samedi 31 août 2019


Alphonse le bossu


(Kourou, Guyane, 5 avril)

Alphonse le bossu vient enfouir ses soucis sous la laisse de mer au pied de l’arbre tordu.
Il vit aux lisières juste avant que la piste de latérite ne disparaisse sous les opulentes frondaisons.
Il vient à la mer par des chemins que lui seul connaît. Il traverse la ville endormie comme un animal apeuré.
Il voue une infinie reconnaissance à ce petit arbre qui résiste là où mer et forêt se rejoignent, à l’embouchure du grand fleuve, où tout est démesuré.
Alphonse le bossu n’est pas fait pour le monde des plus-values. Il compte au rythme des marées,
ses amis sont la pluie et la chauve-souris.
Alphonse le bossu sait qu’il n’est pas seul, l’arbre lui a dit, ils sont des milliers.

vendredi 30 août 2019


Astérisque


(Forêt de Rambouillet, Yvelines, 26 août)

Troncs croisés au bord du sentier.
Barrière, rature,
ou astérisque incitant à se détourner du chemin,
fouler les fougères à la rencontre de l’oiseau inconnu?

jeudi 29 août 2019


Le Clou


(Cayenne, 13 avril)

Le Clou. C’est son nom. Le seul qu’on lui connaît. Grand, sec, la peau tannée et scarifiée. Du métal rouillé. Il se plante au centre de la piste, les jambes fichées dans le bois, les yeux fermés,  son long corps oscillant sans cesse au rythme du Zouk dans un équilibre improbable, ses bras comme les tentacules d’un poulpe effaré.
Chaque soir, le Clou, au centre de la piste. Les couples gravitent autour de l’astre squelettique, se précipitent quand le corps décharné fait un angle de quarante cinq degrés avec le plancher, mais jamais il ne tombe.
Le Clou brûle, le bois est noir sous ses pieds, le Clou ruisselle, le bois est humide sous ses pieds.
Vient l’instant où le Clou est seul sur la piste. La musique cesse, Julieta retourne les chaises sur les tables, le Clou s’immobilise, lentement, un lac après le vent.
Le Clou embrasse Julieta, sort et salue le petit jour avec un rire gorgé d’amour.
Seule Julieta connaît son histoire. Celle de l’enfant qui a survécu au grand tremblement de terre, qui est resté debout au centre de l’amas de briques de bois et de tôle qui a avalé sa famille.

mercredi 28 août 2019


Accord parfait


(Forêt de Rambouillet, 26 août)

Un arbres tombé, quelques pierres posées.
Un inconnu est passé.
Était-ce l’aube, la veille, deux, trois jours plus tôt?
L’inconnu était-il seul, était-ce un homme, une femme.
Et si c’était un enfant, un enfant qui croit aux sorcières?
Comment était ses mains?
Paumes larges, saisissant la pierre en entier?
Paumes étroites, à deux pour une pierre?
Et son regard?
À-t-il vu immédiatement l’arc en travers du sentier,
le rocher gris?
Les a-t-il vus ensemble, où l’un puis l’autre?
Quelle était la couleur de ses yeux?
Quelle était la lumière sur les feuilles et la bruyère?
À-t-il su immédiatement ce qu’il allait faire
des pierres dans le sable?
Combien de temps l’inconnu a-t-il passé là
au bord du chemin?
Autant que moi, qui m’arrête,
tout à la joie de cet accord parfait?

mardi 27 août 2019


Au commencement


(Vaucresson, 24 août)

Au commencement il y eut une punaise, une punaise sur un bouton de fleur, une fleur d’hibiscus.
C’était au temps où tout n’était que fourmillement sur la terre.
Et la fleur s’ouvrit. L’arbre offrait une robe à l’insecte. Une robe mauve.
La punaise devint derviche. Tête rouge sur robe mauve. Et elle tourna, de plus en plus vite.
Et d’autres punaises accrochées aux bourgeons devinrent derviches.
Elles tournèrent, de plus en plus vite. Étonnées de tourner. Et leur traits s’affinèrent.
Et elles devinrent hommes et femmes, multitude boutonnée de propre.
Hommes et femmes pourvus de la beauté des fleurs et du parfum des punaises.

lundi 26 août 2019


Flamme


(Sur le Grand Morin, Crécy-la-Chapelle, Seine-et-Marne, 25 août)

Au fil de l'eau, sur le Grand Morin, nous avons salué le héron et les grands saules.
Sous les oriflammes posés en offrande sur la rivière nous nous sommes dit combien nous nous aimions.
Et ramant en cadence nous confiions au silence notre désir qu’il n’y ait d’autre flamme que celle de l’amour.

dimanche 25 août 2019

samedi 24 août 2019


La douceur des fleurs


(Vaucresson, petite araignée sauteuse et petite abeille noire sur l'herbe à poux)

L’enfant regardait les fleurs sans bouger depuis un quart d’heure. Sa mère l’observait discrètement, de la fenêtre de la cuisine. Son petit homme passait tant de temps au jardin. Elle souriait, soulagée de le voir attiré par la douceur des fleurs, loin de la violence du père.
Elle était à mille lieux d’imaginer le sauvage festin qui intéressait l’enfant.

vendredi 23 août 2019


À sept mille kilomètres


(Vaucresson, 19 août)

Une forêt brûle, là où les arbres dansent, où les racines courent sur la terre rouge et jaune, où des singes hurlent comme des hommes revenus d’outre tombe, où  l’éclat des papillons bleus perce l’obscurité du sous bois, où l’œil du jaguar s’étonne d’être toujours là.
À sept mille kilomètres, une fleur offerte au jour, une fleur qui dit l’amour sans retenue.
Et l’odeur du feu par la fenêtre ouverte.

jeudi 22 août 2019


Le mur


(Villeneuve-les-Avignon, 20 juillet)

À force de regarder le mur,
des routes, des rivières, des collines apparurent.
Puis ce fut l’oiseau.
Et l’œil de l’oiseau le scrutait.
Et l’oiseau disait la rose, et l’oiseau disait le vent.
Et il devint poussière,
porté par l’eau, porté par l’air,
au-delà des grilles,
là où est toute vie.

mercredi 21 août 2019


Question de nom
(Suite des aventures de Rick Delaveine)


(Hendaye, 16 août)

Retour à la maison. S’il devait se choisir un port d’attache se serait Hendaye-Plage. Rick est venu passer quelques jours, le temps d’échanger quelques blagues avec sa vieille mère. Elle marche mal, elle a la peau usée comme un vieux vêtement mais elle a le rire chevillé au corps. L’idée que bientôt elle pourra saluer de vive voix son ancêtre dont elle salue chaque jour le portrait en descendant les escaliers déclenche de magnifiques salves.
Ce soir elle s’est couchée tôt. La nuit dernière fut difficile, insomnie, chute, soins, une aube qui a un goût d’épilogue.
Rick a trainé toute la journée sur la jetée, imaginant de nouvelles mélodie sur les visages en vacances. Il a un disque à préparer, son producteur se fait de plus en plus insistant, mais avec les incessants concerts de juillet, Rick veut juste du bon temps.
À vingt heure il a croisé une fille sur le port assise sur un banc, léchant une glace à l’italienne. Elle l’a regardé avec insistance, il s’est arrêté.
- On se connaît?
- Peut-être.
- Bilbao?
- ….
- Amsterdam?
- …
- Stockolm?
- Vous êtes acteur?
- Musicien, batteur, vous aimez le jazz?
- Non. Vous aimez les fleurs?
- …
Elle s’est approchée de lui, lui a parlé de l’Ipomée volubile, une plante à fleurs bleues qui s’enroule sur le bois dur. Rick était ferré. Il a attendu qu’elle finisse sa glace et l’a embrassée goulûment, un baiser vanille fraise.

- Les fleurs, et le Rock and Roll…
- Ah, oui… c’est bien aussi… moi, du moment que ça swingue. Si on allait au cinéma à côté, ils jouent le dernier film de Tarentino, il parait qu’il y a une bande son d’enfer…
- Pour ceux de ta génération?

Et pan, dans les  dents. Elle avait bien dix ans de moins que lui.
Elle a ri, un rire aigu, comme sa mère; Cette fois ci, c’est elle qui l’a embrassé.
Ils sont allés au cinéma. Le film lui a plu, touché par cet acteur ringard, Rick Dalton et sa doublure Cliff Booth. Par contre, elle, elle s’est endormie contre lui. La violente bagarre à la fin l’a réveillée, elle n’a pas supporté.
Ils sont allé boire des Mojitos au casino pour faire passer le cauchemar.
Rick s’est dit que ce ne serait pas une bonne idée de lui dire qu’il s’appelait Rick Delaveine.


mardi 20 août 2019


Petite abeille


(Vaucresson, 19 juin)

Petite abeille 
recroquevillée sous la pluie,
Vit-elle encore?

lundi 19 août 2019


Sophora pleureur


(Sophora japonica Pendula, Buxerolles, Vienne, 18 août)

Malgré ses craintes et ses doutes, il ne cesse de s’épanouir.


dimanche 18 août 2019

samedi 17 août 2019


Oiseaux de bois pour métamorphoses chamaniques


(Hendaye, 16 août, matériaux venant des plages et des montagnes d’ici)

Pas la moindre vague
le ressac est si léger
alors je regarde le ciel
dispose mes oiseaux de bois 
sur la terrasse ensoleillée
prêt aux métamorphoses chamaniques

vendredi 16 août 2019



Temps suspendu


(Hendaye, 15 août, 21h30)

Temps suspendu, impressions.
L’instant, avant la caresse, infime arrêt avant que la main ne se pose sur la peau.
Plus intense que la caresse elle même.
Encore plus intense, l’élan, la naissance du geste.
Et peut-être plus intense encore l’idée du geste, son origine.

jeudi 15 août 2019



Miniatures éphémères


(Villeneuve-les-Avignon, 19 juillet)

L’étreinte

mercredi 14 août 2019



Plurivers


(Autoroute A10 entre Poitier et Bordeaux, 22h30)

Escapade, la route me happe, pleine lune, lanternes rouges, la joie d’être au monde, immense. À la radio un astrophysicien dit: "Il serait peut-être temps de parler de Plurivers et non d’Univers".

mardi 13 août 2019


Prosopagnosie


(Villeneuve-les-Avignon, 10 juillet)

Prosopagnosie, lui avait on dit après son AVC. Ce pourrait être le nom d’une plante grimpante s’accrochant sous son crâne. Chaque visage lui était devenu étranger. Il lui avait fallu reconstruire son monde. Il avait conservé la parfaite mémoire des étreintes, des baisers, des caresses, des brûlures, des coups. Il entreprit d’inscrire un nom face à chaque sensation retrouvée. depuis un an, il avait déjà rempli vingt trois cahiers. Il arrivait à la première fois qu’il fit l’amour. Elle s’appelait Anne, sa peau était étrange, légèrement granuleuse, une peau d’extra-terrestre, elle avait une grande connaissance des pratiques amoureuses malgré son jeune âge, ils avaient quinze ans. Son sexe était d’une inimaginable douceur. Ce souvenir lui provoqua une immédiate érection.
Mais surtout il entrevit un début de visage, un visage rond, une coiffure au carré, cheveux raides, mi-longs. Une lueur d’espoir apparut. Lorsqu’il arrivera aux premières caresses, celles de la mère qui sort l’enfant du bain, sera-t-il enfin capable de mémoriser à nouveau le visage de celle qui le mit au monde?

lundi 12 août 2019


"L'œil verrouillé"


(Vaucresson, 19h)

« L’œil verrouillé »
Il y a dans mon jardin quelques personnages étranges faits de bric et  de broc ramassés ici et là. Le temps les transforme, les vers mangent le bois, le fer se couvre de rouille, les tissus palissent, les pierres se couvrent de mousse.
Celui-ci est à l’abri sous la gouttière de la cabane. Une pierre de l’Aygues, cadenas et clous glanés sur un sentier de Cairanne, cadre de bois et galet  d’Hendaye.
Cela fait un moment que je n’ai rien ramassé, si ce n’est quelques mots et beaucoup de questions sur les sentiers du théâtre.
Ce soir, après une journée enfermé dans la salle de répétition, j’ai soif d’espace, de mer et de vagues. Le regard cherche, dans chaque recoin du jardin où se pose la lumière, par où s’échapper.
Les cernes du bois ont la pureté des lignes de vagues, les ombres de l’érable le piquant des paradoxes qui nous hantent, et la pierre me fait un clin d’œil.

dimanche 11 août 2019


Miniatures éphémères


(Vaucresson, 7août)

« Qu’est ce que j’peux faire…J’sais pas quoi faire… »

samedi 10 août 2019


Une échelle contre le ciel


(Villeneuve-les-Avignon, 16 juillet, 23h)

J’ai posé une échelle contre le ciel
pour allez voir derrière
j’y ai vu mon amour
elle frissonnait dans le noir
j’ai remonté la couverture
je l’ai regardée dormir
elle emplissait la nuit

vendredi 9 août 2019



Un coin de table


(Atelier de L. Chapellier, Maisons-Alfort, Val-de-Marne)

Encore plus que les œuvres, les ateliers d’artistes sont des pays singuliers où il fait bon se blottir.
Il y a toujours un coin qui semble fait pour vous, vos rêves d’ailleurs, de fantaisie et de profondeur.
Aujourd’hui nous venons pour des essayages  de costumes dans l’atelier de Laurence. Tissus et plumes, un enchantement pour des hommes oiseaux.
Je repère un coin de table. Je me ferai minuscule, je me poserai là, on m’oubliera et je regarderai travailler l’artiste. J’ai tant d’admiration pour ceux qui de leurs mains créent la beauté.

jeudi 8 août 2019


L'envol


(Vaucresson, 7 août)

Depuis quelques semaines il ne mange plus que des graines. Radio, télé, ordinateur, frigidaire, tous les appareils sont débranchés, la maison est extraordinairement calme. Ni ronronnement, ni veilleuse, juste le bois qui craque et la lune à la fenêtre. Partout des livres ouverts, Atlas, livres d’art, Chagall, Miro, Hokusaï…, traités des nuages et du vent, Éloge de l’ombre, La longue route, Le pays sous l’écorce, L’alpiniste, Les évaporés du Japon, Le Hibou et la baleine…
Ferdinand est prêt. Il attend, accroupi, nu, sur les escaliers, depuis l’aube. Au crépuscule, il monte au grenier, comme le poisson qui monte des bas fonds, il ouvre le vasistas, aspire une grande goulée d’air, grimpe sur le toit et s’envole.

mercredi 7 août 2019


Le Liseron


(Vaucresson, 19h)

Nous sommes quatre, un épervier, un chardonneret, un perroquet, une huppe. Au dessus du monde en feu nous volons vers le roi Si-morgh. La Huppe va devant, apaise nos doutes et donne la route. Un chemin de questions et de révélations. Révélations ne sont pas nécessairement réponses. Vivre avec ses questions disait R.M.Rilke.
Quatre acteurs, un metteur en scène, pour "Le jour des oiseaux". Un quatuor (D’autres nous rejoindront plus tard) en chemin tout le jour durant cherchant entre les quatre murs de la salle de répétition une issue à ce monde bancal.
Alors quand le soir je rentre à la maison fourbu du voyage, je me pose au jardin. Là, le corps au repos, je m’étonne et m’interroge devant ces architectures minuscules qui se dissimulent dans la végétation.
Ce soir ce sera le Liseron qui s’accroche et fleurit sur tout ce qui se dresse.

mardi 6 août 2019


Entre deux averses

  
(Vaucresson, 19h)

Au jardin 
entre deux averses
ce sont des milliers 
d’yeux rieurs
qui me regardent
et l’oiseau
trempe ses ailes 
dans la gouttière


lundi 5 août 2019


Au mois d'août à Vaucresson


(Vaucresson)

Pas un cri, pas un rire, un grand vide. À Vaucresson, petite ville bourgeoise de la banlieue Ouest, les enfants sont partis en vacances, le square est désert. Le jardin est à mi chemin entre la maison de Colette et le super-marché. Colette fait ses courses à quinze heures trente, le lundi et  le jeudi . Au retour, il est seize heures trente quand elle repasse devant le square tirant  son caddie trop lourd, Colette achète souvent des trucs qui ne lui servent à rien, elle aime bien.
C'est la sortie de l’école. Les nounous - à Vaucresson il n’y a que des nounous africaines pour des mômes vêtus à la dernière mode - amènent les gosses au square, histoire de papoter avant de rentrer préparer le goûter.  Colette s’assoit sur un banc, on la connaît, on lui fait une place, et elle reste là un moment, profitant des conversations animées et du pépiement des petits.
Aujourd’hui, Colette fait juste une petite pause. C’est le mois d’août, les pioupious se sont envolés, c’est comme ça qu’elle les appelle les mômes de son quartier, les pioupious.
Elle regarde le ciel. Ce matin il était parfaitement bleu, maintenant il est pavé de nuages blancs. Elle se souvient qu’elle a laissé les fenêtres ouvertes, il ne faut pas tarder. Elle accélère le pas.
Dans son petit immeuble, il ne reste qu’elle, personne pour l’aider à monter le caddie au premier étage. Elle grimpe marche après marche, halant le chariot qui roule sur les rebords. Elle prend le temps de souffler avant de sortir ses clés. Trois tours, il faut bien fermer sa porte, surtout au mois d’août, lui a-t-on dit. Elle ouvre et referme, trois tours. Il ont mis des affichettes à la mairie pour les "Voisins vigilants" mais ça ne sert à rien, ils sont tous partis. Elle range ses commissions, le frais dans le frigidaire qui givre de plus en plus, les provisions avec les provisions. Ah, elle a encore acheté des boites de foie de morue, il y en avait déjà quatre d’avance. Et ce qui ne se mange pas et ne sert pas à grand chose elle le laisse sur la table, en attendant.
Au mois d’août Colette s’ennuie un peu. Le square est désert, ses copines de Scrabble sont en vacances chez leurs enfants, personne ne passe dans la rue, rien à regarder par la fenêtre, si ce n’est le balancement des feuilles qui pâlissent déjà.
Les seuls qui ne semblent jamais prendre de repos sont les démarcheurs téléphoniques. Colette répond systématiquement, ça l’occupe. Hier elle est restée un quart d’heure avec un homme qui voulait changer ses fenêtres. Elle lui a décrit les huisseries, la peinture qui s’écaille, le bois gonflé, comme c’est difficile de faire les vitres à son âge, la vue sur la rue où les petits commerces ferment les uns après les autres, elle lui a demandé s’il était marié, s’il avait des doubles vitrages, elle, elle préfère les simples vitrages, elle aime les bruits du dehors, la rue, les enfants, les oiseaux. Elle ne cessait de parler, l’homme ne pouvait en placer une, c’est lui qui a raccroché, Colette l’a trouvé bien malpoli.
Colette regarde le thermomètre, 28°, il fait un peu moins chaud, c’est bien, elle boit un verre d’eau, ça aussi c’est sur les affichettes, il faut boire, comme si  elle n’était pas capable de savoir quand il fait soif.
Personne ne viendra la voir aujourd’hui, alors elle s’installe dans son fauteuil avec la boite qui contient toutes les lettres d’amour qu’elle a reçues. Elle les relit pour la nième fois à haute voix, en prenant bien le temps de se remémorer chacun de ses correspondants, leur voix, leur odeur, leur façon d’aimer. Ainsi le temps passe agréablement.
Au mois d’août à Vaucresson, Colette s’ennuie un peu, ça la repose, ça lui fait des vacances.

dimanche 4 août 2019


Miniatures éphémères


(Villeneuve-les-Avignon, 10 juillet)

Orgue de Barbarie

samedi 3 août 2019



La grande roue



(Avignon, 5 juillet)

La grande roue brasse la nuit des amoureux

vendredi 2 août 2019


Failles corticales


(Vaucresson, 1er août)

Perdu dans la contemplation de ce qu’il reste d’une fleur, miroir de son cerveau mutant aux excroissances neuronales, monstre perplexe devant les failles de son cortex, Jean tente de garder l’équilibre en égrenant les lois de la physique quantique.
Dix huit heures, c’est l’heure du diner, la cloche sonne, Jean regagne le réfectoire à pas mesurés, quelques formules mathématiques en guise de déambulateur.


jeudi 1 août 2019



De retour


(Vaucresson, 19h15)

Tout est sec, les herbes sont hautes et jaunes, les chardons ont pris leurs aises, douceur et sauvagerie, les rosiers semblent pétrifiés, la table du jardin est couverte de noisettes tombées trop tôt. Après un mois d’absence, il faut nettoyer, tailler, laisser les nouveaux venus s’ils ont trouvé une belle place. Je cherche une fleur encore vaillante, il n’y en a qu’une minuscule, jaune et bordeaux, les couleurs de la cape de Jack l’Éventreur, l’un des personnages qui peuplent le spectacle que je viens de jouer un mois de suite loin du jardin. Une fleur minuscule et fière dans les herbes sèches. Je suis de retour. À peine le temps de poser les valises et je me suis remis au travail. Nous répétons un spectacle adapté de la Conférence des Oiseaux de Farid-ud-Din-Attar, les écrits de Olivier Messiaen sur l’ornithologie et la Genèse. Un beau voyage en perspective, ouvrir ses ailes sans crainte, se laisser porter au grès du vent. Au bout de trois jours je sens déjà que de nouveaux muscles sont sollicités.
Ce soir, j’arrose le jardin assoiffé, et n’oublie pas de disposer une écuelle pleine d’eau pour les oiseaux de passage.