Le Clou
(Cayenne, 13 avril)
Le Clou. C’est son nom. Le seul qu’on lui connaît. Grand, sec, la peau tannée et scarifiée. Du métal rouillé. Il se plante au centre de la piste, les jambes fichées dans le bois, les yeux fermés, son long corps oscillant sans cesse au rythme du Zouk dans un équilibre improbable, ses bras comme les tentacules d’un poulpe effaré.
Chaque soir, le Clou, au centre de la piste. Les couples gravitent autour de l’astre squelettique, se précipitent quand le corps décharné fait un angle de quarante cinq degrés avec le plancher, mais jamais il ne tombe.
Le Clou brûle, le bois est noir sous ses pieds, le Clou ruisselle, le bois est humide sous ses pieds.
Vient l’instant où le Clou est seul sur la piste. La musique cesse, Julieta retourne les chaises sur les tables, le Clou s’immobilise, lentement, un lac après le vent.
Le Clou embrasse Julieta, sort et salue le petit jour avec un rire gorgé d’amour.
Seule Julieta connaît son histoire. Celle de l’enfant qui a survécu au grand tremblement de terre, qui est resté debout au centre de l’amas de briques de bois et de tôle qui a avalé sa famille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire