La femme du tableau
(Venise, Italie, 24 janvier)
Fondamenta Nove dans le Canareggio, face à l’île San Michele. Enzo a bientôt fini sa journée, il fume une cigarette à l’écart des pompes. Ce matin, son premier client fut un bateau-taxi. Le pilote
était un homme râblé, muet comme une carpe, un bonnet de laine enfoncé jusqu’aux sourcils. Enzo ne l’avait jamais vu auparavant. À ses côtés se tenait une femme en robe du soir et manteau de fourrure, le visage très pâle. Tandis qu’Enzo faisait le plein, elle le regardait fixement, la bouche entrouverte, la tête légèrement penchée. À l’instant où passait un vaporetto, elle lui a parlé, le bruit du moteur couvrait sa voix, Enzo n’a perçu que quelques bribes de ses paroles: « tu peux me… cimetière… ne pas… du marbre noir… deux… » Enzo n’a pas osé lui demander de répéter.
C’est son lot, le lot du pompiste, les bribes, les mots de passages.
Pourtant, maintenant il repense à cette femme. Il est sûr de l’avoir déjà vu quelque part. Oui, il l’a vu, c’est la femme d’un tableau, un tableau d’Edward Hopper, c’est ça, dans le livre que Chiara lui a offert, il en est presque sûr. Mais il ne pourra pas vérifier, le livre a disparu au cours de leur dernier déménagement.
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