surgit de la brume. Il me dévisage attentivement. Je ne bouge pas. Quelque part un chien aboie. Le garçon me tend une trousse d’écolier. Elle est lourde. Je l’ouvre, ce ne sont pas des crayons mais des billes de verre, chinoises et américaines, de toutes les couleurs. Je saisis une bille, la fait rouler entre mes doigts engourdis. je reconnais la trousse, je reconnais le garçon. Je passe la main dans  ses cheveux coupés en brosse. Il rit. Maintenant je suis chauve. Nous ne nous sommes jamais quittés. Éloignés parfois, souvent même, mais jamais quittés.
Et je me dis ce matin sur le bord de la route, le dernier jour de l’année, l’année de mes soixante deux ans, que nous nous retrouverons de plus en plus souvent.

mercredi 3 janvier 2018


Chaque soir était une fête


(Travaillan, Vaucluse, 30 décembre)

L’enfant à neuf mois marchait déjà. Quand le père rentrait du travail, elle courait vers lui en disant : Papa! Lui disait que c’était le premier mot qu’elle avait prononcé, la mère disait que ce n’était que le deuxième, et ces deux là de se chamailler  tandis que la fillette menait son monde. Chaque soir était une fête.

mardi 2 janvier 2018


Le bout du champ


(Travaillan, Vaucluse, 31décembre)

On a dit au vieux Basile, il faut chaque jour marcher un peu. Alors il va au bout du champ derrière la maison. De jour en jour le champ lui paraît plus grand, les ornières plus profondes, la terre plus lourde. Quand le bout du champ deviendra inaccessible, il restera sur sa chaise, il regardera là bas. Le bout du champ est au couchant. Les jours de mistral la lumière y est splendide, des rouges flamboyants, un feu de joie démesuré. Basile sait qu’il n’en n’aura alors plus pour très longtemps et c’est bien ainsi.

lundi 1 janvier 2018


Miniatures éphémères
Brève réponse aux vœux présidentiels


Non, monsieur le président, notre esprit n’est pas un esprit de conquête, notre utopie n’est pas la richesse, elle n’est qu’une danse pour célébrer le fragile.