L'homme au parapluie
(Arborétum de Chèvreloup, Yvelines, 6 octobre, 17h)
Elle surveillait la salle M, la salle de l’Homme au parapluie. Toute la journée elle pianotait sur son portable en mâchonnant du chewing-gum. Veiller au tableau, veiller à ne pas se faire surprendre le smartphone à la main par son supérieur, regarder les images défiler sur son compte Facebook, son œil avait l’agilité de l’épervier.
Le tressaillement de l’homme au parapluie, l’infime changement de direction de son regard ne lui avait pas échappé. Le musée était désert, elle s’est approchée du tableau et l’a photographié comme si la photo plus que la réalité pouvait seule témoigner de cette surprenante modification.
L’homme a alors ôté son chapeau qu’il a laissé en suspension dans le bleu du ciel, a tendu la main hors du cadre, s’est emparé du téléphone qu’il a placé à l’aplomb du couvre-chef, puis est sorti du tableau, tenant le parapluie ouvert, offrant son autre main à la jeune fille.
Elle hésita une seconde, puis accepta la main tendue. Au contact de l’homme la fébrilité de ses doigts et de son œil cessa aussitôt, la jeune fille n’avait plus qu’un désir, marcher à pas tranquille dans les allées du parc en compagnie de cet homme qui n’était pas sorti depuis si longtemps.
On ne revit jamais la gardienne de la salle M.
Personne ne comprit comment le fameux tableau avait été remplacé par cet autre tout aussi étonnant: dans le bleu du ciel sur un smartphone en suspension sous un chapeau melon la réplique parfaite de l’Homme au parapluie, enfin presque parfaite, le regard était différent.
Surréaliste, cher Pierre Magritte! Respect!
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